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§ 502.

I. Audition du prévenu. II. Aveux. III. Droit d'appréciation du juge.

I. Devant le tribunal de police, le prévenu est entendu dans sa défense; il n'est point interrogé : les art. 153 et 190 établissent à cet égard, en matière de police et de police correctionnelle, une différence qui résulte des formes diverses de ces deux juridictions. Le prévenu de contravention qui n'est pas obligé de comparaître, qui peut se faire représenter par un fondé de pouvoir, ne peut être soumis à un interrogatoire ; s'il se présente, il est nécessairement entendu, c'est là une règle essentielle de l'instruction, c'est le droit de la défense"; mais il peut proposer ses moyens de défense ou par lui-même ou par l'organe d'un tiers, suivant qu'il le juge utile à ses intérêts, et dès lors son audition n'est pas considérée comme l'une des formes nécessaires de l'instruction.

II. S'il est entendu, il peut, dans les développements de sa défense, faire l'aveu qu'il a commis la contravention. Quel est l'effet de cet aveu? fait-il preuve contre le prévenu? Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner ces questions *.

L'aveu est un moyen de preuve, car par sa nature même il forme une présomption de sa vérité et il peut suffire pour opérer la conviction du juge 3, Ainsi, il a été mainte fois jugé en matière de police «que, en supposant que le procèsverbal put être regardé comme irrégulier, la preuve de la contravention résultait suffisamment de l'aveu du prévenu*. »

1 Voy. t. V, p. 696.

2 Voy. notre t. V, p. 722.

3 Voy. ibid., p. 727.

* Cass. 5 fév. 1825, rapp. M Chantereyne. J. P., t. XIX, p. 148; 4 déc. 1806, rapp. M. Vassi, t. V, p. 368; 26 janv. 1826, rapp. M. Bussehop, t. XX,

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-«que, quant aux prévenus présents, qui avouent la contravention qui leur est imputée, en se bornant à alléguer pour leur défense des excuses non établies en fait et non concluantes en droit, cet aveu suffit pour motiver leur condamnation'; -« que s'il est constant, en droit, que le rapport d'un agent de police doit être corroboré par de nouvelles preuves, on ne peut admettre de preuve plus certaine du fait qui est l'objet de la prévention que celle émanée de l'aveu même des parties intéressées ; » « que les contrevenants ne peuvent être renvoyés de la poursuite exercée contre eux par l'unique motif du défaut, de la nullité ou de l'irrégularité des procès-verbaux, quand la preuve du fait est établie par leur aveu . » La règle générale est donc que, d'après les dispositions du C. d'inst. cr., les tribunaux peuvent, sans que la loi leur demande aucun compte des motifs qui ont déterminé leur conviction, en puiser les éléments, soit dans les aveux des délinquants sur les faits qui se rattachent à la matérialité des délits constatés par les procès-verbaux, soit dans les aveux passés en présence de la justice elle-même par eux ou par les avoués qui les représentent *. »

Il ne faut pas toutefois attribuer à cette règle un sens trop abso'u : l'aveu est un moyen de preuve, mais ce moyen est soumis au juge qui a le droit de l'apprécier. Un arrêt, qui explique très nettement le sens et la portée des arrêts qui précèdent, déclare « que, d'après l'art. 154, les délits et contraventions sont prouvés, soit par procès-verbaux, soit par témoins à défaut de procès-verbaux ou à leur appui ; que cet article n'interdit point aux tribunaux de chercher les éléments de leur conviction dans tous les autres modes de

preuve admis par l'ensemble de la législation et notamment dans les déclarations faites en justice par les prévenus eux

'Cass. 4 mars 1826, rapp. M. de Bernard. J. P., t. XX, p. 240. Cass. 24 sept. 1829, rapp. M. Gary. J. P., t. XXII, p. 1459.

* Cass. 17 fév. 1837, rapp. M. Rives. Bull. n. 56; 13 sept. 1839, rapp. M. Vincens St-Laurent, n. 296.

* Cass. 30 janv. 1830, rapp. M. Chantereyne. J. P., t. XXIII,' p. 104.

mêmes lorsqu'ils proposent leur défense, aux termes de l'article 153; que sans doute le juge reste le maître d'apprécier la force probante de l'aveu que peut faire le prévenu, cu égard aux circonstances dans lesquelles il intervient; mais qu'il ne peut se refuser d'en faire la base d'une condamnation, par le motif qu'aucun procès-verbal régulier n'a contaté le fait matériel de la contravention, puisque ce serait exiger pour ce fait, contre le vœu de l'art. 154, une preuve légale incompatible avec les principes de notre droit criminel'. »

