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S 473.

- II.

I. Examen du système du Code sur la matière de la police. Définition de cette matière. III. Fixation des pénalités. - IV. Constitution du tribunal de police.

I. Après avoir exposé le système général de notre législa tion sur la matière de la police, il n'est pas inutile d'examiner, à un point de vue général, si ce système réalise la véritable théorie de cette matière, s'il satisfait toutes ses exigences et tous ses besoins. Ces observations, loin de nous écarter de notre sujet, qui est l'explication du Code, s'y lient étroitement, puisqu'elles n'ont d'autre objet que l'étude plus attentive de ses règles.

Nous avons vu que les dispositions du Code et des lois qui le complètent à cet égard se résument dans les quatre points suivants : 1° la délimitation du terrain de la police, c'est-àdire l'indication des matières qui la composent et forment son domaine; 2° la fixation d'une pénalité générale applicable à toutes les contraventions; 3° l'institution d'une juridiction spéciale; 4° enfin, l'établissement d'un pouvoir réglementaire. Nous renvoyons au chapitre suivant nos observations sur ce dernier point, afin de ne pas scinder une des parties les plus importantes de cette matière. Notre examen se borne ici à la définition de la police, à sa pénalité, à sa juridiction.

II. Il n'est pas aisé de tracer d'une manière exacte le cercle des matières qui appartiennent à la police. La loi l'a essayé en ce qui touche la police municipale proprement dite et n'a pas réussi complétement. Tel a été l'objet de l'art. 3 du tit. XI de la loi du 16-24 août 1790.

Cette disposition énumère les différents objets « qui sont confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux. Il ne s'agit donc pas de toute la matière de la police, mais seulement de celle qui est abandonnée à la réglementation de

l'autorité municipale et qui a surtout pour objet, suivant la définition de l'art. 50 de la loi du 14 décembre 1789, « la propreté, la salubrité, la sûreté et la tranquillité dans les rues, lieux et édifices publics. » Ainsi circonscrite, l'énumération légale, sans être ni assez complète, ni très précise, donne cependant une idée très exacte des matières qu'elle veut définir. Nous ne relevèrons pas quelques expressions qui tiennent à la législation sous laquelle cette disposition a été rédigée et qui ne sont plus en harmonie avec la législation actuelle. Ce qui peut être l'objet d'une critique plus fondée, ce sont les termes trop vagues employés par la loi, leur sens indéterminé, leur portée quelquefois trop étendue. Il ne faut pas perdre du vue que la police touche par des points nombreux aux droits de la propriété, à la liberté de l'industrie et du commerce, à la liberté individuelle. C'est donc le devoir du législateur de marquer avec précision la limite où elle doit s'arrêter et qu'elle ne peut franchir sans excès de pouvoir. Cette limite est-elle aujourd'hui fixée ? La trouve-t-on dans les textes flexibles de la loi? La loi n'a fait qu'indiquer les matières dont la police doit s'occuper, elle ne les a ni spécifiées ni définies; on aperçoit le caractère général de ces matières; on ne peut apercevoir le point où elles cessent d'appartenir à la police, et où elles se confondent avec la matière correctionnelle. De là les envahissements perpétuels de l'autorité municipale et ses entreprises sur les droits des citoyens. Protégée par des textes ambigus qui lui ouvrent des attributions sans les régler, elle crée des entraves, elle établit des monopoles, elle empiète sur les confins de son domaine, elle étend ses réglements sur des choses. qui ne relèvent pas de son autorité. La Cour de cassation, par sa sagesse et sa fermeté, a fait tomber bien des mesures arbitraires et vexatoires; elle n'a pu les faire disparaître toutes, parce qu'elles trouvent trop souvent un abri dans les termes vagues et indéterminés de la définition légale. Il est à regretter que la loi du 18 juillet 1837, au lieu de se référer simplement à la loi du 16-24 août 1790, n'ait pas repris son

texte pour l'examiner et le refondre. C'est une omission que le législateur sera quelque jour appelé à réparer.

Mais s'il nous paraît que l'art. 3 du tit. XI de la loi du 16-24 août 1790 aurait dù limiter avec plus de soin les objets dont il contient l'énumération, c'est uniquement parce qu'il importe que les pouvoirs de la police soient nettement définis et prudemment circonscrits; car ces limites, qui nous semblent devoir être imposées à l'attribution municipale, nous ne prétendons nullement les imposer à la matière de la police elle-même. En considérant cette matière, non plus au point de vue des droits du pouvoir réglementaire, mais au point de vue du caractère et de la répression des faits, loin de restreindre les infractions qui rentrent dans son domaine, il semble qu'on pourrait beaucoup les étendre. Notre Code ne s'est pas sans doute borné à ranger parmi les matières de police les objets que la loi du 16-24 août 1790 a livrés à la réglementation de l'autorité municipale; l'art. 137 porte: «Sont considérés comme contraventions de police, les faits qui, d'après les dispositions du 4o livre du Code pénal, peuvent donner lieu, soit à 15 fr. d'amende ou au-dessous, soit à 5 jours d'emprisonnement ou au-dessous. Ainsi, la matière de la police embrasse, outre les réglements faits sur les objets examinés par la loi du 16-24 août 1790, toutes les contraventions qui font le sujet du 4o livre du C. pén. ; elle comprend encore quelques autres infractions que plusieurs lois, qui seront rappelées plus loin, ont rangées dans la classe des contraventions de police.

