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Ainsi, le tribunal de police qui a admis l'exception ne pourrait ordonner provisoirement le rétablissement des lieux en l'état où ils étaient avant la voie de fait. Ce point a été reconnu par un arrêt qui porte : « qu'il y a eu usurpation de pouvoir en ce que le tribunal de police s'est cru autorisé à prononcer provisoirement le rétablissement du chemin, tandis qu'il était évident que le tribunal civil, seul compétent pour statuer sur la question préjudicielle résultant de l'exception de propriété, l'était aussi pour prononcer sur toutes les actions provisoires qui pourraient être incidemment intentées par devant lui. »

Ainsi, l'arrêté que prendrait un maire pendant ce délai pour ordonner le même rétablissement serait illégal, et il a été encore jugé « qu'il n'est pas au pouvoir du maire de porter une telle injonction, puisqu'elle présente une atteinte manifeste à l'autorité de la chose jugée; que l'inexécution de cet arrêté ne saurait, dans l'état de litispendance où se trouve la première action intentée aux mêmes fins, constituer une contravention punissable; que le devoir du tribunal de police était dès lors de continuer de surseoir et de retenir la prévention afin de l'apprécier ainsi que de droit, lorsque l'exception préjudicielle qu'il a déjà admise aura été résolue 2. >>

Ainsi enfin les nouvelles voies de fait que le prévenu commettrait pendant la durée du sursis ne pourraient donner lieu à aucune condamnation avant le jugement de la question préjudicielle. Cette exception est commune aux faits nouveaux et le tribunal ne peut pas plus la juger sur cette nouvelle poursuite que sur la première. La Cour de cassation a rejeté le pourvoi d'un commissaire de police : « attendu que le fait dont il s'agit présente la même contravention que celui sur lequel est intervenu le jugement qui a sursis à statuer jus

1 Cass. 19 fév. 1808, rapp. M. Minier. J. P., t. VI, p. 520. M. Carnot cite, en sens contraire, un arrêt du 10 mai 1811 dont il ne rapporte que la date. lives. Bull. n. 293.

2 Cass. 6 sept. 1850, rapp. M.

qu'à ce que l'exception de propriété proposée par le prévenu ait été décidée par la juridiction compétente; qu'en continuant donc de surseoir jusqu'à la sentence à intervenir sur cette exception, le tribunal de police s'est conformé aux rẻgles de la matière, puisque le caractère du second fait dépend, comme celui du premier, de l'issue de l'instance qui a pour objet de les faire déclarer l'un et l'autre légitimes 1. »

Le deuxième effet du sursis est de mettre le prévenu en demeure de faire juger la question préjudicielle dans le délai qui lui a été imparti.

A l'expiration de ce délai, il est rappelé devant le tribunal repressif à l'effet de justifier de ses diligences. La citation peut ètre donnée avant l'expiration du terme, pourvu que le jour indiqué pour la comparution soit postérieur à l'échéance.

S'il rapporte un jugement civil qui décide en sa faveur la question préjudicielle, le tribunal de police est lié par ce jugement 3; il n'a plus qu'à prononcer l'aquittement.

Si le tribunal civil n'a pas encore prononcé, il faut examiner si le prévenu a fait les diligences suffisantes et s'il y a lieu de lui accorder un nouveau sursis, ou s'il a négligé de remplir l'obligation qui lui était imposée.

Un arrêt a jugé « que le tribunal, devant lequel l'action est pendante, doit passer outre, c'est-à-dire procéder immédiatement au jugement de la prévention, si le défendeur ne justifie nullement avoir rempli l'obligation qui lui avait été imposée, puisque, par cela seul qu'il ne rapporte pas la preuve de ses diligences utiles dans cet objet, il est légalement présumé avoir renoncé à ladite exception ou reconnu qu'elle n'était pas fondée. » Cette présomption, toutefois, cède devant

1 Cass. 18 déc. 1840, rapp. M. Rives. Bull. n. 360; et Conf. 20 juill. 1821, rapp. M. Aumont. J. P., t. XVI, p. 785; 14 août 1823, rapp. M. Ollivier, t. XVIII, p. 122; 21 oct. 1824, rapp. M. Aumont, t. XVIII, p. 1065. 2 Cass. 24 mai 1836, rapp. M. de Ricard. Bull, n. 157.

3 Voy. notre t. III, p. 781 et suiv., et cass. 28 nov. 1840, rapp. M. Vincens St-Laurent. Buil. n. 341.

Cass. 11 fév. 1837, rapp. M, Rives. Buil, n. 48.

toutes les justifications qui attestent les diligences du prévenu et ses efforts pour arriver au jugement. Sans doute, il ne suffit pas qu'il ait saisi, dans le délai fixe, le juge compétent, obligation qui est suffisamment remplie par la citation donnée à sa requête; il faut encore qu'il justifie des diligences qu'il a faites pour donner suite à cette citation, en faisant, dans les délais moralement nécessaires dont le tribunal reste juge si le ministère public prétend qu'il y a eu négligence, les actes indiqués par le Code de procédure civile pour arriver à l'obtention du jugement. Mais s'il fait cette justification, encore bien que la décision du juge civil ne soit pas intervenue dans le délai, il y a lieu de prolonger le sursis. Il y a lieu notamment à cette prolongation, 1° lorsque la décision du juge devant lequel l'affaire a été renvoyée est attaquée par les voies de droit ; 2° lorsque, dans le cas où la question de propriété est élevée contre une commune, le prévenu justifie qu'il a présenté au préfet un mémoire pour obtenir que la commune soit autorisée à ester en jugement 3; 3o lorsqu'il justifie, dans une instance où il avait excipé de la propriété, qu'une action possessoire est pendante devant la justice de paix 4.

