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sait elle-même, puisque à l'audience elle n'a aucunement réclamé contre l'insuffisance de cette articulation; que les art. 145 et 146 ne déterminent aucune forme sacramentelle a donner à l'articulation du fait de la prévention'. Deux arrêts décident encore qu'une citation satisfait au væru de la loi lorsqu'elle ajoute le jour et le lieu où le fait s'est passé *; enfin, il a encore été jugé qu'il suffit que la citation rappelle le réglement ou même l'article de la loi que le fait a enfreint 3.

Toutes ces décisions, dont quelques-unes soulèveraient des difficultés en matière correctionnelle, doivent être acceptées en matière de police. Il suffit que l'inculpé ait eu connaissance du fait, que la citation l'ait mentionné; la forme de l'énonciation importe peu. C'est là le véritable esprit des art. 145 et 146. Mais faut-il aller plus loin? Faut-il décider que la citation serait régulière, lors même qu'elle ne contiendrait aucune énonciation quelconque, qu'elle ne se référerait à aucun acte, à aucun texte qui put amener l'inculpé à la connaissance du fait ? Nous ne le pensons pas; car elle manque à une forme qui est de l'essence même de cet acte, l'allégation de l'objet de la demande, du sujet de la plainte. On peut dire, à la vérité, que la citation devant le tribunal de police n'est pas nécessaire, qu'elle peut être remplacée par un avertissement même verbal. Cela est vrai, mais à une condition, c'est qu'elle consente à comparaitre; car, si elle ne comparait pas, il faut une citation. Or, toutes les fois qu'une citation est nécessaire, ne faut-il pas du moins qu'elle remplisse son indispensable mission, qu'elle fassse connaitre son objet?

Si néanmoins l'inculpé comparaît, et qu'au lieu de demander sur-le-champ soit la nullité de la citation, soit un délai pour préparer sa défense, il laisse l'affaire s'engager au fond, il ne pourra plus ultérieurement exciper de cette nul

Cass. 31 mars 1848, rapp. M. Legagneur, Bull. n. 92.

Cass. 24 janv. 1835, rapp. M. de Ricard. Bull. n. 28 fév. 1839, rapp. M. Rives, n. 68.

'Cass. 29 août 1806, rapp. M, Carnot, J. p., t. V, p. 483.

lité; car il y aura présomption qu'il a suffisamment connu le fait et qu'il a jugé lui-même qu'il pouvait immédiatement se défendre. C'est ce qui a été jugé par un arrêt qui rejette le pourvoi: «Attendu que le prévenu a eu connaissance à l'audience du fait résultant du procès-verhal dressé à sa charge; qu'il s'est expressément défendu sur ce point, et que le ministère public avait requis uniquement la répression de ce fait; que le tribunal en était donc légalement saisi, aux ter mes de l'art. 147, et devait statuer sur les réquisitions dont il était l'objet, quoiqu'il n'eut point été spécifié dans la citation introductive d'instance 1. »

III. La citation doit indiquer d'une manière claire et non équivoque la personne à qui elle est donnée; car toute poursuite exercée contre une personne incertaine ou inconnue est nécessairement nulle; elle ne saisit pas valablement le tribunal 2.

Il a été jugé, dans une espèce où la citation avait été donnée au fils de telle personne, sans autre désignation, que le procès-verbal et la citation ne désignent pas le délinquant d'une manière suffisante, et qu'ils n'indiquent pas que le père fut le propriétaire des bestiaux trouvés en délit : et qu'en jugeant en cet état qu'il n'y avait pas lieu de donner suite à la citation, l'arrêt attaqué n'a violé aucune loi3. » Cette décision, rendue en matière forestière, serait applicable en matière de police; car la règle qui veut l'indication précise de l'inculpé ne peut admettre aucune exception.

Cependant l'indication peut résulter suffisamment, à défaut du nom, des renseignements propres à y suppléer. Supposons que, dans l'espèce précédente, le propriétaire des bestiaux n'eut qu'un fils : l'indication de ce fils, dans les termes mêmes de la citation, devient alors suffisante. C'est

1 Cass. 9 nov. 1843, rapp. M. Rives. Bull. n. 276.

* Cass. 24 juill. 1838, rapp. M. Rives. Bull. n. 246, 19 juin 1828, rapp. M. Gary. J. P., t. XXI, p. 4566.

› Cass. 31 mars 1832, rapp. M. de Ricard, J. P., t. XVIII, p. 690.

ainsi qu'il a été reconnu, dans une espèce analogue, que la citation donnée au berger de tel propriétaire, sans désignation des nom et prénoms de ce berger, était régulière '.

IV. L'art. 145 porte : « Les citations seront notifiées par un huissier. »

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Cette notification ne peut-elle être faite que par l'huissier de la justice de paix? L'affirmative avait été jugée sous l'empire de l'art. 166 du C. du 3 brumaire an 4 ; et cette décision pouvait paraître confirmée par l'art. 141 du C. d'inst. cr., qui porte que « les huissiers de la justice de paix feront le service pour les affaires de police. » Mais plusieurs arrêts ont décidé « que si l'art. 141 dit que les huissiers de la justice de paix feront le service pour les affaires de police, il ne déclare pas nulles les citations faites par d'autres huissiers, et particulièrement par les huissiers des tribunaux de première instance dans l'arrondissement desquels les justices de paix sont situées; que si l'on pouvait supposer une omission dans l'art. 145, il n'appartiendrait pas aux tribunaux de la suppléer; mais que l'article qui suit immédiatement cet art. 145, prononçant la peine de nullité dans le cas où la citation est donnée dans un délai moindre de vingt-quatre heures, il est évident que le silence de l'art. 145, sur la peine de nullité, n'est pas une omission du législateur, mais le résultat de la volonté d'appliquer cette peine à un cas et de ne pas l'appli-` quer à l'autre ; et qu'il n'a pas voulu qu'une citation en matière de police fut nulle, par le motif unique qu'au lieu d'ètre notifiée par l'huissier de la justice de paix, elle l'était par l'huissier du tribunal supérieur 3. » Cette interprétation trouve aujourd'hui un appui dans l'art. 16 de la loi du 25 mai 1838, qui dispose que « tous les huissiers d'un même

