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d'asyle à l'administration et établit des peines pour les infrac tions à ses réglements. La loi du 30 mai 1851, sur la police du roulage, renvoie au pouvoir exécutif le soin de régler les détails de son application en formulant les peines qui seront la sanction de ces réglements: le décret du 10 août 1852 n'a fait qu'accomplir cette mission donnée par le législateur. Enfin, la loi du 8 juillet 1852, art. 30, abandonne encore au même pouvoir le réglement de l'affichage sur les murs, en se bornant à déclarer que toute infraction à ce réglement, qui est intervenu le 25 août suivant, sera punie d'une amende de 100 à 500 fr. On pourrait rappeler encore les art. 314, 358, 413, 457, 461 et 471 du C. pén., qui ne font qu'édicter une sanction pénale aux réglements que le pouvoir exécutif est autorisé à prendre sur les armes prohibées, les inhumations, l'expédition des produits des manufactures, la hauteur des eaux, les épizooties et la voirie. Mais il importe de remarquer que c'est uniquement la délégation du pouvoir législatif qui, en faisant participer le décret, l'ordonnance ou le réglement du caractère de la loi, assure à ses dispositions pénales leur force d'exécution. Chacun de ces actes n'a d'autre puissance que celle que la loi lui a communiquée; cette puissance n'existe donc qu'en vertu de la délégation et dans le cercle qu'elle a tracé. Ainsi, il a été jugé qu'aucune application ne devait être donnée, 1o à l'ordonnance du 24 juillet 1816, sur les armes de guerre, «< attendu que les peines prononcées par l'article 15 de cette ordonnance n'ont pour fondement le texte d'aucune loi»; 2° à l'ordonnance du 14 août 1816, sur la pêche du hareng, « attendu que les ordonnances royales ne peuvent ni rien ajouter aux lois pénales, ni rien retrancher'. >> Il y a lieu de remarquer au surplus que les matières déléguées à la réglementation du pouvoir exécutif, de même que celles qui ont été déléguées directement aux préfets, ne rentrent point dans les objets qui appartiennent à la police municipale;

'Cass. 11 fév. 1835, M. Rives. Bull. n. 44.

1 Cass. 24 mai 1843, rapp. M. Vincens Saint-Laurent. Bull. n. 121.

elles se rattachent à des intérêts généraux que l'autorité nunicipale serait incompétente pour apprécier. Ce n'est donc nullement sur la police locale que ces réglements empiètent ; il s'agit d'un ordre de matières peut-être analogue, mais tout à fait distinct.

II. Cela posé, nous allons retrouver la même question que nous avons déjà examinée à l'égard des préfets, celle de savoir si, de ce que le pouvoir exécutif est investi par la loi constitutionnelle du droit de faire les réglements nécessaires pour l'exécution des lois, et par plusieurs lois spéciales du droit de faire en quelques matières des réglements de police, il s'ensuit qu'il puisse faire des réglements généraux sur les objets attribués à l'autorité municipale par l'art. 3, tit. XI de la loi du 16-24 août 1790. Les objections que nous avons élevées dans la première hypothèse s'appliquent évidemment à celle-ci, puisque les préfets n'ont d'autre titre pour procéder à de tels réglements que celui d'agents du pouvoir exécutif. On peut donc dire, en général, qu'il faut distinguer, comme nous l'avons déjà fait, les réglements administratifs et les réglements de police; que ces derniers, qui participent de la nature des lois pénales, ne peuvent émaner que de la loi elle-même ou d'une autorité investie d'une délégation directe de la loi; que le pouvoir exécutif, qui a reçu cette délégation dans tant de cas qui viennent d'être énumérés, ne l'a pas reçue en ce qui concerne les matières confiées à la surveillance de l'autorité municipale; que la délégation faite en faveur de cette autorité par la loi du 16-24 août 1790 el par l'art. 11 de la loi du 18 juillet 1837, est une attribution propre au pouvoir municipal. Nous ne répéterons pas les autres motifs déjà allégués dans ce sens.

Cependant, bien que la question au point de vue théorique soit sans doute identique, il faut reconnaître que sa solution est plus délicate, parce que les intérêts qui font l'objet des réglements du pouvoir exécutif sont plus graves et plus pressants, et que l'interprétation judiciaire, quelque inflexi –

bles que soient ses règles, doit hésiter à laisser ces intérêts sans protection. Il existe d'ailleurs entre le pouvoir exécutif et les préfets cette différence que, ceux-ci n'étant que ses mandataires et ses délégués, ne sont investis que de la portion de pouvoir qui leur est départie, tandis que le chef de l'État exerce le pouvoir exécutif tout entier, tel que la loi constitutionnelle l'a remis entre ses mains. On doit donc apporter une très grande attention dans l'examen de cette difficulté.

