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même droit n'est-il pas étendu aux préfets et au pouvoir dont ils sont les agents? Comment être réduit, à côté d'un texte aussi limpide, à interpréter si laborieusement un texte aussi ambigu? Comment les mesures, qui sont ici qualifiées de mesures locales sur les objets de la police municipale, deviendraient-elles là, sans changer d'objet ni de nature, des mesures de sûreté générale? Et c'est dans ce texte que l'on prétend trouver le droit de prendre les arrêtés quand il ne donne pas même celui de prendre les mesures de sûreté !

Trois applications de cette jurisprudence ont été faites jusqu'à présent. La Cour de cassation a déclaré valables comme constituant des mesures de sûreté générale les arrêtés préfectoraux, pris dans toute l'étendue d'un département, 1o qui proscrivaient les couvertures en chaume1; 2o qui fixaient, antérieurement au décret du 29 décembre 1851, l'heure d la fermeture des cafés et cabarets'; 3° qui, dans l'intérêt de la salubrité publique, défendaient les dépôts de fumier dans l'intérieur des cours des maisons . Ce sont sans aucun doute des précautions utiles, des mesures d'une police prévoyante; mais faut-il y reconnaître les mesures de sûreté générale énoncées par l'art. 9 de la loi du 18 juillet 1837? Ces applications mêmes ne mettent-elles pas en lumière la limite qui sépare les mesures de police et les mesures de sûreté ? N'est-il pas visible que, lors même que l'article 9 aurait attribué le droit qu'on prétend y trouver, cette jurisprudence l'aurait étendu à des objets qui n'étaient pas dans sa prévision?

Et quel est le but de cette pénible interprétation? C'est d'édifier une attribution extraordinaire en dehors des termes précis de la loi, c'est de transporter le pouvoir réglementaire en d'autres mains que celles qui en ont reçu la délégation,

1 Cass. 12 sept. 1855, rapp. M. Rives. Bull., n. 286; 23 sept. 1853. A notre rapport, n. 482.

2 Cass. 17 fév. 1855, rapp. M. Foucher. Bull. n. 49; 15 mars 1855, rapp. M. Foucher, n. 97 et 98; 3 août 1855, rapp. M. Poultier, n. 279; 26 janv. 1856, rapp. M. Moreau, n. 38.

Cass. 19 janv. 1855, rapp, M., Caussin de Perceval, Bull, n, 29.

c'est d'armer les préfets du droit de faire des réglements de police, c'est-à-dire, répétons-le, des lois pénales portant des obligations et des peines, lorsqu'il est évident que ces fonctionnaires ne présentent pas les mêmes conditions que l'autorité municipale, lorsque leurs arrêtés plus généraux ont un caractère autre que les mesures locales que la loi a seules voulu déléguer. On invoque le bien du service administratif, l'avantage de généraliser et d'étendre des dispositions réglementaires utiles aux populations, l'inconvénient d'enlever aux préfets le pouvoir de prendre des mesures qui, dans certaines circonstances, peuvent être nécessaires. Mais le préfet, s'il n'a pas le pouvoir réglementaire, n'a-t-il pas l'autorité supérieure qui en surveille l'exercice, n'a-t-il pas le droit de provoquer les arrêtés qu'il approuve et qu'il contrôle? Ensuite, en admettant au point de vue administratif quelques entraves, quelques lenteurs, s'ensuit-il que l'interprétation judiciaire ait le droit de créer une loi nouvelle à côté de la loi existante, de transformer en une attribution administrative l'attribution que le législateur a faite toute municipale, d'étendre la délégation de la loi et de la placer là où elle ne rencontre pas les mêmes garanties? Enfin, il faut le répéter, l'unité n'est pas de la nature de la matière de la police; elle est assujettie aux circonstances, aux accidents, aux faits multiples qui se produisent chaque jour dans chaque lieu; et, par cette raison, qu'elle appartient, non au département, mais à la commune, non aux préfets, mais au maire.

IV. Les formes des arrêtés préfectoraux, comme celles des arrêtés municipaux, n'ont point été réglées par la loi. Mais, par cela seul que ces arrêtés sont des lois locales, par cela seul qu'ils créent des obligations, il faut admettre qu'ils doivent revêtir les formes extérieures de la loi. Cette règle a été maintenue par la jurisprudence.

Un préfet, après avoir pris un arrêté qui prescrivait des précautions contre les incendies, avait adressé aux maires de

son département une circulaire qui accordait un délai aux propriétaire de bâtiments couverts en chaume pour se conformer à ses prescriptions. La Cour de cassation a déclaré: « que cette circulaire n'a pu modifier l'arrêté auquel elle se réfère; qu'un arrêté de police, en effet, est, lorsqu'il est légalement pris, dans le cercle du pouvoir réglementaire, une véritable loi locale; qu'il a les effets et l'autorité de la loi, puisqu'il oblige tous les citoyens; qu'il doit être, en conséquence, accompagné des formes et des solennités, qui sont les caractères extérieurs de la loi; qu'une simple instruction administrative, lors même qu'elle serait rendue publique, ne peut avoir aucun effet obligatoire '. »

Les réglements de police des préfets doivent, en second lieu, être publiés dans la même forme que ceux des maires. Ils n'ont force d'exécution que par la connaissance qui en est légalement donnée à ceux qui ont l'obligation de s'y conformer 2.

