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la plainte. Les autres soulèvent une question assez délicate : l'art. 154 porte que ces procès-verbaux « pourront être débattus par des preuves contraires, soit écrites, soit testimoniales, si le tribunal juge à propos de les admettre. » Quel est le sens de ces derniers mots? Il faut les entendre en ce sens que le tribunal doit admettre la preuve toutes les fois qu'elle peut être utile à la défense, toutes les fois que les faits allégués auraient pour effet, s'ils étaient prouvés, d'effacer la contravention ou de justifier le prévenu'. Les procès-verbaux qui font foi jusqu'à inscription de faux ont pour effet que « nul ne peut être admis, à peine de nullité, à faire preuve outre ou contre leur contenu. » Le prévenu, en face de procès-verbaux de cette nature, est donc non recevable à proposer une preuve quelconque, à moins que ce ne soit d'un fait justificatif.

III. Le prévenu peut alléguer toutes les exceptions ou fins de non recevoir qui sont de nature à éteindre l'action, telles que l'exception de chose jugée, la prescription, l'amnistie. Nous avons précédemment traité de toutes ces exceptions en examinant les causes d'extinction de l'action publique et de l'action civile ".

Il peut proposer également toutes les questions qui suspendent le jugement de la contravention jusqu'à la vérification préalable d'un fait antérieur dont l'appréciation est une con-lition indispensable de ce jugement. Ces questions préjudicielles sont en elles-mêmes trop complexes et donnent lieu à des difficultés trop multipliées pour qu'il soit possible de les traiter incidemment dans ce paragraphe. Nous les dé– tacherons de ce chapitre où, logiquement, elles devraient prendre place, pour en faire la matière du chapitre suivant.

IV. Il nous reste à parler de quelques moyens de défense

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spéciaux qui ne s'appliquent que dans certains cas et qui exercent sur les poursuites une influence diverse.

Nous avons déjà vu dans quels cas le prévenu peut invoquer l'insuffisance de la citation et quels sont les effets de cette irrégularité : nous ne reviendrons pas sur ce point.

I

Il est également fondé à soutenir que le fait qui est l'objet du débat n'est pas le même que celui qui est énoncé dans la citation, et que le tribunal de police n'en est pas saisi; le tribunal, en effet, ne peut, aux termes des art. 159 et 161, statuer que sur les faits qui sont l'objet de la poursuite; il ne peut prononcer sur d'autres faits qui, bien que de même nature, n'y sont pas compris, à moins qu'ils ne soient la conséquence ou l'accession des premiers. Il ne le peut pas d'office 2; il ne le peut non plus même sur les conclusions qui seraient prises dans le cours du débat. Ainsi, dans une prévention d'ouverture d'un cabaret après l'heure fixée par les réglements, le prévenu ne peut être inculpé d'une autre infraction aux règles de sa profession : « attendu qu'aucune citation ou conclusion du ministère public ne saisissait le tribunal de la connaissance d'une contravention qui aurait résulté de l'exercice de la profession d'aubergiste sans autorisation, ni d'une autre contravention pour défaut de tenue du registre de police ordonné par l'art. 475 n. 2, C. p. ; que le chef unique de poursuite était d'avoir contrevenu à l'arrêté en donnant à boire dans son café à diverses personnes après la retraite sonnée 3. » Dans une autre espèce, un jugement de tribunal de police a été cassé : « attendu qu'il résulte de la disposition combinée des art. 145, 153, 159 et 161 du C. d'inst. cr., que les tribunaux de police ne peuvent connaître que des faits qui leur ont été déférés par l'officier qui exerce près d'eux la vindicte publique; que cependant le jugement a condamné la veuve Levat à 1 fr. d'amende pour

1 Voy. suprà, p. 268.

Cass. 31 janv. 1855, rapp. M, Jallon. Bull. n. 26.

Cass. 15 janv. 1850, rapp. M. de Boissieux, Ball. n. 36.

avoir pratiqué, à la base du sol et sur la moitié de la façade de sa maison, des contremurs qui resserrent la viabilité publique, quoique cette veuve n'eût point été citée pour raison de cette infraction; qu'il a, dès lors, commis un excès de pouvoir et une violation expresse de la règle consacrée par les articles précités.

Il ne faut pas prendre dans leur sens littéral les mots de ce dernier arrêt «< que les tribunaux de police ne peuvent connaître que des faits qui leur ont été déférés par l'officier du ministère public. Nous avons vu qu'en matière de police et de police correctionnelle, le tribunal est saisi, par la citation de la partie lésée aussi bien que par celle du ministère public, et que cette partie participe à l'exercice de l'action publique 2. Il importe même peu que le ministère public prenne ou ne prenne pas des réquisitions pour l'application de la peine : ce ne sont point ces réquisitions qui font la compétence du tribunal, c'est la citation. Ainsi, il a été jugé « qu'il résulte des art. 1, 3 et 145 du C. d'inst. cr., que tous ceux qui ont souffert quelque dommage par l'effet d'une contravention, ont le droit de porter leur action en réparation de ce dommage devant le tribunal de simple police; que les conclusions du ministère public à ce sujet ne lient point le juge saisi de cette action et ne le dispensent point d'apprécier la prévention, puisqu'il est tenu de statuer sur la plainte, conformément aux art. 159, 160 et 161; qu'il suit de là, dans l'espèce, qu'en renvoyant le prévenu de la poursuite sur le motif que la contravention était abandonnée par le ministère public, le jugement attaqué a commis un excès de pouvoir ou déni de justice et une violation expresse des dispositions ci-dessus visées 3.

