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Il en a été rendu un semblable au parlement de Bretagne, le 30 juillet 1725, pour les héritières d'un procureur (1), appelantes d'une or donnance rendue à la juridiction de Lesne

(1) Leurs moyens sont rappelés dans l'arrêt même. En voici les termes :

« Anneix, pour les appelantes, a dit que, si le détail de cette cause est sommaire, la question qui se présente à décider, est intéressante. Il s'agit d'assurer le repos des procureurs, et de veiller à ce que leur fortune et celle de leurs héritiers ne deviennent pas les victimes de l'infidélité ou de la négligence des cliens. Le fait et la procédure ne sont pas d'une longue discussion.

>> Feu Me Tanguy-Castel était procureur en la juridiction royale de Lesneven et en celle de Carman. 11 avait occupé dans différentes instances pour la demoiselle de Kerguyomars-Crouezé et pour les sieurs de Kermeers et Rodellec et Duparcq-Leroy, ses gendres. Il paraît qu'il leur fournit un mémoire d'avances et vacations, dont Rodellec paya une partie et prit de lui une quittance en date du 24 avril 1704. Cette quittance porte une reconnaissance de Castel d'être demeuré saisi des procédures, et une obligation de les remettre à qui il appartiendra, lorsqu'il aura été payé en entier. Castel meurt le 19 avril 1707 : on appose le scellé sur tous ses papiers; on procède à un inventaire très-exact et très-ample. Cet inventaire prouve qu'il ne s'est trouvé chez lui aucunes procédures appartenant aux intimés. Treize années s'écoulent depuis sa mort, Enfin, le 25 octobre 1720, le sieur Duparcq-Leroy fait assigner les demoiselles Castel à la juridiction de Carman, pour se voir condamner, en qualité d'héritières de leur père, de lui remettre les procédures mentionnées dans le mémoire et billet du 24 avril 1704. Elles opposent à cette demande une fin de non-recevoir résultant de l'art. 102 de la coutume. Le juge de Carman appointe les parties à écrire et produire. Les demoiselles Castel se portent appelantes à Lesneven. Sentence qui confirme l'appointement. Appel en la cour: tel est le détail du fait et de la procédure,

Les appelantes soutiennent, premièrement, que la matière n'était pas susceptible d'un appointement; secondement, qu'en évoquant le principal, l'intimé doit être débouté de sa demande. C'est ce qui résulte naturellement de la disposition de la coutume et de la jurisprudence des arrêts. L'art. 102 de la coutume veut que les procureurs demeurent déchargés, de droit, de la représentation des pièces et procédures, trois ans après leur gestion expirée; et les arrêts ont non seulement confirmé, mais mème étendu la faveur de cette loi. L'intimé n'a pu en disconvenir; mais il soutient que le billet du 24 avril 1704 ne doit pas être regardé comme un simple récépissé, puisqu'il a été consenti après la gestion finie et le procès terminé, Il prétend que c'est une obligation personnelle qui ne tient point nature de récépissé, mais qui produit une action qui doit durer trente ans; et que, dans les principes généraux du droit, tout billet et quittance donné par le procureur à son client, portant reconnaissance d'être saisi ou resté saisi des pièces, est une obligation personnelle quine doit se prescrire que par trente ans. Les appelantes répondent 10 que la coutume ne fait

ven, contre Joseph Leroy-Duparcq et MarieAnne Crouczé, sa femme, intimés.

