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auraient eux-mêmes encourues en négligeant d'exécuter les lois et réglements de police'.

Dans ces dfférentes hypothèses, la mise en cause de l'auteur de la contravention, de la personne responsable ou de l'adjudicataire du balayage ou de l'éclairage, est le complément nécessaire de la défense de la personne citée devant le tribunal de police. S'il ne s'agit plus, comme dans les précédentes espèces, d'une exception personnelle au tiers qu'il est nécessaire de mettre en cause, parce qu'il peut faire disparaître la contravention, il s'agit du moins de reporter l'imputation sur un autre que le prévenu ou d'aider à la défense de ce prévenu. C'est, dans l'un et l'autre cas, un moyen nécessaire de cette défense et que le juge ne peut repousser lorsque la loi ne le repousse pas. Mais c'est plus encore: la poursuite avait le droit, à l'origine du procès, de comprendre lans sa citation, soit l'auteur de la contravention, soit celui qui en a pris la charge, soit les personnes qui en sont responsables; en les citant plus tard, quand le débat a signalé la nécessité de leur présence, elle ne fait qu'user du droit qu'elle tient de la loi, du droit de l'action publique elle-même. C'est l'application même des art. 145 et 153 la mise en cause équivaut à une citation. Il y a par conséquent entre la première hypothèse et celles-ci cette différence que si les personnes ainsi appelées ne comparaissent pas, le juge ne se borne pas à passer outre au jugement de la prévention, il peut y comprendre ces personnes et prononcer par défaut contre elles les condamnations prévues par la loi.

Il ne faut pas toutefois étendre la mise en cause au delà des limites que la jurisprudence lui a assignées : elle ne pourrait, par exemple, envelopper les personnes dont le prévenu de vente ou de mise en vente d'une substance ou boisson falsifiée ou corrompue prétendrait tenir cette substance;

1 Cass 26 juill. 1827, rapp. M. Gary. J. P., t. XXI, p. 662; 19 juill. 1838, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 230; 27 juin 1828, rapp. M. Rives, n. 228.

en effet, quel serait le prétexte de l'intervention de ces vendeurs originaires? Le prévenu peut les appeler comme témoins, mais non en qualité de garants; le fait de la détention et de la mise en vente des substances est puni indépendamment de leur origine, indépendamment de la bonne foi du prévenu, et le tribunal de police, qui ne peut statuer que sur les dommages nés du fait de la contravention, est incompétent pour prononcer sur l'action en garantie du prévenu contre ses vendeurs. C'est conformément à cette doctrine que la Cour de cassation a jugé : « que les prévenus, poursuivis pour avoir mis en vente du pain confectionné avec de la farine gâtée, corrompue ou nuisible, ont actionné en garantie devant le tribunal de police qui devait statuer sur l'action publique exercée contre eux au sujet de cette contravention, les marchands de farine qui leur avaient vendu celle dont ils ont fait usage; que les art. 2 et 3 du C. d'inst. cr. n'attribuent aux tribunaux de répression le pouvoir de prononcer sur l'action civile dont ils sont saisis que lorsqu'elle a exclusivement pour objet la réparation du dommage résultant pour la partie plaignante du délit ou de la contravention qui a été commis à son préjudice; qu'ils sont donc incompétents pour connaître de l'action en garantie dérivant d'un contrat de vente que le prévenu intente devant eux contre les personnes qu'il prétend avoir été la cause du fait à eux imputé ; qu'il suit de là que, dans l'espèce, le tribunal de police, qui a fait droit à cette action, a violé les règles de la compétence'. »

Il faut ajouter encore que si le juge peut, sur la provocation des parties qui exercent l'action publiqne, autoriser la mise en cause des personnes qui sont liées à la poursuite et qui n'ont pas été comprises dans la citation, il ne pourrait d'office enjoindre, soit au ministère public, soit à la partie civile de mettre en cause telle ou telle personne, car il n'exerce pas l'action publique, il ne peut que statuer sur les individus qui sont traduits devant lui. La Cour de cassation a plusieurs

* Cass. 9 déc. 1843, rapp.¡M. Rives. Bull. n. 305,

fois jugé « qu'il résulte des art. 1 et 145 que les tribunaux de police, sauf le cas où l'affaire leur a été renvoyée par la chambre du conseil ou la chambre d'accusation, ne sont saisis de l'action publique qui naît d'une contravention qu'à l'égard des personnes traduites devant eux par le magistrat exclusivement investi du droit d'exercer cette action; qu'aucune loi n'autorise les tribunaux de police à prescrire au ministère public de poursuivre des individus contre lesquels il n'a pas cru devoir procéder '. >>

`IX. Les tiers intéressés peuvent-ils intervenir dans une poursuite dans laquelle ils n'ont été ni appelés ni mis en cause?

Quelques auteurs, qui refusent au prévenu le droit de demander la mise en cause de ces tiers, dénient par suite à ceux-ci la faculté d'intervenir. D'autres distinguent entre les poursuites intentées par la partie publique et celles de la partie civile; il leur paraît que, dans le premier cas, il n'est pas possible d'admettre l'intervention, parce que l'action publique est libre entre les mains du ministère public, et que, dans le second cas, au contraire, cette intervention est régulière, parce qu'il s'agit d'intérêts privés, et que le principe qui régit l'intervention en matière civile doit être appliqué ".

