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C'est l'application des règles que nous avons posées en traçant la ligne qui sépare les fonctions du juge et celles du ministère public 1. Il n'appartient qu'aux supérieurs hiérarchiques de ces officiers de décerner contre eux le blâme, la censure ou la réprimande. Le tribunal de police ne peut donc consigner dans ses jugements ou dans ses actes aucune expression qui puisse impliquer une pensée de critique, aucun avertissement qui se rattache aux fonctions du ministère public, aucune injonction qui ait pour objet de lui défendre une mesure quelconque. La Cour de cassation a souvent été appelée à réprimer des pareils écarts. Nous allons en citer quelques exemples.

Un tribunal de police avait donné acte au prévenu de divers passages d'un réquisitoire écrit du ministère public et ordonné le dépôt de ce réquisitoire au greffe ; ce jugement a été cassé : « attendu qu'il résulte des art. 60 et 61 de la loi du 20 avril 1810 que les officiers du ministère public dont la conduite serait repréhensible, ne peuvent être rappelés à leur devoir que par le ministre de la justice ou par le procureur général près la cour du ressort dans lequel ils remplissent leurs fonctions; que les tribunaux de 1re instance ont seuls le droit d'instruire ce magistrat et le premier président de la même cour des reproches qu'ils auraient à leur faire, et que les discours prononcés ou les réquisitions prises à l'audience par les officiers, ne sauraient donner lieu contre eux dans aucun cas à une action en diffamation ou en injures, puisqu'elle n'est ouverte par la loi qu'aux parties privées et seulement lorsque les juges de la cause leur en ont expressément réservé l'exercice; qu'il n'est pas au pouvoir des officiers de la vindicte publique de renoncer à la protection qu'ils reçoivent de ces principes dans l'intérêt de l'ordre public dont ils sont les organes; que le tribunal de simple police de Mamers, s'il pensait, dans l'espèce, que le commissaire de police qui remplit près de lui les fonctions du ministère public

Voy, notre t. II, p. 388 et suiv.

avait provoqué de sa part cette démarche, devait donc se borner à informer le procureur général ou le tribunal de 1re instance des faits susceptibles de leur être signalés 1. »

Un jugement était terminé par ces mots : «< nous relevons le prévenu des poursuites intentées contre lui, tout en manifestant le regret d'avoir à prononcer une seconde fois dans moins de quinzaine sur une recherche que tout citoyen paisible aurait fait en sorte d'éviter. » Cette mention a été cassée: ◄ attendu que les expressions qui viennent d'être citées sont une véritable censure infligée au commissaire de police remplissant les fonctions du ministère public; qu'aucune loi n'attribue aux tribunaux de police le droit de faire tomber leur censure sur les actes des officiers qui remplissent auprès d'eux les fonctions du ministère public; qu'en s'arrogeant cette autorité, le tribunal de police a violé les règles de sa compétence. »

Le tribunal de police de Moncontant avait exprimé dans un jugement un blâme sur le ministère public, parce qu'il n'avait pas invité le prévenu à comparaitre volontairement. Cette énonciation a été annulée : « attendu que le droit de rappeler les officiers du ministère public à leur devoir appartient, suivant les circonstances, au procureur général ou au ministre de la justice; que les cours et tribunaux ont seulement le droit d'instruire le ministre de la justice ou les magistrats supérieurs des reproches qu'ils se croient en droit de faire aux officiers du ministère public, mais qu'aucune loi ne les autorise à insérer les reproches dans les jugements qu'ils sont appelés à rendre'. >>

Un officier du ministère public avait refusé de conclure, sous le prétexte que le tribunal était illégalement saisi, et le jugement insinuait qu'il avait agi comme défenseur officieux du prévenu. L'annulation de cette portion du jugement a été

Cass. 20 oct. 1835, rapp. M. Rivės. Bull. n. 401.

Cass. 1 juin 1839, rapp. M. Bresson. Bull. n. 172.

* Cass. 21 juin 1842, rapp. M. Brière Valigny. Bull. n. 160; et Conf. 24 juin 1842, même rapport, Bull. n. 164.

prononcée « attendu que les tribunaux n'ont aucun droit de censure sur les officiers du ministère public qui exercent près d'eux leurs fonctions; que si, dans l'espèce, l'officier du ministère public a refusé de conclure sous le prétexte que le tribunal de police était illégalement saisi, cette irrégularité n'autorisait point le magistrat tenant ce tribunal à censurer sa conduite ainsi qu'il l'a fait. >>

Un tribunal de police avait sursis à statuer sur un prévenu cité devant lui, jusqu'à ce qu'il plût au ministère public mettre en cause un autre individu. Ce jugement a été cassé: « attendu qu'il résulte de la combinaison des art, 1 et 145 du C. d'inst. cr. que les tribunaux de police, sauf le cas où l'affaire leur a été renvoyée par la chambre du conseil ou la chambre d'accusation, ne sont saisis de l'action publique qui naît d'une contravention qu'à l'égard des personnes traduites devant eux par le magistrat exclusivement investi du droit d'exercer cette action; qu'aucune loi n'autorise les tribunaux de police à prescrire au ministère public de poursuivre des individus contre lesquels il n'a pas cru devoir procéder, et que, dans l'accomplissement de ses devoirs, il n'a d'injonction à recevoir que de ses supérieurs dans la hiérarchie judiciaire *. »

