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référée à la même loi. C'est donc encore à la loi du 16-24 août 1790 qu'il faut demander l'indication du domaine de la police, indication un peu vague peut-être, mais qui cmbrasse d'une manière assez complète tous ses éléments et marque dès lors les limites où elle s'arrête. La doctrine de l'Assemblée constituante a donc été maintenue sur ce point.

Mais cette énumération, il importe de le remarquer, ne comprend que les matières qui sont spécialement déléguées à l'autorité et à la surveillance de l'autorité municipale: elle ne comprend ni les contraventions qui sont prévues par le 3 livre du Code pénal, ni les contraventions qui sont prévues par le Code rural, ni enfin celles qui font l'objet de plusieurs lois spéciales dont il sera parlé plus loin. Il ne faut donc pas la considérer comme limitative, mais simplement comme indicative du caractère et de la mesure des faits qui sont, en général, compris dans la classe des infractions de police.

III. Les peines applicables à toutes les infractions sont établies par la loi en déléguant le pouvoir réglementaire, le législateur n'a pas voulu déléguer le pouvoir pénal, il n'a pas voulu que la matière de la police restât en proie aux peines arbitraires, lorsqu'il les bannissait avec tant de soin des matières plus élevées. De là l'art. 5 du tit. XI de la loi du 16-24 août 1790, qui porte que toutes les contraventions de police ne pourront être punies que d'une peine pécuniaire ou d'un emprisonnement de trois à huit jours. L'art. 222 de la const. du 5 fructidor an III et l'art. 150 du C. du 3 brumaire an Iv limitèrent l'amende à la valeur de trois journées de travail et l'emprisonnement à la durée de trois jours. Le Code pénal, après avoir porté, à l'égard des contraventions. qu'il a édictées, des peines dont le maximum est 15 francs d'amende et 5 jours d'emprisonnement, abaisse ces peines à un degré inférieur à l'égard des contraventions qui sont édictées, non par la loi, mais par les réglements de l'autorité municipale ou administrative. L'art. 471 porte: « Seront

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punis d'amende depuis un franc jusqu'à cinq francs exclusivemeut.. « 15o ceux qui auront contrevenu aux réglements légalement faits par l'autorité administrative, et ceux qui ne se seront pas conformés aux réglements ou arrêtés publiés par l'autorité municipale, en vertu des art. 3 et 4, tit. XI, de la loi du 16-24 août 1790, et de l'art. 46, tit. Ier, de la loi du 19-22 juillet 1791. » L'art. 474 ajoute que « la peine d'emprisonnement contre toutes les personnes mentionnées en l'art. 471 aura toujours lieu, en cas de récidive, pour trois jours au plus. » Ainsi tous les réglements de police, de quelque source qu'ils émanent, même les anciens réglements, puisent dans cette disposition générale la sanction qui leur est nécessaire. Ainsi, la loi n'a conféré à aucune autorité le droit de porter une peine, et, quelle que soit la gravité des contraventions prévues par les réglements, elles ne peuvent être punies que conformément à la loi. Ici encore le principe salutaire posé par l'Assemblée constituante a été maintenu dans toute sa force : le taux des pénalités a seul varié.

IV. Le principe de l'institution d'une juridiction spéciale pour le jugement des contraventions de police, n'a été l'objet dans notre législation nouvelle d'aucune contradiction; mais il n'en a pas été ainsi de l'organisation de cette juridiction. Nous avons vu que l'Assemblée constituante avait institué un tribunal de police dans chaque commune en en puisant les éléments dans le corps municipal; que la constitution du 5 fructidor an III avait transporté cette juridiction aux juges de paix; que le Code du 3 brumaire an IV avait adjoint au juge de paix deux de ses assesseurs que la loi du 29 ventôse an IX supprima. Le projet du Code pénal reproduisait à peu près ce système dans une disposition ainsi conçue : « Il y aura un tribunal de police par chaque justice de paix. Le tribunal sera composé du juge de paix, de ses suppléants, et de deux habitants du canton, nommés pour trois ans par Sa Majesté, sur la présentation du grand juge, d'après une liste triple qui sera formée

pour chaque canton par le procureur impérial. Les membres du tribunal de police pourront juger au nombre de trois. »

Cette première rédaction fut attaquée dans le sein du conseil d'Etat, à la séance du 23 juin 1808, à raison des deux assesseurs qu'elle appelait dans tous les cas pour former le tribunal. M. Cambacérès dit « que l'adjonction de deux habitants du canton est une innovation qui mérite d'être peséc. L'idée de renforcer le tribunal de police est très sage; mais l'embarras sera de trouver des personnes pour remplir les fonctions d'adjoints. Elles ne conviennent pas à tout le monde, et cependant il serait à désirer qu'on ne les confiât qu'aux citoyens les plus considérables du canton. Le mode qu'on propose surchargerait le ministre d'un travail immense et que néanmoins le refus des candidats rendrait souvent inutile. Il vaudrait mieux décider que les adjoints seront pris dans le conseil municipal. » M. Treilhard répliqua « que la section a cru utile d'adjoindre au tribunal deux propriétaires qui aient intérêt à ce que la police soit exactement faite. Il est presque impossible qu'on ne trouve pas dans tout le canton deux personnes qui veuillent se charger de ce ministère. » M. Regnaud dit « que le système est défectueux en ce qu'il donne la même organisation aux tribunaux de police des campagnes qu'à ceux des villes. Dans les cantons ruraux, on peut laisser le juge de paix prononcer seul. » M. Berlier dit « qu'il lui semble nécessaire de décider avant tout si les jugements de police devront être rendus par trois juges; car s'il en est ainsi, il est bien évident que le juge de paix et ses deux suppléants ne suffiront point et qu'il faudra leur adjoindre d'autres personnes, sous quelque dénomination que ce soit. Au fond et en théorie, on peut contester qu'il y ait de l'avantage à être jugé par plusieurs plutôt que par un seul; cependant il faut voir comment cette disposition pourra être exécutée dans les campagnes. Il y a peu d'années encore, le juge de paix avait en chaque commune des assesseurs qui, d'après leur titre, l'assistaient en effet et jugeaient avec lui; cet ordre de choses a été changé : ce grand nombre d'assesseurs a,