§. XIV. Est-il vrai, comme le disent

point de distinction entre les récépissés donnés avant ou après la gestion du procureur finie; 2o que la prétendue obligation dont il s'agit, est une quittance donnée par un procureur à son client à valoir et à son dû. Or, quoique cette quittance renferme une promesse de remettre les pièces, on ne peut pas dire que le délai accordé par le procureur, pour le paiement du surplus de son crédit, puisse étendre son obligation, ni qu'il ait eu dessein de renoncer à la Prescription triennale établie par la loi, en accordant une grâce à son client. Si l'on donnait cette interprétation à la quittance dont il s'agit, il s'ensuivrait que le procureur qui aurait de la bonté pour ses cliens, en leur accordant des délais pour payer, serait de pire condition que celui qui ne leur voudrait accorder aucune grâce ni délai, ce qui serait absurde; 30 que les réformateurs de notre coutume ayant eu de justes motifs pour dispenser les procureurs de la loi générale alléguée par l'intimé, en fixant et soumettant toutes leurs obligations envers leurs cliens à la Prescription triennale, et les mêmes motifs subsistant dans l'espèce de celte cause, c'en est assez pour prouver que la prétendue distinction imaginée par l'intimé, ne peut etre admise; en un mot, le billet qui fait la matière du procès, n'a ni une autre substance, ni un autre objet que les récépissés ordinaires. Il ne renferme (pour s'expliquer comme la coutume) qu'une briève rèscription de l'argent et des pièces, voilà sa substance. Il n'a d'autre but que de constituer le procureur dans l'obligation de rendre ces pièces, étant pa yé de ses vacations, voilà son objet. Telle est aussi la substance, tél est l'objet des récépissés dont parle l'art. 102. Or, ces récépissés sont soumis à la Prescription triennale; donc il faut que celui-ci subisse la mème loi; ou, si l'on veut le dégager de cette Prescription, il faut en même temps en dégager les autres, puisqu'ils sont de la même nature. Les procureurs seraient bien à plaindre, si, occupés de la défense des particuliers, et presque toujours obligés d'abandonner le soin de leurs propres affaires et l'éligement de leurs crédits, pour songer à l'instruction des instances nouvelles qui succèdent les unes aux autres et qui demandent toute leur attention, ils avaient encore le désavantage, en perdant leurs avances et le fruit de leurs soins, de' constituer sur eux et sur leurs héritiers, autant d'obli gations exigibles pendant trente ans, qu'ils donneraient de quittances à valoir. La cour est trop équitable pour' les exposer à des inconvéniens si marqués. Enfin, les circonstances particulières de cette affaire concourent avec les principes de notre droit. Il paraît que l'intimé a affecté de garder le silence pendant plus de dix-sept ans; et il attaqué aujourd'hui des héritiers qui sont au fait d'autrui, et qui, ne pouvant s'instruire que par la lecture de l'inventaire fait après la mort de leur auteur, n'y trouvent pas la moindre trace des procédu res qu'on leur demande, ce qui suffirait pour établir, la fin de non-recevoir».

Ce sont ces moyens qui ont déterminé l'arrêt cité.

se

tous les jours les praticiens, qu'en fait de Prescription de choses indivises, quoique divisibles, le mineur relève le majeur ?

J'ai prouvé la négative dans le Répertoire de jurisprudence, au mot Prescription, sect. I, §. 7, art. 2, quest. 2, no 10; et voici un arrêt du parlement de Paris, qui confirme cette opinion. Pierre Marbarand, décédé en 1721, avait laissé pour héritier Jeanne Lafond, sa mère, veuve de Jean Marbarand, et quatre neveux ou nièces, enfans de sa sœur et de Jean Villedary, son beau-frère.

Dans la succession se trouvait, entre autres objets, un moulin appelé le Moulin-neuf, qui était chargé d'une rente foncière de 1,000 livres envers le sieur Faunie.

Jeanne Lafond a renoncé à cette succession, ou plutôt elle s'en est abstenue, et cela, tant de son chef que comme aïeule et tutrice naturelle des quatre enfans mineurs de Jean Villedary.

A défaut de paiement de la rente, le créancier a été envoyé en possession du moulin, par une sentence rendue contradictoirement avec le curateur à la succession vacante; et il l'a conservé jusqu'en 1777, époque où il l'a arrenté à Perrot.

En 1733, Dominique Lescalier, fils de Jacquette Villedary, héritière,avec ses trois autres frères et sœurs, de Pierre Marbarand, nonobstant la renonciation de sa bisaïeule,a fait assigner Perrot à la Sénéchaussée d'Angoulême, pour se voir condamner à se désister de la moitié du moulin.

Perrot a dénoncé le trouble apporté à sa jouissance, à la veuve et aux héritiers Faunie.

Une sentence rendue à Angoulême le 19 juillet 1783, a adjugé à Lescalier ses conclusions, et a condamné les héritiers Faunie à garantir Perrot.

Ceux-ci ont interjeté appel de cette sentence; mais réfléchissant ensuite sur le défaut d'acte qui constatât la renonciation prétendue de Jeanne Lafond à la succession de Pierre Marbarand, ils ont consenti d'abandonner le huitième auquel Dominique Lescalier avait droit dans cette succession, du chef de Jacquette Vil. ledary, sa mère.