Elle est née pour la première fois à l'occasion des réglements relatifs à la boulangerie. En 1813 et dans les années suivantes, plusieurs décrets et ordonnances s'occupèrent d'organiser successivement la boulangerie dans la plupart des villes de France. Les réglements renfermaient à la fois des mesures administratives et des mesures de police. La question s'éleva de savoir si ces dernières avaient une forme légale et si leur infraction devait motiver l'application des peines de police. Il ne parut pas douteux d'abord que l'autorité municipale ne fut investie du droit de faire des réglements locaux sur cette matière, « attendu que la liberté des professions et industries n'a été proclamée par l'art. 7 de la loi du 2-17 mars 1791 qu'à la charge de se conformer aux réglements de police qui sont ou pourront être faits; que de toutes les professions industrielles il n'en est pas qui par sa nature nécessite, plus que la profession de boulanger, la vigilance de l'autorité municipale, parce que l'exercice de cette profession s'applique à la fabrication d'un aliment qui forme la base de la nourriture de la population; que l'art. 3, tit. XI de la loi du 16-24 août 1790 a conféré au pouvoir municipal le droit de surveiller la salubrité des comestibles exposés en vente publique; que de cette disposition législative découle nécessairement le droit, pour le pouvoir municipal, de faire des réglements sur la boulangerie et d'imposer à l'exercice de cette profession les conditions impérieusement réclamées par une sage prévoyance pour assurer la subsistance des citoyens 1»>

'Cass. 9 nov. 1839, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 340; et ch. réun. 16 juillet 1840, rapp. M. Renouard, n. 202.

nu,

Mais ce droit attribué à l'autorité municipale étant reconcomment est-on arrivé à conférer la même attribution au pouvoir exécutif? La question ne fut point soulevée d'abord. Il s'agissait, ou de décrets impériaux qui avaient force de loi, ou d'ordonnances royales qui avaient suivi la voie ouverte par les décrets et dont l'utilité paraissait si évidente que nul ne songea à en contester la légalité 1. La jurisprudence était formée quand la contestation s'éleva et il etait trop tard pour qu'elle se modifiát. Elle se borna à chercher un motif pour étayer les ordonnances, tantôt déclarant simplement «que l'ordonnance a été rendue dans les limites du pouvoir réglementaire, tantôt « que ce droit, placé par la loi dans les attributions de l'autorité municipale, appartient au même titre au pouvoir administratif supérieur; que par conséquent il peut être exercé par ordonnance du roi3. » C'est ainsi qu'est née peu à peu cette théorie, qui a déjà été signalée, « qu'il appartient au pouvoir souverain de faire les réglements nécessaires pour l'exécution des lois; qu'il peut dès lors, par des actes généraux ou spéciaux de son autorité, ordonner toutes les mesures de sûreté générale énoncées dans l'art. 3, tit. XI de la loi du 16-24 août 1790. »

Il n'était peut-être pas besoin de cette théorie très hasardée pour justifier les ordonnances réglementaires. En droit strict, il eût fallu distinguer dans ces ordonnances leurs dispositions administratives, qui étaient parfaitement légales, et leurs dispositions de police, qui auraient dû être abandonnées au pouvoir municipal. Mais, dans une matière aussi importante et qui touche de si près à la tranquillité publiqne, une telle distinction était difficile. Comment dénier leur validité à des réglements qui prennent de salutaires précautions pour assu

Cass. 12 sept. 1829, rapp. M. Gary. J. P., t. XXII, p. 1448; 1er avril et 11 juin 1830, rapp. M. Rives. J. P., t. XXIII, p. 329 et 570; 29 mai 1834, rapp. M. Fréteau. J. P., t. XXVI, p. 570; 3 janv. 1835, rapp, M. Rives; t. XXVI. p. 1222; 8 mars 1845, rapp. M. Rives. Bull. n. 91. * Cass. 20 avril 1844, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 148. * Cass, 9 nov. 1839, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 340.

rer l'alimentation et pourvoir aux subsistances? Supposez que ces réglements arrivent dans des circonstances graves, au milieu des embarras d'une disette, et c'est presque toujours ainsi que les interprétations extensives se font jour, comment discuter rigoureusement leur titre et faire la part de leur droit? Il nous semble seulement qu'il eut été possible de chercher ailleurs que dans la loi du 16-24 août 1790 le fondement légal de leur existence. En effet, des anciens édits qui réglaient la profession de boulanger, et notamment de l'édit de février 1776, encore partiellement en vigueur', de l'art. 7 de la loi du 2-17 mars 1791, qui soumet certaines professions aux réglements qui pourront être faits, del'art. 30, tit. 1o de la loi du 19-22 juillet 1791, qui autorise des réglements sur le commerce de la boulangerie, enfin de l'arrêté du 19 vendémiaire an x, qui organise la boulangerie de Paris, on peut induire une véritable délégation de la loi au pouvoir exécutif pour faire sur cette matière les réglements de police qu'elle exige. On peut même dire que cette délégation est nécessaire; car dans une matière qui touche si essentiellement à la paix publique, il est évident que les mesures de police locale seraient insuffisantes ou dangereuses, et qu'il ne peut appartenir dans beaucoup de cas qu'au pouvoir central de prendre des dispositions utiles, parce qu'elles sont fondées sur des notions plus vraies de l'état des choses et que leur utilité provient de leur extension même.

Une fois son point d'appui trouvé, la jurisprudence ne l'a plus abandonné. Elle a distingué en conséquence, parmi les ordonnances réglementaires qui cherchaient une sanction pénale, celles qui s'appliquaient à quelqu'une des matières déférées à la police municipale par la loi du 16-24 août 1790, et celles qui avaient pour objet des matières étrangères à cette police.

Dans cette dernière hypothèse, il a bien fallu arriver à dé

Cass. 20 nov. 1812, rapp. M. Aumont. J. P., t. XXVI, p. 285; 18 fév. 1848, rapp. M. Rives. Buli. n. 45.

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