VI. Lorsque, à défaut de diligences justifiées, le juge de police passe outre au jugement, il peut arriver que l'exception non encore jugée le soit ultérieurement en faveur du prévenu. La loi a prévu ce cas et y a pourvu. Le dernier § de l'art. 182 du C. for. et de l'art. 59 de la loi du 15 avril 1829 porte « toutefois, en cas de condamnation, il sera sursis à l'exécution du jugement, sous le rapport de l'emprisonnement, s'il était prononcé, et le montant des amendes, restitution et dommages et intérêts, sera versé à la caisse des dépôts et consignations, pour être remis à qui il sera ordonné par le tribunal qui statuera sur le fond du droit. »

1 Cass. 18 sept. 1840, rapp. M. Fréteau. Bull, n. 277; 26 nov. 1840, rapp. M. de Ricard, n. 337.

2 Cass. 23 mai 1806, rapp. M. Delacoste. J. P., t. V, p. 349.

* Cass, 3 nov. 1842, rapp. M. de Ricard. Bll, n. 288.

Cass. 7 juill. 1853, rapp. M. de Glos. Bull. n. 345.

Ainsi, au cas de négligence du prévenu, le jugement est prononcé, mais, s'il porte condemnation, son exécution est suspendue. Cette suspension devrait-elle avoir lieu, même dans le cas où le juge appercevrait la mauvaise foi du prévenu? Oui, car, dès qu'il a admis comme fondée la question préjudicielle, il ne peut pas déclarer par un nouveau jugement qu'elle n'existe pas; il peut passer outre, mais en réservant les droits de la partie, tant qu'elle n'est pas jugée.

S'il y a appel du jugement qui a condamné, le tribunal, saisi de cet appel, doit évidemment statuer dans les mèmes termes que le jugement de première instance. Il a été jugé en conséquence « que le tribunal correctionnel, devant lequel le prévenu s'est rendu appelant de cette condamnation, était tenu, en la confirmant, de se borner à en suspendre l'exécution, et de décider que le montant en serait versé à la caisse des dépôts et consignations, pour être rendu à qui il serait ordonné par le tribunal de première instance qui, depuis, a été saisi de la question préjudici:lle, d'où il suit qu'en différant de statuer sur l'appel jusqu'à ce que cette question ait été décidée, le jugement dénoncé a commis une violation expresse de l'art. 182. »

Que doit faire le juge lorsque le prévenu, après avoir excipé de la propriété, a été maintenu, sur son action en complainte, dans la possession du terrain contesté, et que le plaignant, après avoir intenté à son tour une action au pétitoire pour faire statuer sur la propriété, reprend sa plainte devant le tribunal de police? Il doit renvoyer le prévenu de cette plainte puisque la qualité de possesseur le fait présumer propriétaire et lui donne tous les droits de la propriété, tant qu'il n'a pas été définitivement évincé par un jugement rendu au pétitoire et passé en force de chose jugée".

1 Cass. 11 fév. 1837, rapp. M. Rives. Bull. n. 48.
2 Cass. 3 août 1844, rapp. M. Fréteau. Bul!, n. 282.

§ 512.

1. Questions préjudicielles résultant d'autres droits civils -II. Questions résultant d'un droit de propriété mobilière. — III. D'un droit de péage. IV. De l'application des droits d'octroi.

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I. Nous venons de parcourir les règles qui s'appliquent au jugement des questions préjudicielles, lorsque les questions sont fondées sur des droits immobiliers.

Ces règles ne s'appliquent-elles qu'au jugement des droits réels? Le sursis et le renvoi à fins civiles s'étendent-ils à d'autres cas où l'incompétence du tribunal de police pour prononcer sur le fait civil qui fonde l'exception est également certaine? C'est ce qu'il faut examiner.

II. Si l'exception est fondée, en premier lieu, sur un droit de propriété mobilière, la jurisprudence admet la compétence du juge repressif.

On ne trouve pas, toutefois, cette compétence établie en termes positifs dans la première phase de cette jurisprudence. Un arrêt du 8 thermidor an Ix déclare qu'au cas de l'enlèvement d'une coupe de bois, la question de savoir si le prévenu avait agi en vertu d'un titre régulier de propriété appartient au juge civil. Un autre arrêt du 27 mars 1807, dans un espèce où les propriétaires d'un terrain avaient enlevé des fruits et légumes dans l'intention de se les approprier au préjudice du fermier, déclare « que, dans l'état des faits, une simple allégation de leur part, relativement à la propriété de ces objets, ne pouvait être considérée comme une exception légale donnant lieu au renvoi de la contestation devant les tribunaux civils, » d'où l'on peut induire que si, au lieu d'une simple allégation, il y avait eu production du bail, il y aurait eu lieu à ce renvoi.

'Rapp. M. Vallée. A P., t. II, p. 266.

2 Rapp. M. Lamarque, J. P., t. V, p. 763.

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