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second ou au troisième degré, peut être constatée dans toutes les législations.

On la trouve sous diverses formes dans la législation romaine. Nous avons vu que les crimes qui n'étaient pas l'objet des jugements capitaux et qui ne rentraient pas dans les catégories des quæstiones perpetuæ, étaient poursuivis par action privée devant la juridiction civile, à raison du dommage qu'ils causaient 1. Mais, à côté de ces crimes capitaux et de ces délits privés, il y avait une foule de faits qui portaient le trouble dans la cité; ces infractions, il y a lieu de le conjecturer, furent déférées dans tous les temps à des magistrats qui les jugeaient sur-le-champ sans aucun appareil. Tels furent les triumviri capitales, créés au ve siècle de la fondation de Rome ; tels furent encore à l'égard de certains délits les Édiles. Il est même probable que le droit de juridiction des préteurs, même après l'établissement des quæstiones perpetuæ, s'étendait extrà ordinem à cette catégorie d'infractions. Plus tard, à côté du præfectus urbi, qui était investi de la juridiction criminelle, on voit le præfectus vigilans, espèce de prévôt qui remplaça les triumviri, juger les délits des esclaves fugitifs, les vagabonds et gens sans aveu*, les incendiaires 5, les voleurs avec effraction et violences, les receleurs, et enfin les malfaiteurs pris en flagrant délit, sauf à les renvoyer devant le præfectus urbi si l'instruction révélait un crime capital 7.

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Dans les provinces la même distinction était établie : les

Voy. t. Ier, p. 51.

Valer. Max. VIII, 1, 6. Paul, l. 1. Dig. de Off. præf, vigilum.

Voy. t. Ier, p. 130.

Ulp. l. v. Dig. de Off. vigilum.

5 Ulp. Eod. loc.

Paul. 1. III. Eod. loc. : Cognoscit præfectus vigilum de incendariis, effractoribus, furibus, raptoribus, receptatoribus; nisi si qua tam atrox, tam que famosa persona sit, ut præfecto urbi remittatur. Et quia plerumque incendia culpa fiunt inhabitantium; aut fustibus castigat eos, qui negligentius ignam habuerunt, aut severà interlocutione comminatus, fustium castigationem remittit,

7 Voy. t. Ier, p. 136 et 137.

proconsuls avaient le droit de juger immédiatement et sans les solennités du jugement ordinaire les petits délits : levia crimina audire et discutere de plano proconsulem oportet, · et vel liberare eos quibus objiciuntur, vel fustibus castigare, vel flagellis servos verberare'. Leurs lieutenants eux-mêmes, qui n'étaient chargés que d'instruire les procédures criminelles, pouvaient, à l'égard des faits de la même nature, prononcer les mêmes peines. Enfin, les defensores civitatum, institués au ive siècle, furent investis d'un pouvoir de corre tion, qui s'étendait, non-seulement aux faits de police, mais à tous les délits légers'.

II. Le caractère plus ou moins grave des infractions était également, dans l'ancienne législation, le fondement d'une ligne de démarcation, soit dans la compétence, soit dans les formes de procédure.

Il y avait des juridictions qui ne connaissaient que des petits délits telles étaient les moyennes et basses justices seigneuriales, qui ne pouvaient prononcer que des amendes de 60 sols parisis au plus.

Il y avait des juridictions auxquelles les édits avaient attribué exceptionnellement le jugement de telle ou telle classe de délits ainsi les officialités connaissaient des délits d'injures, voies de fait, ivrognerie, stupre, concubinage et vagabondage imputés à des ecclésiastiques; les prévôts des maréchaux, lieutenants criminels de robe courte, vice-baillis et vice-sénéchaux justiciaient les voleurs de profession, les mendians et vagabonds, les pillards et guetteurs de chemins *: le grand conseil connaissait de la rébellion à l'exécution de ses arrêts et des outrages envers ses officiers; la cour des aides et, au-dessous de cette cour, les juges des élections, greniers à sel et traites, connaissaient de tous les délits relatifs aux aides, tailles et gabelles7; les cours des monnaies jugeaient les malversations relatives au commerce des ma

Ulp. 1. vi. Dig. de accusationibus.

2 Voy. t. Ier, p. 142. — 3 T. Ier, p. 144. — ‘T. Ier, p. 600.— 5 Tom. Ier, P. 600.- Tom, Ier, p. 609. - 7Tom. Ier, p. 610.

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tières d'or et d'argent'; les juges des eaux et forêts les délits concernant les forêts, le régime des eaux, la pèche et la chasse *; les prévôts des marchands les délits relatifs à la vente de toutes les denrées et marchandises 3, etc.

En dehors de ces catégories d'infractions, ainsi livrées à des juges extraordinaires, les délits qui n'étaient passibles d'aucune peine corporelle ou infamante, étaient poursuivis devant les mêmes juges et suivant les mêmes formes que les affaires civiles il était statué sommairement et à l'audience 4. Le : réglement à l'extraordinaire n'avait enlevé aux formes des procès ordinaires que les affaires qui, suivant les termes des anciennes ordonnances, méritaient d'être instruites 5 « Sinon que la matière fut de si petite importance, dit l'art. 150 de l'ord. de 1539, qu'après les parties ouïes en jugement, l'on deust ordonner qu'elles seraient reçues en procès ordinaire et leur préfiger un délai pour informer de leurs faits, et cependant eslargir l'accusé à caution limitée, selon la qualité de l'excès ou du délit, à la charge de se rendre en l'estat, au jour de la reception de l'enquête. » Ainsi, les affaires de petite importance n'étaient pas poursuivies criminellement; les informations, s'il en avait été fait, étaient converties en enquêtes, et les parties étaient reçues, suivant les termes de la loi, en procès ordinaire 6. Il faut toutefois ajouter que, dans notre ancienne jurisprudence, il y avait peu de délits communs qui ne fussent passibles d'une peine corporelle, et par conséquent la voie de l'enquête n'était que rarement employée.

