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» Il est vrai encore que le tribunal d'appel a confirmé ce jugement par un motif qui viole ouvertement trois articles de la coutume, et qui par conséquent donne, par soi, prise à la cassation. Mais ce n'est pas le motif qu'il s'agit de casser, c'est le dispositif du jugement; or, encore une fois, ce dispositif confirme un jugement de première instance qui ne contient qu'un mal-jugé; et vous avez toujours tenu pour principe, qu'un jugement motivé d'une manière qui blesse la loi, lorsqu'il la respecte réellement dans son dispositif, n'était pas susceptible de cassation.

» Mais est-ce ici le cas de l'application de ce principe?

» Si le tribunal d'appel avait adopté le motif du tribunal de première instance et qu'il y eût ajouté celui sur lequel il s'est personnellement fondé, sans contredit on devrait maintenir son jugement, quoique basé en partie sur un motif directement contraire à trois articles de la cou

tume, et cela parcequ'il serait en outre appuyé sur un autre motif, qui, bien qu'en opposition avec la justice et le bon sens, ne contrarierait en rien aucune loi expresse.

» Mais ce n'est point là ce qu'a fait le tribunal d'appel; il a confirmé le jugement du tribunal de première instance, sans en adopter le motif; il a bien senti qu'en y statuant d'après le mérite de ce motif, il serait forcé de l'infirmer; et c'est pour se dispenser de l'infirmer, qu'il a mis en avant un nouveau motif qui est en contravention manifeste avec le statut local.

Ainsi, il a violé la loi, pour ôter à la veuve Cornibert l'avantage d'obtenir la réformation du jugement dont elle était appelante; et assurément c'en est assez pour que la veuve Cornibert ait le droit de demander d'être rétablie dans le même état où elle était avant le jugement de son appel, et par conséquent remise à même de solliciter dans un autre tribunal la réparation de l'erreur commise à son préjudice par les juges de première instance.

» Pour tout dire en deux mots, le jugement du tribunal d'appel, tel qu'il est conçu et considéré isolément, donne manifestement prise à la cassation pour le capital de 30,000 livres, comme pour celui de 4,000 livres. Il importe peu que le jugement de première instance ne soit pas susceptible d'être cassé quant au premier de ces capitaux ; ce n'est pas du jugement de première instance qu'il est ici question; il ne s'agit que du jugement du tribunal d'appel; c'est ce jugement seul que nous devons voir ici, c'est ce jugement seul qui doit fixer nos regards; et dès que seul il provoque la censure du tribunal suprême, par les contraventions multipliées qu'il renferme à la loi particulière de la

contrée pour laquelle il a été rendu, nul doute qu'il ne doive être cassé.

» Par ces considérations, nous estimons qu'il y a lieu d'admettre purement et simplement la requête de la veuve Cornibert ».

Arrêt du 14 brumaire an 9, au rapport de M. Vasse, conforme à ces conclusions.

Et l'affaire portée en conséquence à la section civile, arrêt du 22 germinal an 12, aurapport de M. Oudot, et sur les conclusions de M. Lecoutour, par lequel,

Vu l'art. 439 de la coutume de Bretagne....;

>> Attendu qu'il est incontestable que les deniers dotaux stipulés Propres, doivent être restitués à la femme, après la mort de son mari, par les héritiers de celui-ci, lorsqu'il est prouvé qu'il les a reçus ;

» Attendu que le tribunal d'appel a refusé d'allouer à la veuve Cornibert les 4,000 livres que les juges de première instance avaient ordonné de lui restituer, et que le motif de son refus est que l'art. 439 de la coutume de Bretagne n'obligeait le mari au remploi que lorsqu'il s'agissait d'un Propre réel, et non lorsqu'il était question d'un Propre fictif ; la clause de réalisation des deniers dotaux de la femme ne comprenait pas la stipulation de l'action de remploi ;

» Attendu qu'en induisant des termes de l'art. 439 que cette veuve n'était pas recevable à réclamer ses 4,000 livres, et en la privant du droit de demander ce que son mari avait pu recevoir de cette partie de son apport, le tribunal civil du département de Maine et Loire a faussement appliqué cet article, et tiré de ses dispositions une fin de non-recevoir qui n'en résulte pas;

» Le tribunal casse et annulle le jugement rendu par le tribunal civil du département de Maine et Loire, le 8 floréal an 8; renvoie les parties devant le tribunal d'appel séant à Rennes..... ».

