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raient-ils pu lui faire signifier leur appel à ce domicile élu? Non, et la preuve en est écrite dans un jugement de la section eivile du 25 vendémiaire dernier, qui casse un jugement du tribunal d'appel de Paris, par lequel avait été admis un appel signifié par Limoges et Mazères, au domicile élu par Jouin, leur adversaire, et qui le casse, attendu que l'assignation, pour procéder sur un appel, est un véritable ajournement qui doit, aux termes de l'ordonnance de 1667, être donné à personne ou domicile ; que, s'il est libre aux parties d'élire un domicile autre que leur domicile réel, celle faculté, qui est une dérogation au principe général en matière de domicile, doit être plutôt restreinte qu'étendue; que l'effet d'une élection de domicile ne s'étend pas d'un objet à un autre qui en est totalement distinct; et que le domicile élu au commencement d'une procédure en première instance, ne l'est pas pour l'instance d'appel, si l'intention de la partie n'est pas, à cet égard, clairement manifestée et légalement connue de son adversaire; que, dans l'espèce, la signification de l'appel des défendeurs et l'assignation donnée sur cet appel, n'ont pas été faites au vrai domicile du demandeur (Jouin), à Rennes, mais au domicile élu chez unhuissier, à Paris ; que rien ne constate que cette élection de domicile eút pour objet, non seulement l'instance devant le premier tribunal, mais encore celle sur l'appel qui pourrait être interjeté du jugement à rendre par

ce tribunal.

>> Ici s'applique encore un jugement de la même section, du 9 floréal an 9, qui déclare nulle une assignation donnée au cit. Kessel.... (1).

> En voici un autre qui consacre de nouveau ce principe. Les frères Berlaud ayant obtenu de vous, en l'an 9, un jugement qui admettait leur requête en cassation d'un jugement rendu au ci-devant tribunal civil du département du Nord, en faveur des frères Pignatelly, espagnols, se sont empressés de le faire signifier à ceux-ci, au domicile qu'ils avaient élu en première instance, chez le cit. Gendebien, homme de loi à Mons. Après les trois mois qui avaient suivi le jugement d'admission, les frères Pignatelly sont venus demander la nullité de cette signification, et par suite, la déchéance du recours en cassation. Les frères Berlaud se sont vainement prévalus de ce qu'en cause d'appel, toutes les significations faites par eux aux frères Pignatelly, l'avaient été chez le cit.

(1) L'espèce en est rapportée à l'article Domicile élu, §. 3.

Gendebien; que les frères Pignatelly les avaient reçues sans réclamation, et que, par là, ils avaient suffisamment reconnu que leur élection de domicile chez le cit. Gendebien, n'était pas limitée aux actes de la procédure de première instance: la section civile n'en a pas moins rendu, le 19 vendémiaire an 11, un jugement par lequel, Vu l'art. 10 du tit. 1 de la seconde partie du réglement de 1738, et l'art. 7 du tit. 2 de l'ordonnance de 1667; considérant que l'exploit de signification du jugement dont il s'agit, n'a point été fait au domicile voulu par loi ; que l'élection de domicile chez Gendebien, homme de loi à Mons, ne peut être considérée comme une élection de domicile absolue, à l'effet d'y recevoir toutes assignations, mais qu'elle n'est relative qu'aux actes d'instruction à faire (en première instance) au tribunal de Jemmapes; le tribunal déclare nul l'exploit de signification du 1er ventóse an 9, dont il s'agit ; et vu l'art. 30, tit. 4, première partie dudit réglement, déclare les cit. Berlaud déchus de leur demande en cassation.

» Il est donc bien clair que l'élection de domicile faite par le comte de Glimes chez un avoué à Avesnes, ne peut pas faire regarder comme faite à son domicile réel ou légal, la signification de laquelle excipent contre lui les mineurs Tauffkirck, et que conséquemment elle n'a pas pu faire courir à son égard le délai de l'appel.

» Cela posé, comment le tribunal de Douai aurait-il excédé ses pouvoirs et violé la loi du 24 août 1790, en admettant le comte de Glimes, le 16 germinal an 11, à plaider comme appelant de la sentence du 5 brumaire précédent?