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Mais le cercle de ces contraventions aurait pu s'élargir encore. L'art. 5 du tit. XI de la loi du 16-24 août 1790 étendait jusqu'à 8 jours l'emprisonnement que les tribunaux de police pouvaient prononcer et portait une amende indéterminée qui s'élevait dans quelques cas, aux termes de la loi du 19-22 juillet 1791, jusqu'à 50, 100, 200, et 500 fr. Telle fut l'institution première de cette juridiction. Lorsqu'elle fut transférée entre les mains du juge de paix, c'est-à-dire d'un juge unique, le législateur éprouva sans doute un sentiment

de défiance qui le porta à l'amoindrir. L'art. 153 du C. du 3 brumaire an IV réduisit les peines de police à un emprisonnement de 3 jours et à une amende de la valeur de 3 journées de travail; et notre Code, sous l'influence de cette dernière loi, ne crut pas pouvoir élever ces peines au delà de 5 jours d'emprisonnement et de 15 fr. d'amende. Il est évi dent que le législateur a dévié de la pensée de l'Assemblée constituante: elle avait voulu instituer une juridiction municipale pour juger tous les petits faits qui intéressent la viabilité, la salubrité et la tranquillité de la cité, et la puissance pénale qu'elle lui avait conférée était en rapport avec cette attribution. Les Codes de l'an IV et de 1808, au lieu d'entrer dans la même voie, n'ont édifié qu'une juridiction restreinte, qui a bien encore pour objet la viabilité et la salubrité de la cité, mais qui ne touche plus à sa tranquillité. Les faits prévus par le n° 2 de l'art. 3 du tit. XI de la loi du 16-24 août 1790 ont été transférés à la police correctionnelle.

Il nous semble que les limites actuellement apportées à la juridiction de la police ont été trop étroitement mesurées. Les lois du 25 mai 1838, 20 mai 1854, et 2 mai 1855 ont considérablement étendu les attributions des juges de paix comme juges civils; elles ont maintenu leurs anciennes attributions comme juges de police. Pourquoi cette différence lorsque le tribunal de police, par l'adjonction d'un officier du ministère public, présente des garanties plus puissantes encore que le tribunal de police? Il est vrai que les jugements en matière pénale, quelque minimes que soient les faits qui en sont l'objet, exigent des conditions spéciales d'aptitude; mais ces conditions nons paraissent exister dans les tribunaux de police tenus par le juge de paix, magistrat judiciaire, dont les décisions sont d'ailleurs sujettes à l'appel. Ne serait-il pas utile d'expédier sur-le-champ et sans frais toutes les affaires. qui n'ont pas assez d'importance pour être attribuées à des juges plus élevés et plus éloignés? N'est-il pas préférable de juger sur lieu, sans transport de pièces et de témoins, avec une connaissance plus exacte de toutes les circonstances,

toutes les infractions qui peuvent sans péril être laissées à celte juridiction locale? Il est une classe de contraventions, que la jurisprudence a qualifiées de correctionnelles, qui, pour une graude part au moins, pourraient revenir à la juridiction dont leur pénalité les a détachées; il en est ainsi de tous les dommages causés sans intention criminelle aux propriétés, des plus petites fraudes commises dans la vente des denrées alimentaires, des coups et rixes quand aucune circonstance ne les aggrave. La matière de la police se trouve réellement aujourd'hui scindée en deux parties, et les tribunaux de police, circonscrits par la pénalité dont ils disposent, ne sont investis que de la plus humble de ces deux parts. Il nous paraît qu'il pourrait exister de grands avantages, en doublant les peines qu'ils peuvent appliquer, à leur attribuer toutes les infractions légères qui trouveraient une répression suffisante et plus assurée dans ces pénalités, et qui, par leur caractère et leur minime importance, appartiennent en réalité à la classe des contraventions.

III. La disposition de la loi qui fixe le taux général des peines de police, et la quotité spécialement applicable aux infractions aux arrêtés administratifs et municipaux, doit rencontrer un complet assentiment. Cette règle a été puisée dans l'étude des faits antérieurs, dans l'expérience des siècles passés. On a vu que les peines de police n'étaient point, sauf quelques exceptions, fixées d'une manière précise: chaque réglement des autorités locales déterminait la peine des infractions à ses dispositions, ou, à son défaut, c'était le juge lui-même qui la graduait. Il en était résulté que les pénalités variaient arbitrairement au gré des juridictions et suivant les lieux. L'Assemblée constituante apporta à cet état de choses le remède le plus efficace. Elle a séparé le pouvoir de prendre des mesures locales de police et la sanction de ces mesures; le droit de faire des réglements, dans les cas prévus par la loi, a été délégué aux autorités des lieux, parce que ces réglements ont pour objet des faits temporaires qui surgissent

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