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des exhalaisons insalubres, de garder des lieux d'aisance versant des immondices dans un canal 2, ou de curer des fossés quand ce curage est nuisible à la santé publique 5.

Dans toutes ces hypothèses, ou le droit de propriété n'existe pas, ou il n'est pas mis en question. Il n'y a donc pas lieu d'élever une exception qui n'a pour objet que d'en faire la preuve, et le tribunal de police doit l'écarter.

III. Il ne suffit pas que l'exception soit fondée sur un droit. Il faut que ce droit soit de nature, s'il est prouvé, à ôter au fait qui sert de base aux poursuites tout caractère de délit ou de contravention. Telle est la teneur précise de l'art. 182 du C. for. et de l'art. 39 de la loi du 15 avril 1829, et c'est là une règle nécessaire de la matière.

En effet, si le droit invoqué par le prévenu ne lui a pas permis de commettre l'acte incriminé, s'il ne peut pas dire je l'ai fait mais j'avais le droit de le faire, quel serait l'objet de l'exception? En admettant qu'elle soit prouvée, qu'en résulterait-il? Le caractère repréhensible du fait ne serait pas effacé; la contravention subsisterait encore à côté du droit allégué ; le prévenu, reconnu propriétaire du terrain où cette contravention a été commise, n'en serait pas moins responsable; la procédure faite sur l'exception serait et inutile et frustratoire. Il faut donc nécessairement, pour que cette exception soit admise, qu'elle fasse disparaître entièrement le délit ou la contravention. Si cette condition n'est pas remplie, le juge doit la repousser et passer outre.

Cette règle a été consacrée dans des espèces si nombreuses qu'il serait impossible et en même temps superflu de les rapporter d'une manière complète. Nous nous bornerons à en citer quelques-unes qui feront connaître très exactement l'esprit de la jurisprudence.

Des individus sont surpris coupant du bois dans un taillis.

1 Cass. 6 fév. 1823, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVII, p. 874. Cass. 22 oct. 1829, rapp. M. Ollivier. J. P., t. XXII, p. 4495. 3 Cass. 11 fév. 4830, rapp. M. Ricard. J. P., t. XXIII, p. 458.

Cités en justice, ils prétendent que ce taillis est une propriété communale, et que comme habitants de la commune ils avaient le droit d'en user. Ce droit, fut-il fondé, n'aurait pu être exercé qu'avec une autorisation et la désignation préalable d'un canton. Le jugement qui avait accueilli l'exception a donc été cassé attendu que le renvoi d'une affaire par le tribunal criminel au tribunal civil ne devient nécessaire et n'est autorisé, malgré la propriété invoquée ou contestée, que quand il doit résulter de la décision de cette question alors préjudicielle, l'existence ou la non existence du délit imputé au prévenu, de telle sorte qu'après le jugement rendu par le tribunal civil, il put, dans un cas donné, venir dire à la justice feci, sed jure feci 1. »

Un procès-verbal constatait qu'un des riverains d'un cours d'eau en avait détourné les eaux pour en arroser son terrain, un jour autre que celui assigné à cet arrosement par un arrêté préfectoral. La Cour de cassation, saisie du pourvoi contre un jugement qui avait admis l'exception de propriété, a déclaré « que l'exception préjudicielle de propriété ne peut faire surseoir à prononcer la peine requise contre le prévenu que lorsque le titre produit ou les faits articulés sont de nature, dans le cas où ils seraient reconnus par l'autorité compétente, à ôter au fait de la prévention tout caractère de contravention ou de délit; que le sursis demandé ne devait donc pas être accordé, dans l'espèce, puisque le prétendu droit de propriété allégué n'empêcherait pas que l'action du ministère public ne fût fondée, lors même qu'il serait certain, par la raison que le procès-verbal constate que le prévenu a détourné les eaux un jour autre