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Cependant il ne faut pas perdre de vue que le tribunal est saisi non-seulement des faits énoncés dans la citation, mais en

*Cass. 14 avril 1848, rapp. M. Rives. Bull. n. 117.

2 Voy. notre t. II, p. 265.

* Cass. 30 août 1851, rapp. M. Rives. Bull. n. 363, et les arrêts cités, t. II, p. 268 et 269.

core de ceux contenus dans le procès-verbal il suffit que le prévenu en ait eu connaissance et ait été mis à même de les débattre à l'audience pour qu'il ne puisse opposer à cet égard aucune exception prise du droit de sa défense'.

V. Le prévenu peut, en second licu, proposer l'incompétence du tribunal de police. Ce droit résulte, pour lui comme pour le ministère public, de l'art. 408, qui prononce l'annullation de la poursuite dans les cas d'incompétence, et de l'art. 413 qui étend cette disposition à la matière de la police 2.

Cette exception embrasse toutes les causes d'incompétence, ratione materiæ, ratione loci et ratione personce. Un arrêt du 3 mai 1811, rendu sous l'empire du Code du 3 brumaire an Iv, avait distingué à cet égard et jugé qu'en matière de police l'incompétence ratione loci se couvrait par le silence ou le consentement des parties. Cet arrêt, combattu par M. Merlin 4, n'a point été suivi par la jurisprudence, parce que sa décision répugnait à la fois, ainsi que nous l'avons démontré, au principe de la matière ainsi qu'aux textes de notre Code, et que la règle établie à cet égard dans l'art. 7 C. pr. civ. ne peut s'étendre en matière criminelle. L'incompétence fondée sur le lieu n'est donc pas moins péremptoire que celle qui se fonde sur la matière elle-même ou sur la qualité de la personne. ".

L'exception d'incompétence est tellement absolue que le juge, dès qu'il l'aperçoit, doit, sans attendre les conclusions des parties, la prononcer d'office; car l'ordre des juridictions est un intérêt public qui domine tous les faits et même la vo

1 Voy. supra, p. 275, et cass. 27 sept. 1851, cité p. 277.

2 Voy. sur l'exception d'incompétence, notre t. V, p. 287.

4

Cass. 3 mai 1841, rapp. M. Lamarque. J. P., t. IX, p. 301.

Quest. v° Incompétence, § 1o, art. 3.

T. V, p. 288, et cass. 13 mai 1826, cité t. V, p. 289.

Cass. 4 mars 1836, rapp. M. Bresson, Bull. n. 67; 14 déc. 1843, rapp. M. Jacquinot, n. 315,

lonté des parties. Ainsi, dans une espèce où le prévenu n'avait point proposé de déclinatoire, quoique le tribunal fut incompétent ratione loci, le jugement qui avait statué au fond a été annulé : " attendu que le Code d'instruction criminelle n'admet aucune distinction entre les incompétences résultant de ses dispositions; que toutes les incompétences par lui établies sont donc, quant à leurs effets légaux, également péremptoires et absolues, et qu'il n'est pas nécessaire de les invoquer pour s'en assurer le bénéfice, puisque les tribunaux de repression sont essentiellement d'ordre public et doivent, d'office, se renfermer dans les limites de leurs attributions respectives . » Lo tribunal de police peut donc déclarer son incompétence, lors même qu'il aurait été saisi par une ordonnance de renvoi 2.

Enfin, elle peut être proposée en tout état de cause, et cette règle, que nous avons déjà appliquée en matière criminelle 3, l'a été en matière de police par un arrêt qui dispose « qu'en tout état de cause, l'exception d'incompétence peut être proposée devant un tribunal de police; que les débats n'y sont clos et la juridiction n'est épuisée qu'après la prononciation du jugement; que, jusqu'à cette prononciation, le miniştère public et les parties ont le droit de proposer tous les moyens et exceptions qu'ils jugent utiles à l'attaque ou à la défense; d'où il suit que, dans l'espèce, le tribunal de police, en rejetant l'exception d'incompétence proposée par le ministère public, non sur la déclaration d'insuffisance ou d'illégalité des documents produits à l'appui de cette exception, mais sur le seul motif que la cause ayant été renvoyée à une autre audience, seulement pour la prononciation du jugement, il ne pouvait être question dans cette audience que de la prononciation de ce jugement, sans que l'état de cette cause, fixé dans la précédente audience, put être changé ou dénaturé par de nouveaux moyens ou de nouvelles exceptions,

1 Cass. 4 nov. 1853, rapp. M. Rives. Bull. n. 528.

2 Voy. t. VI, p. 163 et 168.

Voy. t. V, p. 288.

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