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juge qu'à celle des parties, et qu'on ne devait pas supposer à cette volonté un motif personnel ou capricieux. La jurisprudence a adopté cette doctrine et n'en a jamais dévié 1.

Une deuxième conséquence du même principe est que tous les jugements qui ne portent pas condamnation, soit à l'emprisonnement, soit à une somme de plus de cinq francs, outre les dépens, ne sont pas susceptibles d'appel, quel que soit le préjudice que puisse causer leur décision. Ainsi la voie de l'appel n'est point ouverte, 1o contre les jugements qui renvoient le prévenu de la plainte et des demandes formées contre lui; 2° contre ceux qui déclarent l'incompétence du tribunal; 3° contre ceux qui admettent ou rejettent une question préjudicielle 4; 4° contre ceux qui ne prononcent que cinq francs en amende et réparation civile, bien qu'ils contiennent défense de récidiver 5, ou qu'ils entraînent une suppression d'une valeur indéterminée s'ils ne la prononcent pas 6; 5o contre ceux qui, outre l'amende de cinq francs, ne prononcent contre le prévenu que les dépens, lors même que ces dépens ont été prononcés sur les conclusions de la partie civile qui a déclaré renoncer à ses dommages-intérêts 7.

Mais dès que les condamnations prononcées, amendes, restitutions, réparations civiles, s'élèvent, additionnées ensemble, à plus de cinq francs, la voie de l'appel est ouverte, lors même que les réparations civiles ne seraient pas évaluées et consisteraient en travaux, suppressions ou destructions dont

Cass. 5 sept. 1811, rapp. M. Brillat-Savarin. J. P., t. IX, p. 626; 29 janv. et 26 mars 1813, rapp. M. Lamarque et M. Bailly, t. XI, p. 84 et 237; 20 fév. 1829, rapp. M. Mangin, t. XXII, p. 747, et Conf. Legraverend, t. II, p. 350; Bourguignon, t. I, p. 398. Dalloz, t. III, p. 253.

2 Cass. 20 fév. 1823, rapp. M. Rataud. Bull. n. 24; 12 juin 1828, rapp. M. Brière, n. 169.

* Cass, 18 juill. 1817. Bull. n. 67; 31 déc. 1818, rapp. M. Aumont. Dall. Rép., t. III, p. 255; 24 juill. 1829, rapp. M. Mangin. J. P., t. XXII, p. 1277. Cass. 20 fév. 1829, rapp. M. Mangin, J. P., t. XXII, p. 717; 31 août 1848, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 231.

Cass. 30 juill. 1825, rapp. M. Aumont, Bull. n. 161. 0 Cass, 4 août 1838, rapp. M. Rives. Bull. n. 263. 7 Cass. 12 déc, 1844, rapp, M, Mérllhou. Byll, p. 293.

la valeur ne peut être déterminée par le jugement. Ainsi, sont susceptibles d'appel les jugements, 1° qui ordonnent l'enlèvement de matériaux placés sur la voie publique et qu'ils seront enlevés aux frais du prévenu 1; 2° qui ordonnent la démolition de travaux élevés en contravention aux réglements; 3° qui prescrivent des travaux dont l'estimation n'est pas faite, lors même que ces travaux ne sembleraient pas pouvoir être évalués à une somme qui, réunie à l'amende, fut supérieure à cinq francs 4; 4o qui prononcent, outre une amende de deux francs, l'enlèvement d'arbres indûment plantés 5; 5° qui ordonnent la confiscation de vins falsifiés et leur effusion sur la voie publique 6. Toutes les fois que la valeur des réparations ou des condamnations accessoires est indéterminée, l'appel doit être admis, parce qu'il suffit que cette valeur puisse excéder la limite légale pour que le jugement ne doive pas être réputé en dernier ressort.