II. Sur la seconde question, j'ai établi dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Réalisation, §. 1, no 4, que, dans l'ancien droit, la clause par laquelle, dans un contrat de mariage, les époux se stipulaient Propres les effets mobiliers qu'ils apportaient respectivement, n'empêchait pas que ces effets ne tombassent dans la communauté, et qu'elle n'avait d'autre effet que de rendre l'époux au profit duquel la stipulation de Propre avait été faite, créancier de la valeur de ces mêmes effets.

En est-il encore de même aujourd'hui ? Pour nous fixer là-dessus, il faut remonter aux rai

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sons qui avaient introduit ce principe dans l'ancienne jurisprudence. Écoutons Pothier, dans son Traité de la communauté, no 325: L'effet de la clause de la réalisation est que les biens mobiliers des conjoints qui sont réalisés par cette clause, sont réputés immeubles et Propres conventionnels, à l'effet d'être exclus de la communauté, et d'être conservés au conjoint seul qui les a réalisés.

Il y a néanmoins une grande différence entre les véritables immeubles qui sont Propres réels de communauté et ces Propres conventionnels. La communauté a seulement la jouissance des immeubles réels qui sont Propres de communauté; mais ils ne se confondent pas avec les biens de la communauté; le conjoint à qui ils appartiennent, continue, durant le mariage, d'en être propriétaire comme il l'était avant le mariage; et en conséquence,le mari ne peut aliéner les Propres réels de communauté de sa femme, sans son consentement; au contraire, les effets mobiliers réalisés,ou Propres conventionnels, se confondent dans la communauté avec les autres biens mobiliers de la communauté qui est seulement chargée d'en restituer, après sa dissolution, la valeur à celui des conjoints qui les a réalisés. En conséquence, le mari, comme chef de la communauté, peut aliéner les meubles que la femme a réalisés. La réalisation de ces meubles et leur exclusion de la communauté, ne consiste que dans une créance de reprise de leur valeur, que le conjoint qui les a réalisés, a droit d'exercer, après la dissolution de la communauté, contre la communauté dans laquelle ces meubles réalisés se sont confondus ; et c'est à cette créance de reprise que la qualité de Propre conventionnel est attachée. Le conjoint n'est pas créancier in specie, des meubles réalisés ; il ne l'est que de leur valeur; et s'il s'en trouvait quelquesuns en nature lors de la dissolution de la communauté, il y aurait seulement un privilége pour sa créance de reprise, en les faisant reconnaître.

» La raison de cette différence entre les immeubles réels Propres de communauté, et les meubles réalisés, c'est que la communauté doit avoir la jouissance de tous les Propres de chacun des conjoints ad sustinenda onera matrimonii; elle peut avoir la jouissance de leurs immeubles Propres réels, sans que cette jouissance en consomme le fonds'; il n'est donc pas nécessaire, pour qu'elle ait cette jouissance, qu'elle ait le droit d'aliéner le fonds : au contraire, les meubles réalisés étant des choses qui se consomment par l'usage même qu'on en fait, quæ usu consumuntur, ou du moins qui s'altèrent et deviennent de nulle valeur par un long usage, pour que la communauté en puisse

avoir la jouissance, et pour conserver en même temps au conjoint qui les a réalisés, quelque chose qui lui tienne lieu du droit de propriété qu'il a entendu se réserver par la convention de réalisation, il a été nécessaire d'abandonner à la communauté ces meubles réalisés, et de laisser au mari, chef de cette communauté, le droit de les aliéner et d'en disposer; sans quoi la communauté n'en pourrait pas avoir la jouissance, et de donner au conjoint qui les a réalisés pour lui tenir lieu de son droit de propriété, une créance de reprise de la valeur des effets réalisés, qu'il aura droit d'exercer contre la communauté, lors de sa dissolution; ceci est conforme aux principes de droit sur le quasi-usufruit ».

