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suivant le mode usité par le législateur. Il a encore été décidé

que l'acte d'une autorité municipale intitulé réglement des étaux de la halle de la boucherie, extrait du cahier des charges sur lequel cette halle a été affermée, ne pourrait être obligatoire contre les tiers, qu'autant qu'il aurait été publié en la forme ordinaire des réglements de police. » Il est donc nécessaire que l'arrêté constate la qualité de l'officier qui le prescrit, mentionne les lois qui lui ont délégué le pouvoir réglementaire, énumère les dispositions que les citoyens doivent observer, et porte enfin la date qui fixe le jour de son exécution et la signature qui fait son authenticité.

Le juge doit à plus forte raison dénier la sanction à l'arrêté qui n'est pas revêtu des formes qui sont la condition de son existence légale et de son autorité. Ainsi, si la loi n'a délégué sa puissance au pouvoir exécutif qu'en assujétissant le réglement qu'il doit faire à la forme des réglements d'administration publique, c'est-à-dire suivant l'art. 52 de la loi du 22 frimaire an 8, le conseil d'État entendu, il est certain que l'ordonnance ou le décret, s'il est rendu dans une tout autre forme, et par exemple, sur le seul rapport d'un ministre, ne sera pas obligatoire. Ainsi encore, lorsque l'arrêté est, par son caractère et l'objet auquel il s'applique, non pas temporaire, mais permanent, il ne devient exécutoire, aux termes de l'art. 11 de la loi du 18 juillet 1837, qu'un mois après la remise de l'ampliation qui est constatée par le récépissé donné par le sous-préfet; et il importe peu que le préfet ait donné son approbation avant l'expiration du mois, car la disposition de la loi est générale, et là où elle ne distingue pas, il n'est pas permis au juge d'admettre une distinction. Ainsi enfin, s'il s'agit d'un arrêté relatif au mode d'administratiou

'Cass. 27 avril 1849, rapp. M. Vincent St-Laurent. Bull. n. 99.

* Cass. 14 juin 1844, rapp. M. Romiguières. Bull. n. 208.

Cass. 17 mars 1844, rapp. M. Jacquinot. Bull. n. 71; 15 mai 1856 rapp. M. Rives, n. 179.

et de jouissance des biens et fruits communaux, cet arrêté n'est obligatoire, s'il n'émane pas du conseil municipal lui-même, comme le prescrit l'art. 17 de loi du 18 juillet 1837, qu'autant du moins qu'il a été expressément approuvé et voté par ce conseil 1.

Enfin, le juge de police doit refuser toute application aux arrêtés dont les contrevenants n'ont pas eu la connaissance légale. Nous avons retracé les formes de la publication ou de la notification qui doit en être faite. Si ces formes n'ont pas été remplies, les arrêtés ne sont point exécutoires; car, aux termes de l'avis du conseil d'Etat du 25 prairial an 13, les mesures générales ou spéciales de police, qui sont légalement prescrites, ne deviennent obligatoires pour les citoyens qu'elles concernent, que dès l'instant où ils ont été mis en demeure d'y satisfaire par publication, affiche, notification ou signification administrative 3.

VIII. Le tribunal de police, après avoir vérifié la légalité des réglements ou arrêtés, a le droit de les interpréter. Nous avons rappelé les motifs qui fondent ce droit.

La jurisprudence l'avait d'abord constesté; elle avait considéré les réglements comme des actes administratifs dont l'interprétation devait être interdite au pouvoir judiciaire. Un arrêt du 16 juillet 1824 déclare « que l'interprétation des actes du pouvoir administratif est hors des attributions du pouvoir judiciaire; que l'art. 2 de l'arrêté du maire d'Ajaccio, entendu dans le sens que lui donne le tribunal de police, est en opposition directe avec l'art. 1er; que c'est à l'autorité municipale ou à l'autorité administrative supérieure qu'il appartient de donner les explications nécessaires pour concilier les articles, et de déterminer, d'une manière exempte d'équi-voque, les obligations imposées par ledit arrêté à la classe des

1 Cass. 11 octobre 1851, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 453. Voy. suprà, p. 77.

Cass. 16 nov. 1849, rapp. M. Rives. Bull. n. 305, 27 fév. 1847, rapp. M. Rives, n. 49; 6 mars 1845, rapp. M. Rives, n. 80.

commerçants et des marchands qui en est l'objet; qu'en renvoyant le prévenu de l'action du ministère public, par suite de l'interprétation qu'il s'est permis de donner à l'arrêté, au lieu d'attendre pour statuer que le véritable sens de cet arrêté eût été déterminé par l'autorité compétente, le tribunal de police a méconnu les principes et les lois de la matière, qu'il est sorti des bornes de ses attributions, qu'il a entrepris sur celles du pouvoir administratif et violé les règles de compétence.

