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vérité et toute la vérité et de parler sans haine et sans crainte, quoique plus étendue que la formule légale, ne la reproduit pas tout entière, puisqu'elle omet ces mots : rien que la vèrité; elle ne peut donc la remplacer '. Il en est encore ainsi de cette autre formule: de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité. Mais, si les témoins ont employé tous les termes de l'art. 317, s'ils ont prêté serment « de parler sans haine et sans crainte, de dire toute la vérité et rien que la vérité, » la nullité n'existerait plus, puisque cette formule contient tout entière celle de l'art. 155; et que les termes surabondants qu'elle renferme ne peuvent en affaiblir le sens •. La même décision s'appliquerait au serment « de dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité puisque l'addition faite à la formule de la loi n'en a restreint ni la portée, ni les conséquences légales *.

Il importe cependant de faire une remarque. Quel est le motif de la nullité? C'est que la déposition du témoin qui n'a pas prêté le serment légal ne présente pas la garantie que la loi a voulu y attacher, c'est que la preuve dont le juge s'est servi n'a pas le caractère d'une preuve légale, c'est que le témoin sur lequel il s'est appuyé n'était pas un véritable témoin. De là, il faut naturellement induire que si le jugement ne s'est point appuyé sur les témoignages entachés de nullité par défaut de serment régulier, si, par exemple, ce jugement statuait sur deux faits connexes, et si les témoins n'ont été entendus que sur l'un de ces faits, ou s'il s'est fondé sur d'autres moyens que sur les témoignages, aucun vice ne l'infecterait, car l'illégalité n'aurait exercé aucune influence sur sa décision. C'est ainsi qu'un pourvoi, fondé sur l'irrégularité d'un serment, a dû être rejeté : « Attendu que, s'il est constaté que les témoins produits à la requête du ministère public

Cass. 15 mai 1845, rapp. M. Rives. Bull. n. 172.
* Cass. 26 sept. 1845, rapp. M. Rives. Bull. n. 308.
Cass. 12 nov. 1835, rapp. M. Rives. Bull. n. 413.
Cass. 27 mars 1856, rapp. M. Rives, Bull, n. 123.

et.entendus à l'audience, au lieu de prêter serment dans les termes de l'art. 155, ont seulement prêté le serment de dire toute la vérité, le jugement attaqué s'est fondé sur des moyens de droit appliqués à la prevention, telle qu'elle résultait des faits relatés au procès-verbal, telle aussi qu'elle était formulée dans la citation et dont le jugement n'a pas modifié les bases; que dès lors cette illégalité a été sans influence sur la décision intervenue. » C'est encore ainsi qu'un autre pourvoi fondé sur le défaut même de serment des témoins a été également rejeté : « Attendu que, si le jugement dénoncé présente une violation expresse de l'art. 155, en ce qu'il ne déclare pas explicitement et formellement que les témoins entendus dans l'instruction à l'audience avaient, avant d'être admis à faire. leur déposition, prêté le serment prescrit à peine de nullité, dans les affaires de police correctionnelle et de simple police, ce vice de forme ne saurait entraîner l'annulation de la décision dont il s'agit, puisqu'elle n'est nullement fondée sur la déposition sus-énoncée, mais uniquement sur la maxime non bis in idem». Enfin, dans une espèce où le tribunal d'appel, après avoir entendu irrégulièrement quelques témoins, avait confirmé purement et simplement le jugement du tribunal de police, le rejet du pourvoi a encore été prononcé : « Attendu que le jugement constate que les témoins produits ont été entendus oralement et séparément, après avoir individuellement fait serment de dire la vérité; que cette formule incomplète et illégale, qui ne satisfait ni au vœu de l'art. 44, ni au vœu des art. 155 et 189, a pour effet de vicier tout ce qui se rattache à cette partie incidente de l'instruction ordonnée par les juges d'appel; mais que, par son jugement définitif sur le fond, le tribunal de Moulins, pour confirmer le jugement altaqué, a adopté purement et simplement les motifs des premiers juges; qu'il est ainsi légalement établi que ce tribunal s'est fondé exclusivement sur des éléments autres que ceux

'Cass. 22 mai 1856, rapp. M. Sénéca. Bull. n. 187. 2 Cass, 20 juill, 1854, rapp. M, Rives. Bull. n. 232.

qui avaient pu résulter de l'incident d'appel, et a résolu une question distincte de celle que soulevait cet incident; d'où il suit que la nullité relevée n'a pu vicier la décision attaquée 1.»

La même exception couvre également l'irrégularité commise dans le serment prêté à une seconde audience, lorsque le serment prêté à la première audience, suffisant pour valider toutes les déclarations subséquentes, était régulier. Ce point a été reconnu par un arrêt qui porte « que tous les témoins avaient, à une précédente audience, déjà prêté serment conformément à la loi; que ce serment suffisait pour que leurs déclarations fussent placées sous l'influence de cette solennité, lors des audiences suivantes; que les omissions qui se remarquent dans la formule du serment qui leur a été inutilement demandé, après qu'ils avaient satisfait à cet égard à la loi, ne peuvent vicier le serment par eux déjà régulièrement prêté 2. »

VIII. Nous arrivons maintenant au troisième corollaire qui doit être déduit de l'art. 155, la constatation de la formalité du serment.