Quant aux trois huitièmes appartenant aux co-héritiers de cette dernière, ils ont refusé de s'en désister à son profit, tant parceque les cohéritiers de sa mère auraient eu seuls qualité

pour les réclamer , que parceque eux-mêmes les auraient réclamés inutilement, attendu le Japs de soixante ans qui avait assuré irrévoca

blement aux héritiers Faunie la propriété du

moulin.

Dominique Lescalier a soutenu le bien-jugé de la sentence, même au chef qui lui adjugeait ces trois huitièmes.

Il se fondait 10 sur ce que les co-héritiers de sa mère s'étant abstenus de les prendre, et ne le pouyant plus après trente ans écoulés depuis leur majorité, cette abstension équivalait à une renonciation, et le saisissait de ces trois huitièmes par droit d'accroissement;

2o Sur ce que sa minorité ayant empêché la Prescription de son huitième, elle devait égament y faire obstacle par rapport aux trois autres huitièmes, attendu que, dans le droit, le mineur relève le majeur in individuis, et que, dans le fait, le moulin dont il s'agissait, était encore indivis.

On a vu à l'article Héritier, §. 3, ce que la veuve et les héritiers Faunie répondaient au premier moyen. A l'égard du second, ils convenaient que le mineur relève le majeur in individuis; mais, ajoutaient-ils, pour cela il faut que l'objet soit indivisible et non pas seulement indivis. Cette distinction est établie par tous les auteurs, notamment par Valin sur la coutume de la Rochelle, art. 56, no 120, et par Pothier, Traité des obligations,no 647. Ainsi, dans l'espèce, le mineur ne pourrait relever le majeur, qu'autant que l'objet en litige serait indivisible, et qu'il n'eût pas, qu'on ne pût pas même y concevoir,de parties. Or, on ne peut regarder comme tel le moulin dont il est question; à la vérité, il est indivis, mais il est tellement divisible de sa nature, que Lescalier lui-même en réclame trois huitièmes à titre d'accroissement.

Par arrêt rendu au rapport de M. Brisson, à la première chambre des enquêtes, le 6 septembre 1785, la sentence d'Angoulême a été infirmée ; il a été donné acte à la veuve et aux héritiers Faunie de ce qu'ils consentaient au désistement du huitième afferant à Dominique Lescalier, du chef de sa mère, dans le monlin; celui-ci a été débouté de ses demandes relatives aux trois autres huitièmes, et condamné aux trois-quarts des dépens, l'autre quart compensé.

§. XV. 10 Comment doit-on, pour la Prescription des arrérages échus avant le Code civil, considérer une rente de don et legs, qui, d'après son titre constitutif, doit étre viagère, si le créancier ne se marie pas el n'a point d'enfans, et perpétuelle dans le cas contraire? Doit-on, à cet égard, la réputer perpétuelle, ou simplement viagère ?

20 Est-ce par la loi du domicile du débiteur d'une rente, ou par celle du lieu de la situation des biens sur lesquels s'en poursuit le paiement, que doit se régler la Prescription des arrérages?

30 Les arrérages de rentes perpétuelles, constituées à prix d'argent se prescrivaient-ils, avant le Code civil, par le terme de cinq ans, dans les pays où n'avaient été publiées ni l'ordonnance de Louis XII de 1510, ni l'ordonnance de Louis XIII du mois de janvier 1629?

I. Les deux premières questions et trois autres qui sont indiquées sous les mots Appel, §. 10, art. 1, no 4; Domicile élu, §. 3; Procureur, §. 1 et Saisie-arrét, ont été agitées à la cour de cassation dans l'espèce suivante.

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Par testament olographe du 12 février 1774, passé à Cambray, lieu de son domicile, Léopold Danneux, seigneur de Wargnies et de Barbançon en Hainaut, de Crevecœur, Rumillies et Saint Souplet en Cambresis, institua pour son légataire universel le comte de Tauffkirck, gentilhomme bavarois, son neveu ; et en cette qualité, il lui légua notamment 10 ses biens de Cambresis, en vertu du rapport à loi (1) qu'il en avait fait le 26 juillet 1738; 20 le prix à provenir de ses biens du Hainaut, d'après la vente qui en serait faite dans l'année de sa mort, en exécution de l'acte de déshéritance qu'il avait passé à cet effet devant les juges compétens (2).