Ainsi, il ne suffirait pas que le réglement fût inséré au bulletin des actes de la préfecture, a attendu que ce bulletin, fondé par une circulaire de l'administration centrale, et destiné uniquement à faciliter les rapports des préfets avec les divers fonctionnaires placés sous leurs ordres, n'a, aux termes mêmes de l'acte de son institution, d'effet, quant aux administrés, que si, par suite de sa transmission à ces fonctionnaires, les arrêtés d'intérêt général qu'il renferme, reçoivent dans chaque localité, par les voies en usage, publication qui peut seule leur conférer un caractère obligatoire 3.

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Il faut donc se conformer, pour les publications de ces arrètès, aux règles prescrites par l'avis du conseil d'État du 25 prairial an XII, « attendu que cet avis, bien qu'il soit intervenu seulement au sujet des décrets impériaux qui ne

Cass, 23 sept. 1853, à notre rapport. Bull n. 482.

* Cas. 5 juill. 1845, rapp. M. Rocher. Bull. n. 222,

Même arrêt et cass. 28 nov. 1845, rapp. M. de Crouseilhes. Bull, n. 350.

sont point insérés au bulletin des lois ou qui ne s'y trouvent énoncés que par leur titre, a posé une règle qui s'applique, par identité de raison, à tous les actes spéciaux du pouvoir réglementaire dont l'administration publique est investie; qu'aux termes de l'avis précité, ces actes, comme les décrets impériaux qu'il spécifie, ne deviennent donc obligatoires pour les personnes qui en sont l'objet que du jour où il leur en est donné connaissance réellement et officiellement, par publications, affiches, notification ou signification, ou envois faits ou donnés par les fonctionnaires publics chargés de l'exécution 1. >>

Ainsi, les réglemens de police des préfets doivent, pour avoir force d'exécution, être publiés ou affichés dans les communes soumises à leur observation. S'ils n'ont été portés à la connaissance du public ni par affiche ni par publication, leur notification aux personnes qui en sont l'objet est indispensable; mais cette notification doit avoir pour effet, d'après l'acception légale du mot, de leur remettre une copie complète et authentique de l'acte, afin qu'elles soient instruites de ses motifs et mises à même d'exercer le recours ouvert par l'article 2, sect. 3 de la loi du 22 décembre 1789-janvier 1790, et par le 6 de l'instruction annexée à cette loi combiné avec l'art. 3 de celle du 28 pluviose an VIII. A défaut de cette remise, l'inexécution des mesures prescrites n'est passible d'aucune peine.

S 478.

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I. Attributions réglementaires du pouvoir exécutif. II. Peut-il faire des réglements sur les matières déterminées par la loi des 16-24 août 1790? III. Pouvoirs des ministres.

I. Le pouvoir exécutif a les mêmes droits que les préfets qui sont ses mendataires et ne font que le représenter, les

1 Cass. 11 août 1854, rapp. M. Rives. Bull. n. 256; 24 juill. 1852, rapp. M. Rives, n. 246,

règles qui s'appliquent à ces derniers s'appliquent donc, en général, au chef de l'Etat. Ainsi, la loi a délégué dans plusieurs cas au pouvoir exécutif, comme elle l'a fait dans d'autres cas aux préfets, le droit de faire des réglements généraux de police sur des matières qu'elle a désignées, et elle a attaché aux infractions des peines qu'elle a déterminées. Le législateur se borne à poser dans ces matières les règles générales, et il charge l'autorité exécutive, plus rapprochée des faits, plus apte à pénétrer dans leur détail, de pourvoir par des réglements à toutes les difficultés de l'application.

On peut citer de nombreux exemples de ces délégations de la loi. La loi du 12-20 août 1790 autorise des réglements généraux sur la police des eaux; la loi du 21 avril 1810, relative aux mines et carrières, établit, dans ses art. 61 et 93, des peines pour la sanction des réglements généraux ou locaux émanés de l'autorité administrative sur le mode de l'exploitation. La loi du 8 mars 1822 délégue au pouvoir exécutif le droit de prendre des mesures extraordinaires pour la police sanitaire, et l'art. 7 attache des pénalités à la violation de ces mesures. La loi du 4 juillet 1837 délégue également par son art. 7 le droit de faire des réglements en matière de poids et mesures et porte des peines contre les contraventions. La loi du 15 juillet 1845, art. 21, porte que toute contravention aux ordonnances portant réglement d'administration publique sur la police, la sûreté et l'exploitation des chemins de fer, sera punie d'une amende de 16 à 3,000 fr. » L'ordonnance du 15 mai 1846 édicte en conséquence des dispositions réglementaires qui sont protégées par cette sanction, La loi du 19 juillet 1845 consiste tout entière dans une délégation de cette nature: « les contraventions, porte cette loi, aux ordonnances royales portant réglement d'administration publique sur la vente, l'achat et l'emploi des substances vénéneuses, seront punies d'un emprisonnement de 6 jours à 2 mois. » Les réglements des 29 octobre 1846 et 8 juillet 1850 ne sont que l'exécution de cette loi. La loi du 19 janvier 1850, sur l'enseignement, délégue, art. 57, la réglementation des salles

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