Page images
PDF
EPUB

struction, être appelé, si le dommage est de plus de 15 fr., à prononcer une amende qui excéderait la limite de ses pouvoirs. Un grand nombre d'arrêts ont consacré ce point. Un tribunal de police avait retenu la connaissance d'un délit de dépaissance, bien que la valeur du dommage fut indéterminée; ce jugement a été cassé : « attendu que les tribunaux de police ne sont compétents pour connaître des faits punissables d'une amende que lorsque cette amende ne peut s'élever à plus de 15 francs; qu'ils doivent par conséquent s'abstenir de juger les infractions capables d'entraîner une amende supérieure à cette somme; que tel est le caractère de celles prévues par l'art. 24, tit. 2, de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, qui dispose que l'amende sera d'une somme de la valeur du dédommagement dû au propriétaire; d'où il suit que lorsque la valeur de ce dédommagement est inconnue, l'amende est elle-même indéterminée et peut excéder la somme à laquelle la loi limite l'action et le pouvoir de la juridiction de simple police; que dès lors le tribunal de police, en retenant la connaissance de la prévention, au lieu de la renvoyer devant la juridiction qui devait en connaitre, a violé les règles de la compétence . » Un autre arrêt déclare également dans une espèce identique : « que la compétence des tribunaux de simple police se règle par le maximum des peines dont le fait poursuivi devant eux est passible, d'où il suit que si ces peines peuvent s'élever au delà de cinq jours d'emprisonnement et à une amende de plus de 15 francs, ils doivent s'abstenir de statuer; que le délit rural prévu par les art. 24 et 26, tit. 2, de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791 est toujours punissable d'une amende au moins égale à la valeur du dédommagement dù aux propriétaires, et suivant les circonstances, d'une détention qui peut être d'une année; que le tribunal de police n'aurait été compétent pour con

1 Cass. 11 avril 1828, rapp. M. Gary. J. P., t. XXI, p. 1357; et Conf., cass. 1er août 1818, 31 oct. 1822, 4 avril et 21 août 1823, 20 janv., 21 avril et14 octobre 1826, 15 déc. 1827, 28 nov. 1828, 25 juin 1930,

naitre de ce délit que dans le seul cas où le dommage réclamé n'aurait pas excédé le maximum de l'amende qu'il lui appartient d'infliger; qu'il suffirait donc que la valeur du dédommagement ne fut point déterminée, pour qu'il dût renvoyer les prévenus devant le procureur du roi 1. »

De cette jurisprudence doit-on conclure que toutes les fois que l'amende est égale à la valeur du dommage, la compétence du tribunal de police dépend de la fixation de ce dommage, de sorte que s'il n'excède par 15 francs, cette compétence est certaine? Il nous semble difficile d'admettre cette conséquence. En effet, comment arriver à déterminer à l'avance, pour fixer la compétence, la valeur du dédommagement? Est-ce le tribunal qui fera cette fixation? Mais le tribunal de police, incompétent pour connaître d'un délit, deviendra-t-il compétent par cela qu'il n'appliquera que les peines d'une contravention? Pourra-t-il étendre sa juridiction à la condition de ne pas dépasser les limites des pénalités dont il dispose? Ce système a été repoussé par plusieurs arrêts qui déclarent « qu'il est de principe que la compétence doit être réglée dès les premiers actes des poursuites et sur le maximum de la peine applicable au délit ou à la contravention, sans égard à la faculté d'en prononcer une moindre, nul tribunal ne pouvant devenir compétent par cela seul qu'ii restreindrait la peine à la quotité plus ou moins forte qui se trouverait dans ses attributions . » Le tribunal ne pourrait mème dans ce cas ordonner une expertise, car sa compétence doit être fixée in limine litis et ne peut dépendre d'une estimation qui ne le lierait même pas '. Est-ce le ministère public? Mais la Cour de cassation a reconnu « qu'il n'appartient pas au ministère public poursuivant, lorsque le propriétaire garde le silence, d'estimer la valeur du dédommagement

'Cass. 23 avril 1831, rapp. M. Rives. J. P., t. XXIII, p. 1493.

2 Cass. 9 mars 1821, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVI, p. 434, et Conf. cass. 12 vend. an XII, 18 juillet 1806, 4 juin 1824.

Cass. 15 mars 1828, rapp. M. Gary, J. P., t. XXI, p. 1287; 6 oct. 1837, rapp. M. Rives. Bull, n 304.

