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levée a été accordée en vertu de la loi, sont entrés en possession des biens. L'art. 17, continuent les demandeurs, a été violé, en ce que, dès 1787, Étienne Prunet s'était fait concéder par le fisc les biens d'Antoine Delon; que, dans cet état des choses, le délai pour réclamer ces biens, était fixé à cinq ans, à compter de la publication de la loi ; et que cependant, par le jugement du tribunal d'appel de Nîmes, il est décidé que les cinq ans n'ont pas dû courir du jour de la publication de la loi, mais du jour de notre prise de possession, « c'est-à-dire, d'une époque beaucoup plus ré

cente.

» Vous voyez quelle est la question que vous présente ce moyen : elle consiste uniquement à savoir si c'est par l'art. 13 ou par l'art. 17 que doit être réglé le délai dans lequel a dû agir le cit. Delon pour revendiquer le patrimoine de son bisaïeul, sur les parens collatéraux qui se l'étaient fait adjuger en son ab

sence.

» Pour nous fixer sur ce point, distinguons bien les diverses espèces de prescriptions qu'établit la loi du 9-15 décembre 1790. Elles sont déterminées par les art. 2, 13, 16 et 17.

>> L'art. 2 porte que, pour jouir du bénéfice de la loi qui les appelle à recueillir les biens existans actuellement dans les mains du fermier-régisseur, les Religionnaires fugitifs et leurs héritiers seront tenus de se pourvoir, par simple requête, en main-levée desdits biens, DANS LE DÉLAI DE TROIS ANNÉES, à compter du jour de la publication du présent décret. Il ajoute qu'il sera statué sur cette requête, par le tribunal du district de la situation des biens, contradictoirement avec le procureur général syndic du département, et sur les conclusions du ministère public.

» L'art. 13 est ainsi conçu : Tous préten dans droit à la propriété des biens dont la main-levée sera accordée, seront tenus de se présenter dans le délai de cinq années, à compter du jour de la prise de possession desdits biens, telle qu'elle est prescrite par l'art. 6, c'est-à-dire, précédée de la signification du jugement de main-levée, tant au régisseur ou à ses préposés, qu'aux fermiers et détenteurs des biens.

» Les art. 16 et 17 prévoient le cas où les biens saisis sur les Religionnaires fugitifs, auraient été concédés par l'ancien gouvernement à titre gratuit, et ils distinguent entre les concessionnaires étrangers et les concessionnaires

parens.

>> Si la concession gratuite a été faite à un étranger, l'art. 16 la révoque : il fait plus, il défend au cessionnaire de s'aider d'aucune es

pèce de prescription. Mais il déclare ses héritiers et successeurs à titre universel, exempts de toute recherche, dès qu'ils ont possédé les biens pendant trente ans.

» Si la concession a été faite à un parent, l'art. 17 maintient le concessionnaire, mais sans préjudice des droits des parens plus prochés ou en égal degré, qui viendraient à se présenter dans le délai prescrit par l'art. 13; et ce à compter, pour eux, du jour de la publication du présent décret.

» Telles sont les dispositions de la loi du 9-15 décembre 1790, sur la prescription qui peut être opposée aux réclamations des héritiers des Religionnaires fugitifs; elles se réduisent, comme vous l'avez remarqué, à trois points différens.

» Ou il s'agit de savoir dans quel temps les héritiers doivent se pourvoir contre les fermiers-régisseurs,ou, si l'on veut, contre l'État. L'art. 3 n'accorde à cet égard que trois ans, à compter du jour de la publication de la loi.

» Ou il s'agit de savoir dans quel temps un héritier plus proche pourra se pourvoir contre un parent plus éloigné, qui, dans les trois ans fixés par l'art. 3, se sera fait envoyer en possession des biens, contradictoirement avec l'Etat, représenté par le procureur général syndic du département. L'art. 13 répond qu'il aura., pour intenter son action, un espace de cinq années; et que ces cinq années courront, non du jour où le parent plus éloigné a dû agir lui-même contre l'État, c'est-à-dire, du jour de la publication de la loi, mais du jour où ce parent aura pris possession des biens dans la forme prescrite.

» Ou enfin, il s'agit de savoir dans quel temps un héritier plus proche pourra évincer un parent plus éloigné qui, avant la loi du 9-15 décembre 1790, aura obtenu la concession des biens à titre gratuit ; et l'art. 17 l'oblige d'intenter sa demandé en éviction dans les cinq années qui suivront immédiatement la publication de la loi.

