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des lanternes, de toutes les provisions nécessaires pour la subsistance des villes, des amas et magasins, des taux et prix des denrées; ils avaient la visite des halles, foires et marchés, des hôtelleries, auberges, maisons garnies, cabarets, cafés, tabacs et autres lieux publics; ils avaient la connaissance des assemblées illicites, séditions, tumultes, désordres; des manufactures et dépendances d'icelles; des élections des maîtres et jurés des corps des marchands et métiers, des brevets d'apprentissage et réception des maîtres, de l'exécution des statuts et règlements des arts et métiers; ils ordonnaient les bans pour les récoltes; ils donnaient tous les ordres nécessaires dans les cas d'incendie et d'inondation; ils faisaient l'étalonnage des poids, balances et mesures des marchands, à l'exclusion de tous autres juges; ils connaissaient des contraventions aux ordonnances, statuts et règlements pour le fait de la librairie et imprimerie, du trafic des blés, de l'observation des dimanches et fêtes; enfin, ils étaient chargés de l'exécution de toutes les ordonnances, arrêts et réglements concernant le fait de la police. L'appel des sentences de police se portait, suivant la situation des lieux, d'après une déclaration du 28 décembre 1700, soit au parlement, soit aux bailJiages ou sénéchaussées. Les jugements qui ne portaient condamnation d'amende que jusqu'à 60 sols étaient exécutés par provision nonobstant appel. Les lieutenants-généraux rendaient leurs sentences en la chambre de police, assistés de deux assesseurs, et sur les conclusions d'un procureur du roi'. Enfin, un édit de décembre 1706 dispose, art. 23: « que dans les villes où la police appartient aux hôtels-deville par titre ou concession, ou dans lesquelles les offices de lieutenants-généraux de police ont été réunis, les maires, conjointement avec leurs lieutenants, échevins et autres officiers de l'hôtel-de-ville, connaîtront de tout ce qui regarde la police, suivant et conformément à l'édit d'octobre 1699. »

* Décl, 6 août 1701, nov. 1706.

Il serait difficile de déduire de ces différents documents des règles précises. D'une part, le pouvoir de faire des règlements sur les matières de police semble abandonné, soit par suite de coutumes locales, soit par usurpation, à une foule d'officiers différents. Ce n'est pas seulement le roi, les cours de parlement, le suzerain, les seigneurs qui réglementent la police locale, c'est le juge lui-même, c'est le lieutenant général, c'est le bailli, le prévôt, la municipalité, c'est quelquefois même le juge seigneurial. D'un autre côté, le droit de juridiction en cette matière, attaché à la plupart des justices existantes, est exercé, là, par les officiers municipaux, ici par les juges seigneuriaux de haute ou basse justice, ailleurs par les prévôts royaux, les lieutenants de police et les baillis et sénéchaux 1.

Au milieu de ce désordre, on peut voir cependant surgir deux principes qui commencent à se dégager peu à peu et vont bientôt prendre place dans notre législation; c'est, d'une part, la distinction confuse encore du pouvoir réglementaire et du pouvoir judiciaire,distinction déjà nettement posée par Loyseau, mais qui est demeurée longtemps inaperçue ; c'est d'une autre part, le caractère municipal de ce pouvoir réglementaire, caractère sans cesse méconnu par les empiétements de l'autorité administrative et de l'autorité judiciaire, mais persistant malgré ces empiétements et se développant par la seule force des faits.

Il est à la fois digne de remarque que les 17° et 18° siècles ont produit sur cette matière un grand nombre de réglements qui sont demeurés des monuments de la plus haute et de la plus sage prévoyance et qui attestent la sollicitude éclairée du législateur pour tous les intérêts de la police. La plupart de ces réglements émanent ou du pouvoir royal, ou des cours de parlement, ou des lieutenants-généraux de police, ou du châtelet. Leurs préambules énoncent, en gé

1 Jousse, t. I, p. 162.

Traité des droits de seigneurie, ch. 9.