et par suite la somme à laquelle l'amende doit se porter; que cette évaluation arbitraire ne peut remplacer l'appréciation du dommage qui doit être faite conformément aux bases établies par l'art. 7 de la loi du 28 septembre-6 octobre 17911. » Est-ce enfin la partie intéressée, le plaignant? La jurisprudence l'a formellement admis; car on lit dans plusieurs arrêts « que lorsque le fait de pâturage rentre dans l'application de l'art. 24, tit. 2, de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, qui le punit d'une amende égale à la valeur du dommage causé au propriétaire, le tribunal de police n'est compétent pour en connaître qu'autant que la partie lésée a restreint ses dommages à une valeur non excédant 15 francs . « Mais cette solution donne lieu à plusieurs difficultés : d'abord, elle n'est nullement conforme à l'art. 7 de la loi du 28 septembre-6 octobre 1791, qui dispose que « l'estimation du dommage sera toujours faite par le juge de paix ou par des experts par lui nommés. » L'estimation faite par la partie elle-même n'est donc point considérée par la loi comme une base de la compétence. Ensuite, comment admettre qu'il dépende de cette partie et de l'estimation qu'il lui plaira de faire de son dommage, de déterminer la juridiction compétente? De sorte qu'elle pourrait, à son gré et suivant ses intérêts, trainer le prévenu en simple police ou en police correctionnelle, en haussant ou en baissant de quelques centimes l'indemnité qu'elle réclame? Les juridictions ne doivent point être au choix des parties; c'est la loi qui les désigne, ce n'est point la volonté et le caprice d'un plaignant. Il nous paralt donc que toutes les fois que la peine, soit l'emprisonnement, soit l'amende, n'a pas de limites fixes, le tribunal de police devient incompétent. On trouve d'ailleurs la trace de cette interprétation dans un arrêt, combattu par M. Merlin', et qui porte « que lorsque l'amende à prononcer en matière de délits ou

'Cass. 20 janv. 1826, rapp. M. Gary. J. P., t. XX, p. 79.

2 Cass. 21 août 1823, rapp. M. Busschop. J. P., t. XVIII, p. 435.

B

Quest. v Délits ruraux, § 5, n. 2.

de contraventions est indéterminée, et lorsque sa fixation. dépend de l'exécution ultérieure des règles établies par la loi pour parvenir à en connaître la quotité, il est aussi sûr que régulier de saisir de la connaissance de l'action le tribunal qui a la juridiction supérieure; que cette maxime, commune aux actions civiles comme à celles qui ont lieu en matière correctionnelle ou de simple police, est également conforme au vœu de la loi, au maintien de l'ordre public et à l'intérêt même des parties qu'elle soustrait au danger de parcourir sans nécessité, à raison du même fait ou du même intérêt, plusieurs degrés de juridiction. »

$ 484.

I. De la compétence des tribunaux de police dans ses rapports avec les différents pouvoirs. - II. De ses rapports avec la juridiction correctionnelle. III. Contraventions correctionnelles de leur nature quoique passibles de peines de police. IV. Contraventions de police passibles de peines correctionnelles. V. Contraventions agVI. Contraventions connexes à gravées par leurs circonstances. un délit. VII. Contraventions inexactement qualifiées délits.

[ocr errors]

[ocr errors]

I. Maintenant que nous avons tracé le cercle général de la compétence des tribunaux de police, et mesuré le terrain. limité sur lequel ils se meuvent, ils faut examiner les difficultés que cette compétence peut rencontrer.

cas,

Ces difficultés proviennent d'abord de ce que le principe posé par la loi fléchit et reçoit des exceptions dans des cas dans d'autres assez nombreux, ensuite de ce que, le caractère mixte des faits de police et la nature complexe des questions qui s'y rattachent ne permettent pas d'appercevoir avec netteté le point où la compétence expire. Les attributions des tribunaux de police se mêlent ainsi avec les attributions tantôt de la juridiction correctionnelle, tantôt de la juridiction civile, tantôt de l'autorité administrative. Cette matière, imparfaitement définie, soulève des conflits avec tout

1 Cass. 20 janvier 1826, cité suprá. p. 169.

11

ce qui l'environne, et la loi ne fournit pas toujours le moyen de les résoudre.

Il faut donc essayer de déterminer avec netteté la ligne qui sépare cette juridiction de la juridiction correctionnelle, de la juridiction civile et de la juridiction administrative.

II. On a vu qu'en thèse générale les tribunaux de police sont exclusivement compétents pour connaître de toutes les contraventions aux lois et réglements de police. Mais cette règle, posée par les art. 137 et 138 du C. d'inst. crim., admet plusieurs exceptions; elle en admet dans cinq hypothèses dans lesquelles la juridiction correctionnelle prend la place et remplit les attributions du tribunal de police.

Première exception : lorsque la contravention, à raison de sa nature spéciale, est déférée à la juridiction correctionnelle, bien qu'elle ne soit passible que de peines de police.

Deuxième exception: lorsque la contravention est punic d'une peine supérieure aux peines de police.

Troisième exception: lorsque la contravention puise un caractère d'aggravation dans les circonstances qui accompagnent sa perpétration.

Quatrième exception: lorsque la contravention est connexe à un autre fait qualifié délit.

Cinquième exception : lorsque la contravention a été, par l'effet d'une qualification erronnée, portée devant le tribunal correctionnel et que ni la partie publique ni la partie civile n'ont demandé le renvoi.

Nous allons successivement examiner ces différentes excep tions.

III. Il est clair, en premier lieu, que, pour déroger à la règle qui défère aux tribunaux de police toutes les contraventions passibles de peines de police, il faut une disposition expresse de la loi. Car la compétence de cette juridiction relativement à ces contraventions est générale; elle saisit tous les faits de cette nature; elle ne peut s'arrêter que là où la loi

« PreviousContinue »