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que fussent les décisions rendues ou à rendre soit par le tribunal civil, soit par le préfet, la voie de fait est toujours punissable; que dès lors il ne pouvait y avoir lieu à surseoir à faire droit sur la prévention jusqu'à ce que les autorités administrative ou judiciaire eussent statué sur les réclamations portées devant elles 1. >>

V. Il faut, en quatrième lieu, que le droit soit fondé sur un titre apparent, et sur des faits de possession équivalents. Cette règle, écrite dans l'art. 182 du C. for. et dans l'art. 59 de la loi du 15 avril 1829, s'explique aisément. L'exception, si elle est admise, a pour effet de suspendre l'action, de surseoir au jugement. Or, pour obtenir ce sursis, pour interrompre la procédure, n'est-il pas nécessaire que le prévenu établisse, non que son exception est fondée, mais qu'elle est sérieuse? N'estil pas nécessaire qu'il démontre qu'elle aura pour résultat, non d'apporter une vaine entrave à la poursuite, mais de revendiquer un droit légitime? De là l'obligation pour la partie d'énoncer les titres ou les faits sur lesquels sa réclamation s'appuie.

Ainsi, il n'y a pas lieu d'admettre l'exception, lorsqu'il n'est pas établi que les prévenus aient présenté un titre de propriété ou allégué des faits de possession, ou lorsque le prévenu n'a fait qu'alléguer que les faits incriminés avaient eu lieu sur son terrain 5.

Mais il y a lieu de l'admettre, lorsqu'il est établi qu'à l'appui de la question préjudicielle de propriété, le prévenu a produit des titres qui sont de nature à la faire accueillir, bien qu'il ne soit pas constaté que ces titres fussent apparents attendu que cette qualification, dans l'art. 182, a

'Cass. 31 oct. 1828, rapp. M. Ollivier. J, P., t. XXII, p. 316, et Conf. cass, 17 fév. 1854, rapp. M. Rives. Bull. n. 42; 5 juin 1856, rapp. M. Foucher, n. 204.

Cass. 2 juin 1836, rapp. M. Fréteau. Bull, n. 472; 23 juill. 1836, rapp. M. Rives, n. 249.

* Cass. 18 déc. 1840, rapp. M. Rives. Bull, n. 355; 5 juin 1856, rapp. M. Foucher, n. 204.

pour objet, non d'ajouter une condition plus rigoureuse à l'obligation de présenter un titre de propriété, mais d'exprimer qu'il suffit que le titre produit rende le droit de propriété du prévenu apparent et vraisemblable, sans qu'il soit absolument nécessaire qu'il aille jusqu'à l'établir complétement 1. >>

Quelle est l'autorité qui doit faire cette appréciation? Le tribunal saisi de la poursuite, car, puisqu'on lui demande un sursis, il lui appartient d'examiner s'il doit l'ordonner, et, par conséquent, si les conditions de ce sursis existent. Il a été décidé, dans ce sens : « que, si les tribunaux civils sont seuls compétents pour prononcer définitivement sur la validité et la force des titres, les tribunaux, saisis de la plainte, ont caractère pour statuer sur la présomption qui peut en résulter relativement aux faits de cette plainte, et accorder ou refuser, d'après cette appréciation, le sursis et le renvoi demandés . »

Il appartient donc au tribunal de police de déclarer « que les fins préjudicielles proposées par le demandeur ne devaient pas faire surseoir à prononcer au fond, parce qu'elles ne paraissaient mises en avant que pour retarder le jugement 3, » — ou « qu'une exception est vaguement ou dilatoirement proposée ; » ou « que l'acte invoqué par le demandeur à l'appui de l'exception n'étant qu'un acte de réserve ou d'aménagement, ne pouvait ôter au fait incriminé tout caractère de délit ou de contravention ou « que le demandeur a été dépossédé par des jugements passés en force de chose jugée 6. »

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Mais s'il a l'appréciation sommaire des titres produits et des

Cass. 25 janv. 1855, rapp. M. Legagneur. Bull. n. 20; 4 fév. 1853, rapp. M. Jacquinot, n. 48.