« Je donne et lègue (ajouta-t-il ), sur mes terres de Barbançon et de Wargnies en Hainaut, ou le produit de la vente d'icelles, au comte de Glimes, mon neveu, gentilhomme de la chambre de S. M. C., lieutenant-général des armées d'Espagne, 6,000 livres de rente annuelle et héritière, s'il a des enfans de légitime mariage; mais en cas qu'il ne se marie pas, cette rente ne sera que viagère; et moyennant ce legs et rente que je donne audit comte de Glimes, mon neveu, lui ou ses ayant cause ne pourront rien prétendre d'autre en ma succession; et tout ce que je pourrais lui devoir, soit billet ou acte, ou pour gestion de ses afpar faires qu'il m'a confiées, sera acquitté, absorbé et éteint........... Ladite rente, si elle lui devient héritière (par la naissance d'un ou de plusieurs enfans légitimes), ne lui sera remboursable que par un capital de 150,000 livres....

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» J'affecte et assigne (ajouta-t-il encore après plusieurs autres dispositions particulières) toutes les rentes, pensions, tant héritières

(1) V. ce mot dans le Répertoire de jurisprudence. (2) Ibid., au mot Déshéritance."

que viagères, énoncées en mon présent testament, non seulement sur le prix des ventes de mes terres de Barbançon et de Wargnies, mais aussi sur mes autres terres et biens-fonds en Cambresis ».

Après la mort du testateur, le comte de Tauffkirck se mit en possession de tous les biens compris dans son legs universel, et singulièrement des terres de Wargnies et Barbançon, soit que ces terres eussent été vendues conformément à la clause ci-dessus rappelée du testament et qu'il s'en fût rendu adjudicataire, soit, ce qui paraît plus vraisemblable, comme on le verra bientôt, qu'il les eût conservées en sa qualité d'héritier légal, qualité qu'il pouvait cumuler en Hainaut, comme en Cambresis, avec celle de légataire.

Le comte de Tauffkirck étant venu à mourir quelque temps après, ses enfans mineurs, domiciliés cemme lui en Bavière, ont continué de jouir des terres de Barbançon et de Wargnies.

Le 29 vendémiaire an 10, la comtesse de Tauffkirck, leur mère, a fait, pour elle comme pour eux, au secrétariat de la mairie de Barbançon, un acte par lequel elle a déclaré fixer son domicile et le leur dans cette commune.

Cet acte a été aussitôt signifié au commissaire du gouvernement près le tribunal civil de l'arrondissement, séant à Avesnes.

Le 12 nivôse suivant, il a été présenté à ce tribunal, sous le nom du comte de Glimes, une requête en permission de faire saisir et arrêter, par saisie conservatoire, poursuite et » diligence du cit. Piron, son receveur à Na» mur, tous les revenus appartenant aux héri>> tiers du comte de Tauffkirck,soit à Barbançon, » soit dans ses dépendances, jusqu'à concur»rence de la somme de 47,400 francs,ou 48,000 » livres tournois »> montant de huit années d'arrérages de la rente que lui avait léguée Léopold Danneux, son oncle, et qui ne lui avait pas été payée depuis l'an 2.

Le même jour, ordonnance du tribunal qui permet les saisies requises, aux ris» ques et périls du pétitionnaire, et sauf tous » droits ».

Le 15 pluviôse suivant, les saisies sont effectuées, « à la requête du comte de Glimes, ⚫ poursuite et diligence du cit. Piron, homme » d'affaires à Namur, agissant tant au nom du» dit comte de Glimes, que pour ses créan» ciers d'Espagne, qui font élection de do» micile chez le cit. Carton, avoué à Aves

»nes».

Les tuteurs des héritiers Tauffkirck demandent la nullité de ces saisies, et le tribunal d'Avesnes la prononce par jugement du 5 bru

maire an I, 1o parceque les saisies n'ont pas été précédées des sommation et commandement prescrits par les art. 18 et 41 du réglement pour les huissiers du ressort du ci-devant parlement de Douai; 2o parceque le comte de Glimes ayant transporté sa rente à ses créanciers d'Espagne, n'a plus, par cela même, aucune qualité pour en exiger le paiement; 30 parcequ'aux termes de l'art, 2 du chap. 112 des chartes générales du Hainaut, ses créanciers eux-mêmes sont, comme acheteurs d'actions personnelles, non-recevables à agir contre les débiteurs de la rente, tant qu'ils ne leur

ont

pas représenté et notifié leur transport; 4o parceque les agens du comte de Glimes n'ont fait conster ni de son existence, ni de son pouvoir, ni de celui de ses cessionnaires, quoiqu'un jugement préparatoire du 5 thermidor an 10 les eût obligés, sur leur propre réquisition, de le faire dans le mois.