» Maintenant, quelle est, de ces trois dispo. sitions, celle qui est applicable à la cause soumise à votre examen?

» Ce n'est pas la première; car ce n'est pas contre l'État que le cit. Delon a intenté sa demande lorsque le cit. Delon a intenté sa demande, l'État était déjà dépossédé.

:

» Ce n'est pas non plus la troisième; car ce n'est pas contre un cessionnaire de l'État que la demande du cit. Delon a été exercée; lorsque sa demande a été exercée, il y avait déjà quelque temps que le concessionnaire Étienne Prunet ne possédait plus les biens.

» Il faut donc nécessairement que ce soit la

seconde, et par conséquent que les cinq années n'aient commencé à courir contre le cit. Delon, que du jour où les demandeurs ont été envoyés en possession.

» Inutile d'objecter que cette seconde disposition ne frappe que sur le cas où un parent plus éloigné a obtenu directement de l'Etat lui-même, la main-levée du séquestre des biens.

>> Il n'en est pas moins vrai qu'elle est la seule qui ait prévu le cas où un parent plus éloigné aurait obtenu la possession des biens, au préjudice d'un plus proche qu'il aurait devancé par ses diligences. Or, qu'il ait repris cette possession sur un concessionnaire antérieur à la loi, ou qu'il l'ait reprise sur le fermier-régisseur, la chose revient toujours au même. Ce n'est toujours qu'une question de préférence à juger entre le parent plus proche et le parent plus éloigné; et l'esprit de l'art. 13 est toujours applicable dans un cas comme dans l'autre.

» Dira-t-on que raisonner ainsi, c'est étendre le texte de l'art. 13?

>> Nous pourrions nous borner à répondre que ce n'est point étendre une loi, que d'adap ter la raison qui la motive, à un cas parfaitement analogue à celui qui est compris dans sa disposition expresse. Mais il y a une réponse plus tranchante, et la voici.

» C'est que, s'il est vrai que l'art. 13 n'est pas applicable, même par analogie, à l'espèce de la cause actuelle, il est vrai aussi, il est même très-évident, que l'on ne peut y appliquer, ni l'art. 2, ni l'art. 17. Nous l'avons déjà dit, on ne peut pas y appliquer l'art. 2, parcequ'il ne détermine que le délai dans lequel les parens, quels qu'ils soient, sont tenus, à peine de déchéance, d'obtenir de la nation la main levée des biens. On ne peut pas non plus y appliquer l'art. 17, parceque la prescription qu'il établit, n'est introduite qu'en faveur du cessionnaire dont le titre est anté. rieur à la loi. De tout cela, que conclure ? Une chose fort simple: c'est que le cas précis de la cause actuelle n'est prévu par aucun des trois articles; c'est par conséquent qu'il n'existe pour ce cas aucune prescription particulière; c'est par une conséquence ultérieure, que ce cas n'est soumis qu'à la prescription ordinaire de trente ans.

>> On ne pourrait écarter cet argument, qu'en revenant à dire que l'art. 17 doit être étendu au cas où l'héritier immédiat se présente pour évincer un parent moins proche, qui a déjà évincé un parent plus éloigné, porteur d'un brevet de concession.

» Mais si vous étendez ainsi l'art. 17, pour

quoi ne pourrais-je pas à mon tour étendre l'art. 13? Et puisque, pour pouvoir adapter, soit l'art. 13, soit l'art. 17, à la cause actuelle, on est réduit à la nécessité d'en étendre les termes à un cas qui n'y est pas expressément prévu, de quel droit seriez-vous admis à faire cette extension plutôt dans celui-là que dans celui-ci? Assurément entre ces deux partis s'il y en a un qui doive être préféré à l'autre, c'est celui qui tend à réintégrer un arrièrepetit fils dans le patrimoine de son bisaïeul; c'est celui qui tend à forcer le parent collatéral de faire place à l'héritier en ligne directe; c'est celui qui tend à remettre les cho-' . ses dans l'état le plus conforme au vœu de la

nature.

