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la délégation du membre du conseil municipal avait été faite par le maire, et l'illégalité de cette délégation paraît surtout avoir déterminé l'annulation; ils portent, en effet : « que l'art. 167, relatif à la juridiction spéciale des maires comme juges de police, autorise bien un membre du conseil municipal à exercer le ministère public en l'absence de l'adjoint, mais à condition qu'il aura été désigné par le procureur de la république pour une année entière; qu'il est constaté par le jugement attaqué qu'un membre du conseil municipal a rempli les fonctions du ministère public à l'audience du tribunal de simple police tenue par le juge de paix, en l'absence du maire et à raison de l'empêchement pour cause de maladie de l'adjoint; que rien n'indique d'ailleurs qu'il ait été délégué pour l'exercice de ces fonctions dans la forme et pour la durée de temps déterminées par ledit art. 167, d'où il suit la violation expresse des art. 144 et 167 1.» Dans ces derniers arrêts, la Cour de cassation aurait-elle continué la jurisprudence commencée par l'arrêt du 10 septembre 1835, aurait-elle annulé si la délégation eût été faite suivant les termes de l'art. 167? Les arrêts ne s'expliquent point à cet égard, mais il y a lieu de penser que telle a été la pensée qui les a dictés; car la même Cour formulant enfin la solution de la difficulté, et revenant sur le premier arrêt du 29 février 1828, a déclaré dans deux autres arrêts: « que les membres du conseil municipal ne sont point appelés dans ce cas à remplacer l'adjoint empêché; que s'il y a plusieurs commissaires de police dans le lieu où siége le tribunal, le procureur général nomme celui qui doit faire le service; que, par voie d'analogie, on doit conclure qu'en l'absence de commissaire de police, de maire et d'adjoint près le tribunal de police du juge de paix, c'est au procureur général à choisir dans les maires et adjoints du canton celui ou ceux qui doivent faire le service près le tribunal de police du juge de

1 Cass. 28 mai 1852, rapp. M. de Glos, Bull, n. 172; et Conf, cass. 3 déc. 1849, rapp、 M, Rives. Bull. n. 343.

paix. Anisi, en définitive d'après cette jurisprudence, en cas d'empêchement du maire et de l'adjoint, c'est parmi les maires et adjoints des communes voisines que le remplaçant doit être pris, et il appartient au procureur général d'en faire la désignation.

Cette solution peut donner lieu à quelques observations. Le principe de la loi a été de recruter les officiers du ministère public sur les lieux au chef lieu de canton, elle appelle le commissaire du lieu où siége le tribunal, et à son défaut, le maire et l'adjoint de la commune ; dans les autres communes, elle appelle, à défaut de l'adjoint, les membres du conseil municipal. Elle n'a pas voulu qu'il y eut de déplacement : le tribunal doit prendre sur le lieu mème tous le éléments de sa composition. La loi n'attribue d'aptitude qu'aux officiers du lieu. Or la jurisprudence, renversant ce système, va chercher dans une autre commune l'officier qui doit remplacer le ministère public. Pourquoi ce déplacement qui ne fait qu'aggraver la charge de cette fonction? Pourquoi ne pas demeurer fidèle à la pensée de la loi en prenant le remplaçant dans la commune mème? Est-il possible, ensuite, d'établir une compétence qui n'a pas sa source dans la loi, de faire fonctionner un maire en dehors des limites de son ressort, de lui faire reconnaître un caractère, de lui conférer des attributions dans un lieu où ni ce caractère ni ces attributions n'existent? Il est vrai que la loi n'a désigné que le commissaire de police, le maire et l'adjoint; mais, lorsqu'elle a prévu plus loin le remplacement de l'adjoint, dans l'hypothèse de l'art. 167, à qui s'est adressé le législateur? Est-ce au maire ou à l'adjoint d'une commune voisine? Non, c'est au conseil municipal mème, c'est aux officiers de la commune. Et cette disposition. est en parfaite harmonie avec toute la législation. L'art. 5 de la loi du 21 mars 1831 porte qu'en cas d'empêchement du maire et des adjoints, le maire est remplacé par le conseiller

⚫ Cass. 9 août 1834, rapp. M. Gilbert de Voysin. J. P., t. XXVI, p, 864; 16 novembre 1844, rapp. M, Barennes, Bull, n. 374.