* Cass. 23 avril 1824, rapp. M. Chantereyne. J. P., t. XVIII, p. 648.

3 Cass. 12 fév. 1880, rapp. M. de Ricard. J. P.. t. XXIII, p. 162.

Cass. 19 mars 1835, rapp. M. Rives. Bull. n. 100.

Cass. 5 juill. 1844, rapp. M. Fréteau. J. P., t. XVI, p. 230.

Cass. 5 nov. 1852, rapp. M. Mater. Bull. n. 299.

faits allégués, au point de vue de l'admission du sursis, il ne peut ouvrir lui-même une enquête sur l'exception, et, par exemple, ordonner une visite de lieux à l'effet de vérifier si elle est fondée. La Cour de cassation a dû réformer une telle procédure : « attendu que la règle du renvoi à fins civiles de l'exception préjudicielle de propriété avec sursis au jugement du délit, ne tient pas seulement à la foi due au procès-verbal sur les constatations relatives à la propriété du sol où a été commis le fait incriminé; qu'elle est essentiellement et avant tout le corollaire d'un principe de compétence qui interdit aux tribunaux de répression de connaître des questions de propriété immobilière; qu'il ne peut donc dépendre de cette. juridiction, sous prétexte de l'insuffisance des preuves actuelles de la propriété, d'en rechercher de nouvelles, de se livrer dans ce but à une nouvelle instruction, d'en débattre et d'en apprécier les résultats, ce qui la rendrait en définitive juge, en ce qui a trait au délit, de cette question de propriété 1. »

Si le juge saisi de la plainte rejette l'exception préjudicielle, bien qu'elle soit appuyée sur des titres réels ou appa- · rents ou sur des faits de possession équivalents, ou l'admet, lorsque ni ces titres ni ces faits ne sont produits ou allégués, cette décision est-elle susceptible d'être annulée? Ce qui nous fait poser cette question, c'est qu'un arrêt a rejeté un pourvoi fondé sur une telle violation de la loi : « attendu que le jugement attaqué a considéré comme pertinentes et admissibles les articulations du prévenu sur les faits possessoires, base de l'exception préjudicielle proposée et de la demande en sursis qui en était la conséquence; que ses constatations et son appréciation à cet égard sont souverains et échappent au contrôle de la Cour . » Mais, dans l'espèce de cet arrêt, les déclarations étaient motivées en fait, et il n'était pas permis à la Cour d'en vérifier les éléments. Il n'en serait pas

de

1 Cass. 12 mars 1853, rapp. M. Legagneur. Bull., n. 92; 29 juill. 1853,

rapp. M. Aug. Moreau, n. 373.

Cass. 5 janv. 1855, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 5.

même si les bases de la décision étant constatées par le jugement laissaient la faculté de relever la violation de la loi. Il s'agit d'un principe de compétence qui ne saurait être abandonné à la discrétion des tribunaux correctionnels et de police'.

VI. Il faut, en cinquième lieu, que le droit, qui fonde l'exception, soit personnel au prévenu. L'art. 182 du C. pr. énonce formellement cette condition, et nous avons déjà remarqué que l'art. 59 de la loi du 15 avril 1829, s'écartant en ce point de l'art. 182, ne l'a pas reproduite. Il ne faut pas induire de là que la loi ne l'aurait pas jugée nécessaire; il faut conclure seulement qu'il est quelques cas où l'exception personnelle à un tiers peut effacer la contravention.

En thèse générale, le prévenu ne peut invoquer qu'un droit qui lui soit personnel, car un droit personnel peut seul ôter au fait qu'il a commis le caractère d'une contravention; qu'importe la question de propriété, si cette question n'a aucune influence sur la prévention? qu'importe si la forêt appartient à l'Etat ou à des particuliers, lorsque le délit est une introduction de chèvres2, ou si le terrain où des pierres ont été enlevées est ou non domanial 3?