» D'une part, le comte de Glimes n'avait pas besoin pour appeler, de faire signifier un acte d'appel avant l'audience du 16 germinal an 11; il suffisait qu'à cette audience même, il se présentât comme appelant.

» D'un autre côté, il était encore, le 16 germinal an 11, dans le délai de l'appel, puisque le jugement du 5 brumaire ne lui avait pas été signifié de la manière requise pour faire courir ce délai.

» 2o Admettons pour un moment que le délai de l'appel avait couru contre lui dès le jour de la signification du jugement du 5 brumaire au domicile de son avoué. Dans cette supposition assurément bien gratuite, n'aurait-il pas pu s'aider de l'appel interjeté le 27 du même mois par le cit. Piron?

» Non, dit la demanderesse: le cit. Piron pouvait bien, comme chargé de la procuration du comte de Glimes, faire signifier au nom de

celui-ci un acte par lequel il se serait déclaré appelant ; mais il ne pouvait pas faire signifier cet acte en son nom personnel, même avec l'énonciation expresse de sa qualité de fondé de pouvoir du comte de Glimes; et pourquoi cela? Parceque nul en France ne plaide par procureur.

» Ainsi, suivant la demanderesse, le tribunal d'appel de Douai a bien pu juger que le cit. Piron avait appelé en temps utile, comme fondé de pouvoir du comte de Glimes; mais en jugeant que cet appel était valablement interjeté, et qu'il devait profiter au comte de Glimes lui-même, il a violé la maxime d'après laquelle aucun particulier ne peut plaider par procureur dans les tribunaux français.

» Pour bien apprécier ce raisonnement, nous devons commencer par nous fixer avec précision sur le sens de la règle, qu'en France on ne plaide point par procureur.

» Cette règle peut être entendue, et, dans le fait, on l'entend de deux manières différentes.

» Elle signifie que personne ne peut agir en justice pour les intérêts d'autrui, en qualité de negotiorum gestor, et que, pour pouvoir poursuivre en justice le droit d'un tiers, même sous son nom, il faut y être autorisé par une procuration expresse ou implicite. Prise dans ce sens, elle n'est que l'écho de la loi 6, §. dernier, D. de negotiis gestis, de la loi 20 du même titre au Code, et de la loi 5, §. 4, D. de præscriptis verbis, lesquelles décident textuellement que nul ne peut exercer en justice les actions qui appartiennent à une tierce personne, s'il n'est porteur d'un pouvoir ad hoc de la part de celle-ci. Mais la demanderesse n'a jamais nié, soit en première instance, soit en cause d'appel, que le cit. Piron eût été investi par le comte de Glimes, de l'autorisation nécessaire pour agir en son nom et pour ses intérêts, devant tous les tribunaux auxquels il pourrait avoir besoin de recourir. La règle dont il s'agit, entendue dans ce premier sens, n'a donc pas été violée par le tribunal d'appel de Douai.

» Cette règle signifie encore qu'on ne peut pas intenter ou soutenir une action judiciaire, sans être en nom dans les qualités de l'instance; et entendue dans ce sens, il en résulte que, si le cit. Píron se fùt présenté personnellement à l'audience du tribunal d'appel de Douai, pour demander, en sa qualité d'agent du comte de Glimes, la réformation du jugement du tribunal d'Avesnes, il aurait dû être déclaré nonrecevable.

Mais, d'abord, dans cette hypothèse mê me, quel moyen de cassation la règle citée pourrait-elle fournir à la demanderesse? En

tendue dans ce second sens, cette règle n'est fondée que sur un simple usage. Elle est bien énoncée dans le préambule de la déclaration du 30 novembre 1549, comme pratiquée communément au parlement de Paris; et c'est parcequelle y était observée, que, par cette déclaration, Henri II voulut qu'elle ne pût pas être opposée à la reine,, son épouse, et que celle-ci fût, comme lui, admise à plaider par procureur; mais ni la déclaration du 30 octobre 1549, qui d'ailleurs n'a jamais été publiée dans le département du Nord, ni aucune autre loi, n'a érigé cette règle en disposition législative; et dès-là, point de moyen de cassation à en tirer.

