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3 Ils sont compétents pour statuer, lors même que les contrevenants qui sont traduits devant eux sont passibles, à raison du nombre des contraventions qu'ils ont commises, de plusieurs emprisonnements ou de plusieurs amendes qui excèdent, par leur accumulation, le taux des peines de police. En effet, le juge, en prononçant sur chaque contravention, n'applique à chacune qu'une peine qui rentre dans les limites de sa compétence; l'accumulation n'est pas le fait du juge, elle n'est que la conséquence du nombre des contraventions constatées à la charge du prévenu. Ce point a été reconnu par un arrêt qui dispose : « que ce n'est que dans le cas où il s'agit de crimes et délits que l'individu convaincu de plusieurs crimes ou délits doit encourir seulement la peine la plus forte que cette disposition ne s'applique pas aux contraventions de police, lesquelles, quel que soit le nombre de celles imposées à un prévenu, ne peuvent, par leur réunion, constituer un délit ; qu'à la vérité, les amendes encourues à raison de plusieurs contraventions, peuvent, par leur accumulation, excéder les amendes de simple police, mais qu'il ne saurait résulter de cette circonstance que le juge de police fût incompétent pour prononcer ces amendes; qu'en effet, le juge ne prononce pas une seule amende, mais autant d'amendes qu'il y a de contraventions prouvées à la charge du même individu, et que chacune de ces amendes s'applique à un fait dont la répression appartient au tribunal de police; que le tribunal de police du canton de Mézières, en se déclarant incompétent pour prononcer sur les contraventions. imputées au prévenu, par ce motif que la réunion des amendes encourues excédait une amende de police, a méconnu les règles de sa compétence'. »

4° Ils sont compétents dans tous les cas de récidive. Cette règle est évidente à l'égard de toutes les contraventions prévues par le Code pénal, puisque les art. 474, 478 et 482 de ce Code, en prévoyant la récidive de trois classes de contra

'Cass. 17 août 1843, rapp. M. Brière-Valigny. Bull. n. 207.

ventions qui font l'objet des art. 471, 475 et 479, prononcent une aggravation pénale qui n'excède pas le maximum des peines de police. Mais la difficulté s'était élevée à ce sujet, antérieurement à la loi du 28 avril 1832, relativement aux contraventions prévues par les réglements de police dont la sanction se trouvait dans l'art. 606 du C. du 3 brumaire an iv. En effet, l'art. 607 de ce Code portait : « En cas de récidive, les peines suivent la proportion réglée par les lois des 19 juillet et 28 septembre 1791 et ne peuvent, en conséquence, être prononcées que par le tribunal correctionnel. >> La jurisprudence, en s'appuyant sur cette disposition, déclara pendant longtemps l'incompétence des tribunaux de police pour statuer sur la récidive des contraventions aux réglements de police. Mais cette jurisprudence fut changée par un arrêt du 19 mars 1825, qui décide : « que si l'art 607 du C. du 3 brumaire an IV attribuait la connaissance des cas de récidive en matière de contraventions de police aux tribunaux correctionnels, c'était uniquement parce que, sous l'empire de cette loi, le tribunal de police, qui ne pouvait prononcer d'amende excédant la valeur de trois journées de travail, était nécessairement incompétent pour juger la récidive dont la peine pécuniaire devant suivre la proportion déterminée par les art. 27, tit. I, de la loi du 19 juillet 1791, et 4, tit. II, de celle du 28 septembre suivant, et conséquemment être doublée, pouvait s'élever à une amende de la valeur de six journées de travail; qu'aujourd'hui, d'après le Code pénal de 1810, la cause de cette attribution d'exception ne subsiste plus, puisque les tribunaux de police simple peuvent, en vertu de l'art. 466 de ce Code, porter les amendes qu'il prononce à 15 fr., somme supérieure à la valeur de six journées de travail; que ces tribunaux pouvant, dans l'état actuel de la législation, condamner les contrevenants

Voy. dans ce sens arr. cass. 6 nivôse an ix, rapp. M. Goupil-Préfeln. 11 nov. 1808; 15 juin 1809; 4 juin 1824; 15 janv. 1825, rapp. M. Rataud; Dev. et Car, et J, P, nouv, éd.

sans sortir des bornes de leur pouvoir, à des amendes d'une valeur double du maximum de celles que fixent les art. 600 et 606 du C. du 3 brumaire an IV, sont donc compétents pour juger les contraventions aux réglements de police municipale, commises en récidive, sans qu'ils puissent prononcer la peine de l'emprisonnement à raison de cette circonstance.» La question demeurait cependant encore incertaine en ce qui touche l'emprisonnement. Mais toutes les difficultés ont été levées par l'addition faite par la loi du 28 avril 1832 à l'art. 471 de son paragraphe 15 qui étend les peines de police prononcées par cet article à toutes les contraventions aux réglements de police. La récidive de ces contraventions rentre dès lors dans les termes de l'art. 474 et n'excède plus la limite de la compétence du tribunal de police.