» Une dernière objection, et peut-être la plus spécieuse que les demandeurs pussent faire, serait de dire en évinçant le concessionnaire Étienne Prunet, nous sommes entrés dans tous ses droits, et conséquemment dans celui d'opposer la prescription qui avait commencé à courir en sa faveur, lorsque son éviction a été effectuée. Or, cette prescription avait commencé à courir du jour de la publication de la loi. C'est donc en notre faveur comme en la sienne, que doivent se compter, à dater du jour de la publication de la loi, les cinq années dans lesquelles a dû agir le cit. Delon, pour éviter la déchéance. En deux mots, la condition du cit. Delon ne peut pas avoir été améliorée par les diligences que nous avons faites contre Étienne Prunet; si nous n'avions pas agi contre Étienne Prunet, les demandeurs se seraient trouvés déchus après les cinq ans qui ont suivi la publication de la loi ; ils le sont donc également dans la circonstance où nous nous sommes placés en agissant contre Étienne Prunet, et en le dépossédant.

» Cette objection, nous devons le répéter est très-spécieuse; mais deux réponses se présentent pour la détruire.

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» 1o Les prescriptions qui sortent des termes du droit commun, sont de rigueur; jamais elles ne sont susceptibles de la plus légère extension. Or, la prescription de cinq ans, que l'art. 17 fait courir du jour de la publication de la loi, n'est établie par cet article, qu'en faveur du parent concessionnaire ; on ne peut donc pas l'étendre au parent moins éloigné par qui ce concessionnaire a été évince des biens dont il jouissait antérieurement au 9 décembre 1790.

» 20 Veut-on, à toute force, adopter cette extension? Eh bien! Alors, nous demanderons si le concessionnaire Étienne Prunet était vé

ritablement dans le cas de l'art. 17, ou s'il n'était pas plutôt dans celui de l'art. 16?

» Vous n'avez pas oublié la différence qui existe entre ces deux articles. Par l'art. 16, le concessionnaire non parent ne peut se prévaloir d'aucune espèce de prescription contre les héritiers du Religionnaire fugitif, qui viennent revendiquer ses biens; par l'art. 17, le concessionnaire parent est mis à couvert de toute poursuite de la part des héritiers plus proches que lui, , par une prescription de cinq ans, à compter du jour de la publication de la loi.

» Si donc Etienne Prunet n'était point parent du fugitif Antoine Delon, ce n'est point l'art. 17 que l'on doit invoquer ici, mais bien. l'art. 16; et par conséquent si Étienne Prunet jouissait encore des biens, il ne pourrait pas opposer au cit. Delon, la prescription quinquennale; par conséquent encore, cette prescription ne pourrait être d'aucun secours aux demandeurs, même en admettant qu'en évincant Étienne Prunet, ils eussent succédé à tous ses droits.

» Or, où est la preuve que le concessionnaire Étienne Prunet fût parent du fugitif Antoine Delon? Les demandeurs eux-mêmes ne le qualifient dans leur requête en cassation, que de soi-disant parent. Mais il y a plus, le jugement du tribunal de district d'Alais, du 14 mai 1792, constate authentiquement qu'il n'existe aucune espèce de preuve de la préten due parenté d'Étienne Prunet à Antoine Delon. Voici, en effet, ce que nous y lisons: Et attendu enfin qu'Etienne Prunet qui, aux termes de l'arrêt du conseil, ne pouvait conserver en tout ou en partie, la propriété et jouissance des biens dont la main-levée lui était accordée, qu'autant qu'il prouverait être plus proche parent, ou en égal degré de parenté avec les demandeurs en délaissement, et qu'il n'a rien remis pour établir qu'il fút parent des Delon; le tribunal condamne Etienne Prunet à délaisser les biens.

2

» Ici, sans doute, l'évidence paraît à vos yeux dans tout son jour, et il vous est complètement démontré, comme à nous, que l'art. 17 ne peut pas, même dans les suppositions les plus favorables aux demandeurs, recevoir la moindre application à la cause. Nous estimons, en conséquence, qu'il y a lieu de rejeter la requête, avec amende ».

