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contravention, le jugement définitif a, été cassé : « attendu que la vérification qui a eu lieu devait, d'après la disposition de l'art. 416 C. inst. cr. combinée avec celles des art. 302, 451 et 452 C. pr. civ., être ordonnée par un jugement interlocutoire; qu'un tribunal de répression n'a pas le droit plus qu'un autre d'enlever aux parties le bénéfice du recours que la loi leur accorde contre ses décisions, en se dispensant de procéder ainsi qu'elle le prescrit . »

Cependant, pour ne pas retarder la marche des affaires, la jurisprudence a été amenée à introduire une distinction entre les expertises ordonnées sur les conclusions des parties et celles qui sont ordonnées d'office. On lit dans un arrêt.

qu'il faut distinguer entre les expertises obligées et les expertises facultatives; que si le jugement qui ordonne ou refuse la première est un jugement définitif, le jugement qui ordonne la seconde, surtout quand il n'y a pas eu contestation, n'est que préparatoire et ne préjuge rien sur le fond dont la décision ne sera pas subordonnée à l'avis des experts facultativement nommés; qu'il en doit être de même des décisions accessoires à celle ordonnant l'expertise, et que cela est vrai surtout devant les tribunaux repressifs, dont la marche ne doit point être entravée par des appels multipliés ". »

Les parties doivent-elles être mises en demeure d'y assis ter? La jurisprudence s'est prononcée pour la négative : attendu que si les art. 315 et 317 C. pr. civ. veulent que les expertises soient faites en présence des parties où elles sont dùment appelées, ces dispositions sont sans application aux expertises ordonnées par la justice repressive; que pour celles-ci les seules formalités à suivre sont réglées par les art. 43 et 44 C. d'inst. cr., et qu'au surplus l'observation des dispositions des art. 315 et 317 C. pr. civ. ne sont pas prescrites à peine de nullité. Cette solution, que nous

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Cass. 26 sept 1840, rapp. M. Rives. Bull. s. 290.

Cass. 15 mars 1845, rapp. M. Romiguières. Bull. n. 102.

› Même arrêt et Conf., cass. 1er avril 1843, rapp. M. Rives. Bull. n. 75; et 16 fév. 1855, rapp. M. Rives, n. 45.

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avons déjà signalée dans l'instruction écrite, semble révéler dans la jurisprudence une sorte d'anomalie: il est certain que notre Code ne renferme pas de dispositions suffisantes pour régler les expertises; il faut, à chaque pas, ainsi qu'on l'a vu tout à l'heure, recourir au Code de procédure civile; or, n'y a-t-il pas quelque contradiction à appliquer ou écarter successivement tel ou tel article de ce code? à déclarer l'article 203 applicable et condamner comme inapplicable l'article 315? Les arrêts ici font plus qu'interpréter la loi, ils la créent. En face d'une législation complète sur les expertises civiles, ils choisissent, ils élaguent telle ou telle disposition, telle ou telle forme, suivant qu'ils la jugent plus ou moins utile, plus ou moins embarrassante dans la procédure pénale. Une telle interprétation peut suffire à l'expédition des affaires, elle n'est ni rationnelle ni juridique.

Le juge ne peut procéder lui-même à l'expertise, il doit la déléguer à des hommes spéciaux munis des connaissances nécessaires pour apprécier le point litigieux, car c'est précisément la possession de ces notions spéciales, qui manquent au juge ou qu'il ne peut lui-même appliquer, qui fait la puissance de ce moyen de vérification. De là cette règle que « la preuve ne peut résulter légalement que d'une expertise faite par des gens de l'art préalablement nommés et assermentés '.

Quant au mode de nomination des experts et à la forme du serment qu'ils doivent prêter, on doit se reporter à nos précédentes observations. Il faut seulement rappeler ici qu'il a été décidé 1° qu'un seul expert peut être nommé, nonobstant les termes de l'art. 303 C. pr. civ., « attendu qu'il est de droit commun, en matière de contravention, que le juge peut, suivant l'exigence des cas, ne nommer qu'un ou deux

1 Voy. notre t. V, p. 663.

2 Cass. 26 sept. 1840, rapp. M. Rives. Bull. n. 290; 3 déc. 1840, rapp. M. Rives, n. 342.

Voy. t. V, p. 655 et 660.

experts, et qu'alors même que l'art. 303 C. pr. civ. serait considéré comme applicable, l'observation de cet article n'a pas été prescrite à peine de nullité 1; 2° que la loi ne s'oppose pas à ce qu'un expert qui a déjà concouru à une première expertise soit de nouveau nommé pour procéder à une deuxième qui n'est que le complément de la première 2. >>

III. L'expertise a les mêmes effets que les témoins : elle peut être proposée, bien que les termes de l'art. 154 soient restrictifs, pour combattre les énonciations des procès-verbaux faisant foi jusqu'à preuve contraire, et si sa vérification a pour résultat de détruire ces énonciations, le juge n'est plus lié par les procès-verbaux. C'est ainsi qu'il a été jugé, sur un pourvoi fondé sur ce que le tribunal, au lieu d'admettre des témoignages pour débattre la preuve résultant du procèsverbal, avait ordonné une expertise, « que, dans l'espèce, la partie défenderesse avait formellement conclu à la nomination d'experts, et que le tribunal, en confiant à ceux-ci une véri fication qui pouvait fortifier ou détruire la valeur du procèsverbal constatant la contravention, ne s'est pas écarté de la lettre et de l'esprit de l'art. 154 3. »

