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mes de loi de la ci-devant province de Flandre, une déclaration du 14 février 1549, qui, en interprétant l'art. 16 du placard du 4 octobre 1540, porte que l'article ci-dessus mentionné ne se doit entendre à l'effet que de prescrire les salaires des avocats, procureurs et autres praticiens, quand tels praticiens continuent leurs services après les deux ans, à compter du jour de la prononciation de la sentence definitive de chacun des procès ; par laquelle sentence un tel procès, auquel tels prati ciens auraient servi leurs maîtres, serait, en principal et tout ses membres, décidé et terminé.

» Il est vrai encore que cette déclaration a été étendue par l'usage aux hommes de loi du Brabant, et que le président Wynants, §. 194, no 3, rapporte deux arrêts du conseil souve rain de ce pays, des 19 juillet 1706 et 1er février 1709, par lesquels il a été jugé etiam in Brabantia obtinere interpretationem datam pro advocatis Flandriæ, 14 februarii 1549.

» Mais dans quel cas cette déclaration veutelle que la Prescription ne courre contre les hommes de loi, que du jour de la prononciation de la sentence définitive de chacun procès? Dans le seul cas où tels praticiens continuent leurs services après les deux ans.

» Or, après les deux ans, Charles-Alexandre Desvignes a-t-il continué ses services dans la cause de Nicolas François? Non; il s'est, au contraire, mis dans l'impuissance légale de les continuer, puisqu'il a déserté son pays, qu'il a fui chez l'étranger, et que, par son émigration, il a encouru la mort civile, état dans lequel il ne pouvait certainement plus exercer, dans un tribunal français, les fonctions d'homme de loi.

>> Le tribunal de première instance de Nivelle a donc méconnu, en rejetant la Prescription opposée à Desvignes par Nicolas François, non seulement la disposition générale et abso lue du placard de 1540, mais encore la condition de laquelle la déclaration de 1549 fait dépendre l'exception qu'elle appose à cette loi. » Mais ce qu'il y a de plus révoltant, c'est le prétexte dont le tribunal de première instance de Nivelle a entrepris de pallier cette double contravention. Pendant son absence, a-t-il dit, Desvignes a été dans l'impuissance d'intenter son action; ainsi, les délais pour la Prescription, n'ont pu courir contre lui que depuis son retour...

» Que des magistrats autrichiens eussent tenu un pareil langage, en rendant la justice au nom de l'empereur d'Allemagne, réintégré par la force des armes ou par un traité de paix, dans la possession de la Belgique, cela se

concevrait. L'émigration de Desvignes n'au rait, à leurs yeux, rien que de naturel et de légitime; et il serait tout simple qu'ils en fissent pour lui un moyen de suspendre la Prescription.

>> Mais que, dans un tribunal français, l'émigration, que nos lois ont qualifiée de délit, et qui a eu besoin de toute la clémence du gouvernement pour être amnistiée, devienne un titre de soustraction à l'empire des lois qui asdans un sujétissent tous les citoyens; que, tribunal français, un homme doive être mieux traité pour s'être rendu coupable d'émigration, qu'il ne pourrait l'être, s'il était demeuré constamment fidèle à sa patrie ; que, dans un tribunal français, un avocat de Nivelle, qui aurait encouru la Prescription s'il était venu résider à Paris, après avoir abandonné la défense de ses cliens, soit jugé ne pas l'avoir encourue, parcequ'il est allé résider à Vienne, c'est un paradoxe qui se détruit par sa seule absurdité!

>> Cette manière de juger est d'ailleurs, dans l'espèce, en opposition manifeste avec un principe écrit dans toutes les lois relatives aux émigrés rayés, éliminés ou amnistiés. Ce principe est que, pendant tout le temps que les émigrés ont été inscrits sur la liste destinée à constater leur émigration, ils ont été représentés tant activement que passivement par la république. » Il résulte, en effet, de ce principe, que la république est devenue, par l'émigration de Desvignes, propriétaire de la créance qu'il avait en l'an 2 sur Nicolas François; que, dèslors, c'est aux agens de la république que Nicolas François a dû payer ce qu'il pouvait devoir à Desvignes; que par conséquent, Nicolas François a prescrit contre la république par le seul laps des deux ans qui ont suivi le moment où Desvignes a cessé de lui prêter son ministère d'avocat ; qu'ainsi, la Prescription s'est trouvée acquise dès l'an 4, à Nicolas Francois; et que Desvignes n'a pas pu, six ans après, en succédant à la république, par l'effet de son amnistie, faire revivre une action que la république elle-même avait irrévocablement perdue.

