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Voilà le premier esprit, le premier principe de notre juridiction correctionnelle.

II. Cette organisation trouva déjà quelques modifications dans la constitution du 5 fructidor an III:

Art. 233. Il y a, dans chaque département, pour le jugement des délits dont la peine n'est ni afflictive, ni infamante, trois tribunaux correctionnels au moins et six au plus. Ces tribunaux ne pourront prononcer de peines plus graves que l'emprisonnement pour deux années.

« Art. 234. Chaque tribunal correctionnel est composé d'un président, de deux juges de paix ou assesseurs de juges de paix de la commune où il est établi, d'un commissaire du pouvoir exécutif et d'un greffier. >

« Art. 235. Le président de chaque tribunal correctionnel est pris tous les six mois, et par tour, parmi les membres des sections du tribunal civil du département, les présidents exceptés. >

Art. 236. Il y a appel des jugements du tribunal correctionnel par devant le tribunal criminel du département.

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Les principales modifications apportées par ces articles consistent, 1° en ce que la compétence du tribunal correctionnel est étendue, non plus seulement aux délits définis par la loi de son organisation, mais à tous les délits dont la peine n'est ni afflictive ni infamante; 2o en ce que le tribunal se compose, non plus de trois juges de paix, mais d'un membre du tribunal du département qui le préside et deux assesseurs pris parmi les juges de paix.

Le Code du 3 brumaire an IV ne fait qu'appliquer ces nouvelles dispositions dans ses art. 167 et suiv. Il reproduit ensuite, sauf quelques modifications secondaires que nous retrouverons plus loin, la procédure établie par la loi du 19-22 juillet 1791.

III. La constitution du 22 frimaire an VIII se borna à poser la règle suivante :

Art. 64. Les délits, qui n'emportent pas peine afflictive ou infaments, seront jugés par les tribunaux de police correctionnelle, sauf l'appel aux tribunaux criminels. »

Mais la composition de cette juridiction fut entièrement changée par la loi du 27 ventôse an VIII:

◄ Art. ier. Les tribunaux civils et criminels du département, et les tribunaux de police cerrectionnelle sont supprimés.

« Art. 6 Il sera établi un tribunal de première instance par arrondissement communal.

« Art. 7. Les tribunaux de première instance connaîtront en premier et dernier ressort, dans les cas déterminés par la loi, des matières civiles; ils connaîtront également des matières de police correctionnelle.

Art. 16. Les jugements de tous tribunaux de première instance ne pourront être rendus par moins de trois juges.

Art. 32. Il y aura un tribunel (criminel) dans chaque département. Art. 33. Les tribunaux criminels connaîtront, comme par le passé, de toutes les affaires criminelles : ils statuerent sur les appels des jugements rendus par les tribunaux de première instance en matière de police correctionnelle. »

Il résulte de ces dispositions que la police correctionnelle est définitivement enlevée aux juges de paix et devient une attribution des tribunaux de première instance établis dans chaque arrondissement, et que tous les délits, qui n'emportent pas peine afflictive ou infamante, lui seront déférés. L'appel est réservé aux tribunaux criminels de département qui furent maintenus jusqu'à la loi du 20 avril 1810, attendu que les tribunaux d'appel ne furent investis qu'à cette dernière époque de la justice criminelle.

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I. De l'institution de la police correctionnelle dans notre Code. II. Appréciation de son système.

I. Notre Code d'instr. erim. n'a fait, en général, que maintenir, en ce qui concerne la police correctionnelle, les lois existantes à l'époque de sa rédaction.

Il a conservé aux tribunaux de première instance l'attribution de cette police. L'art. 179 porte que les tribunaux de première instance connaîtront, en outre, sous le titre de tribunaux correctionnels de tous les délits.....>

Il a conservé leur compétence générale: ils connaîtront a de tous les délits dont la peine excède cinq jours d'emprisonnement et quinze francs d'amende. » Cette compétence ne s'arrête que lorsque le fait est qualifié crime par la loi, c'està-dire, est passible d'une peine afflictive ou infamante (art. 133, 231, etc.)

Il a conservé, comme l'avait fait le Code du 3 brumaire an iv, les formes de procédure qui, sauf quelques modifications, sont appliquées devant les tribunaux de police.

Enfin, il a conservé le droit d'appel et n'a changé que la juridiction, qu'une loi nouvelle vient de modifier encore, devant laquelle cet appel est porté.

Les bases principales de cette institution ainsi reconnues, il est permis d'en apprécier le système général.

II. Il est évident, en premier lieu, que la police correctionnelle n'est plus, dans ce système, tout à fait ce qu'elle était sous le régime de la loi du 19-22 juillet 1791.

