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Mais, si le juge est tenu de statuer sur toutes ces conclusions, lorsqu'elles sont régulièrement prises, il demeure le maître de les accueillir ou de les rejeter le jugement, ainsi qu'on le verra plus loin, doit seulement constater que le tribunal les a appréciées. Il peut même écarter toutes les preuves qui lui sont proposées s'il les croit inutiles; c'est ce qui résulte de ces mots de l'art. 153: « les témoins, s'il en a été appelé par le ministère public ou la partie civile, seront entendus s'il y a lieu. » Ces expressions ont été interprétées dans ce sens par un arrêt qui rejette un pourvoi fondé sur le refus d'un tribunal de police d'entendre les témoins proposés par la partie civile: « attendu qu'après que le demandeur cut conclu à l'audition de six témoins à l'appui du procès-verbal et avant qu'on statuât sur cette réclamation, le ministère public conclut à ce qu'il fût procédé à une descente de lieux, ce que le tribunal de police ordonna; que cette descente de lieux fut faite par le tribunal de police, en présence des parties, qui pendant sa durée donnaient des explications; que le procès-verbal de cette descente de lieux, dressé par l'ordre et avec le concours du tribunal, avait, aux yeux de la loi, un caractère de force probante; que le tribunal de police a reconnu et déclaré qu'il en résultait une connaissance de la vérité des faits rendant inutile l'audition des témoins de nouveau réclamée par le demandeur à la suite de la visite des lieux; que ce motif fut un de ceux que le tribunal de police donna de son refus d'entendre les témoins; que l'appréciation de sa réalité appartenait au tribunal; que ce motif suffisait pour justifier le refus d'entendre les témoins; qu'en effet, ce refus était conforme à la disposition de l'article 153, puisque cet article n'exige l'audition des témoins qu'autant qu'il y a lieu de les entendre, et qu'ainsi i ne l'exige pas lorsqu'elle est inutile à la connaissance de la vérité; que ce refus n'est pas contraire à l'art. 154, puisque cet article ne prescrit l'audition des témoins que comme un moyen d'acquérir des preuves de la contravention, et qu'il ne la prescrit donc pas lorsqu'il est reconnu qu'aucune preuve

nouvelle n'en put résulter; que, dès lors, le refus d'entendre des témoins ainsi motivé, n'avait rien de contraire aux dispositions de la loi, non plus qu'aux règles de la procédure criminelle, »>

$ 504.

1. Droits de la défense. - II. Moyens de défense généraux. III. Exceptions et questions préjudicielles. IV. Moyens de défense particuliers. Insuffisance de la citation.-V. Exception d'incompétence.VI. Nullité des procès-verbaux. VII. Illégalité des règlements de police. VIII. Plainte réconventionnelle. IX. Mise en cause de

tiers. X. Intervention des tiers.

I. Le 4 § de l'art. 153 porte « la personne citée proposera sa défense et fera entendre ses témoins, si elle en a amené ou fait citer, et si, aux termes de l'art. 154, elle est recevable à les produire. >>

Les droits de la défense consistent à proposer et faire valoir tous les moyens et exceptions qui peuvent avoir pour effet de repousser la prévention.

Ces moyens de défense peuvent se diviser en trois catégories:

Les moyens de preuve que le prévenu oppose à la prévention et qui tendent à établir qu'il n'a pas commis le fait qui lui est imputé ;

Les exceptions et fins de non-recevoir qui ont pour objet de soutenir que la contravention est éteinte ou qu'elle n'existe pas;

Enfin, les moyens de défense qui, sans contester ni l'imputation personnelle, ni l'existence de la contravention, prennent leur source dans des circonstances particulières qui peuvent avoir une influence plus ou moins grande sur les résultats de la poursuite.

Cass. 9 déc. 1830, rapp. M. Chantereyne. J. P., t. XXIII, p. 930.

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II. Le prévenu a le droit, en premier lieu, d'opposer à la prévention tous les moyens de preuve qui sont autorisés par la loi.

Ce droit, il le puise, non-seulement dans l'art. 153, qui déclare formellement que « il proposera sa défense et fera entendre ses témoins,» mais encore dans les art. 408 et 413, qui prononcent la nullité des jugements lorsqu'il a été omis ou refusé de prononcer sur une ou plusieurs demandes du prévenu, tendant à user d'une faculté ou d'un droit accordé par la loi, lors même que la peine de nullité n'est pas textuellement attachée à la formalité dont l'exécution a été demandée ou requise.

Il peut donc, soit demander l'audition des témoins qu'il a amenés ou fait citer, soit proposer de faire citer d'autres témoins, soit conclure à l'admission de toute autre preuve, telle qu'une expertise, une vérification de lieux, une production de titres ou pièces.