La faculté d'appel reçoit trois exceptions: 1° lorsque la condamnation émane du tribunal correctionnel, dans le cas prévu par l'art. 1927, à moins que l'appel ne soit fondé sur une fausse appréciation du fait et sur ce que ce fait constituerait un délit , ou que la contravention soit correctionnelle, comme, par exemple, l'exercice illégal de la médecine'; 2° lorsque la condamnation est prononcée, en vertu de l'art. 505 du C. d'inst. cr., pour tumulte causé

1 Cass. 9 août 1828, rapp. M. Ollivier. Bull. n. 237.

Cass. 8 janv. 1830, rapp. M. Gary. Bull. n. 9.

* Cass. 3 mai 1833, ch. réun., rapp. M. Thil. Bull. n. 175.

4 Cass. 29 janv. 1835, rapp. M. Rives. Bull. n. 42.

Cass. 7 juill. 1838, rapp. M. Isambert. Bull. n. 200.

Cass. 24 sept. 1847, rapp. M. de Crouseilles. Bull. n. 236; 31 janvier 1851, à notre rapport, n. 43; 26 janv. 1856, rapp. M. Bresson, n. 35.

Cass. 16 août 1811, rapp. M. Basire. Bull. n. 116; 4 août 1832, rapp. M. Chantereyne. Dali. Rép., t. IV, p. 258; 10 juill. 1834, rapp. M. Isambert. Eod. loc.; 14 oct. 1844, rapp. M. de Ricard. Eod. loc.; 1er juill. 1853, à notre rapp. Bull, n. 336.

8 Cass. 4 août 1826, rapp. M. Olivier; et 24 avril 1829, rapp, M. Gary. Dall., t. IV, p. 258.

9 Cass. 12 mai 4842, rapp. M, Dehaussy. Rull, n, 117.

à l'audience, et 3° lorsque la condamnation est prononcée par les autorités sanitaires, dans l'enceinte et les parloirs des lazarets et autres lieux réservés, suivant les termes de l'art. 18 de la loi du 3 mars 1822.

IV. Le délai de l'appel est réglé par l'art. 174, qui porte: « cet appel sera interjeté dans les dix jours de la signification de la sentence à personne ou domicile. >>

Il y a lieu de remarquer d'abord sur ce texte que la loi soumet à une même règle les jugements contradictoires et les jugements par défaut : elle n'a point, en effet, introduit ici la distinction qu'elle a consacrée dans l'art. 203; le délai compte dans l'un et l'autre cas du jour de la signification. Ainsi, il n'est pas permis de faire remonter l'appel du condamné contradictoirement, comme le fait l'art. 293, au jour de la prononciation1. Ainsi, il n'est pas permis de suspendre l'appel du condamné par défaut pendant le délai de trois jours que l'art. 151 lui donne pour l'opposition: ce condamné peut opter entre deux voies; mais il peut aussi négliger la voie de l'opposition et prendre immédiatement celle de l'appel, puisque l'art. 174 lui garantit pour l'appel le délai des dix jours qui suivent la signification; l'art. 443 du C. de pr. civ., qui ne fait courir le délai d'appel contre les jugements par défaut que du jour où l'opposition n'est pas recevable, est étranger à la procédure criminelle'.

Il suit, en deuxième lieu, du même article que la loi ayant assigné au délai le point de départ unique de la signification, l'appel est recevable tant que cette signification n'a pas été faite. Ainsi, l'appel ne peut être déclaré nul lorsque la déclaration précède la signification, sous le prétexte qu'il n'aurait été notifié au ministère public que plus de dix jours après '. Ainsi, il serait formé en temps utile, lors même qu'il n'aurait été relevé que pendant l'instance ouverte par l'appel d'un co

'Cass. 2 déc. 1825, rapp. M. Ollivier. Bull. n. 232.

Cass. 34 mai 1833, rapp. M. Thil. J. P., t. XIX, p. 524; 20 août 1841, rapp. M. Isambert. Bull. n. 258.

3 Cass, 7 déc. 1833, rapp. M. Rives. J. P., t. XXV, p. 1043,

prévenu, si le défaut de signification avait réservé le délai1. Mais, lorsque le délai de dix jours, outre un jour par trois myriamètres, s'est écoulé depuis la signification, l'appel n'est plus recevable, même incidemment; l'art. 443 du C. de pr. civ. ne s'applique point en matière de police. Ainsi, l'appel d'un coprévenu ne peut avoir pour effet de faire revivre le droit du prévenu qui n'a pas appelé dans le délai, lors même qu'il aurait été admis à intervenir dans la cause d'appel et à prendre des conclusions".