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dans la nouvelle organisation, fait place à deux suppléants pris sur tout le canton, et ces suppléants ne concourent point aux jugements avec le juge de paix, mais l'un d'eux le remplace en cas d'empêchement : voilà l'état présent; et si l'on y a été ramené par la difficulté de trouver dans le plus grand nombre des cantons champêtres assez de gens instruits, n'estce pas introduire dans cette partie une difficulté de plus que d'augmenter le nombre des personnes appelées à juger? » M. le grand juge ministre de la justice répondit « que dans les campagnes les préventions locales ont trop d'empire pour qu'il ne soit pas dangereux de permettre à un juge de paix de prononcer seul l'emprisonnement d'un citoyen. Il y a moins d'inconvénient à le constituer seul juge dans les autres cas. » Le conseil arrêta: 1° que la juridiction de police recevrait une organisation différente, suivant les localités; 2o que dans les cantons ruraux le juge de paix prononcerait seul; 3° que dans les villes il prononcerait asssisté d'autres officiers.

Une nouvelle rédaction fut la suite de cette délibération. Ce second projet portait: « Dans les communes dans lesquelles il n'y a qu'un juge de paix, il formera seul le tribunal de police du canton. Dans les communes divisées en deux justices de paix, chaque juge de paix tiendra le tribunal pendant six mois de l'année. Dans les villes dans lesquelles il y a trois juges de paix au plus, le tribunal de police sera composé de trois juges de paix. Le plus ancien d'âge présidera. » L'examen de cette proposition fut porté à la séance du 16 septembre 1808, présidée par l'Empereur. M. Treilhard fit observer « que le projet était conforme à ce qui avait été arrêté, mais qu'on ne pouvait se dissimuler qu'en n'instituant qu'un tribunal de simple police par canton, on laissait la police municipale des campagnes dans un grand état de faiblesse.» L'Empereur reprit cette observation, et dit « qu'il est indispensable de donner aux maires le pouvoir de réprimer les délits, tels, par exemple, que les délits champêtres, et de ne pas envoyer la partie lésée chercher au loin un juge de paix.

Quand des événements imprévus obligent le maire à faire un règlement, il faut qu'il puisse en punir les infractions. Cette police est tellement nécessaire au soutien de la loi, qu'elle s'exercera toujours; mais elle s'exercera arbitrairement si le Code ne l'organise point. Au reste, il ne s'agit de faire juger par la municipalité que les petits délits qui troublent la tranquillité des citoyens : les affaires graves doivent être portées devant les tribunaux. Ce système n'est pas nouveau : c'était celui de l'Assemblée constituante. » M. Cambacérès demande « que du moins on puisse se pourvoir contre les décisions de la municipalité. Ce recours existait autrefois, et il est nécessaire pour empêcher que le condamné ne soit écrasé par des dommages-intérêts. » M. Treilhard dit « que la commission avait tellement été frappée des considérations que S. M. vient de présenter, qu'elle voulait placer partout un juge de police. » M. Pelet (de la Lozère) dit qu'en effet « si les parties sont obligées de se transporter au loin pour obtenir justice, elles aimeront mieux souffrir en silence le tort qu'elles auront éprouvé. C'est ce qui arrive depuis la réduction des juges de paix. Il n'y a plus de police rurale, parce qu'on ne trouve plus d'autorité sur les lieux. On ne peut donc se dispenser de donner une petite juridiction aux municipalités, comme par exemple le pouvoir de connaître des délits qui ne sont punis que d'une amende de 3 fr. et d'un emprisonnement de trois jours. » M. Berlier combattit cette proposition; il dit « que si l'on porte ses regards sur l'état passé et présent de la législation, loin qu'il y ait rien à conclure en faveur des municipalités de la compétence qui leur avait été un moment attribuée pour le jugement des faits de police, tout ce qu'on peut apercevoir dans cette attribution passagère et provisoire est l'ouvrage de la nécessité. La justice de paix n'était pas encore organisée, et il fallait bien se servir des instruments qu'on avait; mais dès 1791, c'est-à-dire dès qu'on l'a pu, on leur a retiré une attribution qui périclitait dans leurs mains. Ainsi l'expérience est déjà contre les municipaux, dont la capacité, surtout dans les campagnes, est

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