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municipal le premier dans l'ordre du tableau; et l'art. 14 de la loi du 18 juillet 1837 ajoute : « que le maire peut déléguer une partie de ses fonctions à un ou plusieurs de ses adjoints, et en l'absence des adjoints à ceux des conseillers municipaux qui sont appelés à en faire les fonctions. » Or, l'art. 167 ne doit-il pas être considéré comme le complé ment de l'art. 144? Ces deux articles ne s'enchaînent-ils pas l'un et l'autre, l'un pour régler le remplacement du commissaire de police, l'autre du maire et de l'adjoint? Et la loi, qui paraît imprévoyante à la première vue, dès que l'on rapproche ces deux articles, ne semble-t-elle pas révéler toute sa pensée? On oppose encore le 2o paragraphe de l'art. 144; mais le droit du procureur général est limité à la désignation du commissaire de police: pourquoi l'étendre? Où se trouve l'analogie entre le choix d'un commissaire de police parmi plusieurs du même canton, qui ont en eux-mêmes le même principe de compétence, et l'appel d'un maire d'une autre commune qui puise toute sa compétence dans ce seul appel? Est-ce la même chose de choisir entre deux fonctionnaires compétents ou d'attribuer la compétence à un fonctionnaire à qui la loi n'en a donné aucune? La délégation peut-elle avoir un tel effet? Enfin, lorsqu'il s'agit du remplacement des officiers municipaux, la loi a jugé avec raison que le procureur impérial, plus près des lieux, mieux à portée de connaître les personnes et les localités, devait seul être appelé à faire les désignations nécessaires au service; pourquoi ne pas appliquer cette règle posée par l'art. 167 et qui est fondée sur une saine entente de l'administration de la justice? Tous les intérêts ne sont-ils pas garantis par l'intervention de ce magistrat? En suivant cette interprétation, on atteint le même but, et les textes du Code ne reçoivent aucune atteinte.

Le juge de paix, lorsqu'un officier ne se présente pas pour remplir les fonctions du ministère public, ne peut procéder à aucun acte comme tribunal de police, puisque le tribunal n'est constitué que par la présence du ministère public,

ni procéder lui-même au remplacement de cet officier en appelant pour siéger un membre du conseil municipal '; il ne peut que provoquer soit auprès du maire, soit auprès du procureur impérial, suivant les circonstances, le remplacement des officiers empêchés. Dans une espèce où le juge de paix avait relaxé les prévenus, par le seul motif que le commissaire de police n'était pas présent à l'audience et en donnant défaut contre lui, la Cour de cassation a condamné cet excès de pouvoir: « attendu que, d'après les formes de l'organisation judiciaire, les tribunaux de répression ne peuvent être légalement constitués sans le concours du ministère public; qu'on ne peut comprendre, en effet, que l'empêchement légitime ou la négligence d'un officier du parquet put faire défaillir l'action publique et laisser la société sans défense; que l'art. 144 détermine le mode de remplacement des officiers du ministère public, et que c'est au tribunal de simple police à provoquer ce remplacement, conformément à la règle tracée par cet article >>

Que si le remplacement ne peut avoir lieu par quelque cause que ce soit, il y a lieu de provoquer auprès de la chambre criminelle de la Cour de cassation le renvoi pour cause de suspicion légitime devant un autre tribunal de police, attendu que la jurisprudence a assimilé au cas de conflit ou de suspicion l'impossibilité où se trouve un tribunal de se constituer. Telle est la marche indiquée par la Cour de cassation. Dans une espèce où le maire et l'adjoint étaient empêchés ou avaient refusé leur concours, elle a prononcé le renvoi devant un autre tribunal: « attendu que cet empêchement et ce refus sont suffisamment constatés; que dès lors le tribunal de police ne peut se constituer pour statuer sur la citation à lui déférée; que le défaut de juge ou de ministère public doit être assimilé au cas de conflit ou de suspicion légi

Cass. 7 nov. 1844, rapp. M. Rives. Bull. n. 356.

2 Cass. 25 janvier 1850, rapp. M. de Boissieux. Bull. n. 35,

time, puisque dans l'un comme dans les autres cas, l'action de la justice est interrompue '. »

IV. Nous avons établi que le procureur général et le procureur impérial étaient investis d'un certain pouvoir de surveillance sur les officiers qui exercent les fonctions du ministère public près les tribunaux de police. Ce droit résulte, 1o des art. 144 et 167 du C. d'inst. cr., qui supposent, par le droit de désignation qu'ils attribuent à ces deux magistrats, une hiérarchie dans les membres du ministère public et par conséquent un pouvoir supérieur; 2° des art. 178 et 249, qui veulent que la notice de toutes les affaires de police poursuivies et jugées passe sous les yeux du procureur impérial et du procureur général; 3° de l'art. 60 de la loi du 20 avril 1819, qui donne au procureur général le droit de rappeler à leur devoir les officiers du ministère public qui s'en écar

tent'.

Mais, indépendamment de cette surveillance hiérarchique, les membres du ministère public près les tribunaux de police sont encore soumis à un autre contrôle. L'art. 61 de la loi du 20 avril 1810 porte: « Les tribunaux de première instance instruiront le premier président et le procureur général de la Cour impériale des reproches qu'ils se croiront en droit de faire aux officiers du ministère public exerçant dans l'étendue de l'arrondissement, soit auprès de ces tribunaux, soit auprès des tribunaux de police. » Ce droit de dénonciation, dont il est rarement fait usage, donne aux juges de paix une voie pour faire parvenir leurs griefs; ils peuvent les faire connaître au président du tribunal de première instance, qui les soumet, s'il y a lieu, au tribunal.

Mais les juges de paix eux-mêmes, statuant comme tribunaux de police, n'ont aucune action sur les officiers qui emplissent devant eux les fonctions du ministère public.

'Cass. 13 nov. 1841, rapp. M. Isambert. Bull. n. 326.

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Cass, 12 fév. 1848, rapp. M. Vincens St-Laurent, Bull, n. 41.

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