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» Vainement le tribunal de Nivelle a-t-il cherché à étayer des suffrages de Pothier et de Wynants, l'étrange jugement qu'il s'est permis de rendre.

» Pothier dit bien que, dans les affaires non jugées, la Prescription ne court contre le pro'cureur, que du jour où il a cessé par la révocation ou par le décès de la partie. Mais que doit-on conclure de là ? Précisément tout le contraire de ce qu'en a inféré le tribunal de Nivelle; car, si la Prescription court contre le

procureur, du jour que ses pouvoirs ont été révoqués, bien certainement elle a couru contre Charles Desvignes, du jour de son émigration, puisque, par son émigration, il s'est constitué dans un état de mort civile, qui a emporté de plein droit la révocation du mandat en vertu duquel il avait jusqu'alors représenté François devant les juges de Nivelle.

>> Quant au président Wynants, il se borne à dire que le débiteur ne peut pas opposer la Prescription établie par le placard de 1540, lorsque, par sa fuite en temps de guerre, il a mis son créancier hors d'état de le poursuivre: ce qui assurément n'a rien de commun avec l'espèce qu'avait à juger le tribunal de Nivelle. Ce n'est pas François, débiteur de Desvignes, qui a émigré ; c'est Desvignes lui-même. Desvignes ne peut donc pas prétexter que son débiteur s'est soustrait à ses poursuites ; il ne peut donc pas invoquer ici la doctrine de Wynants: doctrine qui, au surplus, ne serait nullement applicable à la législation sur les émigrés, puisque ceux-ci étant représentés par la nation, c'est contre la nation que leurs créanciers ont dû agir pendant tout le temps qui a précédé l'amnistie accordée tusconsulte du 6 floréal an Io.

par

le séna

» Ce considéré, il plaise à la cour, vu l'art. 88 de la loi du 27 ventôse an 8, l'art. 16 du pla. card du 4 octobre 1540, la déclaration du 14 février 1549 et l'art. 11 de la 5e section de la loi du 25 juillet 1793, casser et annuler, pour l'intérêt de la loi, le jugement du tribunal civil de l'arrondissement de Nivelle, du 5 ventôse dernier, dont expédition est ci-jointe; et ordonner qu'à la diligence du procureur général, l'arrêt de cassation à intervenir sera imprimé et transcrit sur les registres dudit tribunal..... Signé

Merlin.

>>Ouï le rapport de Laurent-Jean Babille, l'un des juges....;

» Vu le placard de Charles-Quint, du 4 octobre 1540, art. 16....;

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Et attendu que la disposition de cet article est absolue et générale ; qu'elle veut que les salaires dont elle parle, soient demandés dans les deux ans du jour du service ou labeur fait; qu'elle défend, après ledit temps, d'en faire la poursuite judiciaire ; et qu'ainsi,elle n'excepte, ni le cas où la cause dans laquelle un homme de loi a prêté son ministère à une partie, n'est pas encore jugée, ni le cas où cet homme de loi s'est absenté pendant que cette cause était indécise;

» Et que Desvignes n'a demandé le paiement de ses honoraires, que long-temps après l'expiration de ce délai;

» Vu aussi la déclaration du 14 février 1549,

rendue pour les hommes de loi de la ci-devant province de Flandre, et étendue, par l'usage, aux hommes de loi du ci-devant Brabant; laquelle, en interprétant l'art. 16 du placard cidessus, porte que....;

» Et attendu que cette déclaration interprétative ne fait courir la Prescription contre les hommes de loi, seulement du jour de la prononciation définitive de chacun procès, que dans le cas où ils continuent leurs services après les deux ans ;

