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il suffit qu'il soit légalement représenté pour qu'il soit réputé. comparaître. Le juge peut-il ordonner que les parties, qui se sont fait représenter par des fondés de pouvoir, comparaîtront en personne? M. Carnot, et, après lui, M. Bourguignon 2 n'admettent aucun doute à cet égard. Il y a lieu de remarquer néanmoins qu'en matière de police le droit des parties est de ne pas comparaitre personnellement, et que ce n'est qu'à l'égard des prévenus de délits correctionnels que l'art. 185 dispose que le tribunal pourra, lors même que les délits ne seraient passibles que d'amende, ordonner leur comparution en personne. Comment admettre ensuite une ordonnance que le juge ne pourrait faire exécuter puisque la loi ne lui a donné aucun moyen de contrainte contre les prévenus? On peut ajouter enfin que, si la loi n'a pas prévu cette voie de renseignement, c'est qu'elle était inutile au juge de police, puisque les contraventions consistent dans des faits matériels qu'aucune culpabilité n'anime, et que dès lors la comparution personnelle de leurs auteurs n'est pas nécessaire pour qu'elles puissent être appréciées.

La comparution du prévenu soit en personne, soit par fondé de pouvoir même sur citation, ne fait pas obstacle à ce que le jugement soit rendu par défaut, s'il ne propose aucune défense et ne prend aucune conclusion. Ce n'est pas, en e effet, la comparution qui fait le jugement contradictoire, c'est la contradiction de sa défense avec la prévention, c'est l'énonciation de ses moyens et l'administration de ses preuves. Celte règle a été appliquée dans plusieurs espèces qu'il importe de rappeler. La Cour de cassation a décidé que le jugement était par défaut; 1° lorsque le prévenu, après avoir comparu et décliné la compétence du tribunal avait refusé de la défendre au fond: « attendu qu'un jugement a le caractère d'un jugement par défaut, soit qu'il ait été rendu contre un individu qui ne s'est pas présenté sur la citation qui lui a été notifiée, soit qu'il ait été rendu contre un individu qui, s'é

Inst. cr., t. I, p. 628.

1 Jurisp. des C. cr., t. I, p. 358.

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tant présenté, n'a proposé aucune défense, ni pris aucune conclusion sur ce qui a été jugé ; qu'en effet celui qui a comparu, mais pour qui il n'y a eu ni défense ni conclusion, est également réputé n'avoir pas comparu; que le demandeur avait formellement déclaré restreindre sa comparution aux conclusions préjudicielles qu'il avait prises et par lesquelles il déclinait la juridiction du tribunal; qu'il avait refusé de défendre au fond; que la cause n'était donc liée contradictoirement que sur lesdites conclusions 20 Lorsque le prévenu, même après avoir obtenu deux remises, n'a présenté ni défense ni conclusion sur le fond: « attendu qu'un jugement doit être réputé par défaut et susceptible d'opposition en matière criminelle toutes les fois que le prévenu, bien qu'il ait comparu sur la citation, n'a présenté aucun moyen de défense, ni pris aucune conclusion expresse sur ce quien est le sujet 2; -3° lorsque le prévenu s'est borné à présenter une exception préjudicielle et n'a pas comparu à l'audience à laquelle la cause avait été continuée pour statuer au fond: « attendu que le jugement intervenu à cette dernière audience, en son absence et en celle de son défenseur, ne pouvait être légalement et régulièrement contradictoire que sur l'exception 3 ; »

4 lorsque le fondé de procuration du prévenu s'est borné à demander une remise et ne l'a pas défendu au fond : « attendu que la personne qui s'est présentée pour lui a déclaré n'avoir pas de pouvoir spécial pour le représenter; qu'il n'importe que la même personne, lorsqu'elle s'est présentée à une autre audience pour demander une remise, fut alors munie. d'une procuration, qui a été considérée comme suffisante, puisqu'elle n'en a point fait usage pour la défense 4. »

Le jugement devient contradictoire aussitôt que le prévenu a été entendu sur le fond, qu'il a présenté des moyens de défense ou pris des conclusions sur les faits qui font l'objet de la

1 Cass. 13 mars 1824, rapp M. Aumont. J. P., t. XVIII, p. 522.

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* Cass. 28 nov. 1851, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 500.

prévention, lors même qu'il s'absenterait ensuite et même ne comparaitrait pas à une audience ultérieure où le jugement a été prononcé. Ainsi, dans une espèce où le prévenu prétendait avoir refusé de s'expliquer sur le fond, le jugement a été considéré comme contradictoire « attendu qu'il n'a été rendu qu'après que lecture avait été donnée, par le prévenu et par l'organe de son avocat, d'un mémoire contenant sur le fond des moyens sur lesquels il a été statué, ce mémoire par une disposition expresse, ayant été joint à la procédure pour valoir conclusions de la part du prévenu; qu'ainsi une discussion s'étant régulièrement établie sur le fond, la décision qui en est résultée ne pouvait être considérée comme ayant été rendue par défaut contre le prévenu. » Dans une autre espèce, la même décision a été rendue « attendu que si le prévenu, qui avait comparu et pris des conclusions à la précédente audience, n'a pas comparu à celle où le jugement a été rendu, le ministère public (demandeur en cassation) n'a pris aucunes conclusions pour qu'il fut statué par défaut. »

