Page images
PDF
EPUB

Nous avons précédemment établi qu'en règle générale les prévenus de faits indivisibles ou communs, qui appartiennent à des tribunaux différents, doivent être traduits devant celui dont la juridiction est le plus étendue'. C'est par suite de cette règle qu'il a été décidé que deux contraventions connexes, dont l'une est de la compétence exclusive du juge de paix, ne peuvent être portées que devant ce juge. C'est ainsi qu'il a encore été jugé qu'il y a lieu de saisir la juridiction correctionnelle, 1o lorsque l'un des contrevenants est justiciable de cette juridiction 3; 2° lorsqu'une plainte en injures est connexe à une action pour vol ou pour coups *; 3° lorsque les coups et violences portés sur une personne, ont occasionné des bruits et tapages nocturnes de nature à troubler la tranquillité publique 5, 4o lorsque le même individu est inculpé d'avoir exigé un péage illégal pour le passage d'un bac et d'avoir causé par son imprudence des blessures aux personnes qu'il passait 6; 5o lorsque les mêmes prévenus ont détérioré un chemin public, contravention prévue par l'art. 479, no 11, et se sont opposés avec violence aux travaux entrepris pour l'élargir, délit prévu par l'art. 438 7.

Mais cette règle ne doit point être appliquée en termes absolus. En premier lieu, la raison de la jonction des procédures étant l'indivisibilité ou la connexité des faits, il est clair que, si ce lien n'est pas nettement établi, la division est de droit. En second lieu, la contravention, dont le tribunal de police se trouve saisi, n'est nécessairement attirée, par la connexité qui la lie au délit, devant la juridiction correction

[ocr errors][merged small]

2 Cass. 20 août 1818, rapp. M. Ollivier. Dall. v° Comp. cr., n. 164; 18 fév. 1854, rapp. M. Aylies. Bull. n. 45.

[ocr errors]

* Cass. 45 juin 1809, rapp. M. Vergès. J. P., t. VII, p. 626.

Cass. 9 juillet 1807 et 26 mai 1809, rapp. MM. Lombart et Dutocq.

Dall., loc. cit. et J. P., t. VII, p. 580.

Cass. 4 août 14827, rapp. M. Busschop. J. P., t. XXI, p. 705.

Cass. 27 janv. 1838, rapp. M. Rives. Bull. n. 30.

* Cass. 2 fév. 1844, rapp. M. Rives. Bull. n. 30.

Voy. notre t. VI, p. 680.

nelle, qu'autant que cette juridiction en est déjà saisie. Nous avons cité deux arrêts qui cassent les jugements par lesquels des tribunaux de police s'étaient reconnus incompétents, pour connaître de contraventions portées devant eux, sous prétexte que ces contraventions étaient connexes à des délits qui n'étaient encore l'objet d'aucune poursuite1. Un troisième, non moins explicite, annule un jugement dans une espèce analogue: « attendu que le tribunal de police avait été régulièrement saisi par le ministère public de la connaissance d'une infraction constituant une contravention ainsi qualifiée et réprimée par le no 15 de l'art. 475, et sur laquelle dès lors ce tribunal était compétent pour statuer; que le jugement attaqué, en se fondant sur les dispositions de l'article 160 du C. d'inst. cr., a renvoyé les parties devant le procureur du roi, en se fondant sur ce que la contravention était connexe à un délit, et par ce motif qu'il ne peut être prononcé qu'une seule peine à plusieurs faits entre lesquels il existe connexité; que l'art. 365 du C. d'inst. cr. ne prohibe le cumul des peines que dans le cas de conviction de plusieurs délits, et est ainsi sans application lorsqu'il s'agit uniquement de leur poursuite qui aurait lieu d'une manière distincte ou même devant des juridictions différentes; que d'ailleurs en subordonnant la décision de l'action publique dont le tribunal était compétemment saisi à la poursuite et à la décision d'une action qui n'était point intentée relativement à un autre fait, sous prétexte d'une prétendue connexité, le juge de police a tout à la fois méconnu les règles de sa compétence et faussement appliqué les art. 160 et 2652. » Si la justice doit désirer la réunion des deux actions, elle n'éprouve aucun obstacle de leur division, puisque la répression de la contravention n'apporte aucune entrave à la poursuite ultérieure des faits qui sont qualifiés délits, pourvu d'ailleurs que ces faits soient essentiellement distincts 3.

Voy. t. VI, p. 682.

2 Cass. 22 fév. 1844, rapp. M. Jacquinot. Bull. n. 62.
* Cass, 3 juill. 1847, rapp. M. Jacquinot, Bull, n. 149,

VII. Enfin, la juridiction correctionnelle est compétente encore pour connaître des contraventions qui ont été portées devant elle, soit par l'erreur de la citation, soit par une qualification inexacte des faits incriminés, lorsque les parties n'ont pas demandé le renvoi.

L'art. 192 du C. d'inst. cr. porte, en effet : « Si le fait n'est qu'une contravention de police, et si la partie publique ou la partie civile n'a pas demandé le renvoi, le tribunal (correctionnel) appliquera la peine et statuera s'il y a lieu sur les dommages-intérêts. » L'art. 213 applique la même règle en cause d'appel. Ces dispositions ont pour but de prévenir les retards et les involutions de procédure en continuant dans ce cas une instruction faite régulièrement devant un juge qui est investi de la plénitude de juridiction.