Le tribunal d'Avesnes donne cependant acte de l'offre faite par les tuteurs des héritiers Tauffkirck, et signifiée par eux au sieur Piron, le 7 pluviôse an 10, de payer au comte de Glimes trois années d'arrérages de sa rente; et il ordonne que cette offre sera effectuée en cas de preuve légale de l'existence de celui-ci, sauf à examiner alors si les cinq autres années d'arrérages sont prescrites, comme le soutiennent les tuteurs.

Ce jugement est signifié le 15 du même mois au comte de Glimes et au sieur Piron, se disant agir pour ledit comte et ses créanciers, au domicile par eux élu chez le cit. Carton, avoué à Avesnes.

Le 27 du même mois, signification aux tuteurs des héritiers Tauffkirck, d'un acte par lequel le cit. Piron, administrateur et régisseur des biens du comte de Glimes, déclare appeler du jugement rendu le 5 entre le susdit Piron, QUALITATE QUA, et les susdits tu

teurs.

Le 19 frimaire suivant, les tuteurs appellent à leur tour du même jugement, en ce qu'il ne leur a pas accordé de dommages-intérêts.

Le 20 pluviôse, arrêt par défaut de la cour d'appel de Douai qui rejette l'appel principal, et faisant droit sur l'appel incident,condamne le comte de Glimes aux dommages-intérêts résultans des saisies annulées.

Le 23 ventôse, opposition à cet arrêt de la part de Piron, toujours en sa qualité d'administrateur et régisseur des biens du comte de Glimes.

Le 16 germinal, la cause est plaidée contradictoirement entre le comte de Glimes, appelant du jugement rendu par le tribunal de l'arrondissement d'Avesnes, du 6 brumaire

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« 10 Les saisies pratiquées le 15 pluviôse an 10, sont-elles valables?

» 2o Le comte de Glimes est-il recevable dans

son action? S'il est recevable, a-t-il pu agir ayant que la preuve de son existence fût rapportée?

»3o A-t-il pu demander plus de trois années d'arrérages de la rente dont il s'agit?

» Considérant (dit-elle ensuite), sur la première question, qu'il y a eu élection de domicile de la part de Glimes chez l'avoué Carton, pour recevoir les oppositions, ce qui suffit; qu'il n'était question, dans la saisie, que d'une précaution préalable et nullement de la numération des deniers qui faisaient l'objet de la saisie, puisqu'il ne s'agit pas dans la cause d'une saisie-exécution, mais seulement d'une saisie conservatoire ; qu'à la vérité, les saisies-exécutions doivent, pour qu'elles soient valables, être précédées, entre autres formalités, de celle d'une sommation aux fins de paiement des sommes dues, et que rien n'est sans doute plus juste et plus équitable que la formalité de cette sommation, afin de laisser au saisi la faculté d'empêcher, au moyen du paiement, qu'on le dépouille de son bien à son insu; mais que cette sommation ne conviendrait nullement aux saisies conservatoires qui ne se pratiquent qu'afin que le créancier ait sous la main de la justice un objet réel qui puisse répondre de ce qui lui est dû; et qu'il n'y a pas de doute que le créancier, s'il devait prévenir son débiteur par une sommation, pour prendre ses sûretés par la voie de la saisie conservatoire sur le mobilier de son débiteur, ne fût exposé à ne plus rien trouver au moment où l'huissier se présenterait pour saisir ce mobilier; qu'il est donc évident que les premiers juges ont erré en appliquant les dispositions des lois et réglemens relatifs aux saisies-exécutions, à une saisie purement conservatoire, qui, par sa nature et par son objet, n'y est pas soumise, la simple permission du juge suffisant pour la faire pratiquer valablement et utilement;

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donc recevable dans les poursuites qu'il a faites à fin de paiement des arrérages de la rente dont il s'agit; que le défaut de représenter un certificat de vie n'est pas un moyen suffisant pour l'y déclarer non-recevable, tout faisant présumer qu'il existait, aussi long-temps que la nouvelle de son décès ne fût pas parvenue aux lieux où il avait des biens et agens pour les surveiller et en recevoir les revenus en son nom; que d'ailleurs il a été justifié par pièces authentiques, que Glimes existait encore au mois de thermidor dernier; et qu'au surplus, la production d'un certificat de vie de la part de Glimes ne serait principalement nécessaire que lorsqu'il aurait été question du paiement des sommes demandées, et le défaut de cette production ne pouvait apporter de changement dans la cause que celui d'ordonner la consignation, au lieu du paiement des sommes demandées ;

