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ticuliers pour leurs justiciables; il appartenait aux villes qui en avaient gardé la possession ou auxquelles les chartes l'avaient reconnu; il appartenait aux parlements et aux officiers auxquels les édits l'avaient délégué; il appartenait au roi, qui, investi de la police générale du royaume, pouvait faire des réglements généraux sur cette matière. Mais cette distinction, plutôt théorique que pratique, admettait de nombreuses exceptions; car, à cette époque de désordre et de confusion, il ne faut pas chercher des règles précises pour déterminer la séparation des pouvoirs et les limites des diverses compétences. Ainsi Loyseau, quoiqu'il combatte sur ce point l'usurpation des juges des seigneurs, dit néanmoins: • Quant aux denrées, c'est-à-dire la menue marchandise, qui sont les victuailles et autres petites commodités, pour l'entretien et usage journalier du peuple, les juges de police y peuvent mettre taux et faire tout autre réglement pour empêcher les monopoles et autres abus, même pour faire fournir l'habitant avant le marchand qui les veut revendre 1. >> Toute la police des marchés était donc réglée par ces juges.

II. Lorsque les prévôts et châtelains royaux furent établis vers le commencement du 12° siècle, ils s'emparèrent sur leur territoire du fait de la police et en exercèrent à la fois l'administration et la juridiction. Or, comme ces prévôts n'étaient que les juges seigneuriaux du roi dans ses domaines, comme ils n'avaient d'autres attributions que celles des juges des seigneurs, il faut en conclure que ces derniers exerçaient à cette époque en tout ou en partie le même pouvoir. On trouve d'ailleurs dans les coutumes de fréquents exemples de cette réunion dans les mêmes mains du droit de police et de la juridiction. La coutume de Calais portait, art. 2: « Aux mayeur et eschevins appartient la connaissance et juridiction du fait de police avec toute correction et contrainte sur tous

1 Ibid., n. 17.

* Voy. notre t. I, p. 479,

les bourgeois, manants et habitants de ladite ville, bourgs et banlieue, en ce qui dépend du fait de police. » La coutume de Boulogne-sur-Mer portait, art. 1er: « Les maire et eschevins ont toute justice, haute, moyenne et basse, et la police de ladite ville, bourgage et banlieue. » La coutume d'Abbeville, art. 35: « Ont lesdits majeur et eschevins la juridiction et connaissance de tous leurs sujets, tant en action réelle que personnelle. » La coutume de Saint-Omer, art. 1er : « Les majeur et eschevins de ladite ville en ont la garde, régime et gouvernement, avec administration générale et spéciale de la police d'icelle.... et justice haute, moyenne et basse. >>

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Les baillis et sénéchaux, dans leurs perpétuelles luttes avec les juridictions supérieures, s'étaient également attribué le droit de faire des réglements de police et même de statuer sur les infractions en cette matière. L'édit de Crémieu, du 19 juin 1536, restitua ce pouvoir aux prévôts par son art. 25: « quant au fait de la police, voulons et entendons que nos prévôts y vaquent, entendent et aient la pre— mière connaissance, sans que nos baillis, sénéchaux et autres juges présidiaux s'en entremettent, si ce n'est par appel. Loyseau, en critiquant cette disposition, laisse apercevoir la manière dont elle fut appliquée. « On a osté mal à propos aux baillis royaux la police, c'est-à-dire le droit de faire des réglemens politiques (qui estoit la plus noble partie de leur charge, estant la police un des droits du bailliage ou justice supérieure), et on l'a attribué aux prévosts et juges ordinaires des villes royales, auxquelles appartenoit seulement l'exécution de la police'. » Ainsi, toute la police, même le droit de faire des réglements, se trouvait dévolue aux prévôts. Il ne faut pas d'ailleurs attribuer à ce mot de police une signification trop restreinte on y comprenait souvent une portion de l'administration en même temps qu'une portion de la justice criminelle. Cette attribution était, au sur

Traité des Seigneuries, n. 46.

plus, faite aux prévôts, sans préjudice du droit des seigneurs 1 et des droits des municipalités, dans les villes où elles avaient titre et possession'.

L'ord. de février 1566, donnée par Charles IX à Moulins, apporta quelques dispositions nouvelles relatives à la police des villes. L'art. 71 porte : « pour donner quelque ordre à la police des villes de notre royaume, et pourvoir aux plaintes qui de ce nous ont été faites, avons ordonné que les maires, échevins, consuls, capitouls et autres administrateurs desdites villes, qui ont eu ci-devant et ont, de présent, l'exercice des causes civiles, criminelles et de la police, continueront ciaprès l'exercice seulement du criminel et de la police, à quoi leur enjoignons vacquer incessamment et diligemment. »> L'art. 72 ajoute: « Et quant aux villes esquelles nos officiers ou les hauts justiciers ont la police, et non les corps et communautés, voulons et ordonnons que de chacun quartier ou paroisse d'icelles soient élus, par les bourgeois et citoyens y habitans, un ou deux d'entre eux qui auront la charge administration et intendance de la police et de tout ce qui en dépend; lesquels bourgeois et citoyens pourront être élus et prins de toute qualité de personnes habitans ès villes, sans excuse quelconque, et auront puissance d'ordonner et faire exécuter jusqu'à la valeur de 60 sols pour une fois... Et le semblable sera observé aux petites villes où il aura moindre nombre, en quoi n'entendons préjudicier aux juges ordinaires des lieux qu'ils ne puissent, par concurrence ou prévention, pourvoir à la police desdites villes.

