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scrment, tous les éclaircissements qu'elle juge nécessaires'. Nous nous bornons à enregistrer ici cette jurisprudence : nous l'examinerons en exposant les formes de la procédure devant la Cour d'assises.

Au surplus, cette prohibition, quelque soit sa portée, ne peut atteindre ni les dénonciateurs, ni les simples plaignants, ni les parents de la partie civile. Il appartient au juge d'apprécier la foi qui doit être attachée au témoignage de ces personnes; mais il est évident qu'elles ne peuvent être assimilées à la partie civile: ce qui écarte, en cffet, le témoignage de celle-ci, ce n'est pas seulement son intérêt dans la cause, c'est qu'elle y est partie et qu'à ce titre elle agit, plaide, discute et exerce les mêmes droits que le ministère public.

Les officiers qui exercent les fonctions du ministère public près le tribunal de police peuvent-ils être entendus comme tẻmoins dans les affaires qu'ils poursuivent? Cette question a été résolue par un arrêt qui porte : « que l'art. 154 attribue aux procès-verbaux et rapports, et, à défaut, aux témoins légalement produits et entendus, foi en justice pour les contraventions de police; que, dans l'espèce, le commissaire de police n'a eu recours ni à l'un ni à l'autre mode de preuve; qu'il s'est borné à se porter témoin contre le prévenu; mais que cette qualité de témoin à l'audience est incompatible avec les fonctions du ministère public, et que c'est à bon droit que le jugement attaqué à repoussé ce témoignage; qu'en statuant ainsi, le tribunal de police, loin de violer l'art. 154, s'y est conformé ainsi qu'aux principes constitutifs du ministère public en France »'. On ne peut admettre, en effet, que l'officier qui, chargé des fonctions du ministère public, poursuit et soutient l'action publique, puisse, descendant de son siége et changeant de rôle à l'audience, déposer comme témoin à l'appui de la prévention. Ces

1 Cass, 19 janv. 1837, rapp. M. Rocher. Bull. n. 24.

* Cass. 5 oct. 1833, rapp. M. Dehaussy. J. P., t. XXV, p. 899; 27 mai 1837, rapp. M. Rocher, n. 164; 8 août 1851, rapp. M. Meyronnet St-Marc, D. 332.

Cass. 27 mai 1844, rapp. M, Isambert. Bull. n, 156.

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fonctions de témoin et de partie poursuivante sont incompatibles ; car celui qui poursuit ne peut avoir l'impartialité nécessaire pour que son témoignage fasse foi, et en se portant témoin, il indique par cela même qu'il ne possède pas cette impartialité que son ministère exige et qu'il puise sa conviction, non dans les éléments du débat, mais dans la connaissance personnelle qu'il a du fait incriminé. On peut objecter cependant que le commissaire de police qui remplit les fonctions du ministère public a pu rédiger lui-même le procèsverbal en vertu duquel la poursuite est dirigée; or, que sont les agents rédacteurs des procès-verbaux, sinon des témoins des faits qu'ils rapportent? Que sont leurs procès-verbaux, sinon des témoignages? Et comment le commissaire de police qui les a rédigés ne serait-il pas appelé à donner des explications sur leur contenu lorsqu'il est présent à l'audience et par cela seul qu'il remplit les fonctions du ministère public? La réponse est que cet officier, soit qu'il verbalise, soit qu'il poursuive, agit comme officier public; qu'étant à la fois agent de la police judiciaire et chargé du ministère public; il s'acquitte sucessivement de cette double mission; qu'à ce double titre, il constate la contravention et en poursuit la répression; mais qu'il y a loin de là au témoignage assermenté qu'il viendrait fournir à l'appui du procès-verbal. Ce témoignage, en effet, n'est plus un acte de ses fonctions, il faut même qu'il les dépose momentanément pour le donner; il faut qu'il abdique son caractère public pour prendre le caractère d'un simple témoin; il est donc impossible d'y voir une suite, une conséquence, un complément des fonctions elles-mêmes. Ensuite la loi fournit les moyens de débattre le procès-verbal, de combattre le ministère public; mais la défense serait-elle possible si l'officier qui a rédigé le procèsverbal et soutenu la prévention avait encore le droit de fournir son propre témoignage à l'appui ? Si son procès-verbal a besoin d'être fortifié par quelque preuve, il lui appartient de la produire, mais non de la faire, de la rechercher et non de la créer le procès-verbal est le témoignage de l'officier de

police judiciaire; l'officier du ministère public n'a point de témoignage à fournir; ses nouvelles fonctions ont absorbé les premières; il a changé de rôle et il ne peut plus apporter son serment à l'appui du procès-verbal, quand ce n'est pas comme rédacteur de ce procès-verbal qu'il est présent à l'audience.