Quels sont les pouvoirs du juge devant ces demandes? II doit d'abord dans tous les cas, comme nous l'avons dit tout à l'heure, y statuer; mais est-il tenu d'accéder à toutes les preuves qui lui sont proposées? L'art. 153 n'a pas répété dans son 4 § les mots s'il y a lieu, qui se trouvent dans le S précédent; d'où l'on peut induire que l'audition des témoins et par conséquent la proposition de toute preuve, facultative lorsqu'elle est faite par le ministère public et la partie civile, est obligatoire lorsqu'elle est faite par le prévenu. On peut ajouter dans le même sens que l'art. 154, dont nous examinerons un peu plus loin les termes, ne s'applique qu'au cas où l'existence d'un procès-verbal, faisant foi contre un prévenu, établit contre lui une présomption de culpabilité qui peut paraître suffisante au juge. Cependant nous ne saurions voir dans l'art. 153 une règle absolue, car il en résulterait dans beaucoup de cas une prolongation inutile du débat et une exagération de frais qui ne sont point dans l'esprit de la loi. Si le juge croit que la preuve offerte est sans aucun objet, soit parce que la non-existence de la

contravention lui paraît déjà démontrée, soit parce que le fait qui ferait le sujet de la vérification ou des témoignages serait sans influence sur sa décision, il peut et doit la rejeter, car il ne fait alors qu'écarter du débat ce qui lui parait inutile à la manifestation de la vérité, et il ne porte aucun préjudice à la défense. Mais il est dans ce cas rigoureusement tenu de motiver son rejet, car il doit justifier que le prévenu n'a pas été illégalement privé d'un moyen de défense qui lui appartient.

Si les témoins cités par le prévenu ne se présentent pas, le juge de police doit-il accorder un délai pour les faire citer de nouveau? Est-il tenu d'user à leur égard des moyens de coërcition que l'art 157 met à sa disposition? La Cour de cassation a déclaré « que les tribunaux ont la faculté d'user · ou de ne pas user des moyens que l'art. 157 indique pour obliger les témoins cités à venir faire leurs déclarations en justice, soit qu'il s'agisse des témoins cités à la requète du ministère public, soit qu'il s'agisse des témoins cités à la requête du prévenu; que c'est aux juges à examiner les motifs qui ont pu porter les témoins à ne pas comparaître, à apprécier le véritable but du prévenu qui les a fait assigner, et à juger si ces témoins sont ou non utiles à la manifestation de la vérité. Il faut induire de cet arrèt, d'abord, ce qui ne saurait être contesté, que les mesures prescrites par l'art. 157 s'appliquent aussi bien aux témoins cités par le prévenu qu'à ceux cités par le ministère public ou la partie civile; ensuite, que le juge ne peut refuser, soit un délai pour réassigner les témoins, soit l'application des mesures de contrainte toutes les fois que les personnes citées n'ont pas eu de motifs légitimes de s'abstenir, que le prévenu a sérieusement usé de son droit en les citant et que leurs dispositions peuvent éclairer la justice. Le pouvoir du tribunal n'est facultatif qu'à la condition de ne pas s'en servir pour écarter des preuves utiles et pour enlever son droit à la défense.

1 Cass. 11 août 1827, rapp. M. Mangin, J. P,, t, XXI, p. 726.

Toutes les preuves produites par le prévenu doivent tendre à établir ou que la contravention n'a pas été commise, ou qu'elle ne peut lui être imputée. Il ne lui est pas permis d'alléguer des excuses, telles que sa bonne foi, une erreur involontaire, l'usage local, la tolérance de l'autorité. Les contraventions, en général, n'admettent pas d'excuse; il suffit du fait matériel de l'infraction de la défense ou de l'omission de la prescription de la loi ou du réglement pour les constituer. Les faits justificatifs, au contraire, tels que la démence, la contrainte, la non-identité du prévenu et la force majeure, qui ôtent à la contravention même son caractère de désobéissance ou de négligence, peuvent être invoqués en cette matière comme en toute autre. C'est ainsi que la Cour de cassation l'a décidé en déclarant « que l'empêchement provenant de force majeure fait exception en toute matière à la culpabilité, et que ce principe est applicable aux contraventions de police » Le prévenu doit donc être admis à faire preuve de tous les faits justificatifs ".

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L'art. 153 n'admet toutefois les témoins amenés ou cités par le prévenu que « si, aux termes de l'art. 154, il est recevable à les produire. Dans quel cas est-il donc non recevable? Dans les cas où les contraventions sont constatées par des procès-verbaux qui suffisent pour en faire preuve. Nous avons vu précédemment que les procès-verbaux se divisent en trois classes: les uns n'ont que la valeur de simples renseignements, les autres font foi des faits qu'ils constatent jusqu'à preuve contraire, les autres enfin font foi des mêmes faits jusqu'à inscription de faux. Les premiers ne font aucune preuve; le juge peut, sur les simples explications du prévenu et sans qu'il soit tenu de produire une preuve quelconque, déclarer l'affaire instruite et le décharger des fins de

Cass. 8 août 1840, rapp. M. Isambert, Bull. n. 226; et art. Conf. 7juill 1827, n 180; 27 juill. 1854, rapp. M. Foucher, n. 241; 1er mars 1855, rapp. M. Aylies, n. 77; 10 mars 1855, rapp. M, Aug. Moreau, n. 93.

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