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taqué ayant décidé que l'audition des témoins cités à la requête du demandeur était inutile, il en résulte que cet arrêt n'a pu violer l'art. 157, en n'ordonnant pas que les témoins seraient tenus de comparaître, et en ne les condamnant pas à l'amende '. »

Le premier défaut du témoin régulièrement cité peut donc donner lieu à l'amende; le second peut donner lieu à l'emploi de la contrainte par corps. Cette contrainte, qui ne doit pas ètre confondue avec la détention qui a pour objet le paiement des dettes civiles et des condamnations pécuniaires, est une voie de coercition employée pour faire comparaître le témoin. Le juge rend une ordonnance qui doit avoir la forme d'un mandat d'amener, comme elle en a les effets, et en vertu de laquelle les agents de la force publique, chargés de son exécution, concontraignent le témoin à comparaître. Il est évident que ce moyen rigoureux ne doit être employé, en matière de simple police, que dans le cas où le témoignage est absolument nécessaire ".

L'art. 158 ajoute : « Le témoin ainsi condamné à l'amende sur le premier défaut, et qui, sur la seconde citation, produira devant le tribunal des excuses légitimes, pourra, sur les conclusions du ministère public, être déchargé de l'amende. Si le témoin n'est pas cité de nouveau, il pourra volontairement comparaître, par lui ou par un fondé de procuration spéciale, à l'audience suivante, pour présenter ses excuses et obtenir, s'il y a lieu, décharge de l'amende. » Il suit de là que les témoins cités qui ont fait défaut, soit qu'ils aient ou non été réassignés, ont droit de produire leurs excuses et de demander la décharge de l'amende c'est une sorte d'opposition qu'ils forment à la condamnation par défaut qu'ils ont

encourue.

Si le témoin, retenu par des infirmités ou son état de maladie, était dans l'impossibilité de comparaître et qu'il de

1 Cass. 11 août 1827, rapp. M. Mangin, J. P., t. XXI, p. 726.

'Conf, Berryat St-Prix, n. 174.

meurât dans le canton, le juge de police pourrait, en faisant application de l'art. 83, se transporter dans sa demeure en faisant connaître son transport aux parties, et recueillir sa déposition. Ce point a été consacré par un arrêt ainsi conçu :

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Sur le moyen tiré de la fausse application de l'art. 83 et de la violation des art. 153 et 155, en ce que l'un des témoins n'a pas été entendu à l'audience: Attendu qu'il est constaté par le jugement dénoncé que ce témoin se trouvait dans l'impossibilité de comparaître à la requête du prévenu, à cause d'une maladie qui le retient depuis plusieurs mois dans son domicile; qu'en ordonnant qu'il se transporterait incontinent chez lui assisté du ministère public, du greffier et du défendeur, et en suspendant momentanément l'audience pour recevoir sa déclaration, le tribunal s'est conformé au principe de l'art. 83; que ce mode de procéder, devenu nécessaire dans l'intérêt même de la défense, n'est point non plus une violation des art. 153 et 155, puisque, revenu sur son siége, le juge de simple police a fait donner publiquement lecture de la déclaration qu'il avait reçue au demandeur qui avait refusé de le suivre, et que ce dernier a pu en tirer toutes les inductions qui en résultaient contre la prévention 1. »

Nous avons, au surplus, établi dans un autre lieu les règles relatives, 1° à l'appréciation des excuses; 2° au pouvoir discrétionnaire des tribunaux pour procéder à cette appréciation; 3° enfin, aux exemptions de l'obligation de témoigner en justice dont jouissent certaines personnes à raison de leur état ou de leurs fonctions. Ces règles s'appliquent en matière de police et il suffit de s'y reporter.

IV. Au moment où les témoins présents, soit qu'ils aient été cités, avertis ou amenés par les parties, sont appelés, après la lecture du procès-verbal et de l'exploit introductif d'instance, à faire leurs dépositions, les parties ont le

'Cas.. 12 nov. 1835, rapp. M. Rives. Bull. n. 444. Voy. t. V, p. 545, 547 et suiv., 563 et suiv.

droit, dans les cas prévus par la loi, de s'opposer à ce qu'ils soient entendus.

Sous le Code du 3 brumaire an Iv, l'audition précédait les reproches tous les témoins étaient entendus sans exception, et même les parents, quelque fut leur degré de parenté avec les parties, sauf à ces parties à proposer après cette audition tels reproches et moyens qu'elles jugeaient convenables'. Notre Code veut, au contraire, que les reproches précèdent l'audition puisqu'il leur attribue dans certains cas l'effet de l'empêcher.