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1. De la juridiction correctionnelle dans la législation de 1791.-II. Dans le code du 3 brumaire an iv. - III. Dans les lois subséquentes.

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I. L'Assemblée constituante, après avoir décrété, par la

Tom. Ier, p. 610. – 2 Tom. Ier, p. 612. — 3T, Ia, p. 613. — ▲ Jousse, t. III, p. 647. - *Ord. 1670, tit. XV, art. 1.

Ord. 1670, tit. XX, art. 2 et 3; ord. mars 1498, art. 148; Jousse, t. II, p. 500. Voy., au surplus, notrę t. Ier, p. 633.

loi du 16-24 août 1790, l'institution du jury, et celle de la police municipale, songea à établir, comme l'avaient fait les législations antérieures, une juridiction intermédiaire propre à assurer « la répression des délits qui, sans mériter peine afflictive ou infamante, troublent la société et disposent au crime. » Tel fut l'objet de la loi du 19-22 juillet 1791 qui fonda la police correctionnelle.

Cette loi, après avoir énuméré les diverses catégories d'infractions punissables par voie de police correctionnelle, instituait la juridiction dans les termes suivants :

◄ Art. 46. Dans les lieux où il n'y a qu'un juge de paix, le tribunal de police correctionnelle sera composé du juge de paix et de deux assesseurs; s'il n'y a que deux juges de paix, il sera composé de ces deux juges de paix et d'un assesseur. »

◄ Art. 47. Dans les villes où il y a trois juges de paix, le tribunal de police correctionnelle sera composé de ces trois juges, et, en cas d'absence de l'un d'eux, il sera remplacé par un des assesseurs. »

< Art. 48. Dans les villes où il y a plus de trois juges de paix et moins de six, le tribunal sera de trois qui siégeront de manière qu'il en sorte un chaque mois. »

« Art. 49. Dans les villes de plus de 60,000 âmes, le tribunal de police correctionnelle sera composé de six juges de paix, ou, à leur défaut, d'assesseurs; ils serviront par tour et pourront se diviser en deux chambres. >

« Art. 50. A Paris, il sera composé de neuf juges de paix, servant par tour; il tiendra une audience tous les jours et pourra se diviser en trois chambres. >

« Art. 56. Les audiences de chaque tribunal seront publiques. » « Art. 57. L'audience sera donnée sur chaque fait, trois jours au plus tard après le renvoi prononcé par le juge de paix.

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Art. 58. L'instruction se fera à l'audience; le prévenu y sera interrogé; les témoins pour et contre entendus en sa présence; les reproches et défenses proposés ; les pièces lues, s'il y en a, et le jugement prononcé de suite, ou, au plus tard, à l'audience suivante. »

Art. 50. Les témoins prêteront serment à l'audience. Le greffier tiendra note du nom, de l'âge, des qualités des témoins, ainsi que de leurs principales déclarations et des principaux moyens de défense. Les conclusions des parties et celles de la partie publique seront fixées par écrit, et les jugements seront motivés. »

◄ Art. 60. Il ne sera fait aucune autre procédure, sans préjudice du

droit qui appartient à chacun d'employer le ministère d'un défenseur officieux. »

« Art. 61. Les jugements en matière de police correctionnelle pourront être attaqués par la voie de l'appel. L'appel sera porté au tribunál de district.

« Art. 62. Le tribunal de district jugera en dernier ressort. »

Cette première organisation de la police correctionnelle mérite d'être remarquée. La loi du 19-22 juillet 1791 statuait à la fois sur la police municipale et sur la police correctionnelle, et dans la pensée du législateur, ces deux polices n'étaient que les deux branches d'un même tronc. Il leur donne les mêmes juges; seulement le tribunal se compose, non plus d'un seul, mais de trois juges de paix. Il soumet la poursuite aux mêmes formes: seulement la constatation en devient plus rigoureuse. Les deux caractères de cette institution sont la rapidité de l'action et la simplicité de la procédure. On voit qu'il ne s'agit point ici, aux yeux de la loi, de méfaits qui doivent donner lieu à une instruction préalable, mais d'infractions légères dont les éléments sont simples et la preuve facile. Il est évident encore que les peines dont cette juridiction dispose, quoiqu'elles puissent s'élever, dans quelques cas, à 2 ans d'emprisonnement et au double en cas de récidive, n'ont point paru assez graves pour qu'il y ait lieu à l'entourer de garanties extraordinaires : le nombre des juges et le droit d'appel ont semblé suffisants. Cet esprit du législateur de 1791 se manifeste surtout dans le préambulé de la loi : « il reste à fixer les règles, 1o de la police municipale, qui a pour objet le maintien habituel de l'ordre et de la tranquillité dans chaque lieu; 2o de la police correctionnelle qui a pour objet la répression des délits qui, sans mériter peine afflictive ou infamante, troublent la société et disposent au crime... » C'était donc en quelque sorte la même police, là locale, ici générale; il ne s'agissait point encore de la criminalité, mais de troubles et d'actes préparatoires au crime. Ces actes ne demandaient point un châtiment, mais une simple correction.

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