Elle n'avait été établie, ainsi qu'on l'a vu, que pour le ju– gement des faits « qui troublent la société et disposent au crime; » elle n'avait donc point empiété sur le terrain de la justice criminelle proprement dite; elle ne saisissait que les infractions à l'ordre matériel qui ne sont point animées de l'intention qui fait le crime; elle n'était qu'une institution supérieure, mais parallèle à la juridiction municipale, étendant à la police générale l'action que celle-ci n'exerce que sur la police locale. C'est à raison de cette mission restreinte qu'elle avait été placée entre les mains des juges de paix, que les formes de sa procédure étaient simples, tous ses délais brefs, et que les peines qu'elle appliquait ne pouvaient, sauf la récidive qui les doublait, excéder un emprisonnement de deux ans.

Notre Code, en maintenant les nouvelles règles portées par les lois des 5 fructidor an 111, 22 frimaire et 27 ventôse an VIII, a modifié la constitution de la juridiction de police correctionnelle et étendu ses attributions.

Il en a modifié la constitution en attribuant cette juridiction aux tribunaux de première instance, en la faisant participer aux garanties qui sont propres à ces tribunaux, en portant l'appel de ces jugements devant les tribunaux supérieurs, aujourd'hui devant les cours impériales.

Il en a étendu les attributions en lui déférant, non plus seulement les délits que la loi du 19-22 juillet avaient énumérés, mais les nombreuses catégories d'infractions, prévues soit par le Code pénal, soit par des lois spéciales, qui sont punies soit d'une amende supérieure aux amendes de police, soit d'un emprisonnement de six jours à cinq ans et dont le maximum peut être doublé en cas de récidive.

Mais, malgré cette double modification, le principe de l'institution est demeuré le même dans le système de notre Code, comme dans celui de l'assemblée constituante, la juridiction correctionnelle est une juridiction d'exception destinée au jugement des infractions qui n'apportent qu'un trouble secondaire à l'ordre. Elle est exceptionnelle, car la juridiction générale et commune est la Cour d'assises, car, sa compétence est restreinte à une certaine classe d'infractions, car elle ne s'ouvre qu'en vertu d'une attribution spéciale de la loi et, quels que multiples que soient les faits qu'elle embrasse, quelle que diverse que soit leur nature, tous ces faits ont un caractère commun qui est leur gravité relative dans l'ordre de la criminalité.

Ce principe se manifeste dans les formes de la procédure qui a été presque tout entière conservée : ces formes sont simples et rapides; elles ont été établies pour la prompte expédition d'affaires nombreuses et peu compliquées; le tribunal statue, la plupart du temps, par citation directe et sans information préalable; l'instruction de l'audience lui suffit. Il n'est point nécessaire qu'il y ait un défenseur aux côtés du prévenu; les explications verbales de celui-ci sont assez. Tous les incidents, sauf quelques questions préjudicielles, sont immédiatement vuidés. Toute la procédure semble avoir hâte d'arriver au jugement. En appel, les témoins ne sont presque

jamais entendus et le juge prononce, comme sous l'ord. de 1670, sur l'instruction écrite.

Il se manifeste dans l'organisation de la juridiction: elle est composée, en effet, de juges permanents qui, s'ils sont très propres au jugement des petits délits, le seraient évidemment moins à l'appréciation des matières criminelles; elle rejette et les formes de l'accusation et la solennité du débat des assises; et si ses règles flexibles peuvent se prêter à un examen approfondi et prolongé, les seules garanties réelles de cet examen sont dans la conscience et les lumières des juges.

Il se manifeste enfin dans le caractère et le nombre même des affaires qui sont portées devant cette juridiction. Les prévenus de contraventions fiscales forment près des six dixièmes. des prévenus jugés par les tribunaux correctionnels : leur nombre s'est élevé, de 1826 à 1830, année moyenne, à 95,529; en 1851, à 81,813; en 1852, à 98,598; en 1853, à 96,052; en 1854, à 92,129. Les délits qui, après ces contraventions fiscales, viennent en plus grand nombre, sont : 1° le délit de rupture du ban de surveillance qui a fourni, en 1851, 3,150 prévenus; en 1852, 3,533; en 1853, 4,037; en 1854, 4,423; 2° le vagabondage qui produit en 1851, 8,236 prévenus; en 1852, 8,674 ; en1853, 7,691; en 1854, 7,738; 3 la mendicité, dont le chiffre est, en 1851, de 9,285; en 1852, de 9,411; en 1853, de 8,286; en 1854, de 8,089; 4° les rebellions et outrages envers les officiers publics en 1851, 15,477 prévenus; en 1852, 15,146; en 1853, 12,811; en 1854, 9,856; 5° les coups et blessures et voies de fait en 1851, 19,854; en 1852, 19,221; en 1853, 16,877; en 1854, 13,072; 6° les petits vols en 1851, 31,835 prévenus; en 1852, 35,716; en 1853, 43,534; en 1854, 50,622; 7° les tromperies dans la vente des denrées en 1851, 1,978 prévenus; en 1852, 4,383; en 1853, 7,896; en 1854, 8,946; 8° les délits de chasse: en 1851, 22,784 prévenus; en 1852, 23,181; en 1853, 30,645; en 1854, 30,231. Prenons maintenant les résultats des pour

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