Arrêt du 2 germinal an 10, au rapport de M. Vermeil, qui adopte ces conclusions,

« Attendu que le jugement du tribunal de Nîmes, en rejetant la fin de non-recevoir opposée par Lafaye et consorts contre Delon, n'a point violé l'art. 17 de la loi du 9-15 décem

bre 1790, parcequ'il ne paraît pas, d'après l'exposé des réclamans eux-mêmes, qu'Étienne Prunet, qui, en 1787, avait obtenu de l'ancien gouvernement, à titre gratuit et sous prétexte de parenté, la concession des biens du Religionnaire fugitif, fût réellement son parent;

>> Que, suivant l'art. 16 de cette loi, les dons et concessions faits à titre gratuit à d'autres qu'aux parens des Religionnaires fugitifs, sont révoqués, sans que les donataires ou concessionnaires puissent se prévaloir d'aucune prescription;

» Qu'il suit de là que la prescription de cinq années établie par la loi, n'a pu courir contre Delon, qu'à partir du jour de la prise de possession des collatéraux qui l'ont précédé dans la jouissance des biens de son bisaïeul;

» Que la jouissance des citoyennes Teissier ne peut être que postérieure au jugement par elles obtenu contre Prunet, le 24 mai 1792;

» Que, depuis cette époque, jusqu'à la demande formée par Delon, il ne s'est pas écoulé cinq années;

» Qu'il s'est écoulé bien moins de temps encore depuis la prise de possession des réclamans, puisqu'elle n'a pu avoir lieu qu'en vertu du jugement d'éviction qu'ils ont obtenu contre les citoyennes Teissier, le 17 thermidor an 3;

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§. II. 10 Lorsqu'entre deux parties qui se disputent les biens d'un Religionnaire fugitif, il est intervenu un jugement qui les a déclarées toutes deux parentes de celui-ci, mais qui en même temps a déclaré l'une plus proche que l'autre, et que ce jugement est passé en chose jugée, un tiers peut-il, en prouvant qu'il est parent dans un degré plus éloigné que la partie qui a succombé comme moins proche, être admis à prouver que la partie qui a triomphé, n'est point du tout parente, et par là, évincer celle-ci ?

20 Pour qu'il y ait lieu à la prescription de cinq ans, établie par l'art. 13 de la loi du 9-15 décembre 1790,est-il nécessaire de rapporter les exploits de signification du jugement de main-levée qui

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Après la révocation de l'édit de Nantes, Suzanne Olivier abandonna la ville de Montpellier où elle avait son domicile, et se retira en pays étranger. En conséquence, ses biens, parmi lesquels se trouvait une maison située à Montpellier même, furent séquestrés et mis en régie. Le 8 août 1791, Jean-Louis Benoît, se disant parent au neuvième degré de Suzanne Olivier, a obtenu du tribunal du district de Montpellier un jugement qui l'a envoyé en possession des biens de celle-ci.

Le 9 mai 1792, opposition à ce jugement de la part de Jean-Pierre-Marie Chauvet, se prétendant plus proche parent que Benoît, de Suzanne Olivier.

Elisabeth Olivier, femme Andriel, est intervenue sur cette opposition, et a réclamé, comme parente au septième degré, la préférence sur Benoît et sur Chauvet.

Chauvet a, en effet, reconnu qu'Elisabeth Olivier était plus proche parente que lui. Il a, en même temps,reconnu qu'il n'était qu'au dixième degré de parenté, que Benoît était au neuvième, et qu'il était par conséquent exclu par celui-ci. En conséquence, il s'est désisté de son opposition et de ses demandes.

Le 26 juillet 1792, jugement qui donne acte du désistement de Chauvet, et faisant droit sur l'opposition d'Élisabeth Olivier au jugement obtenu le 8 août 1791 par Benoît, condamne ce dernier à lui délaisser les biens de Suzanne, notamment la maison située à Montpellier.

Le 4 août suivant, signification de ce jugement à Benoît et à Chauvet.

Élisabeth Olivier prend possession de la maison, et en jouit paisiblement jusqu'au to frimaire an 5, jour où Louis-Auguste-Marie Chauvet, frère cadet de Jean-Pierre-Marie Chauvet avec lequel avait été rendu le jugement du 26 juillet 1792, la fait assigner au tribunal civil du département de l'Hérault en désistement des biens séquestrés sur Suzanne Olivier.

Jugement du 14 fructidor an 6, qui, d'après ceux des 8 août 1791 et 26 juillet 1792, déclare Chauvet le jeune non-recevable.

Chauvet le jeune appelle de ces trois jugemens à la fois. Elisabeth Olivier appelle aussi de celui du 26 juillet 1792, en ce qu'il a reconnu la famille Chauvet parente de Suzanne.