Le prévenu cité en police correctionnelle à raison d'un fait qui, d'après la citation, ne constitue qu'une simple contravention, peut demander son renvoi devant le tribunal de police, pourvu qu'il forme cette demande in limine litis, car, après le débat, ce droit n'appartient, aux termes des articles 192 et 213, qu'à la partie publique et à la partie civile. La Cour de cassation a jugé dans ce sens « que de l'art. 192 sainement interprêté il résulte que le prévenu cité devant le tribunal de police correctionnelle pour un fait qui, d'après l'acte de citation, ne constitue qu'une simple contravention de police, peut, avant toute instruction, demander son renvoi devant le juge de police; que cette demande en renvoi ne lui est interdite que lorsqu'il a laissé ouvrir les débats; qu'il ne pourrait alors et quand il verrait sa condamnation imminente, décliner la compétence d'un tribunal ayant la plénitude de juridiction et devant lequel il avait consenti à procéder; que si l'art. 192 n'autorise formellement que la partie publique et la partie civile à demander le renvoi, c'est que la citation devant le tribunal correctionnel étant leur propre fait, on aurait pu en tirer une fin de non-recevoir contre leur demande, et qu'on ne peut pas induire de son silence à l'é

gard du prévenu, qu'il lui a refusé ce qu'il accordait aux autres parties'. »

Mais lorsque la citation est régulière et que ce n'est que par l'instruction faite à l'audience du tribunal correctionnel que le fait imputé perd son caractère de délit et se trouve réduit à une simple contravention de police, ce tribunal demeure compétent pour la juger, à moins que la partie qui a fait la citation ne demande elle-même le renvoi. La Cour de cassation a jugé encore, dans cette seconde hypothèse, « qu'il en est autrement lorsque le fait présentant, d'après la citation, tous les caractères d'un délit, et se trouvant ainsi de la compétence correctionnelle, il y a nécessité de procéder à une instruction devant le tribunal saisi; que c'est pour ce cas qu'est fait l'art. 192; qu'il a pour but d'empêcher le prévenu de rendre inutile, pour retarder sa condamnation, une instruction faite régulièrement devant un juge ayant la plénitude de juridiction; que ses dispositions sont claires et positives, et qu'il n'est pas permis d'y porter atteinte sous prétexte qu'elles établissent entre les parties poursuivantes et le prévenu une inégalité injuste.

Il résulte de tout ce qui précède que la juridiction correctionnelle est compétente pour statuer sur les contraventions de police, 1° lorsqu'une disposition spéciale de la loi lui en défère la connaissance; 2° lorsqu'elles sont passibles de peines supérieures aux peines de police; 3° lorsqu'elles se compliquent d'une circonstance qui aggrave leur caractère; 4 lorsqu'elles sont liées par l'indivisibilité ou la connexité à un autre fait qualifié délit; 5° enfin toutes les fois que le tribunal correctionnel en est régulièrement saisi et que le renvoi devant le tribunal de police n'est pas demandé'.

1 Cass. 8 mars 1839, rapp. M. Ricard. Bull. n. 85; et Conf. cass. 15 juin 1809, n. 78; 1er fév. 1821, n. 25; 24 avril 1829, n. 89; 13 juillet 1833, n. 270; 16 oct. 1835, n. 397; 17 oct 1838, n. 334.

* Cass. 4 mai 1843, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 96.

Voy. sur ce dernier point cass. 20 août 1842, rapp. M. Isambert. Bull. n. 215 11 nov. 1843, rapp. M. Barennes, n. 282; 30 juill. 1852, à notre rapp. n. 260.

S 485.

1. Rapports des tribunaux de police avec la juridiction civile. II. Dans quels cas ils peuvent statuer sur l'action civile. III. Dans quels cas ils sont incompétents.

I. Les rapports de la juridiction de police avec la juridiction civile ont été clairement déterminés par la loi. Nous avons précédemment établi que les tribunaux de police n'ont qu'une compétence exceptionnelle et limitée pour statuer sur les intérêts civils; que cette matière n'appartient en principe qu'aux tribunaux civils, et qu'elle ne peut être distraite de la compétence de ces tribunaux que dans les cas expressément exceptés par la loi. Il s'agit maintenant d'indiquer

ces cas.

II. Les tribunaux de police sont compétents pour pro

noncer:

1o Sur les demandes en dommages-intérêts formées par le prévenu de contravention lorsqu'il est renvoyé des fins de la plainte. Telle est la disposition de l'art. 159 du C. d'inst. cr. ainsi conçu : « Si le fait ne présente ni délit ni contravention de police, le tribunal annulera la citation et tout ce qui aura suivi, et statuera par le mème jugement sur les demandes en dommages-intérêts". »

20 Sur les restitutions et dommages-intérêts réclamés par la partie civile soit contre le prévenu, soit contre les personnes civilement responsables, en cas de condamnation du contrevenant. L'art. 161 porte, en effet : « Si le prévenu est convaincu de contravention de police, le tribunal prononcera la peine et statuera par le même jugement sur les dommagesintérêts. »

3° Sur la réparation civile du préjudice causé par la contravention. C'est encore l'application de l'art. 161: les dommages-intérêts ne consistent pas seulement dans une indemnité

[blocks in formation]

12

« PreviousContinue »