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gements de police qui refusent de surseoir lorsque des exceptions préjudicielles de propriété sont régulièrement opposées aux poursuites 1. »

Il était un seul point sur lequel ces deux articles semblaient avoir édicté une disposition spéciale: c'est celle qui veut que, dans le cas de renvoi à fins civiles, le jugement fixe un bref délai dans lequel la partie qui aura élevé la question préjudicielle doit saisir les juges compétents. La Cour de cassation avait d'abord jugé que ce principe, applicable dans le cas de poursuite exercées dans l'intérêt de l'État par l'administration forestière et le ministère public, et dans le cas prévu par l'art. 189 du C. for., ne devait pas être étendu à l'hypothèse où la question de propriété s'élève dans toute autre matière entre le plaignant et le prévenu : « attendu que les tribunaux se trouvant sans pouvoir pour juger les questions de propriété, ne doivent, en renvoyant les parties à fins civiles, rien préjuger sur la nature de l'action qu'elles auront à intenter, ni sur la question de savoir à qui sera imposée la charge de la preuve, et que ces parties doivent être laissées à cet égard dans la plénitude de leurs droits 2. » Mais cette jurisprudence n'a pas été maintenue, et il a été décidé « que la disposition du 3e § de l'art. 182 doit être observée, soit qu'il s'agisse de poursuites intentées à la requête du ministère public, ou à la requête d'une administration publique, ou à la requête d'un particulier 3 ; »—« et que l'obligation mise à la charge des prévenus de prouver devant les juges compétents l'exception de propriété ou de possession par eux invoquée pour repousser l'action dirigée contre eux, est conforme d'ailleurs au droit commun, qui impose à celui qui invoque une exception, l'obligation d'en faire la preuve 4. » Il suit de là

1 Cass. 12 fév. 1848, rapp. M. Isambert. Bull. n. 40; 1o mars 1849, rapp. M. de Boissieux, n. 47; 24 janv. 1852, rapp. M. Foucher, n. 34.

2 Cass. 12 août 1837, rapp. M. Mey ronnet. Bull. n. 242.

* Cass. 26 déc. 1846, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 329.

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Cass. 13 sept. 1845, rapp. M. Dehaussy. S. V. 46, 1, 149, et 10 mai 1853, rapp. M. Jallon. Bull. n. 177.

que les art. 182 du C. for. et 59 de la loi du 15 avril 1829 n'ont plus de dispositions qui soient spéciales aux matières qui en font l'objet : ce sont, selon la jurisprudence, des règles générales qui régissent toutes les matières et toutes les parties.

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I. De l'exception préjudicielle de propriété. Droit de propriété. — II.
Droits de servitude. - III. Autres droits réels.
IV. Faits de pos-
session. V. Causes qui font cesser l'exception.

I. L'exception préjudicielle de propriété s'applique à tous les actes qui ont pu être légitimement faits en vertu du droit de la propriété. Elle s'applique particulièrement à toutes les voies de fait sur des immeubles, qui, de la part des tiers, constitueraient une infraction, et, de la part du propriétaire, ne sont que l'exercice de son droit.

Il a été reconnu, en conséquence, que cette exception peut être invoquée à juste titre par les personnes qui sont prévenues: 1° d'usurpation ou d'anticipation sur la largeur d'un chemin 1; 2° d'avoir creusé ou comblé des fossés le long d'une voie publique'; 3° d'avoir enlevé des arbres sur un terrain 3; 4o de construction ou de destruction d'édifices 4; 5° d'excavations faites sur la voie publique 5; 6° d'embarras sur le sol d'une rue par suite d'un dépôt de matériaux 6; 7° de défaut

'Cass. 22 therm. an xII, rapp. M. Aumont. J. P., t. IV, p. 140; 18 janv. 1853, rapp. M. Rives. Bull. n. 249; 27 juill. 1854, rapp. M. Aug. Moreau, n. 239.

