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été précédée d'un martelage et d'un balivage où l'objet de l'exploitation et les droits de l'acheteur ont été ainsi fixés d'une manière précise, la coupe des arbres marqués antérieurement à l'adjudication ou celle d'arbres placés hors la surface dans laquelle elle a été circonscrite, présente par elle-même le fait d'un délit indépendant de toute contestation civile, dont le jugement ne dépend que de la preuve matérielle qui en est produite, et dès lors est évidemment soumise à la juridiction correctionnelle, il ne peut en être de même vis-à-vis de l'adjudicaire de la coupe d'une surface quelconque de bois qui doit être abattu dans le cours de plusieurs années d'après le martelage et le balivage qui en sont postérieurement faits en vertu des clauses d'un contrat qui, renfermant des conventions et des clauses réciproques, peut donner lieu à des doutes et à des différends sur son exécution; que, lorsqu'il y a contestation sur le mode ou sur l'étendue de la jouissance qu'a pu exercer l'adjudicataire sur les droits qu'il prétend fait dériver de son bail, les délits dont il peut être accusé dépendent essentiellement alors de la question préjudicielle si les faits sur lesquels la plainte est fondée étaient ou n'étaient pas légitimes, d'après les clauses et les conventions du bail; que cette question préjudicielle, qui a pour objet l'interprétation d'un contrat et la fixation des obligations et des droits qui peuvent en résulter, est essentiellement civile et est conséquemment hors du domaine des tribunaux criminels 1. »

Mais cette doctrine n'était point en harmonie avec le principe, introduit depuis dans la jurisprudence, qui attribue aux juridictions répressives le droit d'interpréter les actes et les contrats, quand les délits et les contraventions dépendent de cette interprétation. Il semblait donc que la solution qui précède ne devait point être suivie. Cependant il n'en a point été ainsi, et nous en trouvons la raison dans les notes du président Barris: « Néanmoins, dit ce magistrat, après avoir posé la règle

Cass. 2 mess. an x1, rapp. M. Lamarque. J. P., t. IV, p. 615; 10 janv. 1806, rapp. M. Vermeil, t. V, p. 128.

qui vient d'être rappelée, comme dans les matières forestières, nous avons jugé, depuis l'arrêt du 2 messidor an XIII, que l'adjudicataire qui prétendait devant le tribunal correctionnel, avoir eu le droit, d'après le cahier des charges, de faire ce que l'administration soutenait avoir été fait par lui en délit, devait être renvoyé devant les tribunaux civils, pour qu'il y fut statué sur le sens et les obligations du cahier des charges, et qu'une jurisprudence contraire ne peut être convenablement de suite adoptée, il a été arrêté qu'on ne casserait point les jugements rendus par les tribunaux ordinaires en matière forestière, lorsqu'ils auraient renvoyé les parties devant la juridiction civile, pour y faire prononcer sur l'interprétation du cahier des charges ou d'autres actes qui auraient servi de base à la défense du prévenu. »

Il est impossible de ne pas manifester quelque étonnement de cette solution. Comment l'auteur éminent de cette note, dont l'autorité, il faut le répéter, n'est d'ailleurs que purement doctrinale et n'a jamais enchaîné la Cour, a-t-il pu soutenir que l'interprétation des baux ou adjudications de coupes de bois doit être renvoyée aux juges civils, quand il établissait, en thèse générale, que l'interprétation de tous les baux appartient au juge répressif? Si ce juge est compétent pour rechercher le sens de tous les actes et contrats, quand les contraventions ou délits en dépendent, comment expliquer une exception à l'égard d'une classe de contrats? On allègue, il est vrai, l'existence dans cette hypothèse spéciale d'une jurisprudence qui déjà remontait à quelques années. Mais cette jurisprudence n'existait-elle pas également à l'égard des fermiers qui excipaient des clauses de leurs baux, et la Cour ne l'a-t-elle pas réformée? Et puis, lorsqu'une doctrine est reconnue erronée, son ancienneté est-elle une sauvegarde qui doive la protéger? Les règles du droit laissent toute leur puissance dans ces perpétuelles transactions qui ne font que les énerver en faisant douter de leur vérité.

Au surplus, si le moyen de défense du prévenu n'exige pas l'examen des clauses du cahier des charges, s'il n'est pas né

cessaire de l'interpréter pour l'apprécier, il n'y a plus de question préjudicielle. Ainsi, lorsqu'il s'agit soit d'arbres coupés, soit de fouilles faites en dehors des limites indiquées par le cahier des charges ou le procès-verbal de reconnaissance des lieux, l'appréciation du fait peut avoir lieu sans qu'il soit besoin d'interpréter ces actes et d'en rechercher le sens; il n'y a donc plus lieu de surseoir '.

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I. Conditions nécessaires à l'admissibilité de l'exception. - II. Il fau un droit de propriété ou autre droit susceptible d'être exercé. III. Que ce droit soit de nature à ôter au fait tout caractère de contravention. — IV. Qu'aucune voie de fait n'ait été exercée pour le faire valoir. V. Qu'il s'appuie sur un titre apparent ou sur des faits de possession équivalents. VI. Que ce titre ou ces faits soient personnels au prévenu. VII. Qu'ils soient articulés avec précision.

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I. L'exception, pour qu'elle puisse être accueillie, doit réunir plusieurs conditions qui sont textuellement énoncées dans les art. 182 du C. for. et 59 de la loi du 15 avril 1829.