L'art. 156 est ainsi conçu : « Les ascendants ou descendants de la personne prévenue, ses frères et sœurs ou alliés au pareil degré, la femme ou son mari, ne seront ni appelés, ni reçus en témoignage, sans néanmoins que l'audition des personnes ci-dessus désignées puisse opérer une nullité, lorsque, soit le ministère public, soit la partie civile, soit le prévenu, ne se sont pas opposées à ce qu'elles soient entendues. »

Cet article a deux dispositions distinctes. La première est la prohibition d'entendre en témoignage les ascendants ou descendants du prévenu, des frères et sœurs ou alliés au même degré et son conjoint. Cette prohibition est fondée sur un double motif d'une part, les témoignages des proches parents sont suspects à raison du lien de la famille qui leur ôte leur impartialité, et, d'autre part, la justice doit éviter, mème pour arriver à la vérité, de mettre aux prises le devoir social du témoin avec le devoir du fils, de l'époux, du frère. Mais, par cela même qu'elle est une exception à la règle générale qui veut la production de toutes les preuves devant la justice, elle est nécessairement limitative. La loi a désigné les personnes dont il est permis de repousser le témoignage; il est par là mème interdit d'étendre cette faculté à d'autres personnes, quelque fondés que soient les reproches allégués ; car l'action de la justice repressive se trouverait paralysée

1 Art. 184 et cass. 14 nov. 1806, rapp. M. Miniè, J. P., t. V, p. 539; 14 août et 10 sept. 1807, rapp. MM. Saignette et Babille, t. VI, p. 260 et 305,

et l'intérêt social qui s'y attache compromis. C'est là le motif qui a porté le législateur à ne pas reproduire ici la disposition de l'art. 283 du C. de proc. civ. La Cour de cassation a maintenu cette règle avec un soin extrême.

Un tribunal de police avait refusé d'entendre des témoins produits à l'appui d'une prévention de bruits et tapages nocturnes, parce que les prévenus alléguaient qu'ils avaient bu avec eux le jour où la contravention aurait été commise, qu'ils se seraient trouvés comme eux en état d'ivresse, et qu'ils auraient été les véritables auteurs du fait qui leur était imputé. Ce jugement a été cassé « attendu qu'il appartenait au tribunal saisi de la poursuite d'avoir tel égard que de raison à ces circonstances, si elles lui paraissaient établies, en appréciant le mérite de leur déposition; mais qu'il ne pouvait refuser d'entendre ces témoins, puisque toutes personnes autres que celles dénommées dans l'art. 156 doivent, nonobstant l'opposition des inculpés à leur audition, être admises à déposer en matière de police '.

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Un autre tribunal avait également rejeté des temoins reprochés par le prévenu, parce qu'ils avaient visité le lieu où la contravention avait été commise, qu'ils avaient manifesté leur opinion et pris part à une délibération du conseil municipal sur les faits relatifs au procès. Ce jugement a encore été cassé « attendu que les tribunaux ne sont pas autorisés par la loi à appliquer aux témoins diligentés en matière de simple police, les cas de reproche déterminés seulement à l'égard des témoins appelés dans les enquêtes en matière civile; qu'il appartenait au tribunal saisi de la poursuite d'avoir tel égard que de droit aux circonstances, en appréciant le mérite de la déposition des témoins, mais qu'il ne pouvait refuser de les entendre, puisque toutes personnes, autres que celles dénommées en l'art. 156, doivent, nonobstant l'opposition des inculpés à leur audition, être admises à déposer en matière de police ". »

• Cass. 25 avril 1834, rapp. Rives. J. P., t. XXVI, p. 435. 2 Cass. 48 juill, 1846, rapp, M. Jacquinot. Bull. n. 188.

Ainsi, il ne suffit pas que des reproches soient adressés aux témoins pour mettre obstacle à leur audition, il faut que ces reproches soient admis, et ils ne peuvent l'ètre que dans les cas prévus pas l'art. 156. Un arrêt déclare « que le droit (de ne pas entendre les témoins produits) ne pouvait naître pour le juge de cette circonstance qu'un reproche aurait été adressé par le prévenu contre l'un ou l'autre des témoins; qu'en effet lorsqu'un témoin est reproché et que le reproche n'est pas admis, ce témoin est comme tout autre témoin cité, et son audition ne peut être refusée que par suite d'une application de l'art. 156 et d'une violation expresse de l'art. 154 1. »

Si les témoins contre lesquels les reproches sont proposés sont les agents rédacteurs des procès-verbaux produits à l'appui de la poursuite, quel sera l'effet de ces reproches ? Cette question a été examinée dans le livre 3, chap. 5, dc ce traité".

La partie civile peut-elle être entendue comme témoin? Ce n'est point en vertu de la disposition de l'art. 156 que son témoignage peut être écarté, c'est en vertu de la maxime nullus testis idoneus in re suâ intelligitur, maxime qui, suivant l'expression d'un arrêt « est d'ordre public et substantielle à la défense 3. » Il a été jugé à cet égard: 1° que la partie civile ne peut, à peine de nullité, être entendue comme témoin et avec serment, malgré l'opposition du prévenu, lors même que le juge aurait déclaré ne devoir accorder à sa déposition que tel égard que de droit ; 2° que, néanmoins, cette prohibition n'étant point absolue, elle peut être entendue même avec serment, si ni le prévenu ni le ministère public ne s'y opposent 5; 3° qu'elle a d'ailleurs dans tous les cas le droit de donner à l'audience à l'appui de sa plainte, mais sans

Cass. 30 avril 1852, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 141.

Voy. t. IV, p. 331.

* Cass. 28 déc. 1838, rapp. M. Rocher. Bull. n. 389.

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Même arrêt, et cass. 5 janv. 1838, rapp. M. Fréteau. Bull. n. 2.

*Cass. 28 nov. 1844, rapp. M. Bresson. Bull. ǹ. 383.

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