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Cette ordonnance n'eut pas les résultats qu'on avait attendus, à raison de la multiplicité des juges ordinaires, qui, forts de la réserve stipulée en leur faveur, faisaient partout concurrence aux officiers municipaux. Un réglement du conseil du 4 février 1567 essaya de concilier ces prétentions opposées en déclarant «< que ce qui a été ordonné par l'édit de Mou

4 Décl. du 24 février 1537.

* Arr. Parl. de Paris, 27 nov. 4563,

lins sera exécuté; mais que dans les lieux où il y a diversité d'officiers de police, il sera établi un certain lieu et ordonné certain jour le mois pour s'assembler tous avec les bourgeois élus des quartiers ou paroisses, et qu'en cette assemblée chacun rapportera ce qui aura été fait de part et d'autre pour se conformer ensemble à même train et façon de police, sans entrer en aucune diversité ou contrariété. »

Enfin, l'édit d'Amboise de janvier 1572 décida « que les ordonnances qui avaient été faites sur le fait de la police étaient demeurées inutiles et sans exécution; que ce mal venoit du défaut de personnes qui fussent chargées spécialement d'y vacquer et d'en faire observer et entretenir les réglements; que S. M. en recevoit des plaintes continuelles de tous les endroits du royaume, et, qu'après avoir délibéré, il avoit enfin arrêté d'establir dans les villes certaines personnes notables commises et députées spécialement pour la police ;qu'à Paris, l'un des présidents et un conseiller au Parlement, un maistre des requêtes, le lieutenant civil ou criminel; et, en leur absence, le particulier, le prevost des marchands ou l'un des eschevins, quatre notables bourgeois non exerçant la marchandise, les procureurs du roy au Châtelet et à l'hôtel de ville, s'assembleroient au Palais, en la salle de la chancellerie, deux fois la semaine, le mardy et le vendredy, depuis une heure après midi jusques à cinq; auxquels députés le roy donne puissance et autorité de mettre taux aux vivres, de juger les rapports qui seroient faits par les commissaires au Châtelet, et de faire soigneusement garder et observer les ordonnances et réglemens de police; que leurs jugemens seroient exécutés nonobstant l'appel et sans y préjudicier jusqu'à 40 livres parisis, et, en dernier ressort, jusqu'à cent sols; que, lorsque les cas mériteroient punition corporelle, ils seroient renvoyés aux juges ordinaires; que, pour les autres villes du royaume où il y a parlement, le même ordre seroit suivi et gardé au plus près qu'il seroit possible; qu'à l'égard des villes où il y a siège royal, il seroit commis six personnages notables, dont les deux seroient officiers et les quatre

autres bourgeois, qui seroient choisis de six mois en six mois dans les assemblées des villes pour s'assembler les mêmes jours de mardy et de vendredy et vacquer actuellement au fait et réglement de la police dans toute l'étendue de son ressort, ad instar de la ville de Paris, et que les jugemens qu'ils rendroient seroient exécutés nonobstant l'appel, et sans y préjudicier, jusqu'à 20 livres parisis; et, en dernier ressort, jusqu'à 40 sols parisis; et quant aux seigneurs haut-justiciers, il leur est enjoint de donner ordre au réglement de la police de leurs villes, terres et seigneuries, ainsi qu'ils connoistront être nécessaire pour le bien et commodité de leurs sujets, conformément néanmoins aux déclarations du roy. »

Ces juridictions extraordinairement créées dans les villes, ne s'établirent qu'avec peine et ne purent fonctionner longtemps. Une déclaration du 10 septembre 1573 renvoya la police de Paris au Châtelet à l'Hôtel-de-Ville. Un règlement de Henri III, du 21 novembre 1577, renouvela le règlement de 1567 et rétablit les juges ordinaires dans leur ancien droit de connaître de la police: les bourgeois établis en chaque quartier furent réduits à la seule compétence de condamner en 60 sols d'amende pour les fautes légères, et de faire leurs rapports pour les autres faits aux juges qui devaient en con

naître 1.

III. Tel paraît avoir été l'état de la police jusqu'au règne de Louis XIV. Ce prince, par édit de mars 1667, créa un lieutenant-général de police pour la ville de Paris, et, par un autre édit d'octobre 1699, étendit cette nouvelle institution à toutes les villes où il y avait parlement, cour des aides, chambre des comptes, siéges présidiaux, bailliages ou séné– cbaussées. Ces lieutenants-généraux de police connaissaient de tout ce qui concernait la sûreté des villes et lieux où ils étaient établis, du port d'armes prohibé par les ordonnances, du nettoiement des rues et places publiques, de l'entretien

▲ Delamarre, t. III, p. 38; Bacquet, ch, 26,

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