Mais il y a des cas ou le prévenu peut avoir intérêt à invoquer la propriété d'un tiers: 1° Lorsqu'il a agi par les ordres du propriétaire, il est évident que le droit de celui-ci peut effacer la contravention, et nous avons vu que si, dans ce cas, il ne peut faire la preuve de ce droit, il peut demander la mise en cause de ce tiers 4.

2o Lorsqu'il conteste le droit de propriété du plaignant, c'est-à-dire, son défaut d'intérêt. Mais, à vrai dire, dans cette hypothèse, il s'agit moins d'une question préjudicielle

1 Cass. 12 fév. 1848, rapp. M. Isambert. Bull. n. 40; 12 janv. 1856, rapp. M. Bresson, n. 19; 31 mai 1844, rapp. M. Romiguières, n. 188.

Cass. 16 oct. 1807, rapp. M. Dutocq. J. P., t. VI, p. 320.

3 Cass. 30 oct. 1807, rapp. M. Rataud. J. P., t. VI, p. 334.

4 Voy. supra, p. 352 et suiv., et Cass, 29 déc. 1843, rapp. M. Isambert, Bull, n. 334.

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que d'une fin de non recevoir fondée sur ce que la partie civile n'aurait pas qualité pour porter plainte. Toutefois, pour faire admettre cette fin de non recevoir, il peut être nécessaire de faire la preuve que le terrain est la propriété d'un tiers.

30 Lorsqu'il excipe d'un droit de propriété ou d'usage appartenant à la commune dont il est habitant. Cette exception avait, avant la loi du 18 juillet 1837, suscité quelques embarras dans la jurisprudence. On était arrivé à distinguer entre le cas où le droit de la commune était reconnu et le cas où ce droit était contesté. Dans la première hypothèse, chaque habitant était recevable à proposer la question préjudicielle; dans la seconde, au contraire, la question ne pouvait être utilement relevée, puisqu'il s'agissait de poursuivre une action qui ne pouvait l'être que par le maire 2. Cette jurisprudence se trouve partiellement modifiée par l'art. 49 de la loi du 18 juillet 1837, qui attribue à tout contribuable inscrit au rôle de la commune le droit d'exercer à ses frais et risques, avec l'autorisation du conseil de préfecture, les actions qu'il croirait appartenir à la commune et que la commune aurait refusé ou négligé d'exercer. Toutefois, il n'y a pas lieu de penser que cette faculté nouvelle des habitants de la commune puisse fonder souvent de leur part une question préjudicielle, puisque le droit qu'ils invoqueraient, fut-il reconnu fondé, ne couvrirait point les actes isolés et personnels qui donnent lieu aux poursuites. C'est dans ce sens qu'il a été fréquemment jugé : « qu'il ressort du rapprochement des art. 159, 103, 112 et 81 du C. for., que la jouissance des bois appartenant aux communes, de même que l'exercice de

* Cass. 28 août 1823, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVIII, p. 450; 18 juin 1830, rapp. M. Dupaty, t. XXIII, p. 600. Conf. Leseyllier, n. 1472; contr. Mangin, act. pub., n. 214.

2 Cass. 7 avril 1809. Bull. 141; 9 juill. 1809. Bull. 284; 22 juill. 1819. S. 19, 383; 16 août 1822. S. 23, 129. Bull. n. 110; 20 mars 1823. S. 23, 243; 28 août 1823. Bull. 358; 22 avril 1824. S. 24, 324; 6 mai 1826. S. 27, 158; 3 août 1827. J. P., t. XXI, p. 700; 5 juill. 1828, rapp. M. Mangin, J. P., t. XXII, p. 34 ; 7 fév. 1835, rapp, M. de Crouseilhes. Bull. n. 52,

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