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moment où sa déposition est requise, prend la qualité de partie civile.

Le juge peut refuser encore la continuation de l'affaire à une autre audience, si cette demande a pour objet, non de produire une preuve quelconque, mais de prendre de simples renseignements; car la loi ne reconnaît au ministère public que le droit d'apporter des preuves à l'appui de la poursuite. Un pourvoi fondé sur le refus d'accueillir une telle demande a donc été rejeté : « attendu qu'après avoir soutenu l'existence de la contravention, le ministère public a demandé le renvoi de la cause à huitaine pour obtenir de nouveaux renseignements, et que cette exception dilatoire a été rejetée; qu'en cet état de la cause, le refus fait par le ministère public de résumer l'affaire et de donner ses conclusions n'enlevait pas au tribunal le droit de statuer sur le fond, alors surtout que le ministère public n'avait pas demandé d'être admis à faire une preuve testimoniale à l'appui des procèsverbaux et rapports; qu'ainsi il a été régulièrement pro

cédé 2. »

Il peut enfin refuser la preuve qui lui est proposée lorsque sa religion est suffisamment éclairée et que la production de cette preuve lui parait superflue et frustratoire. Cette règle n'est que l'application de la disposition facultative de l'article 154. La jurisprudence toutefois n'a permis au tribunal de police de l'opposer aux demandes du ministère public qu'avec une certaine réserve. Elle a reconnu le droit du juge en rejetant le pourvoi dans une espèce où l'audition des témoins avait déjà rempli deux audiences : « attendu que le tribunal de police, après avoir entendu dans deux audiences successives tous les témoins produits par le ministère public, a déclaré que sa religion était suffisamment éclairée pour statuer sur la prévention; qu'il ne saurait avoir expressément violé les art. 408 et 415 en n'accordant pas à la partie pu

Cass. 18 aoûl 1854, rapp. M. Rives. Bull.n. 259,

2 Cass, 10 juin 1886, rapp. M, Bresson, Bull. n. 185.

blique, dans cet état des faits, le nouvel ajournement qu'elle avait demandé pour faire assigner d'autres témoins '. » Elle a reconnu le même droit dans une seconde espèce où l'inutilité d'un témoin proposé était constatée : « attendu que si le juge, pour refuser l'audition de ce témoin, s'est fondé sur ce motif manifestement erroné que permettre l'audition de ce témoin, c'était ouvrir à la partie défenderesse la faculté d'en appeler un autre, nécessiter, ainsi une nouvelle remise et arriver à une sorte de déni de justice, il est dit en même temps, dans la sentence attaquée, que le témoin annoncé à l'avance par le ministère public devait seulement déposer de ouï-dires qui ne pouvaient en rien infirmer les résultats acquis au procès ; que, par là, la sentence indique clairement que la preuve supplétive offerte eut été frustratoire, et que cette appréciation rentrait dans les appréciations du juge 2. » Enfin, le même principe a été consacré dans une troisième espèce, dans laquelle le ministère public, après avoir cité quatre témoins, dont deux seulement s'étaient présentés, demandait un renvoi pour réassigner les deux autres. Le tribunal de police refusa ce sursis : « attendu que les deux autres témoins ont été assignés lorsqu'ils étaient hors de l'arrondissement, et qu'une nouvelle assignation ne serait que des dépens frustratoires, d'autant plus qu'étant de la même compagnie, ils n'auraient pu qu'affirmer les dépositions des témoins entendus. » Le pourvoi a été rejeté : « attendu que, dans l'état des faits reconnus et déclarés, le tribunal de police, en refusant, d'après les motifs énoncés, de faire citer de nouveau, pour être entendus, les deux nouveaux témoins dont le ministère public requérait l'audition, n'a point violé l'art. 153 3.

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Mais si le juge se borne à écarter les témoins parce qu'il les suppose inutiles, sans constater cette inutilité, le jugement est cassé : « attendu qu'il est constaté que le ministère

1 Cass. 17 nov. 1849, rapp. M. Rives. Bull. n. 312. Cass, 12 janv. 1856, rapp. M. Bresson, Bull. n. 18.

Cass. 23 mars 1832, rapp. M. Chantereyne. J. P., t. XXIV, p. 888.

public ayant demandé la continuation de l'affaire à quinzaine pour faire entendre des témoins, le tribunal de police a statué au fond et renvoyé le prévenu des fins de la plainte, par le motif que la déposition orale des témoins ne pouvait différer des renseignements consignés au procès-verbal; que dès lors il n'existait aucune preuve des contraventions dénoncées'. » Le jugement doit encore être cassé s'il y a lieu de croire que le témoin proposé pouvait être utile attendu que le ministère public avait formellement requis l'ajournement de la cause à une autre audience, afin d'avoir le temps de faire assigner le garde-champêtre sur le procès-verbal duquel la poursuite a été intentée; que l'audition de ce garde était effectivement nécessaire pour savoir s'il est vrai, comme le prétendait le prévenu, que le pré où la contravention a été commise soit séparé de tous côtés par des fossés de la prairie d'Oisay, qui n'était point alors dépouillée de sa récolte; qu'en refusant donc au demandeur le délai qu'il demandait, sous le prétexte que la vérification du fait allégué était superflue, le jugement a violé les art. 408 et 413 2. »