II. Au reste, le tribunal, lorsqu'il juge par défaut, n'est point tenu d'enregistrer purement et simplement les conclusions de la partie poursuivante : il doit examiner et ne prononcer une condamnation que si elle lui paraît juste et fondée. Cette règle a été consacrée en matière civile par l'art. 150 C. pr. civ. qui dispose que « les conclusions de la partie qui requiert le défaut seront adjugées, si elles se trouvent justes et bien vérifiées. » Or cette disposition doit être appliquée en matière criminelle comme en matière civile, car, en toute matière le juge ne doit décider que ce qui lui semble juste, soit qu'il prononce en présence ou en l'absence des parties. Ce point a été reconnu en matière de police par un arrêt qui déclare en principe « que les tribunaux, lorsqu'ils prononcent par défaut sur les affaires dont ils sont saisis, ne doivent adjuger à la partie requérante, d'après l'art 150 C. `

1 Cass. 28 août 1847, rapp. M. Jacquinot. Bull. n. 203.

2 Cass. 27 juill, 1855, à notre rapp. Bull, n. 265.

pr. civ., que les conclusions qu'ils reconnaissent justes et bien vérifiées, et que la juridiction répressive elle même est tenue d'observer cette règle de droit commun, puisqu'aucune disposition du Code d'inst. cr. n'y a dérogé '. » La même application a été faite en matière correctionnelle".

Un auteur enseigne a que lorsque la partie civile qui a fait citer ne parait pas, le prévenu peut requérir congé; et néanmoins que le ministère public, prenant la citation pour dénonciation, peut en ce cas requérir l'application de la peine contre le prévenu, si la contravention lui parait suffisamment établie 3. » Il y a dans cette doctrine une double erreur : d'abord, le congé défaut, admis en matière civile, ne peut l'être en matière criminelle; ensuite, la citation est toute autre chose que la dénonciation. La citation saisit le juge de l'action publique, il est donc tenu de statuer sur cette action, soit que la partie civile comparaisse ou ne comparaisse pas, et quelles que soient les conclusions du ministère public. La partie civile peut abandonner sa demande ou s'en désister; elle ne peut dessaisir de l'action publique qu'elle a mise en mou vement le tribunal qui en est saisi; l'intérêt général, qui veut la répression des contraventions, exige qu'elle soit dans tous les cas examinée 4.

III. Le jugement par défaut doit être notifié à la partic défaillante; cette notification, qui a pour objet de mettre celle-ci en demeure de se défendre, est la condition essentielle de son exécution; s'il n'est pas notifié, il est considéré comme non avenu. Nous examinerons plus loin en traitant des jugements en matière correctionnelle, les formes de cette notification, qui sont les mêmes dans l'une et l'autre matière.

'Cass, 1er déc. 1842, rapp. M, Rives. Bull. n. 313.

* Cass. 17 fév. 1836, rapp. M, Joubert. Bull. n. 46; 4 nov. 1843, rapp.

M. Vincens St-Laurent, n. 274.

3

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* Bourguignon, Jurisp. des C. cr., t. I, p. 391, et Manuel, p. 162.

Voy. notre t. II, p. 399, et cass. 4 nov. 1843, rapp. M, Vincens St-Lau

rent. Bull, n. 274.

La notification provoque le droit d'opposition et détermine le délai dans lequel ce droit peut être exercé. L'art. 151 du C. d'inst. cr. porte: « l'opposition au jugement par défaut pourra être faite par déclaration en réponse, au bas de l'acte de signification, ou par acte notifié dans les trois jours de la signification, outre un jour par trois myriamètres. L'opposition emportera de droit citation à la première audience après l'expiration des délais, et sera réputée non avenue si l'opposant ne comparaît pas. » L'art. 150, qui n'est que la conséquence de l'art. 151, ajoute : « la personne condamnée par défaut ne sera plus recevable à s'opposer à l'exécution du jugement, si elle ne se présente pas à l'audience indiquée, » c'est-à-dire, à la première audience après l'expiration des délais.

Le droit d'opposition est établi par ces textes d'une manière générale et sans restriction; il s'ensuit 1° qu'il peut être exercé soit par les prévenus ou personnes responsables, soit par la partie civile, lorsque les uns ou les autres ont été défaillants; 2° que l'opposition peut s'attaquer à tous les jugements par défaut, soit qu'ils soient rendus sur des exceptions, sur des incidents ou sur le fond. Ainsi, par exemple, un jugement qui rejette l'exception d'incompétence', ou qui admet l'intervention d'une partie civile ", peut être attaqué par voie d'opposition, lors même qu'il contient un renvoi à un autre jour et un réassigné.

Le défaillant n'est pas tenu d'attendre la signification pour former son opposition, mais, s'il l'a attendue, il doit la former dans le délai fixé par l'art. 151. Ce délai est de trois jours, non compris celui de la notification, outre un jour par trois myriamètres 4. L'art. 159 du C. du 3 brum. an Iv l'avait porté à dix jours 5, et ce terme ne semble pas exagéré

1 Cass. 10 nov. 1808, rapp. M. Busschop. J. P., t. VII, p. 194.

* Cass. 16 fév. 1833, rapp. M. de Crouseilhes. J. P., t. XXV, p. 178. Cass. 9 juill. 4818, rapp. M. Aumont. J. P., t. II, p. 537.

4 Voy, sur le sens de cite formule suprà, p. 258.

Cass. 25 janv. 4814, rapp. M. Bailly. J. P., t.*IX, p. 52.

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