» Ensuite, de ce que le cit. Piron n'aurait pas pu, comme agent du comte de Glimes, figurer en nom dans les qualités du jugement du tribunal d'appel, s'ensuit-il que le tribunal d'appel n'a pas pu avoir égard à un acte de procédure fait par le cit. Piron, comme agent du comte de Glimes? Ce sont là deux choses tout-à-fait différentes; et argumenter de l'une à l'autre, ce n'est pas seulement blesser les règles de la saine logique, c'est encore oublier ce qui se pratique journellement dans les tribunaux. Tous les jours un avoué fait faire, en son nom et comme chargé des pouvoirs de ses cliens, des significations d'avenirs, de pièces, d'actes quelconques, sans que, pour cela, on s'avise jamais de lui opposer la maxime qui défend de plaider par procureur (1).

» Enfin, les mineurs Tauffkirck ont plaide devant le tribunal d'appel de Douai, sans critiquer la forme dans laquelle avait été émis l'appel du comte de Glimes; parlons plus juste, ils y ont plaidé en approuvant cette forme, puisqu'ils y ont conclu à ce que, faisant droit sur l'appel du comte de Glimes, il fût dit qu'il avait été bien jugé; et dès-lors, la loi du 4 germinal an 2 est là pour leur interdire devant vous toute réclamation à ce sujet.

>> Vainement voudrait on assimiler le cas d'un appel interjeté irrégulièrement au cas d'un appel qui n'existe point.

» Sans doute, lorsqu'il n'existe point d'appel d'un jugement de première instance, ce jugement ne peut pas être réformé sans excès de pouvoir, et le silence de la partie en favenr de laquelle il a été rendu, n'en peut pas légitimer la réformation (2).

» Mais lorsqu'il existe un appel et qu'il ne s'agit que de savoir s'il est régulier ou non, c'est nécessairement le cas de la loi du 4 germinal

(1) V. l'arrêt de la cour de cassation, du 18 juin 1823, rapporté au mot Appel, §. 10, art. 1, no 4. (2) V. l'article Appel, §. 9.

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an 2; et prétendre le contraire, c'est vouloir neutraliser absolument cette loi.

>> Tout s'élève donc contre le premier moyen de cassation de la demanderesse, tout se réunit pour le faire proscrire, tout concourt à justifier le tribunal d'appel de Douai du reproche d'excès de pouvoir et de contravention à l'art. 14 du tit. 5 de la loi du 24 août 1790.

» Pour deuxième moyen, la demanderesse vient vous dire que, dans le ci-devant Hainaut, les rentes personnelles sont quérables; que, dès-là, on n'a pas pu saisir les revenus de ses mineurs, sans leur avoir fait préalablement une sommation; et que cette formalité était d'ailleurs commandée par l'art. 1 du chap. 112 des chartes générales.

» Les rentes personnelles sont quérables en Hainaut ! Sans doute, et elles le sont partout: les rentes foncières le sont même aussi, à moins que la portabilité n'en soit expressément convenue. Mais quel rapport y a-t il entre la nonportabilité d'une rente, et la prétendue nécessité d'une sommation avant qu'on puisse, pour en assurer le paiement (lorsqu'elle est arriérée de plusieurs années), pratiquer une saisie-arrêt sur les revenus du débiteur ? C'est assurément la première fois que vous voyez un plaideur s'épuiser en efforts, pour accoler ensemble deux idées aussi disparates.

» Mais l'ordonnance de 1667 défend de saisir, sans commandement préalable!

D

Oui, mais l'ordonnance de 1667 ne fait pas loi dans le département du Nord: ce département n'a, sur la forme de saisir, d'autre réglement qu'un arrêt du ci-devant parlement de Douai, du 16 septembre 1672 ; et vraisemblablement on ne prétendra pas qu'un simple ar rêt de réglement, même quand il aurait été violé par le tribunal d'appel, puisse fournir un moyen de cassation.

» Nous disons, quand il aurait été violé par le tribunal d'appel: car le tribunal d'appel n'a pas même contrevenu au réglement du 16 septembre 1672 ; il l'a, au contraire, entendu et renfermé dans son véritable sens, en jugeant que les art. 18 et 41 de cet arrêt ne prescrivent la formalité d'un commandement préalable, que pour les saisies-exécutions, en jugeant que ces articles n'ont aucune espèce d'analogie ni d'application aux simples saisies-arrêts, aux saisies purement conservatoires.

