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à l'occasion d'un procès dans l'instance où ces écrits ont été produits.

Quant à la distinction proposée entre la poursuite intentée à la requête du ministère public et celle qui est exercée à la requête de la partie lésée, il ne nous paraît pas qu'elle soit fondée. L'action publique ne change pas de nature parce qu'elle est mise en mouvement tantôt par le ministère public, tantôt par les parties civiles; c'est dans l'un et l'autre cas la même action, elle saisit les tribunaux des mêmes droits, elle est soumise aux mêmes règles. Notre législation ne connaît pas de délits privés, de contraventions particulières: toutes les infractions sont poursuivies dans l'intérêt général, et la qualité de la personne à la requête de laquelle la citation a été donnée n'a aucune influence sur la procédure. Il résulte de ce principe que nous avons établi précédemment *, que si la mise en cause des tiers intéressés au procès peut être ordonnée dans un cas, elle doit nécessairement l'être dans l'autre.

Mais il ne faudrait par induire de là, comme un corollaire, que les tiers intéressés qui auraient pu intervenir et qui ne l'ont pas fait, sont recevables à venir ensuite former tierce opposition contre le jugement. Les tiers puisent leur droit d'intervention dans l'existence d'une poursuite à laquelle ils ont intérêt et à laquelle il apportent de nouveaux éléments judiciaires; mais ce droit cesse au moment où le jugement intervient, car ils ne pourraient exercer alors qu'une action civile que les juridictions répressives ne peuvent admettre dès qu'elle est séparée de l'action publique. La Cour de cassation a donc dû juger : « que les tribunaux de simple police ne sont compétents que pour réprimer les contraventions dont la connaissance leur est dévolue, soit par le ministère public, soit par la partie civile, et qu'ils ne peuvent s'occuper des intérêts civils qui s'y rattachent qu'accessoirement à l'action publique et en même temps qu'ils prononcent sur celle-ci; que les art.

1 Cass. 19 juill. 1851, à notre rapport. Bull. n. 297.

2 Voy. notre t. II, p. 254.

172 et 177 du C. d'instr. cr. n'autorisent contre leurs jugements contradictoires que l'appel et le recours en cassation; que la tierce opposition contre ces jugements ne saurait, sous le prétexte du préjudice qu'ils pourraient leur causer, appartenir à des tiers, puisque, d'une part, les condamnations sont personnelles aux prévenus qui les ont encourues, et que, de l'autre, les tribunaux ont consommé leur juridiction en les prononçant '. >>

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1. Droit du ministère public de prendre des conclusions et réquisitions. II. Droit de produire des preuves à l'appui ou à défaut des procès-verbaux. III. Obligation du juge de statuer sur tous les chefs de la prévention et des conclusions.

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I. Le 5 § de l'art. 153 porte : « le ministère public résumera l'affaire et donnera ses conclusions. >>

Nous avons vu que le ministère public est un élément essentiel du tribunal de police et que sa présence est nécessaire pour la validité de ses actes '. La loi exige en outre son concours; elle veut qu'il résume l'affaire et qu'il donne ses conclusions, c'est-à-dire qu'il apporte dans le débat tous les arguments, toutes les lumières qu'il possède et qu'il lui imprime, autant qu'il le peut, la direction la plus utile aux intérêts de la justice. C'est donc là une forme substantielle, car elle est nécessaire à la bonne administration de la police, et, par conséquent, les jugements qui seraient rendus sans qu'elle eut été accomplie seraient frappés de nullité.

Cette règle a été consacrée par de nombreux arrêts qui prononcent l'annulation de jugements de police. Attendu : « qu'il ne résulte pas du jugement que le ministère public ait été entendu dans ses conclusions; d'où suit une violation formelle

1 Cass. 19 fév. 1835, rapp. M. Rives. Bull. n. 60.

2 Voy. suprà, p. 122,

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de l'art. 153 ; « que le ministère public fait partie intégrante du tribunal de police; que ses conclusions sont substantielles; que leur absence entache de nullité le jugement '; » — « que l'omission de cette formalité, qui doit être considérée comme substantielle, est un moyen de cassation;

« qu'aux termes de l'art. 153, les tribunaux de police ne peuvent statuer qu'après que le ministère public a résumé l'affaire et donné ses conclusions, ou qu'il à été mis en demeure de remplir cette partie de son office; que c'est là une formalité substantielle qui tient à l'organisation même des tribunaux de police et aux attributions de chacun de ses membres; que dès lors le défaut de constatation de son accomplissement entraîne de plein droit la nullité des jugements où l'on relève cette omission . >>

Le droit de prendre des conclusions s'applique, non-seulement au fond du procès, mais à tous les incidents qui s'élèvent dans le cours du débat : le ministère public doit être entendu toutes les fois que le juge est appelé à prendre une décision; son concours consiste à la préparer et à l'éclairer par l'expression de son opinion; il faut qu'il soit mis en situation de connaître, de discuter, et de contredire tous les incidents 3; ses conclusions doivent donc précéder tous les jugements préparatoires et interlocutoires. La Cour de cassation a prononcé en conséquence l'annulation d'un jugement qui avait rejeté une preuve offerte par le ministère public sans qu'il eut été entendu: « attendu qu'il résulte de la combinaison de l'art. 153 avec les art. 408 et 413 que les tribunaux de police ne peuvent légalement statuer sur les incidents de l'instruction qui a lieu devant eux qu'après avoir entendu les conclusions du ministère public ou mis l'officier qui remplit ces fonctions en de

1 Cass. 11 août 1826, rapp. M. Gary. J. P., 1. XX, p. 800; et Conf. cass. nov. 1807, 16 mars 1809, 1er avril 1813, 7 mars 1817, 9 juillet 1825.