V. Les formes de l'appel ont donné lieu à quelques difficultés. L'art. 174 dispose que « cet appel sera suivi et jugé dans la même forme que les appels des sentences des justices de paix. » Faut-il induire de ce texte que les dispositions du Code de procédure civile relatives aux appels des sentences des juges de paix, doivent être appliquées aux appels des tribunaux de police? Quels que formels que soient les termes de la loi, il serait difficile de les suivre littéralement sans heurter à chaque pas les règles de la procédure criminelle, plus rapides encore que celles de la procédure sommaire. Les textes mêmes sont ici en contradiction. Ainsi, l'art. 176 veut que les dispositions des articles précédents (et par conséquent de l'art. 174), sur l'instruction, soient communes aux jugements rendus sur l'appel par les tribunaux correctionnels. Or, les formes de la procédure sommaire, prescrites par les art. 404 et suiv. du C. de pr. civ., ne sauraient se concilier complétement avec celles de la police correctionnelle. Il faut voir dans l'art. 174 l'indication d'une procédure simple et célère plutôt qu'une prescription rigoureuse.

C'est d'après cette interprétation qu'il a été décidé, 1o qu'il n'est pas nécessaire que l'appel des jugements de police soit formé par exploit signifié au ministère public, à la partie civile, et contenant assignation, comme le veut l'art. 456 du

1 Cass. 24 juill. 1818, rapp. M. Aumont, J. P., t. XIV, p. 943.

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C. de pr. civ.'; 2° que les formes prescrites par les art. 61, 68 et 72 du même Code ne sont pas applicables à l'acte d'appel en matière de police'; 3° qu'il est inutile que cet acte contienne constitution d'avoué ; 4° enfin que l'art. 471, même Code, sur l'amende pour fol appel, n'est pas applicable aux appels en matière de police 4.

Il résulte encore de la même interprétation que l'appel des jugements de police peut être formé, au choix des parties, ou par déclaration faite au greffe du tribunal qui a rendu le jugement, suivant l'art. 203 du C. d'inst. cr., ou par exploit notifié au ministère public et contenant citation, suivant l'art. 456 du C. de pr. civ.. En effet, la loi, en indiquant les formes de la procédure sommaire, n'a point écarté les formes communes de la procédure, et d'ailleurs l'art. 174 porte que l'appel sera suivi et jugė, mais non interjeté dans la même forme que l'appel des sentences du juge de paix. La loi est muette sur l'acte d'appel, et dès lors il est impossible de l'anéantir, parce qu'il a été déclaré au greffe au lieu d'être notifié. L'appel interjeté dans l'une ou l'autre de ces formes est donc également régulier, pourvu qu'il ait été déclaré en temps utile.

S'il est interjeté par déclaration faite au greffe, il n'est pas nécessaire qu'il soit notifié au ministère public, « attendu que le ministère public, chargé par la loi de surveiller l'exécution des jugements, ne peut être censé ignorer le dépôt au greffe d'un acte ayant pour objet de mettre obstacle à cette exécution 6. >>>

S'il est interjeté par voie de notification, il faut que cette notification soit faite à la fois au ministère public et à la partie civile, s'il y en a en cause. Dans le cas de notification à la

1 Cass. 3 août 1833, rapp. M. Rives. Bull. n. 300.

2 Cass. 2 déc. 1826, rapp. M. de Cardonnel. Bull. n. 243.

Cass. 7 avril 1837, rapp. M. Rives. Bull. n. 105.

Cass. 19 juin 1847, rapp. M. Aumont. J. P., t. XIV, p. 298.

Cass. 6 août 1829, rapp. M. Meyronnet St-Marc. J. P., t. XXII, p. 1325.
Cass. 28 juin 1845, rapp. M. Rocher. Bull. n. 246.

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