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Considérant, sur la troisième question, que les saisies conservatoires dont il s'agit, sont fondées sur un testament en bonne forme, et que, si l'affectation de la rente sur les biens du testateur était caduque, à défaut de la vente desdits biens dans l'année de son décès, le testament entier n'est pas pour cela caduc, puisque les charges imposées personnellement aux héritiers, sont encore subsistantes et valides; qu'ainsi, l'exécution du testament ne peut pas souffrir à cet égard de difficulté, surtout si l'on considère que Tauffkirck a déjà payé la rente dont il s'agit à Piron, agent de Glimes, et qu'il a en outre offert d'en payer encore trois années; qu'il s'agit ici, non d'une rente héritière, mais d'une rente éventuellement viagère dans le cas où le légataire décéderait sans enfans; et que, sous ce rapport, elle prend le caractère d'une pension hypothéquée sur des immeubles; que les chartes du Hainaut, chap. 107, art. 6 et 7, n'admettent la Prescription de cette sorte de pension et rente,qu'après vingt et un ans,et par conséquent, que c'est mal à propos que Tauffkirck a prétendu qu'il ne devait que trois années de la rente viagère dont il est question; >> Le tribunal reçoit la partie de Lobry (le comte de Glimes) opposante à l'exécution du jugement par défaut.....; émendant, déclare qu'il a été mal jugé, bien appelé, décrète les saisies dont il s'agit, ordonne que les fermiers videront leurs mains en celles de la partie de Lobry, jusqu'à concurrence des arrérages échus et non-acquittés........... ».

La veuve de Tauffkirck, après s'être fait dé. clarer tutrice de ses enfans, se pourvoit en cassation contre cet arrêt.

« Elle l'attaque ( ai-je dit à l'audience de la section des requêtes, le 22 brumaine an 12), TOME XII.

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» Le jugement de première instance (ditelle, à l'appui de son premier moyen) avait été signifié au comte de Glimes, le 15 bru maire an 11; le comte de Glimes devait donc en appeler au plus tard le 16 pluvióse suivantį; ce terme passé sans appel interjeté en son le jugement était à l'abri de toute at

nom,

II;

teinte. » Or, d'une part, le comte de Glimes n'a appelé ni avant ni depuis le 16 pluviôse an de l'autre, ce n'est qu'à l'audience du 16 germinal an 11, que le comte de Glimes a pris la qualité d'appelant ; donc en l'admettant à plaider comme tel, le tribunal de Douai lui a Supposé une qualité qu'il n'avait pas et qu'il ne pouvait plus prendre; donc il a tout à la fois commis un excès de pouvoir et violé l'art. 14 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790.

» Inutile d'objecter que Piron, son agent, avait appelé dès le 27 brumaire an 11. L'appel de Piron était nul, d'après la maxime que nul en France, si ce n'est le gouvernement, ne peut plaider par procureur.

» Mais à ce premier moyen de la demanderesse, il se présente plusieurs réponses également décisives.

» 10 Le délai de l'appel ne commence à courir, suivant la disposition expresse de l'art. 14 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790, que du jour de la signification du jugement à la personne ou au domicile de la partie condamnée.

» Or, le jugement du tribunal d'Avesnes, du 5 brumaire an 11, n'a jamais été signifié à la personne du comte de Glimes.

» Il ne lui a 'pas non plus été signifié à son domicile réel, en Espagne.

» Il ne l'a pas été davantage à son domicile légal, c'est-à-dire, à celui du commissaire du gouvernement près le tribunal d'appel de Douai.

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Il ne l'a été qu'au domicile qu'il avait élu, le 15 pluviôse an 10, chez un avoué d'Avesnes, pour les oppositions dont pourraient être suivies les saisies-arrêts pratiquées le même jour à sa requête.

» Et bien certainement, une pareille signification n'a pas pu faire courir contre lui le délai de l'appel.

» Si, au lieu de succomber devant le tribunal d'Avesnes, le comte de Glimes y eût obtenu gain de cause, les mineurs Tauffkirck au

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