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ticles cités peuvent être invoquées même en matière de police et c'est aussi dans ce sens que l'a décidé la jurisprudence'.

Une quatrième règle que nous avons déjà eu l'occasion de mentionner, est que le greffier doit, aux termes de l'art. 155, tenir note des principales dépositions de témoins. Cette obligation, quoiqu'elle soit impérativement imposée au greffier, n'est cependant pas prescrite à peine de nullité, car cette peine, d'après la teneur de l'art. 155, ne se rattache évidemment qu'à la première partie de cet article, c'est-à-dire, à la formalité du serment. Ces notes ont cependant une assez grande importance, car d'une part elles font preuve de l'accomplissement des formes prescrites par la loi, et d'une autre part, dans les affaires sujettes à appel, elles peuvent dispenser le juge d'appel d'entendre de nouveau les témoins dont les dépositions y sont analysées. Le juge de police doit donc veiller à ce qu'elles soient exactement tenues, suivant la prescription expresse du code. Au reste, la signature du juge est inutile pour qu'elles aient force probante, car la loi ne l'exige pas; il suffit qu'elles soient signées par le greffier, « attendu que le greffier d'un tribunal est un officier public, dont la signature suffit pour donner aux actes de son ministère, dans les fonctions qui lui sont attribuées par la loi, le caractère de l'authenticité; que lorsque le législateur a voulu que les procès-verbaux dressés par un greffier fussent en outre revêtus de la signature du juge, il a eu soin de l'exprimer, comme il l'a fait en matière civile, lorsqu'il doit être procédé à une enquête devant un juge de paix, dans le cas prévu par l'art. 39 C. pr. civ., et en matière criminelle, dans le cas de l'art. 372, pour les procès-verbaux servant à constater que les formalités prescrites ont été observées ; que l'art. 155 ne contient rien de semblable; que par cet article le greffier est seul chargé de tenir note des faits et circonstances qu'il indique et des prin

1 Cass. 19 sept. 1834, rapp. M. Ricard. J. P., t. XXVI, p. 844.

2 Cass. 12 sept. 1812. J. P., t. X, p. 722; 1er juin 1838, rapp. M. Isambert. Bull. n. 151; Contr., cass. 4 fév. 1826, rapp. M. Gary. J. P. t. XX, p. 140.

cipales déclarations des témoins'. Mais dénuées de sa signature, elles n'ont plus aucun caractère, elles ne sont aucune autorité ..

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I. Des expertises ordonnées par le juge. — II. Comment il y est procédé. III. De leurs effets.

I. Nous avons examiné précédemment le caractère général de la preuve par experts et les règles qui s'appliquent au choix des experts, aux formes de leurs opérations, à la rédac— › tion de leurs rapports. Nous nous bornerons donc à consigner ici la partie de cette matière qui touche les tribunaux de police.

Les expertises sont un moyen de preuve commun à toutes les juridictions et que les tribunaux de police peuvent employer par cela seul qu'aucune disposition de la loi ne le leur a interdit. Ce point, qui ne saurait être contesté, a souvent été reconnu par la jurisprudence. Nous ne citerons qu'un arrêt qui déclare « que l'art. 154 n'a nullement limité le mode ou la nature des preuves qui peuvent être opposées aux procès-verbaux émanés d'officiers publics auxquels la loi n'a pas accordé le droit d'être crus jusqu'à inscription de faux; que le juge de police, comme le juge civil, correctionnel ou criminel, peut ordonner toute mesure interlocutoire, telle qu'expertise, descente et vue des lieux, dès qu'il les croit nécessaires pour éclairer sa religion *. »

Il est évident, toutefois, que les expertises ne doivent être ordonnées que dans les cas où les autres preuves seraient admissibles. Ainsi, lorsqu'il existe un procès-verbal faisant foi jusqu'à preuve contraire que le fait qu'il constate en

1 Cass. 30 avril 1842, rapp. M. Bresson. Bull. n. 106.

2 Cass. 8 janv. 1842, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 5.

Voy. notre t. V, p. 648.

Cass. 12 janv. 1856, rapp. M. Bresson. Bull. n. 18.

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termes précis a le caractère d'une contravention, et que la preuve contraire n'est pas proposée, le juge, qui ne pourrait, dans ce cas, appeler des témoins, ne peut, non plus, nommer des experts. C'est ce qui a été décidé par un arrêt portant:

que le commissaire de police de la ville de Saint-Armand a trouvé des chevreaux trop jeunes et une épaule de mouton, mort depuis longtemps, exposés en vente dans la boutique des prévenus, et déclaré que ces viandes étaient insalubres; qu'il résulte du jugement dénoncé que le fait de l'existence de ces viandes dans leurs boucheries n'a point été dénié par eux, et qu'ils se sont contentés de prétendre, ou qu'ils étaient dans l'usage d'en faire commerce sans que les acheteurs s'en soient jamais plaints, ou que leur intention n'était pas de les vendre; que la contravention était dès lors établie par les procès-verbaux qui l'ont constatée, d'après l'art. 154; que le ministère public n'avait pas à la prouver autrement, et qu'il conste de ses réquisitions consignées dans les qualités dudit jugement qu'il n'a point offert d'autre preuve; que le tribunal de police ne pouvait donc pas légalement se dispenser de la réprimer conformément aux art. 475 et 477 C. pr.; qu'il suit de là qu'en ordonnant avant faire droit que le comité de salubrité serait appelé à décider si les viandes étaient mauvaises ou nuisibles à la santé par les motifs énoncés dans les procès-verbeaux précités, sous le prétexte que le demandeur en cassation avait offert de prouver leur insalubrité, ce tribunal a commis un excès de pouvoir, méconnu la foi due à ces actes et violé expressément l'art. 154 '. » Il importe néanmoins d'exprimer à la suite de cet arrêt une réserve importante la règle qu'il pose est exacte toutes les fois que l'expertise porterait sur les faits matériels dont le procèsverbal fait foi, et toutes les fois que ce procès-verbal est rédigé dans des termes qui n'admettent aucun doute sur l'existence de la contravention. Mais si l'expertise doit s'appliquer à des points qui constituent, non point des faits matériels, mais