» Eh! Conçoit-on que, dans un pays police, il puisse exister une législation assez absurde pour astreindre la saisie-arrêt à la nécessité d'un commandement préalable, c'est à-dire, à la nécessité d'avertir un débiteur de mauvaise foi, que l'on va s'opposer au paiement des som

mes qui lui sont dues, et qu'il lui importe par conséquent de ne pas perdre une minute pour les mettre à couvert ?

» C'est cependant cette législation, que l'on prétend trouver dans l'art. 1 du chap. 112 des chartes du Hainaut ; mais que dit cet article? Une seule chose : c'est que les droits fiscaux, auxquels donnent lieu les contraintes et les poursuites exercées contre tout débiteur en retard de se libérer, sont à la charge du créancier, lorsque celui-ci a fait saisir ou s'est pourvu en justice, sans sommation préalable: Tous débiteurs (porte-t-il) contraints par justice, seront tenus, d'ici en avant, payer le demiquint et tous dépens, soit qu'ils s'opposent ou non ; et en seront déchargés les créditeurs, moyennant qu'ils en aient fait demande avant la traite. L'art. 39 du chap. 69 dit la même chose: Et comme jusques à présent (ce sont ses termes) a été entendu et pratiqué qu'un débiteur poursuivi par justice, se pouvait exempter du droit de quint, demi-quint et peines de lettres, en payant le prétendu de son trayant ou créditeur sans opposition, chose dure et illégitime; nous ordonnons que dorénavant, tel's droits de quint et peine se paieront en tous ca's par le débiteur poursuivi, pourvu néanmoins qu'il apparaisse y avoir eu sommation, interpellation, ou autre demande extrajudiciaire, sauf quand le jour du paiement est limité: auquel cas, n'est besoin de sommation ni d'autre interpellation....

>> Ni cet article, ni celui qu'invoque la demanderesse, ne disent, comme vous le voyez, que la saisie-arrêt, ni même la saisie-exécution,faite sans sommation préalable, sera nulle: ils disent seulement que, si, immédiatement après la saisie non-précédée de sommation, le débiteur se hâte de satisfaire le créancier saisissant, les droits de quint, demi-quint et peine de lettres seront supportés par celui - ci : ils supposent donc que la saisie est valable, même sans sommation préliminaire, puisque, dans ce cas, le débiteur qui n'en paie pas les causes sur-lechamp et sans opposition, est tenu même des droits auxquels elle a donné ouverture au profit du fisc.

» La chose est d'autant moins susceptible de doute, que la disposition de ces deux articles a lieu en cas de poursuite par ajournement, comme en cas de contrainte par saisie; c'est ce que déclare l'art. 14 du chap. 75 : Pour toutes les demandes et poursuites qui se feront par ajournement, soit qu'il y ait procès pour la dette ou non, sera pris et levé le droit de demi-quint, comme du passé, à la charge du débiteur, moyennant l'interpellation et sommation précédente. Assurément, on n'oserait

pas inférer de cet article, qu'en Hainaut, une assignation en justice est nulle, si elle n'a été précédée de sommation extrajudiciaire. On ne peut donc pas non plus inférer des deux articles cités des chap. 69 et 112, qu'une sommation extrajudiciaire est indispensable pour valider

une saisie.

» Il ne nous reste plus qu'à examiner, et c'est où nous conduit le troisième moyen de cassation de la veuve de Tauffkirck, si le tribunal d'appel de Douai a violé ou faussement appliqué quelque loi, en rejetant la Prescription triennale que l'on opposait au comte de Glimes.

>>Il a violé, si l'on en croit la veuve de Tauffkirck, l'art. 7 du chap. 107 des chartes générales, qui soumet à la Prescription de trois ans les arrérages des rentes héritières non hypothéquées; et il a faussement appliqué l'art. 6 du même chapitre qui, à la vérité, ne déclare prescriptibles que par vingt et un ans, les arrérages des pensions hypothéquées ou non, mais dont la disposition ne peut, sous aucun rapport, s'appliquer à la rente viagère du comte de Gli

mes.

» Ici, nous devons convenir que, si la décision du tribunal d'appel de Douai ne pouvait pas être justifiée par d'autres motifs que celui dont il l'a étayée, il serait difficile de n'y pas trouver matière à quelque critique.