néral, des principes qui pourraient encore être invoqués avec avantage et que n'applique pas toujours avec logique leur dispositif. On sent au fond de quelques-unes de ces ordonnances de police une prévoyance plus étendue et une vue plus haute que celles qui ont dicté la législation générale de cette époque; il semble que le législateur, en traçant les préceptes de la police, ait entrevu sa mission préventive et son influence sur l'ordre général; mais ces idées s'affaiblissent et perdent leur efficacité aussitôt qu'elles revêtent les formules de la législation positive et qu'elles sont forcées de s'identifier avec elles. Quelques-uns de ces réglements, néanmoins, ont été les sources où notre législation moderne a puisé ses dispositions de prévoyance: tels sont les déclarations des 13 avril 1685, 28 janvier 1687, 18 juillet 1724, sur les mendiants, gens sans aveu et vagabonds; l'édit de décembre 1667 sur les armes prohibées et le port d'armes ; la sentence du châtelet du 27 septembre 1697 sur la falsification des vins; etc. D'autres ont servi et servent encore de modèles à tous les réglements de police qui sont en vigueur aujourd'hui tels sont l'ordonnance de police du 9 janvier 1767 sur la propreté des rues et voies publiques, l'ordonnance du 10 janvier 1767 sur la conduite des voitures et des chevaux, l'ordonnance du 10 février 1725 sur les précautions propres à prévenir les incendies, la déclaration du 18 juillet 1729 sur les bâtiments menaçant ruine et les constructions nouvelles, le réglement du 4 février 1635 et la déclaration du 19 août 1723 sur la police des halles et marchés, les arrêts du parlement de Dijon du 12 janvier 1718 et du parlement de Paris du 10 février 1724, sur la police des cabarets. Quelques-uns enfin, à raison de la spécialité de leurs dispositions et de leur nécessité, ont continué de subsister encore : nous retrouverons ceux-là plus loin lorsque nous aurons à établir la compétence des tribunaux de police et par suite à examiner si les infractions à ces anciens réglements doivent appartenir à ces tribunaux.

Mais toutes ces ordonnances de police, quel que soit l'objet

auquel elles s'appliquaient, étaient accompagnées de pénalités qui n'étaient point, en général, en rapport avec la gravité des infractions. Ces pénalités, qui participaient nécessairement du système de la législation, se proposaient, comme les peines afflictives, non-seulement de réprimer, mais d'intimider. De lå le taux élevé des amendes, surtout à une époque où la valeur des monnaies était plus élevée; de là les peines arbitraires qui sont laissées à la discrétion du juge. Nous en citerons quelques exemples. L'ordonnance de police du 11 décembre 1742 sur les traiteurs et marchands de vin, prononce contre les contrevenants 200 livres d'amende pour la première fois, et plus grande en cas de récidive. L'ordonnance du 9 janvier 1767 défend de laisser séjourner des matériaux sur la voie publique à peine de confiscation et de 300 livres d'amende pour chaque contravention et de plus grande, s'il y échet. Le réglement du Châtelet du 20 avril 1725 porte défense de laisser vaguer les chiens, à peine de 200 livres d'amende contre chacun des contrevenants, même d'être procédé contre eux extraordinairement, s'il y échet. L'ordonnance du 30 janvier 1767 défend aux marchands de chevaux de faire essayer les chevaux dans les rues, à peine de 300 livres d'amende, même de prison. L'ordonnance du 20 janvier 1727 prescrit aux boulangers, pâtissiers et autres, des mesures de précaution contre l'incendie, à peine de 300 ou 500 livres d'amende pour la première contravention, et de punition exemplaire en cas de récidive. L'ordonnance du 19 avril 1723 défend de vendre les grains ailleurs que dans les halles et marchés, à peine de mille livres d'amende contre chacun des vendeurs et acheteurs. Un autre réglement du 30 mars 1635 prononçait dans le même cas confiscation des marchandises et amende arbitraire. Il serait inutile de pousser plus loin ces citations.

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J. Législation de 1789 et de 1791. an iv et du 28 pluviose an vin.

II. Législation du 3 brumaire

I. L'Assemblée constituante, lorsqu'elle réorganisa les municipalités, considéra comme une de leurs fonctions naturelles la police des villes et communes. L'art. 50 du décret du 14 décembre 1789 porte: Les fonctions propres au pouvoir municipal, sous la surveillance et l'inspection des assemblées administratives (administrations de départements), sont : de faire jouir les habitants des avantages d'une bonne police, notamment de la propreté, de la salubrité, de la santé et de la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. » Le pouvoir municipal était exercé par un corps municipal nommé par voie d'élection, dont le maire était le chef, et près duquel était placé un procureur de la commune « chargé de défendre les intérêts et de poursuivre les affaires de la communauté'. »

Ce n'était là qu'un principe. Il fut appliqué par la loi du 16-24 août 1790. Le titre XI de cette loi contient les dispositions qui suivent:

Art. 1". Les corps municipaux veilleront et tiendront la main, dans l'étendue de chaque municipalité, à l'exécution des lois et des règlements de police, et connaîtront du contentieux auquel cette exécution pourra donner lieu.

» Art. 2. Le procureur de la commune poursuivra d'office les contraventions aux lois et aux règlements de police, et cependant chaque citoyen qui en ressentira un tort ou un danger personnel, pourra intenter l'action en son nom.

» Art. 3. Les objets de police confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux, sont:

4° Tout ce qui intéresse la sûreté et la commodité du passage dans les rues, quais, places et voies publiques, ce qui comprend le nettoiement, l'illumination, l'enlèvement des encombrements, la démolition ou la réparation des bâtimens menaçant ruine, l'interdiction de rien exposer aux fenêtres ou autres parties des bâtiments qui puisse nuire

• Décr. 14 déc. 1789, art. 4, 5, 26, 49.

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