Page images
PDF
EPUB

tère et sont passibles de la peine qui les attachent à la juridiction de la police, échappent encore à cette juridiction, lorsqu'une circonstance aggravante vient en modifier la nature.

[ocr errors]

L'injure verbale est attribuée au tribunal de police tenu par le juge de paix, par l'art. 139 du C. d'inst. crim., et l'art. 471 n° 11 du C. pén. ne la qualifie que simple contravention. Mais cette contravention peut se modifier à raison de la nature de l'injure et de la publicité qu'elle reçoit, à raison des personnes auxquelles elle est adressée. L'injure conserve le caractère d'une contravention, toutes les fois qu'elle ne contient pas l'imputation d'un vice déterminé, ou d'un fait portant atteinte à l'honneur ou à la considération; car aux termes de l'art. 375 C. pén. et des art. 13 et 20 de la loi du 17 mai 1819, cette double imputation lui imprime le caractère d'un délit, si elle est en même temps publiquement proférée. L'injure, même publique, garde également son caractère de contravention, si elle ne prend pas un élément d'aggravation dans le vice ou le fait qu'elle impute: « Attendu que l'art. 376 C. pén. portant que toutes injures ou expressions outrageantes qui n'auront pas le double caractère de gravité et de publicité (prévu par l'art. 375) ne donneront lieu qu'à des peines de simple police, n'a pas été abrogé et se trouve au contraire maintenu par l'art. 26 de la loi du 17 mai 1819; que l'art. 20 de la même loi en déclarant que « l'injure qui ne renfermerait pas l'imputation d'un vice déterminé ou qui ne serait pas publique, continuera d'être punie des peines de simple police », n'a pas voulu innover et faire de la publicité seul un élément du délit; que le tribunal de police est donc compétent comme le serait le juge de paix s'il ne s'agissait que de l'action civile aux

Cass. 10 juill. 1840, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 200; 16 avril 1841, rapp. M. Vincens St-Laurent, n. 101; 11 nov. 1843, rapp. M. Barennes, n. 282; 23 nov. 1843, rapp. M. Bresson, n. 289.

termes du no 5 de l'art. 5 de la loi du 25 mai 1838, pour connaître des actions relatives à des injures publiques qui ne contiennent l'imputation d'aucun vice déterminé1. Mais l'injure même non publique, peut prendre le caractère d'un délit, si elle est adressée soit à un magistrat de l'ordre administratif ou judiciaire, soit à un officier ministériel ou à un agent dépositaire de la force publique, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, pourvu que cette injure tende à inculper leur honneur ou leur délicatesse (art. 222 et suiv. C. pen. ). Et enfin, si elle est faite publiquement d'une manière quelconque, à un fonctionnaire public ou à un ministre du culte, à raison de leurs fonctions, elle peut prendre le caractère de l'outrage prévu par l'art. 6 de la loi du 15 mars 1822. On voit que la ligne qui sépare en cette matière la contravention du délit est toujours prête à dévier; il suffit que l'injure porte l'imputation d'un vice ou d'un fait diffamatoire, il suffit qu'elle soit proférée dans un lieu public, il suffit aussi que la personne qui en est l'objet soit revêtue d'un caractère public, pour que la question de compétence s'élève et qu'il y ait lieu d'examiner si la contravention conserve ou perd son caractère.

Un marchand expose en vente, en infraction à un réglement de police local, une denrée alimentaire falsifiée ou corrompue c'est là une simple contravention passible des peines portées par l'art. 471 n° 15 du C. pén. Supposons qu'il ait connaissance de cet état de corruption, cette connaissance change le caractère du fait et lui donne la gravité d'un délit. L'art. 1er de la loi du 27 mars 1851 dispose, en effet, que: Seront punis des peines portées par l'art. 423 C. pen.... 2° Ceux qui vendront ou met

'Cass. 20 août 1842, rapp. M. Isambert. Bull. n. 215.

2 Cass. 2 oct. 1847, rapp. M. Meyronnet de St-Marc. Bull. n. 246; 11 oct. 1850, rapp. M. Legagneur, n. 351; 30 déc. 1853, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 610; 13 oct. 1849, rapp. M. Rives, n. 276.

tront en vente des substances ou denrées alimentaires qu'ils sauront être falsifiées ou corrompues. » On avait douté que cette disposition eût laissé subsister le droit du pouvoir réglementaire pour le cas où le prévenu n'a pas su que la denrée était gâtée ou corrompue. En effet, l'art. 9 de la loi du 27 mars 1851 déclare abrogé l'art. 475 no 14 C. pén., qui punissait «< ceux qui exposent en vente des comestibles gâtés corrompus ou nuisibles. » Ne semblait-il pas qu'on dût en conclure que la contravention résultant de la simple exposition en vente de ces denrées n'existe plus? que ce fait, dépouillé de l'intention qui fait le délit, échappe désormais à toute pénalité? Mais on peut répondre que si la loi a abrogé l'art. 475 n° 14, elle a laissé intact le pouvoir réglementaire que l'autorité municipale puise dans la loi du 16-24 août 1790; elle n'a effacé que la contravention légale, elle a laissé subsister le droit des maires de reprendre et de punir cette contravention par leurs réglements locaux. Il serait regrettable que dans une matière que le législateur a cru susceptible de pénalités plus rigoureuses, il eût ouvert par une rédaction imprévoyante une large porte à l'impunité les arrêtés de police reprendront l'art. 475 n° 14 et l'appliqueront avec la sanction de l'art 471 n° 15; le juge aura dès-lors à examiner, dans toutes les affaires de cette nature, si le prévenu a agi ou n'a pas agi avec connaissance: sa compétence dépend de la solution de cette question.

