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dans ce sens « que les tribunaux de police ne peuvent s'oc cuper des intérêts civils qui se rattachent aux contraventions qu'accessoirement à l'action publique et en même temps qu'ils prononcent sur celle-ci; que les art. 172 et 177 du C. inst. cr. n'autorisent contre leurs jugements contradictoires que l'appel et le recours en cassation; que la tierce opposition contre ces jugements ne saurait, sous le prétexte du préju dice qu'ils pourraient leur causer, appartenir à des tiers, puisque, d'une part, les condamnations sont personnelles aux prévénus qui les ont encourues, et que, de l'autre, les tribunaux ont consommé leur juridiction en les prononçant 1. »

S 522.

I. De l'appel. II. Quelles personnes peuvent appeler. III. Contre quels jugements.-IV. Délais. V. Formes. VI. Effets de l'appel.

I. Nous avons vu que la constitution du 5 fructidor an II, dans son art. 233, et le Code du 3 brumaire an IV, dans son art. 153, déclaraient en dernier ressort tous les jugements des tribunaux de police et n'ouvraient contre eux que la voie du recours en cassation 2.

L'art. 172 de notre Code, tout en dérogeant à ces deux lois par des motifs que nous avons rappelés et appréciés, en a gardé quelque empreinte; car, s'il admet l'appel, il en restreint l'application. Voici le texte de cet article : « Les jugements rendus en matière de police pourront être attaqués par la voie de l'appel, lorsqu'ils prononceront un emprisonnement, ou lorsque les amendes, restitutions et autres réparations civiles excèderont la somme de cinq francs, outre les dépens. »

Il est facile d'établir, en étudiant les termes de cet article, à quelles personnes appartient la faculté d'appel et contre quels jugements elle peut être exercée.

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II. La faculté d'appeler des jugements de police n'appartient qu'aux personnes contre lesquelles ces jugements ont prononcé soit un emprisonnement, soit des amendes, des restitutions ou autres réparations civiles excédant la somme de cinq francs; elle n'appartient donc qu'aux personnes qui suivent: 1° aux prévenus contre lesquels une de ces condamnations ont été prononcées; 2° aux personnes civilement responsables qui ont encouru une condamnation pécuniaire; 3o aux parties civiles qui, dans le cas prévu par l'art. 161, ont été condamnées aux dommages-intérêts du prévenu.

Examinons successivement ces hypothèses.

Le droit des prévenus qui ont encouru l'une des condamnations prévues par la loi est, en premier lieu, nettement écrit dans l'art. 172, et ne peut donner lieu à aucune difficulté. C'est en vue des prévenus que l'orateur du Corps législatif expliquait cette dérogation à la législation antérieure: «L'art. 153 du C. du 3 brumaire an IV était peu conforme au caractère national. L'atteinte la plus légère à ce qui constitue la considération personnelle est sans prix aux yeux de tout Français; elle ne peut être supportée avec insouciance que par les hommes endurcis dans le crime. La faculté de l'appel dans ce cas était plus analogue aux mœurs d'un peuple aussi sensible sur tout ce qui tient à l'honneur. » Et la jurisprudence n'a cessé de reconnaître « que si l'art. 172 a dérogé à cette règle antérieure, il n'a étendu son exception qu'au seul cas où le jugement prononce l'emprisonnement ou une amende ou réparation civile excédant la somme de cinq francs, outre les dépens; qu'ainsi réglée, d'après le montant de la condamnation, la faculté d'appel ne doit profiter qu'aux individus condamnés 1. >>

Le droit des personnes civilement responsables et condamnées à des réparations supérieures à cinq francs, n'est pas moins incontestable, puisque, d'une part, ces personnes sont en cause et que l'art. 172 ouvre l'appel contre les juge

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ments portant condamnation à des restitutions ou autres réparations civiles. Ce droit a été consacré par la jurisprudence', même dans le cas où la partie responsable, intervenue dans une poursuite en prenant fait et cause pour l'inculpé, n'aurait encouru aucune condamnation personnelle, si le jugement a réservé toutes actions récursoires envers lui 2.

Enfin, le droit des parties civiles condamnées à des réparations envers les prévenus, bien qu'il ait été contesté ', ne nous semble pas moins certain. En effet, l'art. 172 ne permet aucune distinction et déclare susceptibles d'appels tous les jugements qui prononcent des réparations civiles supérieures à cinq francs. Pourquoi faire une exception au détriment de la partie civile condamnée ? Ne peut-elle pas invoquer les motifs du législateur et prétendre que cette condamnation, qui suspecte sa bonne foi, est une atteinte à sa considération? Dira-t-on, comme on paraît le faire, que l'art. 172 ne s'applique qu'aux jugements prononcés contre le prévenu? Mais alors il faudrait aller jusqu'à priver de l'appel les parties civilement responsables elles-mêmes, et cette conséquence seule prouverait que la thèse n'est pas fondée. Ensuite, si l'art, 172 en énumérant les condamnations, énonce d'abord l'emprisonnement, l'amende et les restitutions qui ne s'appliquent qu'au prévenu, peut-on en conclure que les restitutions civiles, qui viennent après, ne doivent s'appliquer comme les premières qu'au seul prévenu? Où se trouve le prétexte de cette corrélation? La loi, pour ouvrir l'appel, n'exige que trois conditions: 1° une condamnation qui soit personnelle à la partie qui appelle; 2o que cette condamnation, si elle est pécuniaire, ait pour objet soit une amende, soit une restitution, soit une réparation civile; 3° qu'elle excède la somme de cinq francs. Or, la partie civile, dans l'hypothèse prévue par l'art. 161, réunit cette triple condition 4.

