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a créé une fin de non recevoir non autorisée par les lois '. »

Il importe de rappeler, au surplus, que le tribunal de police, avant de prononcer son incompétence, doit soigneusement vérifier le caractère du fait et rechercher si le motif allégué subsiste en réalité. Dans une prévention pour débit de boissons falsifiées, un tribunal de police s'était déclaré incompétent en se fondant sur la loi du 27 mars 1851, qui ne s'applique qu'aux substances alimentaires et qui, à cette époque, n'avait pas encore été étendue aux boissons par la loi du 5 mai 1855; ce jugement a été cassé, « attendu que le devoir du juge est de constater dans sa décision les faits résultant tant des procès-verbaux que des débats, pour leur donner leur caractère légal suivant cette constatation; que, par le jugement attaqué, le tribunal se déclare incompétent par le seul motif que, d'après la loi du 27 mars 1851, les peines prononcées pour l'infraction seraient des peines correctionnelles, sans rechercher préalablement si cette loi était applicable au fait dénoncé et si ce fait était constant; que dans l'espèce, il s'agissait du débit de boissons falsifiées, fait qui n'est pas réprimé par la loi du 27 mars 1851, et continue d'ètre puni par les art. 475 no 6 et 477 C. pr. *. »

VI. Le prévenu peut combattre les procès-verbaux qui constatent la contravention, soit en leur opposant une preuve contraire, soit en soutenant qu'ils sont entachés de nullité ou de faux.

En matière de police, les procès-verbaux ne font généralement foi que jusqu'à preuve contraire : la défense a donc toujours, comme on l'a déjà vu, le droit d'opposer aux énonciations du procès-verbal une preuve contraire. Il peut opposer non-seulement une preuve écrite ou testimoniale, comme le déclare l'art. 154, mais encore toute autre preuve,

'Cass. 3 nov. 1826, rapp. M. Gary. J. P., t. XX, p. 893.

2 Cass. 18 fév. 1854, rapp. M, Foucher. Bull. n. 46.

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puisque cet article n'en exclut aucune. Il peut donc demander une expertise, une visite de lieux, une vérification; il peut même provoquer l'audition des rédacteurs des procès-verbaux et combattre ces actes par les déclarations mêmes de ces officiers.

Le prévenu peut ensuite, pour faire tomber le procèsverbal, invoquer toutes les irrégularités dont il est entaché et qui sont susceptibles de lui enlever sa force probante : nous avons énuméré les formes dont l'omission peut avoir cet effet '.

Peut-il employer la voie de l'inscription de faux contre un procès-verbal qui ne fait pas foi que jusqu'à preuve contraire? Nous avons déjà eu l'occasion d'examiner cette question, et nous avons établi qu'en thèse générale, ce moyen de défense n'est dirigé que contre les procès-verbaux qui font foi jusqu'à inscription de faux. En effet, lorsque ces actes peuvent être débattus par la preuve contraire, cette preuve suffit pour démontrer la fausseté des faits imputés : ce n'est donc que lorsque toute preuve est interdite, tout autre moyen de défense écarté, qu'il y a lieu de recourir à la voie de l'inscription. Cette doctrine est vraie en thèse générale et la pratique vient à l'appui ; néanmoins, elle n'est point absolue, et il nous paraît utile de formuler ici une réserve que nous n'avions pas exprimée.

L'inscription de faux est un moyen ordinaire de défense: quelques auteurs la représentent comme une voie extraordinaire, parce qu'ils confondent le moyen lui-même avec les formes spéciales de la procédure à laquelle sa production est soumise, et ils enseignent ensuite que son application doit être restreinte 3. Aucun texte ne vient à l'appui de cette doctrine. La loi laisse aux parties la faculté d'employer, quand elles le jugent convenable, mais à leurs risques et périls, cette voie de recours. Il est probable qu'elles ne l'emploieront que ra

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rement, à raison de ses formes onéreuses, contre les procesverbaux qui ne font foi que jusqu'à preuve contraire et qu'elles peuvent faire tomber plus facilement en produisant des titres. ou des témoins. Mais il suffit de supposer un cas où la partie aurait plus de facilité ou d'intérêt à faire la preuve du faux que la preuve contraire des faits constatés pour que l'inscription de faux ne put lui être déniée; car pourquoi serait-elle privée de ce moyen de défense? pourquoi ne l'emploierait-elle pas quand elle le croit utile à des intérêts? Lui opposerait-on qu'elle peut atteindre le même résultat par un autre moyen? Mais est-ce là une fin de non-recevoir juridique? Le tribunal est-il juge de la manière dont chaque partie use de ses droits? La question est dans le droit lui-même et non dans son application. Or, nulle disposition de la loi n'a limité le droit des parties d'attaquer par l'inscription de faux les procès-verbaux qui leur font grief.

VII. Un autre moyen de défense consiste, lorsque la poursuite a pour objet une contravention à un réglement de police, à contester la légalité de ce réglement ou la régularité des formes qui font son autorité.