La détention de faux poids ou fausses mesures dans les magasins, boutiques et ateliers, peut également constituer, tantôt une simple contravention, tantôt un délit correctionnel. L'art. 479, no 5 C. pén. et l'art. 4 de la loi du 4 juillet 1837 ne considéraient ce fait que comme une contravention; mais l'art. 3 de la loi du 27 mars 1851 est venu poser une distinction. Cet article prononce des peines correctionnelles

1 M. Nicias Gaillard, v° Contraventions. Dalloz, t. XIV, p. 415. Cass. 18 avril 1856, à notre rapport. Bull. n.

contre ceux qui, sans motifs légitimes, auront dans leurs magasins, boutiques ou ateliers, ou dans les halles, foires et marchés, soit des poids faux, soit des appareils inexacts servant au pesage ou au mesurage. » La Cour de cassation a jugé a que cet article, en rangeant dans la classe des délits passibles de peines correctionnelles la simple détention dans les boutiques et marchés de mesures ou poids faux, n'a point attaché à cette dernière expression le sens que lui donnaient les arrètés du gouvernement du 27 pluviose an vi, 19 germinal et 11 thermidor an VII, aux termes desquels les mesures non décimales, ou même les mesures décimales non poinçonnées, étaient réputées fausses; que l'objet de la nouvelle loi, destinée, non à faire observer le système métrique et à régulariser l'usage des poids et mesures, mais à réprimer les fraudes dans la vente des marchandises, la sévérité même de la peine qu'elle prononce, et les termes faux et inexacts dont elle se sert ne permettent pas de douter que les mesures et poids faux, dont elle entend élever la possession dans les magasins aux proportions d'un délit, ne soient ceux qui n'ont point la contenance ou la pesanteur prescrites et dont l'usage aurait pour effet de tromper les acheteurs, et non ceux qui, comme les mesures non décimales ou les mesures décimales non poinçonnées, sont simplement illégales ou irrégulières; que la détention de ces dernières dans les boutiques, assimilées à leur emploi par l'art. 4 de la loi du 4 juillet 1837, rentre désormais dans l'application du no 6 de l'art. 479 du C. pén., lequel n'est point compris dans l'abrogation prononcée par l'art. 9 de la loi du 27 mars 1851 . » Ainsi, l'emploi et la détention de poids et mesures différents de ceux qui sont établis par les lois et qui sont par suite irréguliers et illégaux, doivent continuer d'être réprimés par l'application des peines de police, conformément à la loi du 4 juillet 1837 et à

Cass. 23 janvier 1852, rapp. M. Legagneur. Bull. n. 32; et Conf. cass. 11 déc. 1851, rapp. M. V. Foucher, n. 518; et 29 mai 1852, rapp. M. Jacquinot, n. 175.

l'art. 479, no 6 du C. pén., et par conséquent le juge doit ici encore vérifier le caractère de l'irrégularité, puisque sa compétence y est attachée. Il est inutile d'ajouter que l'usage des poids faux et des fausses mesures est, à plus forte raison, passible de peines correctionnelles, aux termes de l'art. 423 du C. pén. et de l'art. 1, no 3 de la loi du 27 mars 18511.

On trouve encore des exemples de la même difficulté, 1° dans l'art. 475, no 15 du C. pén., qui punit de peines de police ceux qui déroberont, sans aucune des circonstances prévues en l'art. 388, des récoltes ou autres productions utiles de la terre qui, avant d'être soustraites, n'étaient pas encore détachées du sol; » d'où il suit que si le même fait a été commis ou la nuit, ou par deux personnes, ou avec un panier ou un sac, il prend le caractère d'un délit ; 2° dans l'art. 475, no 5, qui considère comme une contravention l'établissement dans les lieux publics de jeux de hasard, et dans l'art. 410 qui élève le même fait au rang d'un délit aussitôt que l'établissement est devenu permanent.

Ces différentes espèces prouvent qu'il est un assez grand nombre de contraventions qui sont soustraites à la juridiction de la police par cela seul qu'elles se compliquent d'une circonstance, d'un élément quelquefois très léger, qui en modifie et en aggrave le caractère. La contravention se confond dans le délit et en devient l'un des éléments. Ce n'est point là, à proprement parler, une exception aux règles de la compétence, c'est plutôt une difficulté relative à l'application de ces règles et qui démontre le soin avec lequel les faits de police doivent être vérifiés.

VI. Dans d'autres cas, les contraventions ne se confondent plus dans les faits que la loi a qualifiés délits; mais, à raison de leur connexité ou de leur indivisibilité avec les faits, elles sont attirées devant la juridiction correctionnelle.

'Cass. 8 fév. 1839, rapp. M. Rives. Bull. n. 37; 13 fév. 1845, rapp. M. Barennes, n. 49.

« PreviousContinue »