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de soulever devant le tribunal de police l'interprétation d'un acte administratif, en dehors de ces exceptions, le tribunal doit surseoir et renvoyer la décision de la question à l'autorité compétente. Ce renvoi, qui n'est d'ailleurs que le corollaire de la compétence limitée du tribunal de police ', est prononcé, soit en vertu d'une disposition spéciale qui l'ordonne, ainsi qu'on le verra tout à l'heure dans quelques cas, soit en vertu des lois des 16-24 août 1790, tit. II, art. 13 et 16 fruc tidor an III, qui défendent aux corps judiciaires de connaitre des actes administratifs.

Il faut suivre cette règle dans les hypothèses où elle est le plus habituellement appliquée.

II. Ces hypothèses se présentent principalement dans les affaires de la compétence des tribunaux de police, en matière de petite voirie, de contraventions relatives aux chemins publics, de contraventions commises par des entrepreneurs de travaux publics, d'établissements insalubres et d'infractions qui touchent les revenus communaux.

En matière de petite voirie, il y a lieu de surseoir, 1o en vertu des art. 4 et 5 de l'édit de 1607 et l'art. 52 de la loi du 16 septembre 1807, lorsque l'exception élevée par le prévenu de contravention aux règles relatives à l'alignement, a pour objet de soutenir qu'il ne s'est pas écarté de l'alignement qui lui a été donné, ou des termes de l'autorisation qu'il a reçue; 2° lorsque l'exception prétend établir que les reconstructions ou réparations faites sans autorisation ne sont pas confortatives 3; cependant il a été admis qu'il n'y a pas

Voy. suprà, p. 181.

2 Cass. 12 mars 1829. Bull. n. 56; 11 nov. 1831, n. 290; 31 janvier 1833, n. 27; 4 août et 23 sept. 1836, n. 258 et 321; 23 fév. et 27 déc. 1839, n. 61 et 392; 17 janv. 1840, n. 19; 25 juin, 8 oct. et 3 déc. 1842, n. 165, 273 et 318; 7 mars et 9 mai 1844, n. 84 et 166; 13 fév. 1845, n. 46; 6 janv. 1853, n. 1.

3 Cass. 17 fév., 5 oct. et 2 déc. 1837, rapp. M. Rives. Bull. n. 55, 300 et 419; 28 août 1835, rapp. M. Rives, n. 335; 4 janv. 1839, rapp. M. Vincens St-Laurent, n. 3; 25 juin 1836, ch. réun., rapp. M. Rupérou, n. 208; 28 août 1843, rapp. M. Brière, n. 224.

lieu de surseoir quand les bâtiments reconstruits ou réparés sont sujets à reculement ou à retranchement, quand les constructions ont été faites sans le congé et l'alignement de l'autorité compétente, ou quand cette autorité a déclaré à l'avance les travaux confortat.fs 5; 3° lorsque l'autorisation est attaquée comme n'émanant pas d'un officier compétent 4.

En matière de dégradations ou d'usurpations commises sur les chemins, il faut distinguer, comme on l'a déjà dit 5, la nature du chemin. S'il s'agit d'une voie de grande communication, il n'y a point lieu de surscoir, puisque le tribunal est entièrement incompétent; il ne peut, si la contravention a été par erreur portée devant lui, que se dessaisir. S'il s'agit d'un chemin vicinal, et que ce chemin ait été classé par le préfet, il n'y a point encore lieu, en général, de surseoir, puisqu'il a été reconnu que les conseils de préfecture sont seuls compétents pour prononcer sur les usurpations et pour ordonner la démolition des travaux indument faits : la compétence du tribunal de police, réduite par la jurisprudence à l'application de l'amende, ne peut donc, sauf quelques cas très restreints 6, soulever de question préjudicielle, à moins que les contraventions ne se réfèrent à des réglements municipaux sur les chemins 7. S'il s'agit d'un chemin vicinal non classé, il y a lieu, au contraire, de surseoir et de renvoyer à l'examen du préfet toutes les questions qui s'élèvent sur le sol du chemin. Enfin, s'il s'agit de chemins, autres que les

'Cass. 8 mars 1844, rapp. M. Rives. Bull. n. 91; 3 et 17 déc. 1847, rapp. M. Rives, n. 288 et 299; 7 déc. 1848, rapp. M. Vincens St-Laurent, n. 307; 14 août 1852, rapp. M. Mater., n. 348; 27 août 1853, rapp. M. de Glos, n. 439.

