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combiner avec la loi du 9 ventôse an 13, en ce sens que les conseils de préfecture sont chargés de faire cesser les usurpations commises sur les chemins vicinaux, et les juges de police de prononcer les amendes; que cette combinaison attribue à chaque autorité les pouvoirs qui lui appartiennent, en réser. vant à l'autorité administrative les mesures de conservation de la voie publique, et à l'autorité judiciaire l'application des pénalités 1. »>

Cette décision, quelle que soit l'autorité qui s'y attache, à raison de la mission élevée que la constitution du 4 novembre 1848 avait attribuée au tribunal des conflits, ne répond nullement aux objections que la Cour de cassation n'avait cessé d'opposer à la jurisprudence du conseil d'État. Il est difficile d'admettre d'abord que la loi du 21 mai 1836, qui contient un système complet de législation sur la matière, ait laissé subsisters prescriptions de la loi du 9 ventôse an 13, lorsqu'elle statuait sur le même objet, lorsqu'elle prenait soin de définir de nouveau les attributions qu'elle conférait à l'antorité administrative et lorsqu'elle abrogeait soigneusement toutes les dispositions des lois antérieures contraires à ses propres dispositions. Il est difficile notamment d'admettre qu'elle ait voulu maintenir l'attribution spéciale des conseils de préfecture, lorsqu'elle ne l'a pas reproduite et lorsqu'il s'agissait d'une disposition contraire au droit commun qui avait besoin d'être confirmée. En droit commun, en effet, les délits de dégradation et d'usurpation des chemins appartiennent à l'autorité judiciaire : les lois des 7-11 septembre 1790 et du 28 septembre-6 octobre 1791 les avaient déférés aux tribunaux et l'art. 479, no 11, du C. p. leur a restitué cette attribution. Il n'est donc pas exact de dire que la compétence exceptionnellement établie par l'art. 8 de la loi 9 ventôse an 13 se rattache aux pouvoirs généraux qui appartiennent à l'autorité administrative; car, lorsqu'il s'agit non de grande mais de petite voirie, les sculs pouvoirs qui soient attribués à

▲ Tribunal des conflits, arr. du 21 mars 1850, rapp. M. Mestadier.

cette autorité par les lois et édits sur la voirie, dont la loi du 21 mai 1836 n'a fait que suivre les règles, sont l'ouverture des chemins et la fixation de leur largeur. Enfin, comment soutenir sérieusement que les tribunaux de police ont les pouvoirs qui leur appartiennent, lorsqu'ils sont réduits à faire l'application des pénalités aux faits appréciés et jugés par les conseils de préfecture? Est-ce qu'il est possible, est-ce qu'il est permis de séparer ce qui est indivisible, l'appréciation des faits punissables et l'appréciation de la pénalité qui doit leur être appliquée ? Restreindre la compétence de ces tribunaux à l'application des pénalités, c'est non-seulement leur enlever l'attribution qu'ils tiennent de la loi, celle de juger les faits qu'ils punissent, c'est encore les contraindre à accepter sans contrôle, à sanctionner le jugement d'une juridiction spéciale qui a jugé sans débat et sans publicité.

Cependant la Cour de cassation paraît s'être inclinée jusqu'à présent devant la règle posée par le tribunal des conflits. Elle a jugé, en effet, par un arrêt postérieur à cette décision: << qu'aux termes des art. 6, 7 et 8 de la loi du 9 ventôse an 13, les conseils de préfecture sont chargés de faire cesser les usurpations sur les chemins vicinaux ; qu'il en résulte que, s'il appartient aux tribunaux de police de prononcer les peines encourues par les contraventions aux réglements municipaux sur les chemins vicinaux, ces mêmes tribunaux sont incompétents pour apprécier les questions qui peuvent s'élever devant eux relativement aux usurpations commises sur lesdits. chemins. » Et plus nettement encore par un autre arrêt: que les conseils de préfecture demeurent toujours chargés de faire cesser les usurpations et de faire réparer les dégradations commises sur les chemins vicinaux, et le juge de police de prononcer la peine d'amende . » Toutefois, si les dégradations qui font l'objet de la poursuite s'appliquent à un chemin dont l'arrêté de classement du préfet a définitivement

4 Cass. 26 déc. 1854, rapp. M. de Glos. Bull. n. 536; 15 février 1856, rapp. M. Rives, n. 73.

2 Cass. 19 juin 1851, rapp. M. de Beissieux. Bull. n. 234, 8 août.

déterminé la largeur, il est clair qu'aux termes de l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836 l'exception de propriété soulevée par le prévenu ne pourrait avoir aucun effet et que par conséquent, dans ce cas, le juge de police doit statuer sans aucun

sursis 1.