1 Grenoble 8 mai 1824. J. P., t. XVIII, p. 690.

* Cass. 22 frim. an x111, rapp. M. Rataud. J. P., p. 284.

Cas. 28 mai 1817, rapp. M. Aumont. J. P., t. XIV, p. 242; et Conf. 23 fév. 1815, rapp. M. Dumoyer, t. XII, p. 603; et 8 août 1834, rapp. M. Rives, t. XXVI, p, 862.

canton auront le droit de donner toutes les citations et de faire tous les actes devant la justice de paix. » La restriction de l'art. 141, si cette restriction se trouve au fond de ses termes, a donc cessé d'exister, et l'art. 145 doit s'entendre dans un sens énonciatif; il indique un huissier ayant le droit d'instrumenter dans le canton. Il avait été reconnu, au surplus, que le défaut de qualité de l'huissier était couvert par la comparution volontaire à l'audience 1.

V. L'art. 145, aprés avoir édicté que les citations seront notifiées par un huissier, ajoute : « il en sera laissé copie au prévenu ou à la personne civilement responsable. »>

Il faut remarquer d'abord que la forme alternative de cette phrase, résultat d'une erreur de rédaction, ne doit pas faire supposer qu'il suffit que la copie soit remise, soit au prévenu, soit à la personne responsable: il est évident qu'elle doit être remise à l'un et à l'autre, puisque l'un et l'autre sont personnellement appelés devant le tribunal, puisque le tribunal n'est saisi à l'égard de l'un et de l'autre que par cette double citation 2.

La citation doit être remise à la personne ou au domicile de l'individu cité au cas où l'huissier ne trouve au domicile ni la partie ni aucun de ses parents, ou serviteurs, il doit suivre les formes tracées par l'art. 68 du C. de proc. civ. A défaut de cette remise ou des formes qui la suppléent, la citation est nécessairement nulle, puisqu'elle n'a pas été faite, puisque la personne citée ne l'a pas légalement connue 3.

VI. Telles sont les principales formes de la citation devant le tribunal de police. Nous ne mentionnerons pas : 1° l'élection de domicile que l'art. 183 oblige la partie civile en matière correctionnelle de faire dans le lieu où siége le tribunal : cette forme ne s'applique pas en matière de simple police;

1 Cass. 23 fév. 1815. Cité suprà.

2 Cass. 11 sept. 1818, rapp. M, Busschop. J. P., t. XIV, p. 1023 ; 24 déc. 1830, rapp. M. Rives, t. XXIII, p. 4025.

Cass, 10 sept. 1831, rapp. M, de Crouseilhes, t. XXIV, p. 239.

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2o l'enregistrement de la citation : le défaut de cet enregistrement n'est pas une cause de nullité et ne peut donner lieu, si la date de la citation n'est pas certaine, qu'à la demande d'un délai 'où à la nullité du jugement par défaut; 3o la date même de la citation : le défaut de date ne peut avoir d'autre conséquence que de laisser incertain si le prévenu a joui du délai accordé par la loi; or l'inobservation de ce délai pourrait entraîner seulement, si le prévenu n'a pas comparu, la nullité de la condamnation qui serait prononcée par défaut.

Au surplus, l'art. 173 du C. de pr. civ. qui porte que : « toute nullité d'exploit est couverte, si elle n'est proposée avant toute défense ou exception autre que les exceptions d'incompétence, » est une disposition de droit commun qui doit s'appliquer dès lors même aux matières criminelles 3. Ainsi, l'inculpé qui a comparu et qui n'a pas relevé immédiatement les nullités dont la citation est entachée, n'est pas admis à alléguer ultérieurement, soit, par exemple, qu'elle n'était pas signée de l'buissier, soit qu'il n'a pas eu le délai de vingt-quatre heures pour préparer sa défense, soit enfin qu'il n'aurait pas été régulièrement dénommé dans la cita

tion..

$ 492.

1. Formes du simple avertissement. II. Cette voie est purement

facultative.

I. L'avertissement qui, aux termes de l'art. 147, peut remplacer la citation, n'est autre chose qu'une citation dénuée

1 Cass. 23 vent., an xш, гapp. M. Seignette. J. P., t. IV, p. 442; 1er fév. 1816, rapp. M. Aumont, t. XIII, p. 256; 7 mai 1835, rapp. M. Fréteau. Bull, n. 168.

* Cass. 30 janv. 1846, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 31.
Cass. 12 avril 1839, rapp. M. Rives. Bull. n. 122.

* Cass. 20 juillet 1832, rapp. M. Ollivier. J. P., t. XXIV, p. 306.

Cass. 17 mars 1832, rapp. M. Isambert. J. P., t. XXIV, p. 870. *Cass. 16 juill. 1846, rapp. M. Fréteau, Bull, n, 183.

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