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Que Desvignes, loin d'avoir, après les deux ans, continué ses services dans la cause de Nicolas François, s'est, au contraire, mis dans l'impossibilité légale de les continuer, puisqu'il a déserté son pays, fui chez l'étranger, et que, par son émigration, il a encouru la mort civile: état dans lequel il ne pouvait certainement plus exercer, dans un tribunal français, les fonctions d'homme de loi;

» Vu enfin l'art. 11 de la 5e section de la loi du 25 juillet 1793....;

» Et attendu que l'absence de Desvignes, qui l'a constitué en état d'émigration, puisqu'il n'est rentré sur le territoire français qu'en jouissant du bénéfice de l'admnistie accordée aux émigrés, n'a pu suspendre le cours du délai de la Prescription jusqu'à son retour, avec d'autant plus de raison que, comme émigré, il a été, pendant son émigration, représenté, tant activement que passivement, par la république contre laquelle la Prescription aurait couru au besoin, par le défaut d'aucune demande de sa part, des honoraires en question;

» D'où il suit que le tribunal de première instance de Nivelle, en rejetant la Prescription opposée à Desvignes, a violé, d'une part, la disposition générale et absolue du placard de 1540; de l'autre, la déclaration de 1549, puisqu'il n'a eu aucun égard à la condition de laquelle cependant elle fait dépendre l'exception qu'elle appose à cette loi ; et enfin, la loi du 25 juillet 1793, relative à l'émigration;

» Par ces motifs, la cour, faisant droit sur le réquisitoire du procureur général, casse et annulle, seulement dans l'intérêt de la loi, le jugement du tribunal civil de l'arrondissement de Nivelle, du 5 ventôse dernier, et ordonne qu'à la diligence du procureur général, le présent arrêt sera imprimé et transcrit sur les registres de ce tribunal.

» Fait et jugé à l'audience de la cour de cassation, section civile, le 16 prairial an

12.... .

La seconde question doit se résoudre par le même principe que la première. Pourquoi la Prescription a-t-elle couru contre les émigrés pendant leur mort civile, et nonobstant l'im

puissance dans laquelle ils se trouvaient, dans cet état, de poursuivre eux-mêmes leurs droits? Parcequ'ils étaient alors représentés par le gouvernement à qui tous leurs droits étaient dévolus, et que par conséquent ils ne peuvent pas aujourd'hui se prévaloir de la maxime, contrà non valentem agere non currit præscriptio. Eh bien! Le gouvernement, comme on vient de le voir, no 1, ne représentait pas moins les émigrés envers leurs créanciers qu'envers leurs débiteurs. Si c'était entre ses mains que leurs débiteurs devaient se libérer, et si, par suite, il avait seul qualité pour poursuivre le recouvrement de leurs créances, c'était également à lui que leurs créanciers devaient s'adresser pour obtenir le paiement de ce qui leur était dû; et il avait seul qualité pour défendre aux actions qu'ils pouvaient intenter à cet effet. Les créanciers des émigrés ne peuvent donc pas dire aujourd'hui qu'ils ont été placés par la mort civile de ceux-ci, dans l'impuissance d'agir. La Prescription a donc couru contre eux pendant tout ce temps au profit du gouvernement. Elle a donc, par cela seul, couru au profit des émigrés eux-mêmes qui, soit par l'effet de l'amnistie accordée par le sénatusconsulte du 6 floréal an 10, soit par l'effet de l'abolition prononcée par l'ordonnance du roi, du 21 août 1814, de toutes les inscriptions sur les listes d'émigrés, sont devenus, tant activement que passivement, les successeurs de l'État et sont entrés dans tous ses droits.

Il y a, à la vérité, un arrêt de la cour supérieure de justice de Bruxelles, du 22 mai 1819, qui a jugé le contraire, et qui même a été confirmé par un autre arrêt que la même cour a rendu, en instance de cassation, le 25 juillet 1823 (1).

Mais c'est une manière de juger qui est tout-àfait particulière à cette cour; que les tribunaux français ont constamment repoussée, et voici une espèce dans laquelle on a fait récemment d'inutiles efforts pour la faire admettre.

Le 11 juillet 1788, acte notarié par lequel la dame de Tauriac reconnaît devoir à la dame Sambucy une somme de 3,150 francs qu'elle s'oblige de lui payer le 11 juillet 1789.