» Le tribunal d'appel de Douai a motivé son jugement, en cette partie, sur le caractère de pension hypothéquée sur des immeubles qu'il a cru reconnaître dans la rente léguée au comte de Glimes par son oncle Léopold Danneux. Mais comment cette rente pouvait-elle être hypothéquée sur des immeubles, notamment sur le domaine de Barbançon?

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Il n'y avait en Hainaut, avant les nouvelles lois sur le régime hypothécaire, que trois manières d'hypothéquer une rente sur des biens fonds.

» La première était de la constituer par un avis de père et de mère, ou partage entre enfans: la rente était alors hypothéquée, de plein droit, sur les biens assignés par le père et la mère à celui de leurs enfans qu'ils en avaient grevé.

» La deuxième consistait à la réaliser par la déshéritance du débiteur, et l'adhéritance du créancier.

» La troisième avait une analogie intime avec la seconde; elle consistait à stipuler, dans le contrat de vente d'un immeuble, que ce bien serait affecté à une rente. Alors le contrat venant à se réaliser par la déshéritance du vendeur et l'adhéritance de l'acquéreur, la réalisation de la rente était l'effet nécessaire de la réalisation du contrat.

» Or, 1o ce n'est point par avis de père et de mère, c'est par un testament fait en ligne collatérale, qu'a été constituée la rente dont il s'agit.

» 20 Cette rente n'a été réalisée ni par la déshéritance du testateur ou de son héritier, ni par l'adhéritance du cointe de Glimes.

» 30 Cette rente aurait été réalisée de plein droit par la réalisation de la vente qui eût pu se faire du domaine de Barbançon, après la mort de Léopold Danneux, à la requête de ses exécuteurs testamentaires, comme il l'avait ordonné par son testament, si c'eût été le comte de Tauffkirck qui s'en fût rendu adjudicataire à la charge de la rente. Mais le domaine de Barbançon a-t-il été vendu au comte de Tauffkirck après la mort du testateur? C'est ce que ne prouvent nullement les pièces qui sont sous vos yeux. Le fait est bien affirmé dans la requête du comte de Glimes, à fin de permission de saisir, du 12 nivôse an 10; mais il paraît que les tuteurs des héritiers du comte de Tauffkirck l'ont nié à l'audience du tribunal d'appel; et la chose vous paraîtra assez vraisemblable, si vous considérez que le comte de Tauffkirck avait pu, en sa qualité d'héritier aîné et féodal ab intestat, recueillir et conserver la terre de Barbançon, sans être obligé de la faire vendre, de s'en rendre adjudicataire, et par là de payer au seigneur suzerain des droits de mutation considérables. Aussi, le tribunal d'appel de Douai a-t-il supposé, dans les motifs de son jugement, que la vente ordonnée par le testament de Léopold Danneux, n'avait pas eu lieu après sa mort.Mais dès-là même, il devait également supposer que la rente du comte de Glimes n'était revêtue d'aucune hypothèque; et c'était dans cette supposition, qu'il devait juger si les arrérages en étaient prescriptibles par trois ans, ou s'ils n'étaient soumis qu'à la Prescription de vingt et une années.

» Au surplus, quoique mal motivé, le jugement du tribunal d'appel n'en est pas moins exact sur ce point comme sur les autres.

» Les chartes générales du Hainaut, vous le savez, distinguent, par rapport à la Pres. cription des arrérages, entre les pensions et les rentes héritières ou perpétuelles.

» Pour les rentes héritières, l'art. 7 du chap. 107 admet la Prescription de vingt et un ans, lorsqu'elles sont hypothéquées; et celle de trois ans, lorsqu'elles ne le sont pas.

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» Mais pour les pensions avec ou sans hypo. thèque, l'art. 6 du même chapitre n'admet que la Prescription de vingt et un ans : L'on ne sera (porte-t-il) recevable de poursuivre paiement de pension plus avant que de vingt et un ans, soit qu'il y ait hypothèque ou non.

Et que signifie, dans cet article, le mot pension? Bien évidemment il signifie une rente viagère; la demanderesse elle-même en convient; mais elle prétend, d'une part, qu'on ne doit l'entendre que de la rente viagère constituée par don ou legs; de l'autre, que la rente du comte de Glimes doit être considérée comme créée à prix d'argent : deux propositions également fausses.