Enfin, plusieurs tribunaux de police ont quelquefois qualifié de vexatoires et inutiles les poursuites faites devant eux, et toutes ces expressions censoriales ont été sévèrement frappées comme des excès de pouvoir et annulées en vertu des art. 60 et 61 de la loi du 20 avril 1810 *. »

1 Cass, 30 déc. 1842, rapp. M. Rives. Bull. n. 343.

2 Cass. 20 déc. 1845, rapp. M. Jacquinot-Godard. Bull. n. 368. Cass. 20 avril 1844, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 146; 27 mars 1845, rapp. M. Meyronnet. Bull. n. 115; 13 nov. 1847, rapp. M. Rives. Bull. n° 277; 12 fév. 1848, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 41.

$ 481.

I. Du greffier et de ses fonctions.

- II. Des huissiers.

I. A chaque juridiction est attaché un greffier pour constater les actes du juge et tenir le dépôt des minutes.

Cet officier public est un élément nécessaire de tous les tribunaux, car c'est son assistance qui les constitue en communiquant à tous leurs actes l'authenticité. Son institution est aussi ancienne que l'institution de la justice. Il était une partie intégrante des tribunaux de la Grèce et des juridictions romaines. On trouve dans les anciennes ordonnances et notamment dans les ordonnances d'avril 1453, de juillet 1493, du 14 novembre 1507, du 11 décembre 1530, de juin 1627 et du 23 avril 1689, de nombreuses dispositions qui exigent l'assistance d'un greffier dans toutes les juridictions et qui règlent les conditions d'aptitude à cette fonction.

La loi du 16-24 août 1790, tit. IX, art. 1er, portait que les greffiers seraient nommés par les juges qui leur délivreraient leur commission et recevraient leur serment. L'art. 4 de la loi du 6-27 mars 1791 disposait en conséquence que le juge de paix serait tenu de nommer un greffier. L'art. 92 de la loi du 26 ventôse an VIII a abrogé ces dispositions en disposant que les greffiers de tous les tribunaux seraient nommés par le pouvoir exécutif.

L'art. 141 du C. d'inst. cr. porte que « dans les communes dans lesquelles il n'y a qu'un juge de paix, les greffiers et les huissiers de la justice de paix feront le service pour les affaires de police. L'art. 142 ajoute que, « dans les communes divisées en deux justices de paix, il y aura un greffier particulier pour le tribunal de police. » Enfin, l'art. 143 dispose

Voy. Harangues d'Eschine et Démosthène sur la couronne, trad, de M. Plougoulm.

'Cod. de Tabulariis, scribis, lib, X, tit. LXIX.

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que, « s'il y a, dans un même canton, deux sections pour la police, le greffier aura un commis assermenté pour le suppléer. L'art. 40 du décret du 18 août 1810 contient une addition à ce dernier article : « Le greffier du tribunal de police de Paris aura deux commis assermentés au moins; les greffiers des autres tribunaux de police divisés en deux chambres auront un commis assermenté. »>

Ces textes ne font qu'appliquer au tribunal de police le principe général qu'il n'y a de tribunal légalement composé que celui dont le greffier fait partie. La Cour de cassation, appelée à maintenir ce principe, a déclaré : « qu'un tribunal D'est compétent et ne peut conséquemment exercer les pouvoirs qui lui sont délégués par la loi que lorsqu'il est légalement constitué; qu'il résulte des art. 141, 142, 143, 168, C. inst. crim. que le greffier fait partie intégrante du tribunal de police, et que les art. 153 et 155 déterminent les fonctions qu'il doit y remplir; qu'il s'ensuit donc que le tribunal de police ne peut, sans violer les règles de sa compétence, procéder à un jugement sans l'assistance du greffier 1. » La preuve de la présence de cet officier doit ressortir, soit de sa signature apposée sur le jugement, soit d'une énonciation contenue au même jugement et d'où on peut l'induire : tout jugement doit, à peine de nullité, renfermer cette preuve, soit expressément, soit implicitement 2.

En cas d'absence ou d'empêchement du greffier, c'est son commis assermenté qui le remplace. En cas d'absence ou d'empêchement de ce dernier, le juge de paix ne pourrait, ni en remplir lui-même les fonctions', ni les faire remplir par un huissier ? Il ne pourrait que renvoyer l'audience à un autre jour.

Un magistrat enseigne « qu'en cas d'absence ou d'empêchement du greffier et de son commis, le juge peut les rem

⚫ Cass. 25 fév. 1819, rapp. M. Busschop. J. P., t. XV, p. 115.

1 Cass. 11 août 1838, rapp. M. Rocher. Bull. n. 276.

* M. Ch. Berriat Saint-Prix, Procédure des trib, crim, n. 33,

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