Il n'y a, comme l'on voit, aucune de ces raisons qui ne s'applique avec la plus parfaite justesse aux règles actuelles de la communauté entre époux. Aussi le Code civil suppose t-il clairement que l'effet de la clause dont il s'agit, n'est pas de conserver à l'époux qui l'a stipulée, la propriété des biens mobiliers qui en sont l'objet, mais seulement de lui assurer le droit d'en reprendre la valeur, à la dissolution de la communauté,sur la masse qui alors en composera l'actif.

Après avoir dit, art. 1500 que les époux peuvent exclure de leur communauté tout leur mobilier présent et futur, et que, lorsqu'ils stipulent qu'ils en mettront réciproquement dans la communauté jusqu'à concurrence d'une somme ou d'une valeur déterminée, ils sont,par cela seul,censés se réserver le surplus; il ajoute, art. 1503: « Chaque époux a le droit » de reprendre et de prélever, lors de la disso>>lution de la communauté, la valeur de ce » dont le mobilier qu'il a apporté lors du ma» riage, ou qui lui est échu depuis, excédait sa >> mise en communauté ».

Ces mots, le droit de reprendre et de prélever... la valeur, ne laissent aucun doute; il en résulte clairement que l'époux au profit duquel les effets mobiliers ont été stipulés. Propres, n'a pas le droit, et par conséquent qu'on ne peut pas le forcer, à la dissolution de la communauté, de les reprendre et prélever en nature; que la valeur seule lui en est due, et que, comme il ne peut pas exiger, on ne peut pas non plus lui offrir autre chose

C'est effectivement ce qui a été jugé par un arrêt de la cour supérieure de justice de Bruxelles, du 12 mars 1825, rapporté dans la jurisprudence de cette cour, année 1825, tome 1, page 453. .

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174 PROPRIÉTAIRE PAR INDIVIS, PROPRIÉTE LITTERAIRE, §. I.

par l'acte même d'aliénation, en une rente viagère, qu'y a-t-il à remployer? V. l'article Remploi, §. 1.

§. III. Une simple stipulation de Propre suffit-elle pour établir un retour conventionnel?

V. l'article Réversion, §. 3.

§. IV. Avant l'ordonnance de 1747 (et même depuis, dans les lieux où elle n'a pas été publiée),la femme du grevé de substitution avait-elle, sur les biens substitués, une hypothèque subsidiaire pour le recouvrement des Propres fictifs qui lui étaient échus pendant le mariage? V. l'article Substitution fideicommissaire, §. 3.

§. V. Quelles étaient, avant le Code civil, les règles sur la prescription des Propres fictifs des femmes en puissance de mari?

V. l'article Prescription, §. 6.

PROPRIÉTAIRE PAR INDIVIS. V. l'article Location.

PROPRIÉTÉ. §. I. 10 Quels sont les caractères distinctifs de la servitude et de la Propriété superficiaire ?

2o Le droit d'usage participe-t-il de la Propriété, ou n'est-il qu'une servitude?

30 Qu'est-ce qu'entendaient les anciennes lois par le domaine direct et le domaine utile? Pouvait-on considérer le droit d'usage comme domaine utile, lorsqu'il absorbait tous les produits du fonds?

4° L'emphyteose temporaire transfère-t-elle la Propriété pour tout le temps de sa durée ?

Sur la première question, V. le plaidoyer du 10 pluviose an 11, rapporté à l'article Biens nationaux, §. 2.

Sur la seconde et la troisième, V. l'article Usage (droit d'), §. 7.

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V. les articles Donation, §. 6; Privilége, §. 1, et Revendication, §. 1.