Il suit de là que les tribunaux ne sont point obligés de considérer l'aveu comme une preuve suffisante, et qu'ils ne sont nullement liés par les déclarations des prévenus : ils en apprécient la force probante; ils examinent si ces déclarations ne sont point contradictoires et si elles sont persistantes; ils les admettent ou les écartent suivant la conviction qu'elles ont opérée en eux. Cette doctrine est d'ailleurs consacrée par la jurisprudence. Un arrêt dispose « que l'art. 1356 du C. civ. n'est point applicable en matière de répression; que cet article 1356 est inscrit au chapitre de la preuve des obligations et non à celui de la preuve des délits; qu'il est corrélatif à la faculté de déférer le serment; que le Code d'inst. crim. n'autorise point les tribunaux de répression à condamner un accusé sur son seul aveu ; que ces aveux, s'ils ont été faits spontanément, ne sont que des preuves morales qui ne lient pas l'accusé, et qu'il peut toujours les rétracter par suite d'erreur ou autrement; que, dans l'espèce, le prévenu avait pu rétracter l'aveu qn'on prétendait émané de lui, quant au caractère communal du terrain. » Un autre arrêt tirant des mêmes principes une autre conséquence, déclare qu'aucune loi ne défend aux juges de faire entrer dans leurs éléments de conviction l'aveu du prévenu et ne leur

Cass. 29 juin 1848, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 193; 23 sept. 1837, rapp. M. Mérilhou, n. 293; 7 août et 29 nov. 1851, rapp. MM. de Boissieux et Nouguier, n. 328 et 501.

2 Cass, 19 août 1841, rapp. M, Isambert. Bull., n. 252.

impose à cet égard des règles différentes de celles qui existent pour les jurés '. »

Les tribunaux de police n'ont donc d'autre obligation, en présence d'un aveu que constate leur jugement ou les pièces du procès, que d'en apprécier la force probante : ils sont libres de l'accueillir ou de ne pas s'y arrêter; mais s'ils ne s'y arrêtent pas, ils doivent déclarer que, dans leur opinion, il ne fait pas preuve.

Nous avons examiné ailleurs quelle est la force probante des aveux consignés dans les procès-verbaux', et si les aveux, lorsqu'ils sont légalement constatés, peuvent être divisés dans leurs déclarations diverses: nous n'avons point à revenir sur ces deux points.

$ 503.

I. Droits de la partie civile. - II. Ses conclusions.

I. Après que les témoins ont été entendus, le plaignant, aux termes de l'art. 153, prend ses conclusions.

Il y a lieu de rappeler, d'abord, que le plaignant n'a le droit de prendre des conclusions que lorsqu'il s'est constitué partie civile: s'il n'a pas pris cette qualité, il n'est pas partie au procès, il ne peut donc y intervenir ni former aucune demande, et le tribunal doit le déclarer non recevable '. Il a d'ailleurs la faculté de se constituer jusqu'à la clôture du débat". Il importerait peu que cette constitution fût spontanée ou qu'elle eût été provoquée par le ministère public: les motifs qui ont influé sur la détermination de la partie

Cass. 23 sept. 1837, rapp, M. Mérilhou. Bull, n, 293.

2 Cass. 18 mars 1854, rapp. M. Aug. Moreau. Bull, n. 78. 3 Voy. notre t. IV, p. 607.

Voy. notre t. V, p. 733.

Voy. notre V, p. 346.

• Cass. 23 août 1839, rapp. M. Rives, Bull. n. 277.

7 Voy. notre t. V, p. 349, 334 et 354.

lésée ne peuvent vicier son intervention; elle puise son droit dans le dommage qu'elle a souffert; elle n'a point à rendre compte de son exercice 1,

Le plaignant peut se constituer et prendre des conclusions sans comparaître personnellement : il peut se faire représenter par un avoué ou par un fondé de pouvoir : le tribunal de police ne pourrait ordonner sa comparution personnelle, car la loi ne lui donne pas ce droit. Il ne pourrait d'ailleurs le faire assigner avec la qualité de témoin, car les deux qualités de partie civile et de témoin, quand elles sont prises simultanément, sont incompatibles".

II. La partie civile, dès qu'elle est régulièrement constituée, a le droit de prendre, dans l'intérêt de son action civile, les conclusions qu'elle juge utile, soit à la preuve du fait, soit à la constatation de ses dommages.

Le juge est tenu de statuer sur ces conclusions. En effet, aux termes des art. 408 et 413, il doit être prononcé, à peine de nullité, sur toutes les demandes des parties tendant à user d'une faculté ou d'un droit reconnu par la loi, même quand la peine de nullité ne serait pas textuellement attachée à la formalité dont l'exécution est demandée.

Il suit de là que la partie civile est autorisée à former toutes les demandes qui ont pour objet l'exercice de son action; elle peut, par exemple, proposer, soit une audition de témoins, soit une expertise, une verification quelconque, une visite de lieux; elle peut requérir, comme l'art. 148 l'y autorise même avant l'audience, toutes les estimations susceptibles de faire apprécier la valeur du préjudice qu'elle a éprouvé; elle peut provoquer toutes les mesures qui peuvent tendre à lui assurer le remboursement de ce préjudice; enfin, elle prend des conclusions définitives, à fin de condamnation à la somme à laquelle elle l'estime.

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