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duite avec une telle souveraineté; elle a suppléé, elle a complété la loi; elle a fondé des règles; elle a établi des formes. Nous aurons donc à examiner à chaque pas, à côté des règles légales trop restreintes, les règles que les arrêts ont édifiées.

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I. De la juridiction de police à Rome. II. Dans les provinces de l'empire.

I. On retrouve chez tous les peuples, dans tous les lieux où les populations se sont groupées, où elles ont formé des villes ou des villages, la trace des règles, plus ou moins prévoyantes, plus ou moins développées, de la petite police, de cette police qui, comme nous venons de le dire, assure la viabilité et la propreté de la voie publique, la salubrité des habitations, la facilité et la commodité des relations sociales, la sécurité des transactions de chaque jour, l'application des lois, et, en un mot, toutes les jouissances et toutes les sûretés de la vie civile; c'est la nature même des choses qui, tantôt sous la forme d'usages locaux, tantôt de réglements positifs et précis, tantôt arbitrairement et tantôt légalement, reproduit sans cesse et partout ces règles; car les mêmes besoins et les mêmes rapports engendrent nécessairement les mêmes mesures d'ordre et de sécurité.

Elles existaient dans la Grèce Aristote parle, sans les définir, « des magistratures indispensables à la police des villes, des ports et des campagnes '. »

Elles existaient dans l'ancienne Rome Rome avait, comme nos cités modernes, un pouvoir réglementaire de police et une juridiction répressive des infractions. Cette double autorité n'était pas exercée par les mêmes personnes dans l'enceinte de la ville et dans les provinces.

A Rome, elle appartenait aux Ediles auxquels étaient ad

Politique, liv. VII, chap. 5, § 12, trad. de M. Barthélemy Saint-Hilaire.

joints les quatuorvirs, spécialement affectés à la surveillance de la voirie, qui curam viarum gererent. Les Ediles que Cicéron appelle les curateurs de la ville, Ediles curatores urbi, avaient dans leurs attributions: 1o la police de la voirie; ils veillaient en conséquence à l'écoulement des eaux, à la destruction des bâtiments qui menaçaient ruine, à la construction des nouvelles maisons, aux embarras de la voie publique3; 2o le nettoiement des places et rues : ils empêchaient tout dépôt de matériaux ou d'objets quelconques devant les boutiques 5; le jet de fumiers, d'ordures, d'excréments * ; ils obligeaient les propriétaires à entretenir la voie publique devant leurs maisons et à la débarrasser de tout encombrement qui pût entraver la circulation des voitures; 3° l'administration des eaux : ils en surveillaient la distribution 7; 4o l'inspection des marchés : curatores annonas; ils maintenaient les taxes, réprimaient les coalitions concertées entre les marchands pour faire hausser les denrées, vérifiaient l'exactitude des poids et mesures, la bonne qualité des comestibles et recherchaient toutes les fraudes commises dans les marchés ;

Pomponius, L. 2, § 30. Dig. de origine juris.

'Cic. de legibus, lib. 3, n. 3.

* Papin. 1. un. Dig. de viâ publicâ : — Ediles studeant ut quæ secundùm civitates sunt viæ, adæquentur, et effluxiones non noceant domibus, et pontes fiant ubicumque oportet. Studeant etiam ne eorum aut aliorum parietes, etiam domorum qui ad viam ducunt sint caduci: sed, ut oportet, emundent domini domorum et construant.

Eod. loc. :- Curent autem ut nullus effodiat vias neque subruat, neque construat in viis aliquid... Studeant ut ante officinas nihil projectum sit vel propositum.

Eod. loc. :

cina jacere.

• Eod. loc. :

Non permittant neque stercora projicere, neque morti

Construat autem vias publicas unusquisque secundùm propriam domum et aquæductus purget, et construat ità ut non prohibeatur vehiculum transire.

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Ascon. ad Cic. Verr. II, 1. Tit., liv. XXIX, 37. Schubert, de Roman. Ædil., lib. III, cap. 3.

Schubert de Rom. Edil. lib. III, cap. 4. Ula, 1. I. Dig. de Edil. Ed. Causa hujus edicti proponendi est ut occurratur fallaciis vendentium et emploribus succurratur.

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5o la surveillance des cabarets et des lieux de débauche 6o la surveillance et l'organisation des spectacles et des fêtes, curatores ludorum solennium ; 7° enfin, la répression des rixes, querelles, injures dans les lieux publics 3. Ils prononçaient des amendes contre les délinquants, condamnaient les esclaves au fouet 5, ordonnaient la démolition des ouvrages élevés en contravention, la confiscation des mesures fausses et la destruction des denrées avariées ou falsifiées 7.

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Quelques-unes de ces attributions passèrent entre les mains du præfectus vigilum, quand il fut créé par Auguste, et plus particulièrement entre celles du præfectus urbi, quand ses fonctions tendirent à envahir toutes les autres fonctions. Le préfet des veilleurs ou gardes de nuit, principalement pré-posé à la sûreté de la ville et investi en même temps d'une espèce de juridiction correctionnelle, avait cependant quelques attributions de la petite police il surveillait l'imprudence ou la négligence des locataires relativement aux incendies, et prenait des mesures pour qu'ils fussent toujours pourvus d'eau. Le préfet de la ville eut dans ses attributions la vente de la viande, le marché des bestiaux, la police

1 Fornices et popinæ ac loca Ædilem metuentia. Sen, de vitâ beatà. Cap. VII.

Cic. leg. 3, n. 3.