2 Cass, 7 brum, an ix, rapp. M. Chasle. J. P., t. II, p. 23.

Cass. 30 août 1810, rapp. M. Vassi. J. P., t. VIII, p. 579.

* Cass. 16 mai 1834, rapp. M. de Ricard. J. P., t. XXVI, p. 522; 14 oct. 1842, rapp. M. Rocher. Bull, n. 278.

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Cass. 20 juill. 1821, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVI, p. 785.

Cass. 1er août 1825, rapp. M. Busschop. J. P., t. XIX, p. 902; 16 avril 1886, rapp. M. Rives. Bull. n. 117; 14 août 1842 et 7 nov. 1844, rapp. M. Rives, n. 193 et 854.

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d'éclairage de ces matériaux ; 8° d'un fait de chargement en infraction à un réglement de police dans un lieu qualifié port 2; 9° de dégradations commises sur un pont 3; 10° de déplacement d'une croix plantée sur un terrain particulier 4.

Dans toutes ces hypothèses, la personne qui a commis les actes incriminés a enfreint des prohibitions portées par les lois et réglements de police; mais si elle justifie de la propriété du terrain où les actes ont été commis, il est évident qu'elle n'a fait qu'user de son droit, et que l'acte, qui a l'apparence d'une contravention, devient aussitôt légitime. Le devoir des tribunaux est donc de surseoir au jugement et d'ordonner le renvoi à fins civiles pour l'examen et l'appréciation du droit invoqué.

Il y a lieu cependant de faire à cet égard une double observation: 1o lorsque le terrain, sur lequel la voie de fait a été commise, se trouve déjà ouvert au public, assimilé à la voie publique, et à plus forte raison s'il est classé par les plans administratifs comme faisant partie d'une place ou d'une rue, l'exception de propriété n'est pas admissible, parce que, futelle fondée, elle ne dispensait pas le propriétaire, jusqu'à ce qu'elle fut reconnue, des règles de la police 5; 2° lorsqu'il s'agit d'un fait de dégradation ou d'usurpation commise sur un chemin, il faut distinguer si ce chemin est vicinal ou s'il est seulement communal : dans le premier cas, l'arrêté de classement du préfet ayant attribué définitivement au chemin, aux termes de l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836, le sol compris dans les limites qu'il détermine, il n'y a pas lieu à l'exception de propriété, puisque cette exception ne pourrait se

Cass. 26 sept. 1934, rapp. M. Rives. J. P., t. XXVI, p. 951.

2 Cass. 1er mars 1849, rapp. M. de Boissieux. Bull. n. 47.

3 Cass. 28 janv. 1853 rapp. M. de Glos. Bull. n. 36. Cass. 13 juin 1839, rapp. M. Fréteau. Bull. n. 190.

Cass. 1er juin 1843, rapp. M. Rives. Bull. n. 428; 5 fév. et 29 nov. 1844, rapp. MM. Miller et Rives, n. 36 et 386; 40 fév. 4848, rapp. M. Legagneur, n. 35; 10 sept. 1840, rapp. M. Rives, n. 256; 28 janv. 1841, rapp. M. Rives, n. 27.

résoudre qu'en une indemnité 1. Dans le 2o cas, au contraire, le classement n'ayant pas pour effet légal d'en transférer la propriété au domaine communal, il y a lieu de surseoir toutes les fois que l'exception est élevée 2.

II. L'exception préjudicielle peut être proposée, non-seulement en vertu d'un droit de propriété, mais en vertu d'un droit de servitude, d'un droit d'usage et de tout autre droit réel. L'art. 182 du C. for. et l'art. 59 de la loi du 15 avril 1829 ont formellement consacré cette règle.