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Nous avons établi d'une part, dans le ch. 2 de ce livre, le droit du pouvoir réglementaire et les conditions de la légalité et de l'application des réglements de police, et d'une autre part, dans le ch. 4, 8, 407, le droit des tribunaux d'examiner cette légalité et de rechercher s'ils peuvent être régulièrement appliqués..

La conséquence nécessaire de ce double principe est que les parties ont la faculté d'invoquer devant le tribunal de police, l'illégalité des réglements sur lesquels la poursuite est fondée. Elles peuvent démontrer, soit que les réglements ont été pris en dehors des attributions des officiers qui les ont rendus, soit qu'ils sont contraires aux lois, soit enfin qu'ils ne sont pas

1 Voy. suprà, p. 55. Voy. supra, p. 224.

revêtus des formes par lesquelles ils deviennent exécutoires.

VIII. Le prévenu peut-il, par des conclusions prises à l'audience, intenter une sorte d'action reconventionnelle contre la partie qu'il l'a cité, en lui imputant quelque fait punissable?

Dans une poursuite en injures verbales, la partie civile ayant tenu à l'audience des propos diffamatoires contre le prévenu, et celui-ci ayant pris des conclusions à raison de ces imputations, le tribunal de police crut devoir ordonner la jonction des deux affaires et se déclarer incompétent, en renvoyant le tout devant la juridiction correctionnelle. Ce jugement a été cassé « attendu qu'en matière criminelle, correctionnelle et de police, la réconvention n'a pas lieu et que toute juridiction, valablement saisie de la connaissance d'un fait sujet à pénalité, doit statuer sur l'existence du fait et sur l'application de la peine, s'il y a lieu, sauf à dresser procès-verbal des faits qui seraient révélés à l'audience et qui seraient de nature à exiger une répression, dans le cas où cette juridiction serait incompétente pour y statuer; que, d'ailleurs, le tribunal de police n'avait aucun droit d'indication de la juridiction et des magistrats compétents pour statuer sur les faits à l'égard desquels il se déclarait incompétent; et enfin que ce tribunal était irrévocablement saisi de l'action en injures verbales 1. »

Il est certain qu'il ne peut y avoir de demande reconventionnelle en matière criminelle, puisque les délits ne se compensent pas et que la dénonciation faite par le prévenu ne ferait pas disparaître le fait dénoncé par le plaignant. Les deux plaintes peuvent consister et donner lieu à deux actions distinctes, mais l'une n'absorbe pas l'autre, parce que la faute d'une partie, dès qu'elle est qualifiée délit ou contravention, ne saurait être effacée par la faute de l'autre. L'intérêt public veut la répression de chaque délit, de chaque contravention, dès que la justice en est saisie, sans que les rêcriminations

* Cass. 5 juin 1835, rapp. M. Isambert. Bull. n. 225.

des parties puissent y faire obstacle. Ce n'est pas d'ailleurs au milieu du débat ouvert sur l'une de ces contraventions que le prévenu peut brusquement introduire une plainte relative à l'autre; les conclusions ne peuvent remplacer ni les formes, ni les délais de la citation; elles ne saisissent pas le juge qui ne peut statuer que sur le fait qui fait l'objet de la poursuite, à moins qu'il ne s'agisse d'un trouble commis à son audience et qu'il peut réprimer immédiatement, en vertu des art. 505 et suiv. du C. de proc. civ.

Mais, en maintenant ce principe, il ne faut pas lui donner une application trop absolue. D'abord, il reçoit une véritable exception en matière d'injures verbales. L'art. 471, no 11 du C. pén. ne punit que « ceux qui, sans avoir été provoqués, auront proféré contre quelqu'un des injures. » Il suit de là que le prévenu d'injures a le droit d'alléguer pour sa défense qu'il a été provoqué par d'autres injures, c'est-à-dire, qu'il se défend en dénonçant une contravention qui, dans ce cas, efface la sienne. La Cour de cassation a déclaré dans ce sens : « que l'ordre public n'est essentiellement blessé par le délit d'injures entre particuliers que quand ces injures n'ont pas été provoquées; que si la loi subordonne la poursuite du délit d'injures à la plainte de la partie lésée, elle subordonne, par voie de conséquence, la condamnation, dans l'intérêt de la vindicte publique, à la preuve que la plainte de cette partie est légitime; que cette plainte n'est pas légitime si les injures qu'elle dénonce ont été provoquées par d'autres injures qu'elle s'est permises. » Si le juge n'est pas suffisamment éclairé sur le fait de la provocation, il peut néanmoins renvoyer le prévenu en se fondant sur les doutes qui enveloppent cette circonstance; c'est ce qui résulte d'un arrêt qui dispose: «< que le jugement établit, en fait, que la justice n'est point éclairée sur le fait de la provocation; d'où il suit que le juge n'a pu reconnaître celle des parties qui, sans provocation, a proféré des injures contre l'autre, et que, dès lors, il n'y avait aucune

1 Cass. 11 oct, 1827, rapp. M. Mangin, J, P., t, XXI, p. 816.

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