Mais l'expertise n'est qu'un moyen de preuve; elle ne fait point foi des faits qu'elle constate, elle ne lie point le juge par les conclusions qu'elle émet. Le rapport des experts ne contient qu'un avis auquel le tribunal n'est pas tenu de se conformer; il en apprécie les éléments et suivant qu'il en approuve ou n'en approuve pas la teneur, il lui donne ou lui refuse la force d'une preuve. C'est ainsi qu'il a été jugé, sur un pourvoi fondé sur ce que le jugement avait prononcé contre le demandeur, quoique le rapport des experts lui eût été favorable, « que la décision à intervenir ne saurait dépendre,

1 Cass. 28 juillet 1836, rapp. M. Rocher. Bull. n. 240.

'Cass. 19 déc. 1833, rapp. M. Dehaussy. J. P., t. XXV, p. 1086.

Cass. 12 janv. 1856, rapp. M. Bresson. Bull. n. 18.

Cass. 15 mars 1855, rapp. M, Romiguières, Ball, n, 102.

en matière criminelle, de l'expertise qu'il a paru utile de prescrire; que les juges restent les appréciateurs libres et souverains de son résultat, puisqu'ils ne doivent prononcer sur la prévention que d'après leurs lumières et leur conscience.» Et, par conséquent, la décision fondée sur le point qui a été soumis aux experts est inattaquable devant la Cour de cassation ".

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I. Visite des lieux. II. Comment il y est procédé.

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ce moyen de preuve.

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I. L'art. 41 C. de proc. civ. dispose que « lorsqu'il s'agira soit de constater l'état des lieux, soit d'apprécier la valeur des indemnités et dédommagements demandés, le juge de paix ordonnera que le lieu contentieux sera visité par lui, en présence des parties. « Il a été admis par la jurisprudence que cette disposition, édictée pour les matières civiles, doit être appliquée aux matières de police et que le juge de paix, soit qu'il siége comme juge civil ou comme juge de police, a le droit de se transporter sur les lieux contentieux et d'en vérifier l'état. Les arrêts portent « que l'art. 41 s'applique par analogie aux tribunaux de police,»« que cette disposition est substantielle au droit de défense *, - « qu'elle est substantielle à la régularité de l'opération et régit également, par raison d'analogie, la procédure devant les tribunaux de répression 5. »

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Il nous semble qu'il n'était pas besoin de l'art. 41 C. de proc. civ. pour pour établir le droit du juge de police de se transporter sur les lieux et d'en constater l'etat. L'inspection per

1 Cass. 1er avril 1843, rapp. M. Rives. Bull, n. 75.

Cass. 28 oct. 1814, rapp. M. Audier Massillon. J. P., t. XII, p. 440.

Cass. 6 avril 1838, rapp. M. Bresson. Bull. n. 27.

Cass. 14 sept. 1850, rapp. M. Rives. Bull. n. 309.

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sonnelle des lieux est un moyen de preuve que la loi a laissé à la disposition de toutes les juridictions. Si notre Code a ordonné les transports sur les lieux du juge d'instruction, il ne les a point interdits aux autres juges. Or, tous les juges qui ont mission de découvrir la vérité, ont par cela seul le droit de prendre tous les moyens, que la loi ne leur a pas interdits, d'arriver à cette découverte. La visite, l'examen des lieux est l'un des éléments les plus efficaces de l'instruction; dès lors, toute instruction, à quelque degré qu'elle soit faite, peut s'en servir. C'est en ce sens qu'il a été déclaré par un arrêt, qui nous paraît logiquement motivé, « que les tribunaux ont non-seulement le droit, mais encore le devoir de prendre toutes les mesures et d'ordonner toutes les preuves, rapports, expertises, visites des lieux propres à éclairer leur religion et assurer la justice de leur décision; que dès lors le tribunal de police, en ordonnant, avant dire droit au fond, son transport sur les lieux, s'est conformé aux règles prescrites en matière judiciaire et n'a violé aucune loi '. »

Le tribunal de police peut ordonner son transport dans tous les cas où, suivant les termes de l'art. 41 du C. de pr. civ., il reconnaît l'utilité de constater l'état des lieux ou d'apprécier la valeur des dédommagements demandés. Ces termes ne sont, d'ailleurs, nullement restrictifs et il a été reconnu, en les interprétant, que le juge peut se transporter sur les lieux même pour s'éclairer sur une question de compétence *. A plus forte raison devons-nous conclure, puisque nous considérons le droit du juge à cet égard comme existant indépendamment de l'art. 41, que le transport peut être ordonné toutes les fois que le tribunal le juge utile à l'instruction des procès dont il est saisi.

II. Le juge doit ordonner son transport par un jugement et sa visite doit être opérée en présence des parties ou du moins

Cass. 18 mars 1848, rapp. M. Meyronnet. n. 75.

* Cass. 7 janv. 1829. Ch. req., rapp. M. Pardessus. J. P., t. XXII, p. 541.Voy. toutefois sur ce point suprà, p. 159.

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