La dame de Tauriac meurt quelque temps après, sans s'être acquittée:

En 1822, l'abbé de Tauriac, l'un de ses enfans, qui avait émigré postérieurement à la mort de sa mère et n'était rentré en France qu'à la faveur d'un brevet d'amnis tie du 13 frimaire an 11, est assigné par le

(1) V. la jurisprudence de la cour supérieure de justice de Bruxelles, année 1823, tome 1, page 77.

sieur Sarret, successeur de la dame Sambucy devant le tribunal de première înstance de Milhau, en paiement de l'obligation du 11 juillet 1788.

Il répond qu'il n'est point héritier de sa mère, et qu'il a même renoncé à sa succession. Le 17 août de la même année, jugement qui, adoptant cette défense, le décharge du paiement des 3,150 francs.

Appel de la part du sieur Sarret à la cour royale de Montpellier.

L'abbé de Tauriac, pressentant qu'il lui sera difficile de justifier le motif du jugement de première instance,se retranche dans un moyen nouveau : il soutient que l'obligation du 11 juillet 1788 est prescrite par les 30 ans qui se sont écoulés du 11 juillet 1789, époque de son exigibilité, jusqu'au 11 juillet 1819.

Le sieur Sarret répond que la Prescription n'a pas pu courir pendant tout le temps qu'a duré l'inscription de l'abbé de Tauriac sur la liste des émigrés ; et que, cet espace de temps retranché, la Prescription se trouve incomplète. Il excipe d'ailleurs de divers actes interruptifs qu'il prétend avoir faits depuis l'année 1814. Le 15 mars 1825, arrêt par lequel,

« Attendu que l'obligation du 11 juillet 1788 était exigible le 11 juillet 1789, et prescriptible par 30 ans révolus en 1819; que, dans cet intervalle de temps, il n'a été fait par le sieur Sarret aucun acte capable d'interrompre la Prescription........, et que, sans avoir besoin d'examiner les motifs donnés par les premiers juges, pour justifier ce chef de leur jugement, il suffit de cela pour déterminer la cour à le maintenir......;

>> Par ces motifs, la cour déclare prescrite l'action qui pourrait résulter de l'acte du 11 juil. let 1788 ».

Le sieur Sarret se pouvoit en cassation contre cet arrêt, et l'attaque par deux moyens, dont le premier, seul relatif à notre question, consiste à dire que la cour royale de Montpellier, en faisant courir la Prescription au profit de l'abbé de Tauriac pendant qu'il était émigré, avait violé l'art. 1er de la loi du 28 mars 1793 qui déclarait les émigrés morts civilement et par conséquent incapables de prescrire contre des français.

Mais, par arrêt contradictoire du 15 avril 1828, au rapport de M. Carnot, et sur les conclusions de M. l'avocat-général Cahier,

« Attendu, sur le moyen tiré de ce que l'arrêt attaqué aurait déclaré prescrite la créance de 3,150 francs réclamée par le demandeur, qu'il s'était écoulé plus de 30 années utiles à pres crire, depuis la date de son échéance, jusqu'aux premières poursuites judiciaires diri

gées contre le défendeur; que, si, pendant le cours de ces 30 années, le débiteur avait émigré, ce qui l'avait constitué en état de mort civile, il avait été légalement représenté par l'État, auquel le demandeur pouvait adresser sa réclamation; que la créance avait en effet une date certaine, ce qui autorisait une pareille réclamation; que, d'une autre part, les actes produits par le demandeur, comme interruptifs de la Prescription, n'en avaient pas le caractère, n'étant pas du nombre de ceux mentionnés aux art. 2244 et 2245 du Code civil, et n'ayant pas d'ailleurs été dirigés personnellement contre le défendeur;

» La cour rejette ce moyen (1) ».

§. VI. Quelles étaient, avant le Code civil, les règles sur la Prescription des biens et droits des femmes en puissance de mari?

La Prescription devait-être, à cet égard, envisagée sous quatre rapports différens.