1 Cass. 4 juin 1852, rapp. M. Rives. Bull, n, 181,

une appréciation, une opinion personnelle de l'agent, si elle a encore pour objet d'éclaircir des faits que le procès-verbal a laissés obscurs et dont l'obscurité ne permet pas de les juger, il appartient au juge d'ordonner toutes les vérifications propres à éclairer sa religion. Nous avons déjà établi ce point de doctrine. Dans l'espèce même de cet arrêt, l'insalubrité des viandes saisies, était-ce un fait matériel, était-ce une opinion de l'agent? On peut faire, à cet égard, une distinction si le procès-verbal constate un état de corruption actuelle, c'est là un fait matériel dont il doit faire preuve; mais s'il déclare seulement que les viandes, sans être corrompues, sont malsaines et nuisibles à la santé, c'est là une opinion personnelle qui est dénuée d'autorité. C'est ainsi qu'un arrêt décide « que le procès-verbal d'un commissaire de police ne peut faire foi en justice sur la question de savoir si certaines eaux répandent de leur nature des exhalaisons insalubres; question dont la solution suppose un examen et des recherches spéciales; tandis qu'un procès-verbal n'est destiné par sa nature qu'à constater l'existence d'un fait actuel et dont les circonstances mêmes frappent les sens. » Dans ce dernier cas, le juge pourrait donc ordonner une expertise.

Les expertises peuvent être ordonnées par le juge, soit d'office, soit sur la demande des parties. Lorsque cette mesure est provoquée par les conclusions des parties, le juge ne peut l'écarter que dans le cas où le point qu'elles veulent éclairer lui semblerait suffisamment établi, ou dans le cas encore ou ce point lui paraîtrait inutile à la décision de la cause. L'expertise, en effet, est un moyen de preuve qui appartient aux parties comme tout autre moyen légal de manifestation de la vérité; elles ont le droit de s'en servir et de l'invoquer par cela même qu'elles ont le droit, soit de soutenir la prévention, soit de développer la défense; elles ne peuvent donc en être privées que dans le seul cas où cette

1 Voy. notre t. IV, p. 621.

* Cass. 29 août 1825, rapp. M. Ollivier, J. P. t, XIX, p. 853.

preuve leur serait inutile, puisque l'art. 408 prononce la nullité des jugements qui ont rejeté les demandes ou les réquisitions tendant à user d'une faculté ou d'un droit accordé par la loi. Il a été jugé dans ce sens « que la faculté ou le droit de demander une expertise sont accordés par la loi aux parties, afin de prouver la vérité de leurs allégations; que les tribunaux ne peuvent dès lors, aux termes des art. 408 et 413, procéder au jugement de la prévention sans l'avoir ordonnée, si elle avait été provoquée par des réquisitions ou des conclusions formelles, que dans le cas où ils déclarent expressément, soit que le fait qu'elle aurait pour objet d'établir ne serait ni pertinent, ni concluant, soit qu'ils se trouvent suffisamment éclairés par les débats pour n'avoir pas besoin des éléments de conviction qu'elle leur aurait offerts 1: »

II. L'expertise ne peut être ordonnée ou rejetée que par un jugement. L'art. 302 C. pr. civ. porte, en effet : « lorsqu'il y aura lieu à un rapport d'experts, il sera ordonné par un jugement, lequel énoncera clairement les objets de l'expertise. » Ce jugement, lorsqu'il est rendu sur les conclusions formelles des parties, a un caractère interlocutoire. Car l'art. 452 du même code est ainsi conçu: « sont réputés interlocutoires les jugements rendus lorsque le tribunal ordonne, ayant dire droit, une preuve, une vérification ou une instruction qui préjuge le fond. » Or, comme aux termes de l'art. 416 du C. d'inst. cr., les jugements interlocutoires peuvent ètre attaqués par la voie du recours en cassation, il importe que les parties ne soient pas privées par le fait du juge de cette voie de recours. Il faut donc, puisque l'expertise, dans ce cas, préjuge nécessairement le fond, que les parties qui ont le droit de la demander, puissent également la repousser et la combattre. Aussi, dans une espèce où le tribunal de police s'était borné à remettre la cause à huitaine, en déclarant, sans rendre aucun jugement pour ordonner cette mesure, qu'une expérience serait faite pour vérifier le fait de la

Cass. 12 juin 1846, rapp. M. Rives. Bull. n. 142.

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