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Cass. 19 sept. 1845, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 295.

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Cass. 25 sept. 1841, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 294; 26 août 1853, rapp. M. Legagneur, n. 433.

7 Voy. supra, p. 497 et 198; Cass. 29 mai 1852, rapp. M. Rives. Bull. n. 176 et les arrêts cités suprà, p. 499.

8 Cass. 4 oct. 1839, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 318; 4 déc. 1847, rapp. M. Rives, n. 292.

routes impériales, départementales et vicinales, le tribunal de police doit surseoir, non-seulement quand la question de propriété est élevée, mais encore lorsque des actes administratifs relatifs à l'alignement de ces chemins sont contestés, ou lorsque la question est de savoir si la voie publique sur laquelle la contravention a été commise, est ou non un chemin '; mais il est compétent, ce qui toutefois n'a été admis qu'après une longue hésitation, pour décider si le chemin est ou n'est pas public, « attendu que s'il appartient exclusivement à l'autorité préfectorale, en vertu des lois du 9 ventôse an 13, 28 juillet 1824, et 21 mai 1836, de déclarer, dans une forme déterminée, la vicinalité d'un chemin, s'il résulte même de l'ensemble de la législation que l'adminis tration municipale peut faire rechercher les chemins non vicinaux existants, en dresser des états descriptifs et veiller à leur conservation, aucune disposition législative ne confère aux maires et aux préfets le droit exclusif de reconnaître l'existence d'un pareil chemin ; qu'il en résulte que c'est à la justice repressive saisie de la poursuite de la contravention, lorsque la publicité du chemin sur lequel celte contravention aurait été commise en devient une circonstance constitutive, à apprécier l'exception invoquée en défense et à reconnaître la publicité ou la non publicité du chemin. 3 »

En matière de travaux publics la question du sursis est la conséquence d'une distinction qui a déjà été posée *. Si les entrepreneurs, pour justifier les actes qui leur sont reprochés, se fondent sur le sens et la portée qu'ils attribuent aux clauses de leur cahier des charges, ce moyen de défense, dont l'appréciation est subordonnée à l'interprétation d'un contrat

1 Cass. 7 fév. 1845, rapp. M. Mérilhou. Bull. n. 36; 4 déc. 1847, rapp. M. Rives, n. 292.

2 Cass. 4 pluv. an xш11, rapp. M. Liborel. J. P., t. IV, p. 351; 26 août 1825, rapp. M. Ollivier, t. XIX, p. 843; 19 juillet 1835, rapp. M. Rives, t. XXV, p. 703.

Cass. 15 oct. 1852, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 355; 12 août 1852, rapp. M. de Glos, n. 275; 5 avril 1851, rapp. M. Legagneur, n. 126,

Voy. supra, p. 202.

administratif, soulève une question préjudicielle qui doit être, avant toute décision sur le fond, destinée à l'autorité administrative '; mais si les actes ont été commis hors des termes du contrat et sans une autorisation expresse de l'administration, comme par exemple, des fouilles et extractions de matériaux faites sur des terrains qui ne sont point indiqués par le cahier des charges, il n'y a point de question préjudicielle, puisque ces actes peuvent être appréciés et réprimés, sans porter atteinte à aucun acte administratif. Toutefois si, dans ce dernier cas, le point de savoir si le lieu où les extractions ont été faites est compris dans le cahier des charges, est contesté entre les parties, et ne peut être décidé sans interprèter cet acte, il y a lieu de renvoyer à l'autorité administrative la connaissance de cette question 3. On suppose dans ces diverses hypothèses que les entrepreneurs aient rempli les formalités qui dans certains cas leur sont imposées par les réglements; car, en cas d'omission de ces formes, leurs actes ne seraient que des voies de fait qui pourraient être appréciées sans qu'il y eut lieu à saisie 4.