Cass. 4 mess. an xi, rapp. M. Carnot. J. P., t. III, p. 336; et Conf. 15 avril 1808, rapp. M. Babille, t. VI, p. 634; 7 avril 1809, rapp. M. Guien, t. VII, p. 482; 18 fév. 1820, rapp. M. Aumont, t. XV, p. 782; 12 avril 1822, rapp. M. Chantereyne, t. XVII, p. 256; 22 juin 1826, rapp. M. Chantereyne, t. XX, p. 602; 21 nov. 1833, rapp. M. de Ricard, t. XXV, p. 859; 6 juin 1884, rapp. M. de Ricard, t. XXVI, p. 605; 7 fév. 1835, rapp. M. de Crouseilhes, t. XXVI, p. 1362.

que celui où il lui était permis de s'en servir à cet usage. »>

Des usagers étaient prévenus d'avoir usé de leur droit d'une manière contraire aux règles établies par le Code forestier, et par exemple d'avoir introduit des bestiaux dans des bois non déclarés défensables, ou de les y avoir fait conduire à garde séparée, ou d'y avoir introduit des moutons ou des chèvres. L'exception qu'ils ont élevée a dù être écartée : « attendu que, quand bien même la commune aurait réellement dans les bois dont il s'agit les droits d'usage qu'elle prétend y posséder, il n'y aurait pas moins, dans les faits établis par le procès-verbal et non contredits par l'arrêt, violation de plusieurs des règles imposées aux communes usagères . »

Un individu prévenu d'avoir enlevé des produits du sol forestier sans autorisation, ne peut également exciper de son droit d'usage, « attendu que le titre d'usager ne dispensait en aucun cas de la nécessité d'obtenir préalablement l'autorisation exigée par l'art. 169 de l'ord. du 1er août 1827 3. » Il en serait de même à l'égard de celui qui aurait enlevé des pierres sur un chemin public: «< attendu que l'art. 479 n. 12 du C. pén. n'admet aucune excuse tirée de ce que celui qui aurait enlevé les pierres prétendrait en être propriétaire; que dans aucun cas on ne peut enlever les pierres d'un chemin sans y avoir été autorisé *. »

Une poursuite motivée par l'établissement d'une baraque dans l'intérieur d'une forêt avait donné lieu à une exception fondée sur une longue possession. Le jugement qui avait admis cette exception a été cassé : « attendu qu'il résulte des dispositions de l'art. 182 qu'il n'y a lieu à renvoi à fins civiles que quand l'exception préjudicielle présentée par le prévenu est fondée, soit sur un titre apparent, soit sur des faits

Cass. 6 déc. 1833, rapp. M. Rives. J. P., t. XXV, p. 1037.

Cass. 5 mai 1837, rapp. M. Fréteau. Bull., n. 144; et Conf. 18 fév. 1820, Sir. 20, 230; 12 avril 1822; Sir. 22, 368; 10 sept. 1824, Sir. 25, 65; 22 juin 1826, Sir. 27, 62; 6 juin 1831, Sir. 34, 683; 7 fév. 1835, Dall. 35, 180. 3 Cass. 28 mars 1839, rapp. M. Fréteau. Bull. n. 104.

Cass. 24 juin 1842, rapp, M. Brière. Bull. n. 160.

de possession équivalents, et dans le cas où le titre produit ou les faits articulés seraient de nature à ôter au fait incriminé tout caractère de délit ou de contravention; qu'il résulte des dispositions de l'art. 152 du C. for. qu'il ne pourra être établi sans l'autorisation du gouvernement, sous quelque prétexte que ce soit, aucune baraque ou hangar dans l'enceinte des bois et forêts, sous peine de 50 fr. d'amende et de la démolition dans les trois jours du jugement qui l'aura ordonnée, que ces dispositions sont des mesures d'ordre public et de police prises dans l'intérêt de la conservation des forêts; que dès lors il est impossible d'acquérir aucun droit contraire à la prohibition énoncée dans cet article, soit par la prescription, soit même par un litre'. »