Le greffiier qui tient la plume à l'audience peut-il être entendu comme témoin? Il a été décidé, sous l'empire du C. du 3 brum. an IV, « que le greffier d'un tribuual de police ne devant pas tenir note des dépositions des témoins et des dires des parties, aucune loi ne prohibe, à peine de nullité, qu'il soit entendu en témoignage dans la cause soumise au tribunal de police. » Le principe qui fait la base de cette décision n'existe plus, puisque l'art. 155 de notre Code porte que le greffier tiendra note des principales déclarations des témoins: c'est la conséquence de l'institution de l'appel. Or, le greffier, devenu témoin, tiendra-t-il avec impartialité note des déclarations des autres témoins? N'est-il pas à craindre que ces notes soient écrites sous l'influence de sa propre déposition? Enfin, si la partie débat son témoignage et s'il s'élève à cet égard quelque incident qui lui soit personnel, faut-il admettre qu'il puisse reprendre la plume pour en faire l'analyse? M. Merlin fait, à la vérité, remarquer que l'article 155 ne prononce aucune nullité '; mais la question n'est pas dans le texte de cet article, elle est dans l'application du principe qui fait du greffier un élément nécessaire du tribunal de police ; d'où résulte, ce semble, l'incompatibilité de ses fonctions avec celles de témoin.

L'art. 156 au surplus, et c'est là sa dernière disposition, ne frappe point les personnes qu'il désigne d'une incapacité absolue de déposer, il se borne à donner aux parties le droit

Cass. 2 fév. 1809. J. P., t. VII, p. 347.

*M. Sulpicy. J. P., t. VII, p. 347.

3 Rép. v témoin judiciaire, § 1o, art, 5, n. 8. • Voy. suprà, p. 136.

de s'opposer à leur audition : cette audition, nonobstant une opposition régulière, doit entraîner nullité; mais si, ni le ministère public, ni la partie civile, ni le prévenu ne s'opposent à ce qu'elles soient enteudues, leurs déclarations peuvent être admises. Nous disons qu'elles peuvent être admises,

car,

même dans le cas où nulle opposition ne s'éleverait, le juge pourrait d'office, après avoir vérifié que le témoin est parent ou allié du prévenu au degré prohibé, écarter son témoinage et refuser de l'entendre s'il pense qu'il est inutile ou dangereux : il puise son droit à cet égard, non-seulement dans la prohibition générale de l'art. 156, mais dans la faculté d'admettre ou de rejeter les témoignages que lui donne l'art, 154.

V. Dans quel ordre doivent être entendus les témoins? La loi ne le dit pas ce n'est qu'au chapitre des cours d'assises que l'art. 319 veut qu'ils déposent dans l'ordre établi par le procureur général. On peut induire de là que, devant le tribunal de police, la partie poursuivante, le commissaire de police ou la partie civile, suivant que la poursuite a lieu à la requête de l'un ou de l'autre, doit régler cet ordre. Cependant on ne pourrait dénier au juge qui dirige les débats le droit de le modifier, s'il le juge utile à la manifestation de la vérité.

:

Doivent-ils être entendus séparément? Sur ce point encore la loi garde le silence faut-il recourir aux art. 316 et 317 qui, dans la procédure de la Cour d'assises, veulent que les témoins se retirent dans la chambre qui leur est destinée et n'en sortent que pour déposer séparément? La Cour de cassation a résolu cette question négativement: « attendu que le principe de l'art. 317, qui ordonne que les témoins seront entendus séparément, n'est posé par la loi que pour les cours d'assises et ne se trouve pas parmi les dispositions qui règlent la procédure devant les tribunaux de simple po

1 Cass. 28 mai 1841. Dall., t. XLI, p. 403.

lice. » Cette solution doit d'autant plus être adoptée que, même dans la procédure devant la Cour d'assises, les règles tracées par les art. 316 et 317 ne sont point prescrites, à peine de nullité. Ces règles doivent être considérées comme des précautions, non point essentielles mais utiles, pour assurer la vérité des dépositions qu'elles mettent à l'abri des influences; mais il est évident que l'utilité de ces mesures est moindre lorsque les intérêts qu'elles ont pour objet de protéger sont plus minimes. La juridiction de police ne connait d'ailleurs que peu de formes nécessaires: la loi a tendu sans cesse à simplifier sa procédure; il n'est donc par permis d'en établir en dehors de son texte. Le juge peut sans doute, puisqu'il a la police de l'audience, ordonner que les témoins se retireront dans une chambre et seront appelés séparément à l'audience; mais ces prescriptions n'ont de sanction que la volonté même du juge; leur violation ne peut avoir aucun effet.

VI. Les témoins, avant de déposer, prêtent serment. L'art. 155 porte « les témoins feront à l'audience, sous peine de nullité, le serment de dire toute la vérité, rien que la vérité, et le greffier en tiendra note, ainsi que de leurs noms, prénoms, âge, profession et demeure, et de leurs principales déclarations. >>

De ce texte on doit déduire trois corollaires : 1° que tous les témoins sans distinction sont soumis à la formalité du serment; 2o que la formule de ce serment est sacramentelle; 3° que cette formalité doit être exactement constatée. Examinons successivement ces trois points.

En thèse générale, tous les témoins produits devant le tribunal de police doivent prêter serment: c'est le serment

1 Cass. 4 juin 1847, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 121. 2 Cass. 23 avril 1835, rapp. M. Isambert. Bull. n. 149.

Cass. 13 mai 1837, rapp. M. Vincens Saint-Laurent. Bull. n. 151; 3 mars 1838, rapp. M. Rives, n. 56; 23 août 1839, rapp. M. Rives, n. 273; 22 nov. 1839, rapp. M. Ricard, n. 561; 5 déc. 1839, rapp. M. Rives, n. 370;

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