En matière de servitude, c'est le droit de passage qui a fondé principalement l'exception. Il n'est pas douteux que lorsqu'un prévenu invoque un droit de passage, la poursuite doit être suspendue jusqu'à la décision des juges civils 3. Ce point a été reconnu en dernier lieu par un arrêt portant: << qu'aux termes de l'art. 182 C. for., lorsqu'une question préjudicielle de propriété ou de droit réel est présentée comme moyen de défense devant le juge de répression, il n'appartient pas à ce juge de statuer, par des considérations de fait ou de droit, sur le mérite de cette question, mais que ce juge doit se contenter, en se réservant le jugement de l'action principale, de renvoyer devant l'autorité compétente pour statuer sur l'exception; que néanmoins le juge de police a relaxé le prévenu de la poursuite ou contravention de passage illicite sur la propriété d'autrui chargée de récoltes, sous le prétexte que l'inculpé, argumentant d'un droit légal de passage sur cette propriété, avait pu agir comme il l'avait fait ; qu'en décidant ainsi, le juge a commis un excès de pouvoir et violé

1 Cass. 4 août 1836, rapp. M. Rives. Bull. n. 258; 29 déc. 1837, rapp. M. Rives, n. 446; 28 mai 1844, rapp. M. Isambert, n. 159.

*Cass. 12 avril 1842, rapp. M. Rives. Bull. n. 88; mars 1844, rapp. M. Rives, n. 89; 1er mars 1849, rapp. M. de Boissieux, n. 47; 28 janv. 4853, rapp. M. de Glos, n. 36; 19 avril 1855, rapp. M. Nouguier, n. 132.

3 Cass. 2 therm. an 11, rapp. M. Schwendt. J. P., t. III, p. 376; 4 brum. an xш, rapp. M. Borel, t. IV, p. 219; 20 prair. an xu, rapp. M. Babille, t. III, p. 588; 12 juin 1807, rapp. M. Delacoste, t. VI, p. 140; 21 fév. 1811, rapp. M. Favard, t. I, 254.

l'art. 182 du C. for. . 1. Il y a lieu toutefois de faire une observation l'art. 691 du C. civ. porte que « les servitudes continues non apparentes et les servitudes discontinues apparentes ou non apparentes, ne peuvent s'établir que par que par titres.»> Il suit de là que si le prévenu n'excipe d'un droit de passage qu'en prétendant l'avoir acquis par prescription, il n'y aurait pas lieu à sursis, car il n'y aurait pas d'exception préjudicielle'. Il en serait de même si, pour recouvrer le passage qu'il reven dique, le prévenu avait comblé un fossé ou détruit des ouvrages ordonnés par une administration publique: il peut dans. ce cas s'adresser à l'autorité compétente pour réclamer la conservation de son droit; mais il ne peut rétablir par voie de fait le passage auquel il prétend. Il n'y a donc pas lieu de surseoir 3.

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Lorsque le droit de passage est réclamé en vertu de l'article 692 du C. civ., parce que le propriétaire dont le fond est enclavé se trouve dans la nécessité de traverser les fonds voisins, il ne suffit pas d'invoquer le fait de cette nécessité; c'est au juge civil à le constater et à en régler les conséquences. La Cour de cassation a jugé que l'exception résultant de l'art. 682, invoqué par les inculpés devant le juge de police, constituait une question préjudicielle relative à un droit de servitude sur les fonds d'autrui ; que, par conséquent, la connaissance n'en appartenait pas à la juridiction du tribunal de simple police, mais était du ressort des tribunaux civils, d'où il suit que le juge de police devait renvoyer les parties à faire jnger cette question préjudicielle par un juge compétent avant de statuer sur la contravention dont il s'agit 4. »

Mais lorsque le passage se fonde sur l'art. 41, tit. II de la loi des 28 sept.-6 octobre 1791, qui autorise les personnes qui passent sur un chemin à se faire un passage sur les pro

1 Cass. 24 janv. 1852, rapp. M. Foucher. Bull. n. 34.

2 Cass. 4 sept. 1842, rapp. M. Audier-Massillon. J. P., t. X, p. 740. Cass. 27 nov. 1823, rapp. M. Chantereyne. J. P., t. XVIII, p. 234. • Cass. 24 juin 1887, rapp. M. Dehaussy. Bull. n. 187.

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