La cause portée à l'audience de la cour d'appel de Montpellier, Chauvet le jeune soutient TOME XII.

qu'Elisabeth Olivier n'est nullement parente de Suzanne ; et qu'elle n'a surpris le jugement du 26 juillet 1792,qu'à l'aide d'une fausse généalogie. Elisabeth Olivier répond :

10 Le jugement du 26 juillet 1792 décide que je suis plus proche parente que Benoît,qui l'est luimême à un degré moins éloigné que vous; ce jugement est passé contre Benoît en chose jugée : il est donc irrévocablement décidé que j'exclus Benoît; il l'est donc à plus forte raison que je vous exclus vous-même: si vinco vincentem te, à fortiori te vinco;

20 Benoît, que j'ai évincé et dont par conséquent j'exerce tous les droits, avait pris possession dès le 10 août 1791, en vertu du jugement du 8 du même mois ; et cette possession, il l'avait prise, après avoir fait signifier le jugement du 8 tant au régisseur-séquestre qu'au fermier des biens. Ainsi, nul doute que la prescription de cinq ans établie par l'art. 13 de la loi du 9-15 décembre 1790, n'ait commencé à courir contre vous dès le 10 août 1791; nul doute par conséquent que vous n'ayez intenté votre action trop tard, puisque, du 10 août 1791 auto frimaire an 5,il s'est écoulé plus de dix ans.

Chauvet le jeune réplique, entre autres choses, qu'aux termes des art. 6 et 13 de la loi, la prescription n'a pu courir que du jour de la prise de possession précédée de la signification du jugement de main-levée au régisseur-séquestre et au fermier ou détenteur des biens ; qu'Èlisabeth Olivier ne rapporte pas les exploits de signification du jugement du 8 août 1791; qu'à la vérité, ils sont relatés dans le jugement du 26 juillet 1792, comme ayant été faits avant la prise de possession de Benoît; mais que ce jugement ne peut être opposé dans son dispositif, et à plus forte raison dans ses énonciations, qu'aux parties entre lesquelles il a été rendu.

Sur ces débats, arrêt du 30 messidor an 10 qui pose les questions suivantes :

« 10 Faut-il recevoir Elisabeth Olivier,femme Andriel, à appeler, de son chef, du jugement du 26 juillet 1792, en ce qu'il déclare Benoît parent au neuvième degré,et Chauvet parent au dixième degré de la fugitive, et réformer ledit jugement ou bien le maintenir ?

» 20 Faut-il recevoir Chauvet jeune à appeler tant du jugement du 8 août 1791 que de celui du 26 juillet 1792,qui prononcent la main-levée des biens dont s'agit, le premier au profit du cit. Benoît, le second au profit d'Élisabeth Olivier ? » 30 Faut-il dire droit à l'appel relevé par Chauvet jeune, du jugement du 14 fructidor an 6, ou bien l'en débouter »?

Sur la première question, la cour d'appel considère « que l'appel relevé par la citoyenne Oli» vier, femme Andriel, de son chef,'du jugement

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i

» du 26 juillet 1792, en ce que ledit jugement » déclare Benoît et Chauvet aîné, parens de la » fugitive, est un appel incident qui serait irre» cevable dans la femme, puisque la citoyenne » Olivier, femme Andriel, a acquiescé à ce juge>> ment en l'exécutant; mais qu'au fond,il dépend » de l'examen de la question relative à la paren»té du cit.Chauvet dont il sera parlé ci-après». Sur la deuxième question, la cour d'appel pense que les jugemens des 8 août 1791 et 26 » juillet 1792 étant opposés à Chauvet jeune, >> comme exception à sa demande en délaisse>> ment des biens de Suzanne Olivier, fugitive, » il faut distinguer ces deux jugemens dans l'appel qu'il en a relevé. Quant à celui du 8 août » 1791 (continue-t-elle ), il n'y a pas lieu à s'en » occuper, attendu que ce jugement se trouve » anéanti par celui du 26 juillet 1792 ; et quant » à ce dernier, Chauvet est recevable à en appe» ler pour détruire le fait de l'exception qui lui >> est opposée, puisque ce jugement ne lui a jamais »été signifié; au fond, le mérite de son appel >> est subordonné aux mêmes questions que ce>> lui du jugement du 14 fructidor an 6, dont il » sera parlé ci-après

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Arrivant à la troisième question, la cour d'appel la sous-divise en deux branches: 10 les fins de non-recevoir opposées par Elisabeth Olivier, femme Andriel, sont-elles fondées ? 20 Chauvet et la femme Andriel sont-ils l'un et l'autre, ou l'un d'eux seulement, parens de Suzanne Olivier, fugitive ?