3 Papin. 1. un. Dig. de via publicà : - § 5, non permittant rixari in viis. Eod. loc. : $1. Si autem non emundaverint, neque construxerint

(domini), mulctent (Ædiles) eos, quousque firmos effecerint...

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Eod. loc.: -§ 2. Si autem servus quidam fecerit, ab obviante fustigetur: si liber, demonstretur Ædilibus; Ediles autem mulctent secundùm legem, et quod factum est, dissolvant.

Schubert, lib. III, 4, note 8.

' Plaut. Rud. 3, 42; cap. III, 1. 32.

Paul. 1. 3. Dig. de offi. præf. vigilum:

S 4. Ut curam adhibeant præfecti omnes inquilinos admonere, ne negligentiâ aliquâ incendii casus oriatur ; præterea ut aquam unusquisque inquilinus in cœnaculo habeat, jubetur admonere.

Ulp. l. I. Dig. de offi. præf, urbi: - § XI. Cura carnis omnis, ut justo pretio præbeatur, ad curam præfecturæ pertinet.

10 Eod. loc. - Et ideò forum suarium sub ipsius cura est, sed et cæterorum pecorum, sive armentorum, quæ ad hujusmodi præbitionem spectant, ad ipsius curam pertinent,

des spectacles, et la répression des associations de marchands 2.

II. Dans les provinces, la police appartenait aux magistrats municipaux. Toute cité, qu'elle fût constituée en municipe ou régie par ses propres lois, était chargée de maintenir l'ordre sur son territoire. Ses magistrats avaient donc une juridiction et pouvaient dès lors constituer un juge qui appliquerait le droit sans leur autorité. Cette juridiction, qui n'avait qu'une compétence très restreinte, ne pouvait appliquer une peine corporelle même à un esclave; elle connaissait des infractions de police, et le droit de prononcer des peines légères ne lui était pas dénié 4. Mais lorsque, vers le milieu du ive siècle, les défenseurs des cités furent institués, ces nouveaux magistrats, chargés de défendre les villes contre l'oppression du lieutenant impérial, furent investis d'un droit de juridiction 5 qui s'étendit, d'après une constitution de Justinien, jusqu'aux délits légers 6, et dut absorber la plupart du temps la juridiction de simple police; car les défenseurs suppléèrent en général et remplacèrent souvent les magistrats 7. On peut donc induire de là que, dans l'empire romain, et sauf l'exception qui avait dù être faite pour la ville. de Rome, la petite police était essentiellement municipale et avait été abandonnée aux soins des cités elles-mêmes.

Eod. loc. :

- Quies popularium et disciplina spectaculorum ad præfecti urbi curam pertinere videtur.

* Eod. loc. : $ 44. Divus Severus rescripsit eos etiam, qui illicitum collegium coiisse dicuntur, apud præfectum urbi accusandos.

* Paul, 1, 26 et 28 Dig. ad municip.; Gaius, 1. 29, eod. tit.

Ulp. l. 42. Dig. de jurisdictione : Magistratibus municipalibus supplicium a servo sumere non licet: modica autem castigatio eis non est deneganda.

5 L. I. Cod. de defensoribus civitatum.

Nov. XV, cap. VI.

competenti contradent.

Savigny, chap. 2, § 23.

Audient quoque leviora crimina et castigationi

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I De la juridiction de police dans notre ancien droit avant le 13° siècle. -II. Dans les siècles suivants.-IH. Dans les 17 et 18° siècles.

I. Il y a lieu de présumer qu'en France, après la conquête des Francs comme sous la domination romaine, les habitants des villes conservèrent la juridiction municipale, au moins en ce qui touche les délits de police. Les justices qui s'établirent à cette époque n'avaient aucun intérêt à s'emparer de la connaissance de ces petits délits qui, du reste, durent se restreindre beaucoup. Elles n'étaient pas même constituées pour en connaître; leurs formes de procédure se seraient difficilement ployées à des faits si minimes. Mais, à la fin du 10° siècle, lorsque les juridictions des mâls furent remplacées, non-seulement dans les campagnes, mais encore dans les villes, par celles des seigneurs, les magistrats municipaux ne purent qu'avec peine conserver leur pouvoir. Leurs juridictions mème, restreintes aux faits les plus légers, tantôt disparurent tout à fait, tantôt se modifièrent dans chaque localité suivant les circonstances, et suivant la résistance que les habitants purent opposer aux entreprises des seigneurs'. Les justices seigneuriales les remplacèrent ou concoururent avec elles à la répression des faits de police.

Le droit de police, c'est-à-dire, suivant la définition de Loyseau 4, le droit de faire des réglements « concernant le mesnagement commun de la cité, » excédait les pouvoirs du juge préposé pour les appliquer; ce droit était un démembrement du droit de seigneurie; il appartenait donc légalement aux seigneurs qui pouvaient faire des réglements par

• Giraud, Essai sur l'hist. du dr. français, t. I, p. 126; Pardessus, Essai sur l'org. jud., p. 334.

Pardessus, p. 335.

* De Bréquigny, préface du t. XI des Ord., p. 31 : Guérard, Polyptique d'Irminon, Prolég. § 99. Pardessus, Essai historique, p. 331.

4 Traité des Seigneuries, ch. 9, n. 10.

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