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leurs droits d'usage sont soumis à des règles spéciales exclusives de tout acte isolé de la part des habitants, ayant pour objet l'attribution qu'ils se feraient à eux-mêmes de la part qui leur est personnelle; que dès lors la propriété de la forêt, dans laquelle ont eu lieu la coupe et l'enlèvement imputés aux prévenus, fut-elle, en définitive, attribuée à la commune, il ne s'ensuivrait pas que ce double fait accompli en dehors et en violation de ces règles eut été licite, et que les prévenus n'eussent pas été passibles de la peine attachée à cette violation; que l'exception proposée en leur faveur n'avait donc rien de préjudiciel au délit '. »

VII. Il faut enfin que les faits qui fondent l'exception soient articulés avec précision, car le tribunal doit pouvoir apprécier s'ils sont réels et s'ils sont sérieux. La Cour de cassation n'a point hésité à annuler un jugement qui avait admis l'exception, quoique l'articulation fut vague et indéterminée. L'arrêt décide : « que l'articulation faite dans la cause par les prévenus consistait à prétendre qu'ils avaient la possession promiscument avec d'autres, du terrain sur lequel ils avaient abattu des fossés, et que le jugement attaqué déclare qu'ils font reposer le droit de propriété qu'ils disent avoir avec d'autres, sur des faits de possession qui leur sont personnels; que les faits de possession ne peuvent être considérés ni comme personnels aux prévenus, ni comme étant articulés avec précision, lorsque la possession sur laquelle ils reposent est vague et indéterminée et qu'il ne résulte pas suffisamment, dès lors, des énonciations du jugement que les prévenus n'ont pas agi ut singuli, en revendiquant un droit qui était prétendu par l'universalité des habitants de la commune; que, par conséquent, le jugement attaqué, en admettant les prévenus à faire juger, par les tribunaux compétents

1 Cass. 10 juin 1847, rapp. M. Rocher. Bull. n. 125; 9 juin 1848, rapp. M. Fréteau, n. 175; 7 juillet 1849, rapp. M. Legagneur, n. 153; 18 janv. 1850, rapp. M. Rocher, n. 26.

l'exception préjudicielle par eux élevée, dans l'espèce, a méconnu les règles posées par l'art. 182 C. for. '. »

S 511.

I. Du sursis. II. Fixation d'un délai. - III. A la charge de quelle partie doivent être faites les diligences pour le jugement de l'exception? - IV. Justification de ces diligences. - V. Ce que doit faire le juge à l'expiration du délai.

I. Lorsque toutes les conditions qui viennent d'être énumérées sont réunies et que l'existence de l'exception préjudicielle est prouvée, le juge ordonne qu'il sera sursis au jugement de la prévention.

Il y a lieu de remarqner d'abord : 1o que le juge ne peut suppléer l'exception dans l'intérêt des parties, lorsque cellesci ne la proposent pas, et ordonner d'office le sursis; ce serait prononcer, en effet, ultrà petita; il n'est saisi que de l'action principale; il ne doit statuer que sur cette action, qui doit être jugée, abstraction faite de toute question de propriété, tant que celle-ci n'est pas engagée.

2o Qu'il ne doit par conséquent surseoir que lorsque le prévenu a excipé pour sa défense d'un acte ou d'un fait qui nécessite le sursis 3. Il suffit, au reste, que l'exception proposée motive par sa nature le renvoi devant les tribunaux civils pour que ce renvoi soit prononcé; il n'est pas nécessaire que le prévenu, après avoir élevé l'exception, prenne des conclusions formelles pour demander le sursis 4,

En second lieu, l'exemption, fùt-elle évidemment fondée, ne donne au juge d'autre droit que d'ordonner le sur

'Cass. 25 juill. 1851. A notre rapport. Bull. n. 308.

2 Cass. 4 juill. 1835, rapp. M. Fréteau. Bull. n. 273; 20 juill. 1838, rapp. M. Merilhou, n. 236; 7 mars 1839, rapp. M. Rives, n. 84.

* Cass. 26 août 1853, rapp. M. Legagneur. Bull, n. 433.

*Cass. 22 janv. 1836, rapp. M. de Crouseilhes. Bull. n. 25; 13 juill. 1839, rapp. M. Fréteau, n. 190.

sis. Ainsi, il ne peut se dessaisir par une délégation d'incompétence: toutefois, s'il se déclarait incompétent jusqu'à ce qu'il eût été statué sur l'exception, en réservant les dépens, ce serait là une formule irrégulière, mais qui ne serait point entachée de nullité, parce que le juge ne serait point dessaisi. Il ne peut statuer sur la question, soit pour condamner le prévenu 3, soit pour l'acquitter 4. Il ne peut même juger, en faveur du prévenu, qu'il a la possession immémoriale 5 ou la possession d'an et jour ; et cela, dans le cas même où le ministère public poursuivant seul, le propriétaire n'est pas en cause pour contester l'exception 7.

Néanmoins, si le droit de propriété ou le fait de possession engagé dans la cause ne donne lieu à aucune contestation, à aucune exception, rien ne s'opposerait à ce que le juge ne l'appréciât comme un des eléments de la poursuite dont il est saisi. Une commune avait assigné un particulier en déguerpissement de biens communaux qu'elle prétendait usurpés, et, postérieurement à cette assignation, elle le faisait citer pour des faits .commis sur les mêmes terrains et qualifiés de dégradations sur un chemin public: le tribunal de police a pu le renvoyer de la poursuite sans qu'il fut besoin d'ordon

Cass. 2 déc. 1826, rapp. M. de Cardonnel. J. P., t. XX, p. 984; 31 janv. et 17 mai 1833, rapp. M. Rives, t. XXV, p. 103 et 478; 4 fév. 1853, rapp. M. Jacquinot, Bull. n. 48; 12 et 24 janv. 1856, rapp. M. Jallon et M. Bresson, n. 19 et 32.