»

En examinant la première, « le tribunal a pensé (ce sont toujours les termes de l'arrêt ) » que celui dont l'action est déclarée non-rece»vable par une disposition formelle de la loi, » n'a pas qualité pour contester le titre ou le » droit de celui qui possède, et que conséquem»ment le parent du Religionnaire dont les ti» tres ont été reçus et jugés par le tribunal qui » lui accorde la main-levée des biens, et qui a » joui sans trouble, pendant l'espace de temps » fixé par l'art. 13, est à l'abri de toute recher» che, et par suite dispensé de prouver, de »> nouveau vis-à-vis, d'un tiers qui prétend avoir droit, qu'il est véritablement parent du fugitif, ayant déjà subi à cet égard les épreuves > commandées par la loi, et joui pendant letemps nécessaire, sans qu'elles aient été que>> rellées par qui que ce soit; qu'il n'est pas » douteux que la possession de l'évincé ne pro» fite à l'évinçant (1), en sorte que, si, à dater de » la première possession prise en exécution du » jugement de main-levée, jusqu'au temps où

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(1) Cette assertion est-elle bien exacte? V. le Répertoire de jurisprudence, au mot Prescription, sect. 1, §. 5, art. 3, n° 8-4°.

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» un tiers prétendant droit forme opposition, il » s'est écoulé un intervalle de temps de cinq » années, ce dernier est sans contredit non-re>> cevable; car il importe peu, respectivement » à lui, que cette possession ait eu lieu sur la » tête d'un seul ou de plusieurs; il suffit qu'il >> ne se soit pas présenté dans les cinq années à >> dater de la possession prise en vertu du ju>> gement qui accorde la main-levée, pour qu'il » soit non-recevable, à quelque degré qu'il se >> trouve ; à tel point même que le fils même » du fugitif serait repoussé par l'effet de sa né› gligence, par un parent au dixième degré, ou >> du moins reconnu tel lors du jugement qui » lui a accordé la main-levée; mais qu'il ne » suffit pas, pour pouvoir opposer avec avan» tage la fin de non-recevoir dont s'agit, qu'il apparaisse une possession prise depuis plus » de cinq ans, à dater du jugement de main» levée; qu'il faut encore, d'après la disposi» tion très-expresse de l'art. 6 de la loi du 9-16 » décembre 1790, que la notification de ce ju»gement ait été faite, aux régisseurs des do>> maines nationaux et aux fermiers ou déten>>teurs des biens, parceque plus une exception >> est rigoureuse et contraire à la règle ordinaire, plus il est nécessaire de s'attacher à la >> stricte observation des règles prescrites, » pour pouvoir l'opposer avec succès ; que la règle enunciativa probant n'est jamais ad» mise qu'à l'égard des actes très-anciens et à » cause de la difficulté et peut-être de l'impos»sibilité qu'il y aurait à rapporter l'acte énoncé; que le jugement dont est appel et la >> cause de l'enregistrement sont trop récens, » pour pouvoir faire fléchir la règle générale qui veut qu'on puise la preuve des faits et de >> l'observation des règles, non dans les actes qui les énoncent, mais bien dans ceux exigés » par la loi, suivant la règle, non creditur re»ferenti, nisi constet de relato ».

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»

Passant ensuite à la seconde branche de la troisième question, la cour d'appel trouve la parenté de Chauvet le jeune régulièrement etablie, et reconnaît, au contraire, que celle d'Elisabeth Olivier n'est nullement justifiée.

En conséquence, << sans s'arrêter à l'appel » relevé par Élisabeth Olivier du jugement du » 26 juillet 1792, disant droit à l'appel relevé » par Chauvet du jugement du 14 fructidor an » 6, le recevant en tant que de besoin à l'éten» dre à celui du 26 juillet 1792, réformant les>> dits jugemens, sans avoir égard aux fins de » non-recevoir opposées à Chauvet par Elisa» beth Olivier, dont elle est démise; et vu qu'il » résulte des actes du procès que Chauvet est » parent de Suzanne Olivier, fugitive, et qu'au » contraire, Elisabeth Olivier est issue d'une >> famille Olivier étrangère à celle de ladite fu

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