§. V. Comment et à quelle époque précise, la Propriété des choses qui n'appartiennent à personne, s'acquiert-elle par droit d'occupation? Est-ce le moment de la découverte, ou celui de l'appréhension manuelle, qu'il faut considérer ?

V. l'article Mines, §. 1.

§. VI. La Propriété peut-elle quelquefois demeurer en suspens? V. l'article Substitution fideicommissaire, §. 4 et 9.

§. VII. Après avoir, dans le commencement d'une instance, réclamé une redevance sur un fonds, est-on encore recevable à réclamer la Propriété de ce fonds? V. le plaidoyer et l'arrêt du 26 octobre 1809, rapportés aux mots Tiers-deniers, §. 2.

PROPRIÉTÉ LITTERAIRE. §. I. Y a-t-il, dans le sens de la loi du 19 juillet 1793, atter.tat à la Propriété littéraire, et par conséquent contrefaçon, lorsque, sans la permission du propriétaire ou de son cessionnaire, un ouvrage est réimprimé sous le même titre que l'édition originale, mais avec l'addition des mots, nouvelle édition augmentée; que, dans le fait, cette nouvelle édition contient des changemens et additions à l'ouvrage

Sur la quatrième, V. l'article Emphy prétendu contrefait; et que d'ailleurs elle est téose, §. 5, 6 et 7.

§. II. La Propriété d'un bois peut-elle être divisée entre une commune et son cidevant seigneur, de manière que celui-ci soit propriétaire de la futaie, et que celle-là ne le soit que du taillis? Le ci-devant seigneur doit-il, en pareil cas, étre présumé n'avoir joui de la futaie qu'à titre de servitude féodale?

V. le plaidoyer et l'arrêt du 23 ventôse an 10, rapportés à l'article Communaux, §. 1.

annoncée comme faite à une autre époque, comme sortie des presses d'un autre imprimeur, comme mise en vente chez un autre libraire?

«Telle est (ai-je dit à l'audience de la cour de cassation, section criminelle, le 23 floréal an 12), telle est la question sur laquelle vous avez entendu à votre audience du 23 de ce mois, un rapport lumineux et des ploidoiries éloquentes. Notre ministère nous oblige de vous la représenter aujourd'hui, et de lui don

ner tous les développemens dont elle est susceptible.

>> Vous vous rappelez qu'en exécution de votre jugement du 7 prairial an 11 (1), le fond du procès sur la plainte rendue par les cit. Bossange, Masson et Besson, contre les cit. Moutardier et Leclere, en contrefaçon du Diction naire de l'Académie française, a été porté au tribunal criminel du département de Seine et Oise; et que là, après de nouveaux débats, il est intervenu, le 26 fructidor de la même année, contre les conclusions du ministère public, un jugement qui,

» Attendu que les plaintes et demandes formées contre Moutardier et Leclere, tendaient à les faire condamner comme contrefacteurs, pour avoir imprimé et mis en vente, en l'an 10, deux volumes in-4o,'intitulés Dictionnaire de l'Académie française, nouvelle édition augmentée de plus de vingt mille articles, à Paris, chez Moutardier et Leclere, germinal an 10 (1802); lesquels volumes, Bossange, Masson et Besson ont prétendu être la contrefaçon de deux volumes in 40, intitulés: Dictionnaire de l'Académie française, revu, corrigé et augmenté par l'Académie elle-même, cinquième édition, à Paris, chez J.-J. Smits, et compagnie, l'an 6 de la république (1798);

» Attendu que, d'après les art. 1, 2, 3 et 4 de la loi du 19 juillet 1793, quiconque imprime et met en vente un ouvrage, sans la permission formelle et par écrit de l'auteur de cet ouvrage, ou de ses ayant-droit, se rend coupable du délit de contrefaçon;

» Attendu que la comparaison du Dictionnaire imprimé chez Moutardier et Leclere, en germinal an 10, avec le Dictionnaire imprimé chez J.-J. Smits et compagnie, en l'an 6, il résulte que ces deux Dictionnaires portent à la vérité, le même titre principal, celui de Dictionnaire de l'Académie française, mais qu'ils ont entre eux des différences multipliées et essentielles ;