Cette doctrine, qui renvoyait l'interprétation des arrêtés à l'autorité municipale, comme s'il se fût agi d'une question préjudicielle, n'a pas continué longtemps de dominer la jurisprudence. On a reconnu que les arrêtés de police, émanés d'une délégation de la loi, et liant les tribunaux comme la loi elle-même, obligeaient ceux-ci à les interpréter, puisqu'ils avaient le devoir de les appliquer. On lit dans un arrêt : « Sur le moyen pris d'un prétendu excès de pouvoir tiré de ce que le tribunal correctionnel, jugeant sur appel de police, aurait empiété sur les attributions de l'autorité administrative, en interprétant un arrêté préfectoral: attendu que le droit non contesté aux tribunaux de police de rechercher si les arrêtés municipaux ou préfectoraux, en matière de police, ont été pris dans les limites des attributions des autorités dont ils émanent, implique l'obligation de rechercher aussi le sens de ces arrêtés: rejette 2. » Et, dans une autre espèce, dans laquelle le tribunal de police, suivant la doctrine de l'arrêt du 16 juillet 1824, avait sursis à statuer, la cassation à été prononcée : « attendu qu'il était justifié d'un réglement municipal qui obligeait tout boulanger à tenir sa boutique constamment garnie de pain; que les juges ne peuvent, aux termes de l'art. 4 du C. Nap., refuser de juger sous prétexte du silence, de l'obscurité ou de l'insuffisance de la loi; que le tribunal de police légalement saisi d'une prévention contre plusieurs boulangers, a déclaré par le jugement attaqué surseoir à statuer

1 Cass. 16 juillet 1824, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVIII, p. 894; 24 juin 1831, rapp. M. Rives, t. XXIII, p. 1735.

Cass. 16 mars 1850, rapp. M. Legagneur. Bull. n. 100.

jusqu'à ce qu'il fût, par l'administration, tait une interpréta tion du réglement; qu'en faisant.ainsi, il a méconnu ses devoirs. On trouve au surplus à chaque pas, en parcourant les arrêts, des cas où les réglements ont été appréciés et interprétés". »>

Toutefois on ne doit pas confondre l'interprétation saine qui se borne à expliquer les arrêtés pour les faire vivre et l'interprétation abusive qui, sous le prétexte de les expliquer, les détruirait. Ici s'applique le principe qui régit l'interprétation des lois, à savoir, que le juge ne peut ni les étendre, ni les restreindre, et que sa tâche est limitée à la déclaration de leur véritable sens. Ce principe a été nettement étendu à la matière de la police par un arrêt qui décide « que les réglements faits dans l'exercice régulier des attributions du pouvoir municipal sont obligatoires pour ceux qu'ils concernent, et qu'il est du devoir rigoureux des tribunaux de police d'en assurer la pleine exécution, sans qu'il leur soit permis de les modifier, conséquemment d'en changer, étendre ou restreindre les dispositions *. »

C'est évidemment les modifier que de suppléer à leurs dispositions, en indiquant par exemple le lieu où doivent être déposés des matériaux ou des vidanges ^, ou de créer des distinctions qui en limitent arbitrairement la portée 5, ou d'admettre des excuses, telles que la bonne foi des contrevenants, qui en paralysent l'application. Ce n'est plus là une interprétation, c'est une addition ou une restriction apportée aux termes de l'arrêté.

Il faut tenir à plus forte raison que le tribunal de police ne peut,— ni indiquer ce que l'arrêté aurait dû faire, «< car, sous le rapport de l'appréciation de telle ou telle mesure qu'il

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Cass. 28 sept. 1855, rapp. M. Poultier. Bull. n. 339.

'Cass. 1er fév. 1851, rapp. M. Jacqninot. Bull. n. 48.

'Cass. 24 avril 1855, rapp. M. Bresson. J. P., t. XXVII, p. 403.

Cass, 20 pluv. an XII, rapp. M. Seignette. J. P., t. III, p. 611.

Cass. 18 août 1854, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 258.

Cass. 1er juillet 1842, rapp. M. Merilhou. Bull, n. 171.

eut été convenable d'adopter, l'arrêté du maire n'est pas sujet à la révision de l'autorité judiciaire 1, »—ni blâmer les mesures qui ont été prises, soit en déclarant, par exemple, que l'arrêté a été fait dans un intérêt particulier, « attendu qu'il n'appartient pas aux tribunaux de police de soumettre à leur censure les arrêtés légalement pris par l'autorité administrative, d'en rechercher les motifs et les intentions en dehors de leurs dispositions écrites,» ni enfin discuter l'utilité des mesures adoptées, « attendu qu'en se livrant à une discussion tout à fait étrangère à ses attributions sur la nécessité, l'opportunité ou la rigueur des mesures contenues dans le réglement municipal, le tribunal de police méconnait les limites sagement posées par les lois, qui séparent le pouvoir judiciaire du pouvoir administratif; que si les dispositions arrêtées par l'autorité locale dans l'ordre de ses droits ou de ses devoirs portent atteinte à des intérêts publics ou privés, le recours est ouvert devant les autorités administratives supérieures qui seules peuvent les réformer; que les juges de police, quand on leur demande de punir l'infraction de réglements de cette nature, n'ont qu'une seule question à examiner, celle de savoir si ces réglements sont dans la sphère des attributions de l'autorité dont ils sont émanés et sont conformes aux lois qui déterminent la nature, l'étendue et les limites de ses pouvoirs*. »

Un point reste à noter. Lorsque les tribunaux de police reconnaissent qu'un réglement est illégal, ils ne doivent point l'annuler; car il ne leur appartient point de réformer les actes du pouvoir réglementaire, et ils ne sont chargés ni de les approuver ni de les réviser. Que leur demande l'action dont ils sont saisis? uniquement l'application d'une peine, la sanction pénale des prescriptions du réglement. Leur compétence se

1 Cass. 12 juillet 1838, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 241.

Cass. 5 janv. 1844, rapp. M. Isambert. Bull. n. 4; 12 fév. 1848, rapp. M. Vincens St-Laurent, n. 44.

Cass. 9 août 182, rapp. M. Gary. J. P., t. XXII, p. 188.

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