Il est impossible de ne pas remarquer que cette jurisprudence semble tendre à attribuer à la Cour de cassation le droit d'apprécier l'utilité ou l'inutilité des preuves produites; or ce droit, qu'elle n'est pas d'ailleurs à même d'exercer régulièrement, ne saurait lui appartenir, puisqu'une telle appréciation dépend de circonstances que le juge du fond peut seul connaître et qui font partie du domaine des faits. Mais il nous paraît qu'il est facile d'en expliquer le sens. La disposition finale de l'art. 154, quoiqu'elle semble ne s'appliquer qu'aux prévenus qui demandent à débattre des procèsverbaux par des preuves contraires, s'étend à toutes les parties; car il est impossible d'admettre que la loi eût voulu assurer aux parties poursuivantes un droit qui serait dénié

1 Cass. 24 janv. 1852, rapp. M. de Glos. Bull. n. 35; 13 juin 1834, rapp. M. Isambert. J. P., t. XXVI, p. 630.

'Cass. 4 mars 1848, rapp. M. Rives. Bull. n. 56.

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au prévenu, et que celles-là puissent imposer au juge tous les moyens de preuve frustratoire qu'il leur plairait de mettre en avant, tandis que celui-ci, livré à sa discrétion, aurait besoin de sa permission pour présenter ses moyens de défense. Il n'y a done point de distinction à établir entre les parties qui demandent à faire une preuve; elles ont le même droit, elles luttent avec les mêmes armes. L'art. 153 efface d'ailleurs toute espèce de doute à cet égard, et les art. 408 et 413 placent sur la même ligne les demandes de la défense et les réquisitions de l'action publique. Mais ce qu'il faut remarquer, c'est que cette disposition de la loi n'investit point le juge d'un pouvoir absolu : « il lui est permis d'écarter les témoins inutiles lorsque les faits sont suffisamment établis et lorsque cette audition n'a plus pour effet que d'entraver le cours de la justice 1. » C'est une conséquence de la direction du débat, de la police de l'audience. Il lui appartient d'écarter toutes les entraves au jugement des affaires, de rejeter toutes les demandes incidentes qui ne se rattachent pas directement au fait de la prévention, de refuser les moyens de preuve, inutiles si la preuve est déjà faite, ou frustratoires s'il est certain qu'il ne pourrait en sortir aucune; mais il ne lui appartient pas d'apprécier à l'avance le degré de confiance que mérite telle ou telle preuve, et de la rejeter parce qu'elle ne changerait pas sa conviction; il ne lui appartient pas de se substituer aux parties et de régler l'exercice des droits qu'elles tiennent de la loi. Telle est la distinction que la jurisprudence a voulu poser; elle maintient au juge la direction du débat, mais elle maintient également aux parties le droit de proposer et de produire toutes les preuves qui peuvent être utiles aux intérêts qu'elles soutiennent. Il est vrai que quelquefois la limite entre ces deux attributions est délicate à poser; de là quelques empiétements plus ou moins apparents de la Cour de cassation dans l'appréciation des faits; mais, en matière de police, il est parfois difficile d'éviter cette appré

1 Cass. 4 août 1837, rapp. M. Isambert. Bull. n. 223.

ciation pour arriver à maintenir l'application des règles légales.

III. Au surplus, le tribunal de police soit qu'il accueille, soit qu'il rejette les demandes et conclusions du ministère public, doit nécessairement et explicitement y statuer. Telle est la disposition formelle de l'art. 408 qui frappe de nullité les jugements qui auront omis ou refusé de prononcer, soit sur une ou plusieurs demandes de l'accusé, soit sur une ou plusieurs réquisitions du ministère public, tendant à user d'une faculté ou d'un droit accordé par la loi. Ce que cet article a voulu protéger, c'est le libre exercice de la faculté ou du droit; il appartient au juge d'apprécier si les demandes sont fondées, s'il y a lieu d'obtempérer aux réquisitions; mais il est tenu de les examiner, il est tenu d'y répondre; il ne peut passer outre sans s'y arrêter et les annuler en quelque sorte par son silence. S'il les écarte, il faut qu'il le déclare et qu'il exprime les motifs de sa détermination, afin que la Cour de cassation, que les art. 408 et 413 ont chargé de sauvegarder les droits des parties, puisse examiner si ces droits ont été pleinement exercés.

Le tribunal de police doit donc, à peine de nullité, statuer soit pour les admettre, soit pour les rejeter, sur toutes les réquisitions, quelles qu'elles soient, du ministère public; il doit statuer sur la réquisition tendante à faire fixer par témoins le jour de la perpétration d'une contravention; sur la réquisition tendante à l'application des peines de la récidive 2; sur la réquisition faite en matière de voirie et ayant pour objet la destruction des travaux entrepris en contravention aux règlements, et sur chacun des chefs applicables à chacun des travaux ; enfin, sur toutes les réquisitions qui sont prises dans

'Cass. 18 oct. 1834, rapp. M. Rives. J. P., t. XXVI, p. 970.

2 Cass. 23 mai 1840, rapp. M. Rives. Bull. n. 144; 5 mai 1826, rapp. M. Gary. J. P., t. XX, p. 453.

Cass. 5 juill. 1838, rapp. M. Rives. Bull. n. 189.

* Cass, 29 août 1835, rapp. M. Rives. Bull. n. 338.

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