» Attendu qu'il n'en est pas d'un Dictionnaire de langue, comme d'un ouvrage sur tout autre objet de science; que le rédacteur du Dictionnaire publié par Moutardier et Leclere, ayant pris pour base première et essentielle de son travail, ainsi qu'il a été vérifié par le tribunal, diverses éditions du Dictionnaire de l'Académie française, a dú nécessairement reproduire souvent le même texte que les rédacteurs du Dictionnaire publié

par Smits et compagnie, sous le titre de cinquième édition;

(1) V. l'article Contrefaçon, S. 2.

» Que, dans l'espèce de la cause, cette conformité n'est pas le résultat du délit de contrefaçon prévu par la loi, parceque, indépendamment de la différence dans le développement du titre, dans l'indication des libraires-imprimeurs, et dans le discours préliminaire, on trouve dans le Dictionnaire imprimé par Moutardier et Leclere, des définitions, retranchemens, additions, corrections et remarques qui en font un ouvrage nouveau, autre que celui imprimé par Smits et compagnie;

»

Qu'ainsi, il n'y a pas délit de contrefaçon par l'usurpation du titre et mise en vente du Dictionnaire imprimé par Moutardier et Leclere, en l'an 10, sans la permission des propriétaires du Dictionnaire imprimé par Smits et compagnie, en l'an 6;

» Attendu que la juste définition de la conTREFAÇON ne permet pas de se prêter à l'idée que la seule adoption faite par Moutardier et Leclere, du titre de Dictionnaire de l'Académie française, les aurait rendus coupables de ce délit dans le sens de la loi; que Bossange et consorts ont été fondés à regarder cette usurpation de titre comme dommageable à leur entreprise; mais que ce préjudice rentrant dans la classe générale des torts dont on ne peut poursuivre la réparation que devant le tribunal civil, leur action ne pouvait être celle résultant de la contrefaçon ; que cependant Moutardier et Leclere ne devaient pas obtenir le bénéfice de dommagesintérêts qui ne sont dus par les plaignans aux prévenus déclarés non convaincus, que, dans le cas où, sur le fait à eux imputé, ils sont exempts de tout reproche;

» Qu'ainsi, en plusieurs points, le tribunal dont est appel, a maljugė ;

que

» Par ces motifs...., annulle le jugement dont est appel, pour mal jugé au fond; statuant définitivement, renvoie Moutardier et Leclere de la plainte et demande contre eux formées tant par Bossange et consorts, par les commissaires du gouvernement : déclare la saisie et les scellés apposés chez Moutardier et Leclere, nuls et sans effets; condamne Bossange, Masson et Besson aux frais de la cause principale, ceux faits sur l'appel compensés, sauf le coût du présent jugement, qui sera supporté par Bossange, Masson et Besson.

>> Voilà comment est conçu le jugement que les cit. Bossange, Masson et Besson vous proposent aujourd'hui d'annuler. Pour parvenir à leur but, ils vous présentent trois moyens de

cassation :

» Violation de la loi du 19 juillet 1793, en

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» Enfin, contravention à l'art. 15 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790, en ce que le jugement attaqué dit vaguement dans ses motifs, qu'il a été mal jugé en plusieurs points par le tribunal de première instance.

» De ces trois moyens, il en est un, et c'est le troisième, qui se réfute d'un seul mot. Le tribunal criminel de Seine et Oise a suffisamment expliqué en quels points il a entendu dire que le tribunal de première instance avait mal jugé son jugement même les indique ; et dèslà, nul vice de forme à lui reprocher.