Ou il s'agissait de faire cesser l'effet de la promesse qui avait été faite à la femme, lorsqu'elle s'était mariée, soit d'une dot, soit d'une somme de deniers stipulés pròpres;

Ou il était question de la priver du recouvrement, soit d'une dot qui avait été touchée par son mari, soit d'un douaire, d'un augment, d'un gain de survie, que ce dernier lui avait constitué;

Ou l'on voulait, en lui opposant la Prescription, la faire débouter, soit de ses poursuites contre des débiteurs de droits qu'elle s'était constitués en dot, soit de la revendication de ses fonds dotaux ou propres, possédés indûment par des tiers;

Ou enfin, on cherchait à repousser l'action rescisoire qu'elle intentait contre des actes signés par elle pendant le mariage.

Voyons d'abord quel était, dans dans chacune de ces hypothèses, l'effet de la Prescrip

tion contre la femme mariée.

Nous discuterons ensuite, à part, la ques tion de savoir si la séparation de biens et l'insolvabilité du mari équivalaient, en cette matière, à la dissolution du mariage.

ART. I. Quelles étaient, avant le Code civil, les règles de la Prescription de la promesse faite à une femme, par son contrat de mariage, soit d'une dot, soit d'une somme de deniers stipulés propres?

Il n'y avait aucune difficulté sur ce premier

(1) Journal des audiences de la cour de cassation, année 1828, page 211.

objet. On convenait universellement que l'action en paiement d'une dot promise par contrat de mariage, se prescrivait contre la femme, tant de la part de celui qui avait fait la promesse, que de la part du tiers-possesseur de ses biens.

La raison en était que la femme avait, dans la personne de son mari, un procureur légitime, qui, suivant la loi 17, D. de jure dotium, devait poursuivre toutes les actions dotales, à peine d'en répondre, et qui par conséquent pouvait agir pour se faire payer ce qui avait été promis à son épouse.

Dunod comparait fort justement ces sortes d'actions à celles « d'une hérédité chargée » d'un fideicommis,qui se prescrivent,parceque » l'héritier grevé peut et doit les exercer (1)».

ART. II. Quels étaient, avant le Code civil, les règles de la Prescription de l'action en répétition de dot ou de deniers stipulés propres, en délivrance de douaire, en paiement de gains de survie, etc?

Tant que la femme n'avait pas le droit de se faire rendre sa dot, et de se faire payer, soit son douaire, soit son augment, soit ses gains de survie, en un mot, tant que l'action dont il s'agit ici, n'était pas ouverte, il est clair qu'il ne pouvait pas y avoir de Prescription contre la femme. C'était la conséquence du principe général, qu'on ne prescrit point contre ceux qui ne peuvent pas agir principe sur lequel nous nous sommes assez étendus dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Prescription, pour n'être plus obligés de le développer en ce moment.

Ce n'était donc qu'après la dissolution du mariage, par la mort civile ou naturelle de l'un des époux, après le divorce, ou enfin après la discussion du mari tombé dans l'indigence, que le mari même, ou ses héritiers, pouvaient commencer à prescrire l'action en répétition de dot, ou en paiement de gains nuptiaux. Le §. 4 de la fameuse loi Cùm notissimi, C. de proscriptione 30 vel 40 annorum, le décidait ainsi formellement : il portait qu'avant la mort ou la répudiation de l'un des époux, la Prescription ne courrait point contre les actions personnelles ou hypothécaires de la femme, tant pour sa dot que pour sa donation à cause de noces, qui, parmi

(1) V. la loi 70, §. dernier, D. ad senatus-consultum Trebellianum ; et le Répertoire de jurisprudence, aux mots Substitution fidéicommissaire, sect. 13.

nous, était, avant le Code civil, connue sous » quels l'action en déclaration d'hypothèque

le nom d'augment.

Remarquons ces termes, contre les actions personnelles ou hypothécaires : il en résultait évidemment que, dans l'intention de la loi, les tiers-détenteurs des biens affectés aux droits de la femme, ne pouvaient pas plus prescrire contre elle pendant le mariage, que le mari lui même.