5° Ils sont compétents enfin pour prononcer sur les demandes en dommages-intérêts qui sont portées devant eux à la suite des contraventions qu'ils sont appelés à juger. Quel que soit le taux de ces dommages, ils peuvent les prononcer : c'est là une condamnation accessoire qui ne sert point à régler la mesure de leur compétence. L'art. 139 admet que « la partie qui réclame peut conclure pour ses dommages-intérêts à une somme indéterminée ou à une somme excédant 15 fr. » Il a été jugé en conséquence 1° « que la loi ne limite ni les cas dans lesquels le tribunal de police peut prononcer les dommages-intérêts prétendus par les plaignants, ni la quotité jusqu'à laquelle peuvent être portés ces dommages-intérêts; » 2° « que la compétence se déterminant par la quotité de l'amende et non par la valeur des dommages-intérêts qui peuvent suivre la condamnation, la démolition des mai

'Cass. 19 mars 1825, rapp. M. Aumont. Dev. et Car., t. VIII, p. 82; 24 fév. 1826, rapp. M. Chasle. Ibid., p. 281; 25 mai 1827, rapp. M. Bernard. Ibid., p. 604; 21 déc. 1827, rapp. M. Bernard. Ibid., p. 728; 15 fév. 1828, rapp. M. Bernard, t. XI, p. 55.

2 Cass. 6 août 1830, rapp. M. Rocher. J. P., t. XXIII, p. 743.

* Cass. 26 pluv. an xi, rapp. M. Basire. J. P., t. VIII, p. 617.

sons ou établissements élevés en contravention aux réglements de police, considérée comme dommages-intérêts, peut toujours, quand elle est requise, être prononcée par le tribunal de police, quelle que soit pour le condamné la perte résultant de cette démolition '. »>

Cette compétence différente du juge de police, qui s'arrête à la somme de 15 fr., quand il s'agit d'une amende, et qui est illimitée pour prononcer des dommages-intérêts, paraît à la première vue une véritable anomalie dans notre législation, car on ne conçoit pas que le même juge puisse être, d'une part, renfermé dans un cercle aussi étroit, et d'une autre part, investi d'un pouvoir aussi étendu. Mais il y a lieu de remarquer qu'en matière civile, aux termes de l'art. 5 de la loi du 25 mai 1838, « les juges de paix connaissent sans appel jusqu'à la valeur de cent francs, et à charge d'appel, à quelque valeur que la demande puisse s'élever, des actions pour dommages faits aux champs, fruits et récoltes, etc. » La loi pénale ne leur confère donc pas, en ce qui touche les dommages-intérêts, une attribution qui excède la mesure de leurs pouvoirs civils. L'anomalie était évidente sous le Code du 3 brumaire an IV, parce que le tribunal de police, investi du même droit de prononcer les dommages-intérêts, statuait sans que son jugement put être l'objet d'aucun appel. « Le tribunal de police, portait l'article 154 de ce Code, prononce en dernier ressort par le même jugement sur les dommages-intérêts prétendus pour raison du délit et sur la peine infligée par la loi. » L'art. 172 de notre Code a remédié à cet abus les jugements rendus en matière de police peuvent être attaqués par la voie de l'appel lorsqu'ils prononcent des réparations civiles excédant cinq francs. Les droits des parties sont garantis par cette disposition. Quant à cette contradiction apparente qui résulte d'une compétence si limitée en matière pénale et si illimitée en

'Cass. 27 juillet 1827, rapp. M. Gary. J. P., t. XXI, p. 671; 10 sept. 1831, rapp. M. Rocher, J. P., t. XXIV, p. 239.

matière civile, on peut l'expliquer par le caractère distinct de ces deux attributions en matière civile, il ne s'agit que d'apprécier une lésion matérielle, la quotité du préjudice causé par la contravention; en matière pénale, il s'agit de rechercher les éléments d'une infraction à la loi, de déclarer une culpabilité, d'impliquer un châtiment. Or, l'infliction. d'une condamnation pénale, d'une peine personnelle, exige d'autres garanties que le droit de rendre une condamnation purement civile: un juge unique peut être apte à prononcer celleci et ne pas posséder à l'égard de l'autre la même aptitude ; la loi a donc pu, dans ce dernier cas, restreindre sa compétence sans froisser les règles de ses attributions civiles. Nous avons au reste exprimé l'opinion que les limites de la juridiction de police avaient été trop étroitement restreintes '.

De ce qui précède il résulte que les règles de la compétence des tribunaux de police sont exclusivement puisées dans la mesure de l'emprisonnement et dans la quotité de l'amende qu'ils peuvent prononcer : ni les peines accessoires de confiscation et de l'affiche, ni la récidive des délinquants, ni le nombre de contraventions qui leur sont imputées, ni même la somme des dommages-intérêts n'ont d'influence à cet égard les infractions appartiennent ou n'appartiennent pas à leur juridiction, suivant qu'elles sont passibles d'une peine qui n'excède pas cinq jours d'emprisonnement ou d'une amende qui n'excède pas quinze francs, ou qu'elles sont passibles d'un emprisonnement ou d'une amende supérieurs à

cette mesure.

V. Mais lorsque la peine est indéterminée, lorsque l'amende, par exemple, dans les cas prévus par les art. 10, 13, 16, 26, 28 et 33, tit. 2, de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, sur la police rurale, est égale à la valeur du dédommagement et que ce dédommagement n'est pas fixé, que faire le tribunal de police? Il est évident qu'il doit se déclarer incompétent, puisqu'il pourrait, d'après le résultat de l'in

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