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ou s'il n'a été régulièrement cité comme prévenu; que, lors du jugement attaqué, Vasseur avait été cité comme témoin et non comme prévenu; qu'il a comparu uniquement comme témoin; qu'il n'apparaît d'aucune réquisition prise contre lui à l'audience par le ministère public; d'où il suit qu'il n'existait contre lui aucune instance devant le tribunal de simple police de Chinon, et qu'ainsi, en prononçant contre lui une condamnation, ce tribunal a commis un excès de pouvoir 1. » Un individu était prévenu de contravention à un arrêté local concernant le service des portefaix en faisant décharger par des gens de service de son frère des marchandises qui lui étaient adressées au lieu d'employer ces portefaix, et le tribunal, statuant à l'égard du frère, qui n'était pas en cause, l'avait renvoyé de la poursuite et avait omis de statuer à l'égard du prévenu lui-même. La cassation a dù encore être prononcée, « attendu que Debray a été cité seul à ce sujet et qu'il a comparu devant le tribunal de police assisté d'un défenseur; qu'il n'est point constaté dans le jugement dénoncé que son frère s'y soit présenté aussi et ait pris des fait et cause relativement à la prévention; que cependant ce jugement a, d'une part, renvoyé ce dernier des fins de la plainte, et d'autre part, omis de statuer sur l'action intentée contre Debray; d'où résulte un excès de pouvoir 2. » Enfin, un tribunal de police avait renvoyé des fins de la plainte une femme prévenue de contravention, laquelle n'avait pas été citée régulièrement à l'audience et n'y avait pas comparue, et ce jugement a été annulé, : « attendu qu'elle n'avait pas été citée régulièrement à l'audience où comparaissait seulement son mari; qu'à raison du défaut de citation et en l'absence de la femme, le tribunal n'était pas régulièrement saisi de la poursuite, et qu'en refusant de surseoir à l'examen et au jugement des faits qui étaient personnels à

1 Cass. 22 mars 1844, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 141, et Conf. 6 mai 1847, rapp. M. Mérilhou. Bull, n. 96.

* Cass. 4 mars 1848, rapp, M. Rives, Bull, n, 58. 21 nov. 1849, rapp. M. Brière, n, 324.

l'inculpée et en la relaxant de la plainte, le tribunal a commis un excès de pouvoir 1. »>

Il résulte de ces différents arrêts que le tribunal de police ne peut statuer qu'à l'égard des personnes qui ont été citées à son audience ou qui se présentent volontairement sur un avertissement. Il ne peut par conséquent ni condamner ni renvoyer de la plainte les individus qui comparaissent volontairement, lorsqu'ils n'ont reçu aucun avertissement et qu'aucune prévention ne les met en cause, ni ceux qui, bien que susceptibles d'être prévenus, n'ont été ni cités ni avertis et ne se trouvent point encore parties au procès. Que si le tribunal aperçoit, ou que les véritables auteurs de la contravention ne sont pas en cause, ou qu'ils n'ont pas été cités à titre de prévenus, il peut sur les conclusions de la partie publique ou de la partie civile, surseoir pour qu'ils soient mis en cause par une citation régulière; mais, lié par la première citation qui l'a saisi, il ne peut, tant qu'une nouvelle n'est pas intervenue, connaître d'autres prévenus que ceux qu'elle a indiqués ni statuer que sur ceux-là seulement.

IV. La même règle s'applique, en général, aux personnes civilement responsables: c'est la citation ou l'avertissement qui, en les mettant en cause, indique les parties sur lesquelles le tribunal peut faire porter la responsabilité du dommage causé par la contravention.

Cette règle admet cependant ici une exception. Les personnes responsables, même non citées ni averties, peuvent intervenir dans une poursuite commencée et prendre le fait et cause des prévenus; car elles ont intérêt, puisqu'elles répondent des condamnations pécuniaires encourues par ceuxci, à débattre le fait qui a causé le dommage et d'en contester les conséquences civiles. La loi criminelle, qui autorise formellement l'intervention des parties lésées, suppose et permet

Cass, 12 mai 1854, rapp. M. Jallon, Bull. n. 151.

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par là même l'intervention des parties responsables; car lorsque l'action civile peut naître et se former dans le cours de la poursuite, il serait difficile de dénier aux personnes que cette action peut léser, le droit de venir défendre leurs intérêts aussitôt qu'ils sont menacés. La même règle régit la marche de l'action et celle de la défense: dès qu'elle peut être portée incidemment devant la juridiction crimi. nelle, il faut que les personnes qu'elle attaque indirectement et par voie de conséquence puissent s'y porter incidemment aussi. La jurisprudence s'est toujours prononcée dans ce sens. Nous en rapporterons plus loin les décisions.

V. Après avoir examiné sur quelles personnes le tribunal de police peut statuer, il faut rechercher de quels faits il est saisi. En règle générale, il ne peut statuer que sur les faits à raison desquels la citation est donnée. C'est la citation, en effet, ou l'avertissement qui en tient lieu, qui détermine l'étendue de la prévention, qui avertit le prévenu des points sur lesquels il doit préparer sa défense : l'action publique n'est exercée qu'à raison des faits qui y sont énoncés; c'est cet acte qui, en la mettant en mouvement, indique et précise son objet. Le juge n'est donc saisi que de ces faits, il ne peut étendre sa compétence au delà, car il prononce sur l'action publique; mais il n'a pas le pouvoir de la mettre en mouvement; il juge, il ne poursuit pas.