Remarquons, d'abord, que la jurisprudence n'a adopté ni l'opinion qui rejette l'intervention, ni celle qui la limite au cas où la poursuite est excrcée par la partie lésée. Dans une espèce où le propriétaire était intervenu pour prendre le fait et cause de son préposé, la Cour de cassation a déclaré « qu'aux termes de l'art. 182 du C. for., il faut comprendre sous le nom de prévenu, non-seulement l'individu qui a commis le fait incriminé, mais encore celui qui prend son fait et

Cass. 20 déc. 1845, rapp. M. Jacquinot. Bull. n. 368; 23 juill. 1836, rapp. M. Rives, n. 248; 24 avril 1834, rapp. M. Rives. J. P. t. XXVI, P. 423.

2 M. Vente, Revue de législation, 1852, p. 676.

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cause comme n'ayant agi que par ses ordres ; que les titres ou faits de possession doivent alors être personnels au prétendu propriétaire, qui se présente pour garantir le délinquant; que le jugement attaqué a donc pu s'arrêter à l'exception préjudicielle proposée par Robin (intervenant) 1. » Un autre arrêt plus explicite décide « qu'il résulte des art. 182, 190 et 194 du C. d'inst. cr. que la personne civilement responsable du prévenu peut être légalement appelée devant le tribunal pour prendre part aux débats et supporter la condamnation pécuniaire conjointement avec le prévenu principal; que, dès lors, la personne civilement responsable peut intervenir volontairement dans l'instance où elle pourrait être appelée malgré elle; que cette intervention volontaire, pas plus que la citation directe, ne change en rien la nature de la juridiction répressive, relativement à la responsabilité civile, et laisse subsister, relativement au prévenu et quant à l'application de la peine, les attributions du tribunal de répression. Enfin, un troisième arrèt, que nous avons déjà cité en partie, dispose encore que le commettant, auquel l'art. 1384 du C. Nap. impose la responsabilité des condamnations encourues par le prévenu du délit qui n'a agi que par son ordre, a intérêt à intervenir dans le débat correctionnel pour en détourner de lui les conséquences civiles aggravées dans certains cas par la solidarité des amendes ; que le prévenu a également intérêt à cette intervention, qu'il lui appartient de provoquer au besoin comme un complément nécessaire de sa défense; qu'ainsi, et sous ce double rapport, le jugement attaqué, en autorisant le sieur Ruzé à prendre fait et cause pour les prévenus préposés par lui aux actes de chasse qui ont donné lieu à la poursuite, loin d'avoir procédé illégalement, s'est conformé aux principes de la matière 3 »

Cass. 13 nov. 1835, rapp. M. de Ricard. Bull. n. 417.

* Cass. 10 mai 1845, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 170.

Cass. 7 janv. 1853, rapp. M. Rocher. Dall. 53, 1, 66. Voy. aussi cass. 16 mars 1839, rapp. M. Rives. Bull. n. 92; 19 juili. 1854, à notre rapport, ■,297.

Il ne nous parait pas que cette doctrine s'écarte des règles de la procédure criminelle. La partie qui vient prendre les fait et cause du prévenu se déclare par là même ou son coprévenu ou responsable du fait de la contravention. Elle ne fait en se présentant que réunir les différents éléments d'un procès qui n'aurait point dû être divisé. Pourquoi le juge rejetterait-il son intervention? Est-ce parce qu'elle n'est pas comprise dans la poursuite? Mais il est généralement reconnu que lorsqu'une juridiction est légalement saisie d'un fait, elle est compétente pour juger tous les auteurs ou personnes responsables de ce fait1. Est-ce parce qu'elle n'a été personnellement l'objet d'aucune citation? Mais elle renonce aux délais de cette citation et accepte le débat déjà commencé. Est-ce enfin parce qu'elle est étrangère au procès? Mais elle vient déclarer elle-même qu'elle y a intérêt, que la prévention la touche directement ou indirectement, qu'elle doit nécessairement réfléchir sur elle, qu'elle apporte des documents ou des preuves qui doivent l'éclairer. Or, quel est en définitive le principal intérêt de la justice? n'est-ce pas de rassembler tous les éléments d'une poursuite dans un même faisceau, n'est-ce pas de ne point diviser les procès pour les mieux juger? n'est-ce pas d'accueillir toutes les preuves qui peuvent l'aider dans la recherche de la vérité et par conséquent de réunir toutes les personnes qui ont des intérêts divers dans une même affaire? C'est par cette raison que l'intervention en matière criminelle était considérée dans notre ancien droit comme devant être en général favorisée : « On peut intervenir dans une instance criminelle, dit Jousse, lorsque cette intervention est fondée sur une cause légitime et connexe à l'accusation". » C'est par cette raison que l'art. 359 du C. d'inst. cr. admet l'intervention du propriétaire des effets volés dans une poursuite pour vol, et l'art. 23 de la loi du 17 mai 1819 celle des tiers diffamés par les écrits distribués

1 Voy. notre t. V, p. 166.

2 T. III, p. 86,

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