Cette constatation doit être faite, soit dans le jugement lui-même, soit, à défaut du jugement, dans les notes d'audience dont la tenue est prescrite au greffier. Elle est régulièrement faite par le jugement seul, car la deuxième partie de l'art. 155 n'est pas prescrite à peine de nullité, et, par conséquent, bien que la tenue des notes soit formellement prescrite au greffier, leur omission ne vicie cependant pas la procédure. Elle peut résulter à la fois du jugement et des notes, lorsque du rapprochément de leurs doubles énonciations on peut inférer l'accomplissement de la formalité *. Enfin, elle peut résulter des notes seules, puisque l'art. 155 leur donne cette mission spéciale, pourvu, d'ailleurs, qu'elles soient signées par le greffier; car, dénuées de cette signature,

1 Cass. 21 fév. 1856. rapp. M. Sénéca. Bull. n. 77. Cass. 28 sept. 1855, rapp. M. Poultier. Bull. n. 338.

* Cass. 1er juin 1838, rapp. M. Isambert, n. 150 et 151.

Cass. 11 nov. 1844, rapp. M. Vincens Saint-Laurent. Bull. n. 346,

elles n'auraient aucune force probante. Ce point a été consacré par plusieurs arrêts qui portent que les notes d'audience tenues par le greffier, en exécution des prescriptions du dernier paragraphe de l'art. 155, contiennent la constatation expresse de la prestation de serment dont la mention a été omise par le jugement; mais que ces notes d'audience qui, en principe, pourra ent suppléer en cette partie au silence du jugement, ne sont point, en fait, dans une forme probante, puisqu'elles ne sont point revêtues de la signature du greffier; d'où il suit qu'il y a eu omission d'une formalité prescrite à peine de nullité. Enfin, au cas où la constatation n'existe pas ou n'est pas régulière, la formalité est réputée n'avoir pas été remplie. Cette conséquence nécessaire de toute omission de cette nature a été consacrée par de nombreux arrêts qui portent en principe que toute formalité substantielle, dont l'accomplissement est ordonné sous peine de nullité, doit être tenue comme n'ayant pas été remplie, lorsqu'elle n'est pas légalement constatée". »

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Cela posé, comment doit être formulée la mention de la prestation de serment? Ici, nous nous trouvons en présence d'une jurisprudence dont les exigences peuvent sembler excessives. Il a été successivement jugé, en effet, qu'il ne suffit pas qu'il soit constaté : 1o que les témoins ont prêté serment,

attendu que cette énonciation est insuffisante et incomplète, et qu'elle ne peut suppléer le serment tel qu'il est formulé par la loi ; » 2o qu'ils ont prêté le serment prescrit, <«< attendu que cette énonciation ne suffit pas pour établir que le serment exigé est celui dont l'art. 155 contient la formule spéciale ; 3° qu'ils ont prêté le serment prescrit par

1 Cass. 26 août 1853, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 436; 8 janv. 1842, rapp. M. Vincens Saint-Laurent, n. 5.

* Cass. 15 déc. 1854, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 347, et conf. cass. 2 mars 1849, rapp. M. Meyronnet, n. 48; 14 juin 1849, rapp. M. de Boissieux, n. 133, etc.

* Cass. 15 janv. 1848, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 11; 2 mai 1850, rapp. M. de Glos, n. 141; 1er juin 1855, rapp. M. Jallon, n. 191. *Cass. 1 août 1850, rapp. M. Rives. Bull. n. 242.

la loi, « attendu que ce n'est là qu'une mention insuffisante du serment', une mention vague et générale ; 4° qu'ils ont été entendus ou qu'ils ont déposé conformément à la loi, <«< attendu que cela ne suffit pas pour établir qu'avant d'être entendus, ils ont prêté le serment de l'art. 1553; » 5° que leurs dépositions ont été reçues sous la foi du serment 4; 6 qu'ils ont prêté serment dans la forme ordinaire 5; 7° qu'ils ont été entendus dans les formes voulues par la loi, avec les formalités prescrites par la loi 7. Il est évident que quelques-unes de ces énonciations sont insuffisantes et incomplètes, notamment les dernières qui ne mentionnent même pas la prestation d'un serment; mais quand il est formellement constaté que le témoin a prêté le serment prescrit par la loi, ou qu'il a prêté serment conformément à la loi, faut-il exiger davantage? Le Code d'inst. crim. a écrit dans les art. 75, 155 et 317, trois formules de serment; or, les deux premières sont identiques, et la troisième renferme elle-même les termes des art. 75 et 155; qu'importe donc que le juge se trompe et prenne l'une au lieu de l'autre, puisque le serment, prêté dans l'une ou l'autre forme, sera pleinement suffisant? On objecte, à la vérité, qu'il peut s'égarer au point de faire prêter, ou un serment mutilé, comme on en a vu tout à l'heure des exemples, ou le serment prescrit aux témoins des enquêtes civiles par l'art. 35 du C. de proc. civ., ou même le serment imposé aux experts par l'art. 44 du C. d'inst. cr.; mais faut-il présumer une

↑ Cass. 14 déc. 1848, rapp. M. de Boissieux. Bull. n. 321; 23 mars 1849, rapp. M. Meyronnet, n. 65; 9 janv. 1851, rapp. M. Foucher, n. 13.

* Cass. 11 mai 1849, rapp. M. Isambert. Bull. n. 104; 12 janv. 1850, rapp. M. de Glos, n. 17.

Cass. 9 déc. 1848, rapp. M. Brière. Bull. n. 319; 20 nov. 1851, rapp. M. Dehaussy, n. 485.

Cass. 25 août 1855, rapp. M. Foucher. Bull. n. 300.

Cass. 13 sept. 1845, rapp. M. Jacquinot. Bull. n. 288.

Cass. 16 sept. 1853, rapp. M. Rives. Bull, n. 466.

Cass. 1er août 1850, rapp. M. Rives. Bull, n. 242; 13 mai 1852, rapp. . Foucher, n. 153.

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