:

>> Quant aux deux premiers moyens, ils n'en · forment véritablement qu'un seul; et comme vous l'a très-judicieusement observé le rapporteur, ce moyen rapproché des défenses qu'y opposent les cit. Moutardier et Leclere, vous présente à résoudre deux questions :

» La première, si, comme le soutiennent les cit. Moutardier et Leclere, le tribunal criminel de Seine et Oise n'a prononcé que sur un point de fait, et si, à ce titre, son jugement n'est pas à l'abri de la cassation;

» La seconde, si, en supposant, comme le soutiennent au contraire les cit. Bossange, Masson et Besson, que le tribunal criminel de Seine et Oise ait décidé un point de droit, il l'a décidé dans un sens opposé à la loi du 19 juillet 1793, ou s'il a respecté cette loi par l'interprélation qu'il lui a donnée.

» Sur la première question, les cit. Moutardier et Leclere appellent à leur secours un principe que l'on chercherait vainement à leur contester : c'est qu'en matière correctionnelle, les juges prononcent sur les faits avec la même liberté, avec la même latitude de pouvoir, dont jouissent les jurés en matière criminelle; et que de même qu'on ne peut pas, en matière criminelle, attaquer devant vous les déclarations des jurés, de même aussi on ne peut pas, en matière correctionnelle, attaquer devant vous les déci sions que les juges ont portées sur les faits débattus à leur audience.

» Ce principe, nous le répétons, est incontestable; mais la conséquence qu'en font résulter les cit. Moutardier et Leclere, est-elle exacte? Il en résulte, suivant eux, que le tribunal criminel de Seine et Oise ayant déclaré qu'il n'y

a pas eu contrefaçon de leur part, on doit assimiler sa décision à celle que des jurés auraient portée sur le même fait, s'il eût pu leur être soumis, et, par une suite nécessaire, que sa décision est inattaquable.

» Oui, elle est inattaquable dans les points sur lesquels les jurés auraient eu à prononcer, si la cause eût été instruite par la voie criminelle. Mais sur quels points les jurés auraient-ils eu à prononcer dans cette hypothèse ? Ou, en d'autres termes, comment aurait-on dû poser les questions sur lesquelles ils eussent été appelés à délibérer? Bien certainement on leur aurait demandé s'il était constant qu'en l'an 6, les cit. Smits et compagnie avaient imprimé et publié un livre portant tel titre; s'il était constant que les cit. Moutardier et Leclere avaient imprimé et publié en germinal an 10, un livre intitulé de telle manière; s'il était constant que de ces deux livres, le second n'était que la copie du premier; s'il n'était pas constant, au contraire, que l'un différait de l'autre ; et si, par le deuxième, on n'avait pas fait au premier des changemens, des additions, des corrections et des retranchemens. En résolvant ces questions, les jurés auraient rempli tout leur ministère, et alors eût commencé celui des juges. Les juges alors auraient eu à décider si les faits reconnus par les jurés, constituaient ou non le délit de contrefaçon prévu par la loi du 19 juillet 1793. Mais certes, en décidant ce point, ce n'est pas sur une question de fait qu'ils auraient prononcé : ils n'auraient prononcé que sur une question de droit ; et le jugement'qu'ils auraient porté sur cette question, serait incontestablement passible de recours en cassation, soit de la part des cit. Bossange, soit de la part des cit. Moutardier et Leclere.

Il y a donc deux choses à distinguer dans la partie du jugement attaqué, qui déclare les cit. Moutardier et Leclere non coupables de contrefaçon : le point de fait et le point de

droit.

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» Le point de fait jugé en faveur des cit.Moutardier et Leclere, est qu'en donnant à leur ouvrage le titre de Dictionnaire de l'Académie française, et par conséquent un titre commun à l'ouvrage des cit. Bossange, ils ont annoncé non pas que c'était la cinquième édition, l'édition dont les cit. Bossange sont propriétaires, mais une nouvelle édition augmentée de plus de 20,000 articles; qu'ils l'ont signalé comme imprimé, non pas chez J.-J. Smits et compagnie, non pas en l'an 6 (1798), mais chez Moutardier et Leclere, en germinal an 10 (1802); qu'ils ont placé à la tête de leur ouvrage, un discours préliminaire tout différent de celui qui figure à la tête de l'ouvrage des

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