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Cass. 8 juill. 1852, rapp. M. Legagneur. Bull. n. 227.

Cass. 26 mars 1841, rapp. M. Romiguières. Bull. n. 76.

Cass. 23 déc. 1853, rapp. M. Aylies. n. 595.

* Cass, 14 fév. 1839, tápp. M. Voysin de Gartempe. Bull. n. 48.

meure de les présenter; et que, dans l'espèce, le tribunal de police, statuant sur l'opposition formée par le prévenu à l'audition des gendarmes produits en témoignage contre lui, a déclaré, sans avoir préalablement entendu le ministère public sur ce point, qu'il n'y avait pas lieu de recevoir la déposition de ces témoins; que ce tribunal a donc, en procédant ainsi, commis une violation expresse des articles cités. >>

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Cette règle, quelque générale qu'elle soit, comporte néanmoins quelques restrictions. On pourrait d'abord penser à la première vue qu'elle a été entièrement méconnue par un arrêt qui est ainsi conçu : « sur le moyen pris de ce que le maire, faisant fonctions du ministère public, n'a point résumé l'affaire et n'a point donné des conclusions, et de ce que, par suite du refus fait par le juge de paix de lui accorder un délai pour prendre des renseignements nécessaires et préparer sa défense aux exceptions du prévenu, l'instruction a été irrégulière attendu que les dispositions de l'art. 153, relatives au résumé et aux conclusions du ministère public, ne sont point prescrites à peine de nullité, et que d'ailleurs le juge de paix a donné les motifs pour lesquels il refusait le délai et la remise qui lui étaient démandés; que conséquemment il a statué sur les conclusions du ministère public et qu'il y a lieu de rejeter ce moyen 2; » mais, en examinant de près cet arrêt, on voit qu'il y a lieu de séparer le fond même de sa décision de la rédaction confuse et inexacte qui l'enveloppe. Quelle est cette décision? C'est que, dans l'espèce, le ministère public, ayant conclu au renvoi de l'affaire à une autre audience, non pour faire une preuve, mais pour préparer ses réponses à des exceptions, ces conclusions, sur lesquelles le juge avait statué, avaient suffi pour le mettre à même de prononcer au fond. Mais, s'ensuit-il que le tribunal eut pu statuer sans aucunes conclusions? L'arrêt ne va pas jusque-là, et s'il ajoute surabondamment que la disposition de l'art. 153 n'est pas prescrite à

Cass. 30 sept. 1843, rapp. M. Rives. Bull, n. 256.

*Cass. 49 juill. 1828, rapp. M. Cardonnel, J. P., t. XXII, p. 100.

peine de nullité, cette assertion, exacte en elle-même, n'a d'autre objet que d'écarter une trop rigoureuse application de ses termes, en ce sens que des conclusions, telles qu'elles fussent et lors même qu'elles ne porteraient pas sur le fond, suffiraient pour remplir le vœu de la loi. Ainsi expliqué, cet arrêt ne s'éloigne pas, comme on va le voir, de la doctrine générale de la jurisprudence.

Il résulte, en effet, des arrêts qui ont été cités plus haut et notamment de ceux des 30 septembre 1843 et 23 décembre 1853, qu'il suffit, pour la régularité des jugements, que le ministère public ait été mis en demeure de donner ses conclusions: il faut qu'il ait pu exercer librement son droit; quant à cet exercice lui-même, il ne peut recevoir à cet égard aucune injonction du juge et ne peut réciproquement entraver le cours de la justice pour son refus de conclure. Il a été jugé en conséquence, par un arrêt que nous citons ici quoique rendu en matière correctionnelle, parce qu'il explique l'arrêt du 19 juillet 1828 : « que la disposition de l'art. 190 du C. d'instr. crim. portant « le procureur du roi résumera l'affaire et don»nera ses conclusions, » n'y a pas été prescrite à peine de nullité; que son entière exécution n'est point substantielle; que, ce qui est substantiel à cette instruction, c'est la présence et l'audition du ministère public; que, dans l'espèce, le ministère public a été entendu ; que, s'il n'a donné des conclusions que sur la compétence, il n'a pas été empêché de conclure aussi au fond, qu'il pouvait le faire par forme subsidiaire et en concluant à toutes fins; que, s'il ne l'a pas fait, l'arrêt n'en peut recevoir aucune atteinte, ni en contracter aucun vice1. Et un autre arrêt ajoute que le refus formel de conclure ne peut exercer aucune influence sur la validité du jugement : « attendu qu'il résulte du jugement attaqué qu'il a été donné lecture des procès-verbaux ; que les prévenus ont présenté leur défense; que le ministère public a été entendu ; qu'après avoir soutenu l'existence de la contravention, il a

1 Cass, 12 mai 1820, rapp, M. Aumont. J. P., t. XV, p. 989.

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