2 Cass. 11 sept. 1847, rapp. M. Rives. Bull. n. 349; 15 déc. 1827, rapp. M. Gary, J. P., t. XXI, p. 956.

Cass 1er oct. 1825, rapp. M. Busschop. J. P., t. XIX, p. 902; 3 avril 1851, rapp. M. Legagneur. Bull. n. 126.

Cass. 20 juin 1828, rapp. M. Gary. J. P., t. XXI, p. 1571; 7 janv. 1832, rapp. M. Dupaty, t. XXIV, p. 546; 26 sept. 1834, rapp. M. Rives, t. XXVI, p. 251; 23 janv. 1836, rapp. M. Tripier, ch. Réun. Bull. n. 27; 11 nov. 1836, rapp. M. Rives, n. 373; 24 juin 1837, rapp. M. Dehaussy, n. 186; 28 juin 1839, rapp. M. Rives, n. 208, etc.

Cass. 11 nov. 1831, rapp. M. Rives. J. P., t. XXIV, p. 308.

Cass. 7 janv. 1832, rapp. M. Dupaty. J. P., t. XXIV, p. 546; 15 déc. 1855. Bull. n. 403.

7 Cass. 20 juin 1828, rapp. M. Gary, J. P., t, XXI, p. 1571.

ner un sursis, puisque la première assignation était une reconnaissance formelle de la possession. Un maire ayant fait citer un particulier pour contravention en matière de voirie, commise dans une rue ouverte sur son propre terrain, le tribunal de police a pu encore, sans violer les règles de sa compétence, déclarer que les réglements de police n'étaient pas applicables sur un terrain dont le prévenu était propriétaire, puisque cette propriété était un fait incontesté entre les parties".

S'il y a deux prévenus et que l'un, prenant fait et cause pour l'autre, ait excipé d'un droit de propriété donnant lieu au renvoi à fins civiles, le juge ne peut surseoir à statuer à l'égard de celui qui a proposé l'exception et renvoyer l'autre des fins de la poursuite; car un prévenu ne peut être relaxé de la prévention avant qu'elle ne soit et puisse être jugée 3.

S'il y a, au contraire, deux faits compris dans la poursuite et que la question préjudicielle ne se rapporte qu'à l'un des deux chefs, le sursis ne doit s'appliquer qu'à ce chef, et le juge ne peut ajourner sa décision sur la partie de la cause en état de recevoir jugement 4.

II. L'art. 182 du C. for. et l'art. 59 de la loi du 15 avril 1829 portent : « Dans le cas de renvoi à fins civiles, le jugement fixera un bref délai, dans lequel la partie qui aura élevé la question préjudicielle devra saisir les juges compétents de la connaissance du litige. »

La fixation de ce délai est une forme essentielle de la procédure. Car, « sans cela, disent les nombreux arrêts qui ont consacré ce point, le prévenu pourrait, par son inertie ou sa morosité, ajourner indéfiniment le jugement de la question préjudicielle et la répression du délit ou de la contravention, et par suite assurer l'impunité de l'usurpation ou de la voie

1 Cass. 28 ncv. 1845, non imprimé.

*Cass. 13 mai 1854, rapp. M. Rives. Bull. n. 155.

* Cass. 4 sept. 1832, rapp. M. Ollivier. J. P., t. XXIV, s. 1456. Cass. 22 juill. 1836, rapp. M. Rocher. Bull, n. 239.

de fait qu'il aurait commise; qu'un tel résultat serait ouvertement contraire aux principes d'ordre public sur la répression des délits et contraventions et sur le maintien du droit de propriété, comme aux règles fondamentales de la procédure; qu'ainsi ces tribunaux ne peuvent, sans violer ces principes et ces règles, se dispenser de fixer le délai dans lequel le prévenu devra faire ses diligences 1. »>

Mais cette omission peut être reparée par une nouvelle demande légalement adressée au tribunal de police par le ministère public, de fixer le délai dans lequel la question préjudicielle devra être jugée. Un tribunal de police avait déclaré le ministère public non recevable dans cette nouvelle action, sous le prétexte que le jugement de sursis l'avait dessaisi du procès tant que l'exception n'aurait pas été jugée. Cette décision a été cassée : « attendu que ce dernier jugement est par sa nature purement interlocutoire et n'a point épuisé la juridiction du tribunal de police, puisque la prévention reste pendante devant lui; qu'il aurait dû satisfaire d'office aux dispositions des §§ 2 et 3 de l'art. 182, qui ont établi une règle de procédure commune à toutes les matières de police correctionnelle et de simple police; qu'en procédant comme le demandeur l'avait requis dans la citation donnée à sa requête, il n'aurait fait que compléter sa décision antérieure et en assurer l'exécution, ainsi que la loi le prescrit dans l'intérêt de l'ordre public; qu'il suit de là qu'en refusant de faire droit à cette citation, le jugement a faussement appliqué à la cause le principe de la chose définitivement jugée en dernier ressort".

III. A la charge de quelle partie le juge doit-il mettre les diligences nécessaires au jugement de l'exception? L'art. 182

* Cass. 9 août 1828, rapp. M. Fréteau. J. P., t. XXII, p. 189; 18 fév. 1836, rapp. M. de Ricard. Bull, n. 47; 13 nov. 1835, rapp. M. de Ricard, n. 417; 11 sept. 1847, rapp. M. Rives, n. 249, etc.

Cass. 15 déc. 1827, rapp. M. Gary. J. P., t. XXI, p. 956.

3 Cass. 15 juin 1849, rapp, M. Rives. Bull, n. 137.

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