» D'abord, la preuve que, dans les lois du Hainaut, le mot pension désigne une rente viagère même créée à prix d'argent, c'est que, dans l'art. 1 du chap. 37 des chartes particulières du chef-lieu de Mons, sous l'empire desquelles est située la terre de Barbançon, il est dit que les deniers appartenant à des enfans orphelins, doivent être employés, soit en constitution de rentes perpétuelles, soit en biens fonds, soit par mettre l'argent à pleine pension aux vies des enfans, c'est-à-dire, à rente viagère.

» Ensuite, sur quel fondement pourrait-on considérer la rente du comte de Glimes comme créée à prix d'argent ? C'est, dit la demanderesse, parceque Léopold Danneux n'a légué cette rente au comte de Glimes, que pour demeurer quitte envers lui de tout ce qu'il pouvait lui devoir pour la régie de ses biens. Mais Léopold Danneux devait-il réellement quelque chose au comte de Glimes? Rien ne le prouve; et son testament ne le fait même pas présumer il en résulte seulement que Léopold Danneux a voulu épargner à son légataire universel les embarras et les frais d'une reddition de compte. Du reste, on conçoit assez que Léopold Danneux, jouissant à Cambrai d'une très-grande fortune, à laquelle il était loin de proportionner ses dépenses, ne pouvait guère que se trouver en avance envers son neveu, qui, par l'état dispendieux qu'il avait en Espagne, était plutôt dans le cas d'anticiper sur ses revenus que de les laisser arriérer.

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» 2o Quand on devrait provisoirement considérer cette rente comme mixte, comme participant à la fois et de la nature de la rente perpétuelle, et de la nature de la rente viagère, scrait-ce une raison pour en assujétir les arrérages à la Prescription de trois ans? Non : car si, d'un côté, comme rente perpétuelle, elle est, quant à ses arrérages, passible de la Prescription triennale; de l'autre comme rente viagère, elle ne peut, à cet égard, être soumise qu'à la Prescription de vingt et un ans. Or, de ces deux qualités, quelle est celle qui doit prédominer en matière de Prescription? C'est incontestablement celle qui étend le plus le terme requis pour prescrire. C'est ainsi que, par le droit commun, les actions mixtes, c'està-dire, partie personnelles et partie réelles, ne se prescrivent point par dix ou vingt ans comme les actions purement réelles ; mais seulement par trente ans, comme les actions purement personnelles.

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» Mais, après tout, veut-on supposer le contraire de tout ce que nous venons d'établir? Veut-on supposer que la rente du comte de Glimes doit être considérée comme une rente absolument perpétuelle ? Veut-on supposer qu'elle doit être considérée, suivant l'expression du chap. 107 des chartes du Hainaut,comme une rente héritière sans lettres d'hypothèque? Eh bien ! Dans cette supposition,nous dirons que ce n'est point par les chartes du Hainaut que doit être décidée la question de savoir par quel temps les arrérages en sont prescriptibles; mais qu'elle doit l'être par les lois du domicile qu'avaient les mineurs Tauffkirck avant les trois dernières années qui ont précédé l'action intentée contre eux par le comte de Glimes, c'est-à-dire, par les lois de la Bavière.

et

» Quel empire, en effet, les lois du Hainaut peuvent-elles avoir ici? Elles régissent sans doute, et le lieu où l'action a été intentée, le lieu où sont situés les biens dont le comte de Glimes a fait saisir les revenus pour sûreté du paiement de ses arrérages. Mais ce n'est, ni par la loi du lieu où l'on plaide, ni parla loi du lieu où l'on pratique une saisic, que doit être réglé le temps nécessaire pour prescrire les arrérages d'une rente. Il n'y a, sur ce point,d'autre loi à consulter que celle du domicile du débiteur; et la raison en est simple.

» La loi qui déclare une dette prescrite, n'a. néantit pas le droit du créancier en soi ; elle ne fait qu'opposer une barrière à ses poursuites. Or, cette barrière, à qui appartient-il de l'établir ? C'est, sans contredit, à la loi qui protège le débiteur, et par conséquent à la loi de son domicile. Boullenois, dans son Traité des sta.. tuts réels et personnels, tome 1, page 530, en

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