4 Cass. 11 sept. 1818, rapp. M. Busschop. J. P., t. XIV, p. 1028. Cass. 11 juin 1334, rapp. M. Rives. J. P., t. XXIII, p. 4078. M. Leseyllier, n. 949.

Conf. Dalloz. Rép., t. IV, p. 261.

:

Telles sont les seules personnes qui aient le droit de faire appel. Le ministère public n'a, par conséquent, ce droit dans aucun cas il ne pourrait l'exercer contre les prévenus acquittés, puisque c'est la condamnation seule qui l'ouvre en faveur des parties condamnées; il ne pourrait, à plus forte raison, l'exercer, en cas de condamnation, en se fondant sur ce qu'elle serait trop légère, puisqu'il serait contradictoire qu'il pût appeler dans ce dernier cas et non dans le premier qui présente une plus haute importance. L'art. 172, en admettant restrictivement l'appel dans les cas qu'il énonce, le rejette nécessairement dans tous les autres; la garantie du double degré de juridiction n'a été donnée qu'aux parties qui attaquent une condamnation : le ministère public n'a d'autre recours à exercer contre les jugements de police que celui de la cassation'.

La même règle s'applique à la partie civile, sauf le cas où elle a été condamnée : la voie de l'appel lui est fermée toutes les fois qu'elle a succombé dans sa plainte, soit parce que le prévenu a été acquitté, soit parce que le tribunal, en le condamnant à une peine, ne l'a pas condamné aux dommagesintérêts réclamés. De là il faut inférer que si le prévenu, condamné à une amende de six francs, avait appelé, la partie civile qui aurait été déboutée de sa demande en dommagesintérêts ou qui n'aurait obtenu qu'une indemnité inférieure à sa demande, ne pourrait la reproduire dans la cause d'appel et venir y soutenir ses intérêts.

III. Dans quels cas les jugements de police peuvent-ils être attaqués par la voie de l'appel? C'est, aux termes de l'art. 172, « lorsqu'ils prononcent un emprisonnement ou

1 Voy. dans ce sens Legraverend, t. II, p. 350. * Cass. 29 mai 1812, rapp. M. Aumont. J. P., rapp. M. Ollivier. J. P., t. XIX, p. 1000; 24 fév.

X, p. 429; 2 déc. 1825, 1827, rapp. M. Gary, t.

XXI, p. 97; 10 juill. 1829, rapp. M. de Ricard, t. XXII, p. 1226; 10 fév. 1848, rapp. M. Legagneur. Bull. n. 37.

Cass. 10 avril 1812, rapp. M. Aumont. J. P., t. X, p. 286; 29 janv. 1813, rapp. M. Lamarque, t. XI, p. 84.

lorsque les amendes, restitutions et autres réparations civiles excèdent la somme de cinq francs, outre les dépens. » Ce texte, quelque clair qu'il paraisse, demande quelques expli

cations.

Il y a lieu de remarquer d'abord que cet article, n'étant qu'une dérogation à la règle qui prohibait antérieurement tout appel, doit par cela même être restreint dans ses termes ce n'est qu'une exception introduite en faveur des parties condamnées. L'un des arrêts qui viennent d'être cités déclare, « que l'art. 172, qui déroge au principe général précédemment établi, suivant lequel les jugements des tribunaux de police n'étaient point sujets à l'appel, doit être restreint dans les bornes qu'il a fixées. » Tel est le point de départ de la jurisprudence.

De là cette première conséquence que la recevabilité de l'appel se règle, non sur les conclusions des parties, mais sur les condamnations prononcées: c'est, en effet, la condamnation qui, aux termes de l'art. 172, fait la base de l'appel, en ce qui concerne l'emprisonnement; c'est donc la condamnation qui doit encore lui servir de base en ce qui concerne les réparations civiles, puisqu'on ne peut admettre dans le même article deux règles différentes pour déterminer le dernier ressort des jugements de police. Ensuite si, en matière civile, la compétence peut dépendre de la demande des parties, il n'en peut être ainsi en matière de police: la loi a dû donner au droit d'appel en cette matière une base indépendante des prétentions des parties. A la vérité, ce droit se trouve placé entre les mains du juge qui peut, en élevant ou abaissant la condamnation qu'il prononce, l'ouvrir ou le fermer à son gré; c'est là peut-être un vice de la loi qui prouve, comme nous l'avons déjà dit, qu'il eût été préférable de n'apporter à l'appel aucune restriction; mais le législateur en tous cas a pensé qu'il valait mieux se fier à la volonté du

Cass. 10 avril 1812, cité dans la note qui précède.

2 Merlin. Rép. vo Tribunal de police.

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