Enfin, lorsque les mêmes contraventions ont été commises sur tous autres chemins que sur les routes impériales et départementales et les chemins vicinaux, la compétence des tribunaux de police devient entière et sans réserve, sauf les questions de propriété qui peuvent faire la matière des exceptions préjudicielles. Les droits du préfet cessent, en effet, à l'égard de cette troisième catégorie de chemins, parce qu'ils n'ont pas la même utilité générale et qu'ils ne touchent qu'à des intérêts locaux. Ainsi, d'abord, si, aux termes de l'art. 538 du C. civ. et de l'art. 10 de la loi du 21 mai 1836, les chemins dépendant de la grande voirie et ceux qui ont été classés comme vicinaux ne sont pas susceptibles d'une propriété privée, il en est autrement des autres : les chemins communaux et ruraux, les chemins d'exploitation, les sentiers, alors même que l'usage en est public, rentrent dans la classe des propriétés communales et particulières, soumises aux principes du droit commun et par conséquent prescriptibles. D'où il suit que le réglement préfectoral qui ordonnerait leur classement et fixerait leur largeur n'aurait aucun effet, puisque aucune loi ne donne aux préfets pour les simples chemins publics les pouvoirs qu'ils exercent sur le classement et les limites des chemins vicinaux. Ensuite, ces chemins sont complétement soumis à la surveillance et aux réglements, non plus des préfets, mais de l'autorité municipale que l'art. 3, tit. XI, de la loi du 16-24 août 1790 charge de la surveillance des voies publiques; or les droits de l'autorité municipale se bornent à prendre des mesures de police pour

1 Cass. 8 août 1851, rapp. M. de Boissieux. Bull. n. 331; 29 mai 1852, rapp. M. Rives, n. 176.

2 Cass. 5 janvier 1855, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 5.

la sûreté et la commodité du passage. Il a donc été jugé : que si, aux termes de la loi du 21 mai 1836, les arrêtés des préfets portant reconnaissance et fixation de la largeur des chemins vicinaux attribuent définitivement à ces chemins le sol compris dans les limites qu'ils déterminent, cette dė– rogation au droit de propriété ne saurait être admise hors des cas que la loi a prévus, et notamment lorsqu'il s'agit de chemins ruraux ou privés; que sans doute l'autorité municipale obéit à la mission qui lui est confiée par la loi du 16-24 août 1790, en recherchant les chemins non vicinaux qui existent dans la commune, en dressant de ces chemins des états descriptifs, en prescrivant les mesures nécessaires à leur conservation et à leur usage; mais que nulle disposition ne l'autorise, en déterminant leur largeur, à déposséder les propriétaires riverains du terrain qui leur appartient; que la prévention sous laquelle le prévenu a comparu a été d'avoir contrevenu à un arrêté du maire qui enjoint aux propriétaires de la commune, lorsqu'ils voudront clore leurs héritages aboutissant à un chemin, de lui donner une largeur de six mètres ; que cet arrêté ne trouvant son point de départ, ni dans la loi du 21 mai 1836, spéciale aux chemins vicinaux, ni dans la loi du 16-24 août 1790, qui détermine les mesures de police qui peuvent être prises pour la sûreté et la commodité du passage dans les rues et voies publiques, ne rentre point dans les attributions conférées à l'autorité municipale et ne saurait être considéré comme un réglement légal de petite voirie .» De là il suit que les prévenus d'usurpation ou d'anticipation sur les chemins communaux sont recevabies à exciper comme moyen de défense de la propriété ou de la possession des terrains riverains, puisque ces terrains, après aussi bien qu'avant les réglements, demeurent soumis aux mêmes conditions de propriété ou de possession. De là il suit encore que les réglements qui imposeraient aux propriétaires riverains l'obligation d'entretenir les chemins communaux

↑ Cass. 7 juill. 1854, rapp. M. Moreau. Bull. n. 223.

seraient entachés d'illégalité, puisque le droit de réglementer ce qui intéresse la sûreté et la commodité de la petite voirie ne peut emporter le pouvoir de contraindre les riverains d'entretenir les chemins ruraux longeant leurs héritages, et que d'ailleurs les conditions d'entretien de ces chemins ont été réglées par des lois spéciales 1. Il appartient, au surplus, au tribunal de police de déclarer si les chemins non vicinaux sont ou ne sont pas publics et si dès lors ils sont passibles de l'application des arrêtés municipaux ".

IV. Les contraventions commises par les entrepreneurs de travaux publics donnent licu, lorsqu'elles se rattachent à ces travaux, d'examiner le bail ou l'adjudication, l'acte administrat fen un mot qu'ils exécutent. Il faut distinguer si, dans le fait qui leur est imputé, ils n'ont fait qu'exécuter le contrat passé entre eux et l'administration ou si la contravention a été commise en dehors des termes de ce contrat. Dans la première bypothèse, le conseil de préfecture est seul compétent; l'art. 4, § 3, de la loi du 28 pluviôse an 8 dispose, en effet, que « le conseil de préfecture prononcera sur les réclamations des particuliers qui se plaindront de torts et dommages procédant du fait personnel des entrepreneurs et non du fait de l'administration. » Il résulte de cette disposition, que toutes les fois que les faits imputés aux entrepreneurs sont la conséquence nécessaire des travaux dont ils sont chargés, toutes les fois que les réclamations conduiraient à l'appréciation du sens et de la portée de l'acte administratif, le tribunal de police est incompétent; mais si le fait n'est pas la conséquence du contrat, s'il n'est pas la suite nécessaire de l'exécution des travaux entrepris, il n'y a plus de raison pour que la juridiction administrative continue de le saisir. Cette distinction a été souvent appliquée. Ainsi l'entrepreneur de travaux en réparation

Cass. 5 janv. 1855, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 5.

2 Cass. 6 sept. 1838, rapp. M. Rives. Bull. n. 304; 12 août 1852, rapp. M. de Glos, n. 275; 2 juin 1854, rapp. M. Moreau, n. 181; 9 février 1856 rapp. M. Leserrurier, n. 60; 40 avril 1856, rapp. M. Moreau, n. 446.

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