Par là, tombait une distinction que faisait Lebrun, dans son Traité de la communauté, liv, 3, chap. 2, dist. 5, no 102. Il prétendait qu'à l'égard des tiers-détenteurs des biens du mari, il fallait distinguer le cas où ils eussent possédé avec un titre procédant du mari, et à la garantie duquel il eût été tenu, de celui d'une possession qui, ou eût été dénuée de titre, ou aurait eu pour fondement un titre que le mari n'eût pas été obligé de garan tir; qu'au premier cas, la Prescription ne courait pas en leur faveur contre la femme pendant le mariage, parceque son action se réfléchissant contre le mari, elle n'était pas censée libre de l'exercer; mais qu'au second, le mariage ne faisait nul obstacle à la Prescription. Cette distinction, si elle n'eût pas été condamnée par le texte précis de la loi citée, n'aurait été soutenable que pour les droits de la femme, qui, pour être différés, quant à l'exécution, jusqu'après le mariage, n'en étaient moins certains et acquis pendant pas le mariage même; car relativement à ceux dont la survie de la femme formait la condition, il n'était pas possible de concevoir comment on aurait pu prétendre qu'ils fussent prescriptibles avant la mort du mari. On ne prescrit pas contre une action qui n'est pas

encore ouverte.

Mais du reste, la loi que nous venons de rappeler, ne permettait pas même d'admettre la distinction de Lebrun, pour les droits nuptiaux qui ne dépendaient d'aucune condition. Elle ne parlait pas seulement de la donation à cause de nôces, qui était un gain de survie; elle étendait sa disposition jusqu'à la restitution de la dot, redhibitio dotis, que l'héritier de la femme pouvait communément demander lorsqu'elle mourait la première; et l'on a déjà remarqué que, suivant cette disposition, il n'y avait point de Prescription à opposer contre les actions personnelles et hypothécaires de la femme pour l'un comme pour l'autre objet, si ce n'était du jour de la dissolution du mariage ou de la séparation.

Au surplus, cette disposition à part, la doctrine de Lebrun n'aurait pas pu, comme l'observait Dunod (Traité des Prescriptions, part. 3, chap. 3), convenir qu'aux « pays dans les

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» était en usage; car dans ceux où on ne la

pratiquait pas, comment est-ce que la femme » aurait pu interrompre la Prescription des >> tiers possesseurs? Et pouvait-on lui imputer quelque chose, si son mari ne l'interrompait » pas, dans un cas où il n'était pas regardé » comme son procureur, et responsable envers >> elle de la Prescription qu'il avait laissée cou» rir contre lui même » ?

ART. III. Quelles étaient, avant le Code civil, les règles de la Prescription des biens et des droits dotaux ou propres de la femme?

Pour décider d'une manière précise si, pendant le mariage, on pouvait prescrire contre la femme, soit la propriété de ses biens, soit la libération de ses créances, il faut distinguer : ou la Prescription avait commencé avant le mariage, ou elle n'avait commencé que depuis.

Dans la première hypothèse, la Prescription n'était pas suspendue par le changement d'état de la femme: elle continuait pendant le mariage, et une fois achevée, toute la ressource de la femme qui en avait été la victime, était de recourir contre son mari. Encore ne pouvaitelle l'en rendre responsable, que lorsqu'elle était en droit de lui reprocher de la négligence; et c'est pourquoi la loi 16, D. de fundo dotali, dispensait expressément le mari d'indemniser la femme, dans le cas où il ne restait plus, au moment de la célébration du mariage, très-peu de temps à courir pour compléter la Prescription : Planè si paucissimi dies, ad perficiendam longi temporis possessionem superfuerint, nihil erit quod imputabitur

que

marito.

Quand l'insolvabilité du mari rendait le recours illusoire et sans effet, la femme pouvaitelle se faire restituer contre la Prescription, ou agir comme si on n'eût pas prescrit à son égard ?

Cambolas, liv. 3, chap. 27, et Duperrier, liv. 3, chap. 6, soutenaient l'affirmative. Le premier rapportait même un arrêt du parlement de Toulouse, du 26 juillet 1620, qui avait adopté cette opinion; il avait jugé qu'une Prescription commencée contre une fille, ne courait pas ensuite contre elle pendant son mariage, si son mari était insolvable. Quant à Duperrier, il assurrait que telle était aussi la jurisprudence du parlement d'Aix: elle s'est introduite, disait-il, par un tempérament que les arrêts ont apporté à la loi 16, D. de fundo dotali. Mourgues, sur les statuts de Provence,

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