Il faut, 1° qu'elle soit fondée sur un droit de propriété ou autre droit réel actuellement existant; 2° que ce droit soit de nature à ôter au fait qui sert de base aux poursuites tout caractère de délit ou de contravention; 3° qu'aucune voie de fait n'ait été exercée pour le faire valoir; 4° qu'il soit appuyé sur un titre apparent ou sur des faits de possession équivalents; que ce titre ou ces faits soient personnels au prévenu; 6° enfin que l'articulation en soit faite avec précision.

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Il est nécessaire d'expliquer chacune de ces conditions.

II. Il faut, en premier lieu, que le droit invoqué et contesté soit vivant, immédiatement applicable et libre de toute condition. S'il était, en effet, ou éteint, ou suspendu, ou su

1 Cass. 25 janv., et 2 nov. 1810, rapp. M. Favard de Langlade et Rataud. J. P., t. VIII, p. 60 et 629; 24 avril 1847, rapp. M. Fréteau, Bull, n. 84.

bordonné à quelque condition, il ne pourrait légitimer le fait ; ce fait conserverait donc son caractère de contravention. De nombreux exemples viennent démontrer la vérité de cette proposition.

S'il s'agit d'élever une question de propriété ou de possession, et que cette question soit décidée par un jugement ayant force de chose jugée, il est clair, d'abord, qu'il n'y a pas lieu de s'arrêter à l'exception, et qu'il faut statuer immédiatemeut au fond'.

Si c'est un propriétaire qui a furtivement enlevé la récolte de son fermier, la question de propriété qu'il prétendrait soutenir ne serait pas fondée, car il a aliéné, par le bail, son droit de jouissance de la récolte, il n'est plus apte à la revendiquer '.

La question de propriété ne peut être élevée pour soustraire à l'action des réglements de police un terrain ouvert au public et assimilé à la voie publique du consentement du propriétaire. En effet, lorsqu'un terrain est livré à la circulation publique, il est nécessairement soumis aux mesures de police applicables à toute voie publique, et l'autorité municipale a le droit de faire les réglements propres à y assurer la commodité et la sûreté du passage ainsi que la salubrité publique. L'exception de propriété n'est donc pas recevable, puisque le droit exclusif du propriétaire n'existe plus '.

Elle ne peut être élevée lorsque la question porte, non sur le droit lui-même, mais sur le mode d'exercice de ce droit. C'est ce qui a été reconnu par un arrêt portant : « qu'aux termes de l'art. 182, le sursis ou le renvoi à fins civiles ne peut être prononcé que lorsque le droit de propriété ou de jouissance proposé comme exception préjudicielle par le prévenu, est contesté; que, dans l'espèce, l'administration des

1 Cass. 48 juin (807, rapp. M. Minier. J. P., t. VI, p. 457.

Cass. 27 mars 4827, rapp. M. Lamarque. J. P., t. V, p. 763. Cass. 4 juin 4843, rapp. M. Rives. Bull, n. 129; et Ch. Req. 5 fér. 1844, rapp. M. Miller, n. 36,

forêts ne conteste aux prévenus ni la propriété, ni la jouissance de la dune; qu'elle soutenait seulement que cette jouissance était soumise aux conditions établies par un acte de l'autorité publique, que les prévenus repoussaient comme n'ayant pas été revêtu des solennités nécessaires pour le rendre obligatoire; qu'en cet état, l'arrêt attaqué devait statuer sur l'exception qui ne rentrait pas dans les cas prévus par l'art. 182, et, qu'en renvoyant à fins civiles, il a expressément violé cet article. » Ici, il n'y avait pas de droit contesté; il ne pouvait donc y avoir lieu à renvoi pour en faire la preuve.

Elle ne peut être élevée soit dans les cas de poursuite pour usurpation sur les chemins vicinaux, soit dans les cas de contravention en matière d'alignement sur et joignant la voie publique, lorsque, cette voie a été comprise dans un plan d'alignement régulièrement approuvé 3, parce que, d'une part, l'art. 15 de la loi du 21 mai 1836 attribue au classement d'un chemin parmi les voies vicinales l'effet de lui donner définitivement le sol compris dans ses limites, et que, d'une autre part, l'art. 22 de la loi du 16 sept. 1807 attribue virtuellement à la petite voirie le sol de toutes les voies communales que le plan approuvé en conseil d'Etat déclare être actuellement ouvertes et publiques. Dans l'un et l'autre cas, le droit des riverains se résout en une indemnité et ne peut dès lors motiver un sursis.

Elle ne peut être élevée encore toutes les fois que le droit de propriété ne donne pas comme une conséquence directe celui de faire les actes prohibés par les réglements, par exemple, de toucher aux pavés d'une rue pour réparer un aqueduc souterrain 4, de conserver dans une cour un fumier qui répand

* Cass. 1er juill, 1836 Ch. réun., rapp. M. Brière. Bull. n. 214.

* Cass. 4 août 1836, rapp. M. Rives. Bull. n. 258, et arrêts dans le même sens cités suprà.

Cass. 10 sept. 1840, rapp. M. Rives. Bull, n. 256; 28 janv. 1841, rapp. M. Rives, n. 27.

* Cass, 27 juin 1828, rapp. M, Aumont, J, P., t, XVII, p. 1216.

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