Cette règle est écrite dans de nombreux arrêts. Il a été jugé successivement, « 1° qu'un tribunal de police ne peut connaître d'un fait qui n'a pas été traduit devant lui par le ministère public ou la partie lésée, parce que les tribunaux de police ne jugent les délits qui sont de leur compétence que sur la poursuite, soit de la partie publique, soit de la partie privée ; 2° « que le fait n'étant pas du nombre de ceux

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Voy. infrà, p. 352 et suiv.

Cass. 26 vend, an ix, rapp. M, Busschop. J. P., t. II, p. 13.

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dont le plaignant avait demandé la réparation en citant le prévenu devant le tribunal de police, ce tribunal ne pouvait le constater et le réprimer d'office sans une nouvelle citation et sans conclusions ou réquisitions de la part de la partie lésée ou du ministère public; » 3° que le tribunal, dans une espèce où la citation ne mentionnait que l'ouverture d'un café après l'heure fixée par un arrêté, ne peut connaître des infractions relatives à l'exercice de la profession de cafetier, « attendu qu'aucune citation ou conclusion du ministère public ne saisissait le tribunal de la connaissance d'une contravention qui aurait résulté de l'exercice de la profession d'aubergiste sans autorisation, ni d'une autre contravention pour défaut de tenue du registre de police'. >>

La jurisprudence admet cependant quelques restrictions. En premier lieu, le tribunal de police est saisi du fait luimême et non de la qualification que lui donne la citation ; il peut donc rejeter cette qualification lorsqu'elle est erronée, et sans s'écarter de ce fait, tel qu'il est énoncé ou constaté, lui reconnaître son caractère variable, sa qualification légale. Il ne fait en cela qu'apprécier l'objet dont il est saisi et déterminer son rapport avec la loi pénale. Il a été jugé dans ce sens, dans une espèce où le titre de la prévention était une dégradation commise sur un chemin par l'écroulement d'un mur, que le prévenu avait pu être condamné pour embarras de la voie publique par dépôt de matériaux sans nécessité: < attendu que l'art. 159 du C. d'inst. cr. ne permet de renvoyer le prévenu de la plainte que lorsque le fait, reconnu constant, ne se trouve prévu par aucune loi pénale; que si le fait dont il s'agit n'est pas prévu par l'art. 479 du C.

1 Cass, 29 fév. 1828, rapp. M. Gary. J. P., t. XXI, p. 1231 ; et Gonf, 14 avril 1848, rapp. M. Rives. Bull. n. 117.

* Cass. 25 janv. 1850, rapp. M. de Boissieux. Bull. n. 30; et Conf, cass. 4 oct. 1855, rapp. M. Isambert, n. 344; et 31 janv. 1855, rapp, M, Jallon. n. 26.

pén., il présente les caractères déterminés par l'art. 471, n° 41. »

Il peut statuer, en second lieu, sur des faits qui ne sont pas énoncés dans la citation, si cette citation se réfère à un procès-verbal dans lequel ils sont constatés. Ce point a été reconnu par un arrêt qui casse le jugement d'un tribunal de police : « attendu, sur le 2e chef, que la citation donnée au prévenu dans l'espèce énonçait sommairement l'objet de la plainte et qu'en outre elle se référait au procès-verbal dans lequel était énoncé, non-seulement le premier fait du dépôt de fumier reproché au prévenu, mais encore l'enlèvement du fumier à une heure autre que celle qui était prescrite par l'arrêté; que le ministère public, dans les conclusions par lui prises devant le tribunal de police, a formellement requis l'application d'une peine à la contravention résultant de cet enlèvement; que le fait, matière de ces conclusions, était énoncé au procès-verbal ; que dès lors le tribunal de police ne pouvait se dispenser de statuer sur ce chef, sous le prétexte qu'il n'était point compris dans la citation, et qu'en décidant que cette énonciation était indispensable pour motiver la poursuite, quant à ce point, il est contrevenu aux disposi tions des art. 145, 154 et 169 du C. d'inst. cr. 2. »

Il faut ajouter toutefois que si le procès-verbal peut suppléer les énonciations de la citation, c'est à la condition qu'il aura été notifié au prévenu, que celui-ci en aura eu connaissance; car, s'il ne lui a pas été communiqué, comment pourrait-il se défendre sur un chef qu'il ne connaît pas? On lit cependant dans un arrêt « attendu que le prévenu a eu connaissance à l'audience du fait résultant du procès-verbal dressé à sa charge; qu'il s'est expressément défendu sur ce point et que le ministère public avait requis uniquement la repression de ce fait; que le tribunal en était donc légale

Cass. 6 fév. 1845, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 35; 5 fév. 1835, rapp. M. Rives, n. 47; 2 juillet 1853; rapp. M. de Glos, n. 340.

'Cass. 7 août 1829, rapp. M, de Crouseilles, J, P., t. XXII, p. 1335.

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