Enfin, en matière de saillie et d'entreprises sur la voie publique, la question de propriété n'a également aucun intérêt, « attendu que la surveillance de la police et l'autorité de ses réglements s'étendent à tous les lieux destinés à l'usage du public; que cette distinction doit seule être consultée indépendamment de la propriété du sol ; que la rue (dans laquelle la contravention avait été commise) a le caractère de voie publique ; qu'il n'y a lieu à surseoir sur l'exception de propriété qu'autant que l'attribution de propriété ôterait au fait poursuivi tout caractère de délit ou de contravention ". »

Il serait sans objet de multiplier ces citations. Il en résulte que, toutes les fois que la cause de la poursuite est étrangère au droit invoqué, toutes les fois qu'elle continue à subsister à côté du droit et en le supposant fondé, l'exception ne` doit pas être accueillie, non parce qu'elle ne serait pas établie, mais parce qu'elle serait inutile.

IV. Il faut, en troisième lieu, qu'aucune voie de fait, aucun trouble ne se soit produit en vertu du droit invoqué; car,

Cass. 9 sept. 1847, rapp. M. Fréteau. Bull. n. 213.

* Cass. 4 juill. 1851, rapp. M. de Boissieux. Bull. a. 265; et Conf. 19 mars 1835, rapp. M. Rives. J. P., t, XXVI, p. 1528; 25 sept. 1847, rapp. M. Rives. Bull, n. 239.

si la preuve de ce droit est inutile quand elle n'ôte pas au fait imputé son caractère de délit ou de contravention, cette preuve doit, par parité de raison, être écartée quand elle laisserait subsister le trouble ou la voie de fait.

Ainsi, les usagers qui, nonobstant une délimitation faite par l'autorité compétente et contre laquelle ils ont réclamé, ont commis un délit de pâturage sur un terrain que cette délimitation enlève à leurs droits d'usage, ne peuvent proposer d'exception préjudicielle à cet égard 1. Ainsi, lorsque, postérieurement à une instance civile engagée, l'une des parties fait une coupe de bois dans une forêt contestée, elle ne peut élever l'exception, parce que l'instance pendante, loin de légitimer ce fait, en aggrave le caractère . Ainsi, les habitants d'une commune qui coupent et dévastent des bruyères dans une lande affermée par la commune, ne peuvent exciper de leur droit de propriété : « attendu que, si les prévenus avaient des droits de propriété à exercer sur les landes de leur commune, leur devoir était de s'adresser à l'autorité compétente et d'y réclamer la conservation de leurs droits; mais que leurs prétentions, fussent-elles fondées, ne pouvaient, dans aucun cas, légitimer des entreprises attentatoires au respect dû à l'autorité publique et aux actes émanés d'elle ; que cette manière illégale de se rendre eux-mêmes, à force ouverte et dans un esprit de rébellion, une justice qu'ils devaient attendre des organes de la loi, constitue un véritable délit, et qu'il ne pouvait y avoir lieu à la question préjudicielle que dans le cas où l'existence des droits réclamés par les prévenus étant reconnue en justice, aurait fait disparaître toute idée de délit. » Ainsi, dans une espèce où les habitants d'une commune avaient détruit des fossés qu'ils croyaient tracés au mépris de leurs droits, il a encore été jugé « que, quelles

1 Cass. 1er mai 1830, rapp. M. de Ricard. J. P., t. XXIII, p. 434. Cass. 28 août 1823, rapp. M. Chantereyne. J. P., t. XVIII, p. 154. *Cass. 5 déc. 1823, rapp. M. Chantereyne. J. P., t. XVIII, p. 252, et Conf. 6 mai 1826, rapp. M. Ollivier, t. XX, p. 458; 8 mai 1834, rapp. M. de Ricard, t, XXVI, p. 462,

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