En matière d'établissements insalubres ou incommodes, toutes les questions relatives à la création, à la conservation où à la suppression de ces établissements appartiennent à l'administration, en vertu du décret du 15 octobre 1810, et par conséquent le tribunal de police, lorsqu'il est saisi de contraventions relatives, soit à leur existence, soit aux conditions de leur exploitation, doit surseoir jusqu'à la décision de l'autorité administrative sur l'exception. Il doit surseoir, par exemple, lorsque dans une poursuite la compagnie du gaz d'une ville à raison des effets nuisibles de ses appareils, elle excipe que ces objets remplissent toutes les conditions prescrites par l'autorisation 5; il doit surseoir lorsque le pré

1 Cass. 25 fév. 1847, rapp. M. Rocher. Bull. n. 41.

2 Cass. 24 oct. 1841, rapp. M. Romiguières. Bull. n. 309.

3 Cass. 16 avril 1836, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull, n. 120. Cass. 10 sept. 1847, rapp. M. Fréteau. Bull. n. 245.

*Cass. 16 juin 1854, rapp. M. Legagneur, Bull. n. 193.

venu soutient que l'établissement insalubre, dont l'autorisation est contestée, avait une existence antérieure au décret du 15 octobre 1810 ; il doit surseoir encore lorsque la question est de savoir soit si une autorisation tacite peut être invoquée, soit si une interruption de travaux pendant un certain délai met fin au privilége 2.

3

En matière d'arrêtés relatifs à l'administration des biens communaux, le tribunal de police, incompétent dans la plupart des cas, parce que ces arrêtés ne constituent point des mesures d'ordre et de police ne devrait pas surseoir, s'il était appelé à interprèter les baux et actes qui se rapportent à la gestion de ces biens et revenus, parce que ce ne sont point là des actes administratifs, mais bien des actes purement privés, soumis aux mêmes règles que toutes les transactions que les citoyens peuvent faire entre eux.

En matière de circonscription territoriale, lorsque la poursuite soulève une question qui a pour objet de déterminer le territoire d'une commune ou d'un canton, cette question ne peut-être appréciée et décidée que par l'autorité administrative et il y a par conséquent lieu de surseoir 5.

III. Les règles prescrites par l'art. 182 du C. for. et par l'art. 59 de la loi du 15 avril 1829 s'appliquent à la décision des questions préjudicielles administratives aussi bien qu'au jugement des questions civiles.

Ainsi, il n'y a lieu à surseoir dans tous les cas qu'autant

1 Cass. 6 fév.1846, rapp. M. Isambert. Bull. n. 42.

2 Cass.

oct. 1845, rapp. M. Rives. Bull. n. 312; Contr. 14 fév. 1839, rapp. M. Voysin de Gartempe, n. 48.

3 Cass 30 avril 1841, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 120. Cass. 27 déc. 1851, rapp. M. Foucher. Bull. n. 542; 9 mars 1854, rapp. M. Rives, n. 67.

* Voy. supra, p. 186; et cass. 2 janv. 1817, rapp. M. Chasle. J. P., t. XIV, p. 2; 4 sept. 1818, rapp. M. Ollivier, t. XIV, p. 1026; 6 août 1829, rapp. M. Mestadier, t. XXII, p. 1328; 26 mars 1847, rapp. M. Rives. Bull n. 66; 22 avril 1852, rapp. M. Rocher, n. 128.

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