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suites de 1826 à 1850, les tribunaux correctionnels sur 100 prévenus en condamnent 64 à l'amende, 19 à un emprisonnement de moins d'un an, et 3 seulement à un emprisonnement de plus d'un an; en 1851, 1852, 1853 et 1854, ils en condamnent 53 ou 54 sur 100 à l'amende, 31 à un emprisonnement de moins d'un an, et 4 à un emprisonnement de plus d'un an.

Ainsi, des formes de la procédure, du mode d'organisation de la juridiction, des attributions mêmes qui lui sont généralement conférées, ressort avec évidence cette conséquence que l'institution correctionnelle n'a été établie qu'en vue d'une mission qui lui est propre, en vue de juger avec promptitude et fermeté tous les petits délits, toutes les infractions secondaires qui pullulent aux plus bas échelons de la criminalité et qui, pour la plupart, comme les contraventions fiscales, les ruptures de ban, le vagabondage, la mendicité, les faits de chasse, sont plutôt, comme le disait la loi du 19–22 juillet 1791, des actes dangereux et qui disposent au crime que des actes intrinsèquement criminels.

Tel est le principe de la juridiction correctionnelle. Ainsi constituée, renfermée dans le cercle d'une compétence étendue quant au nombre des affaires, limitée quant à leur gravité, il serait difficile de ne pas en reconnaître tous les avantages; elle répond à une nécessité sociale; elle a pour fondement la nature même des choses; elle embrasse une multitude de faits qui, comme toutes les contraventions correctionnelles, ne pourraient être jugées même par de petits jurys. Elle est mieux organisée et présente plus de garanties que la plupart des juridictions qui, dans les législations étrangères, correspondent à son institution, et notamment les juges de police anglais et les petty sessions des juges de paix.

Nous avons dû constater ce principe, d'abord parce qu'il importe de nous rendre compte de la théorie générale de notre Code, ensuite parce qu'il nous servira à expliquer toutes dispositions qui vont être exposées dans ce livre.

Que si l'on opposait à cette théorie quelque attribution de délits graves qui a déjà été faite à cette juridiction et si l'on prétendait en inférer qu'elle peut être employée même au jugement de faits que la loi a qualifiés crimes, nous n'hésiterons pas à répondre que si quelques délits graves lui ont été attribués, cette attribution exceptionnelle, qui a été la conséquence de leur qualification, est en opposition avec son principe; qu'entrer plus avant dans cette voie et élargir sa compétence jusqu'au point d'y placer des faits qui sont aujourd'hui qualifiés crimes, ce serait méconnaître la sage divison de pouvoirs que notre organisation judiciaire a établie, renverser l'une des plus précieuses règles de notre Code et mettre en péril les intérêts de la justice.

Il ne faut pas croire, en effet, que la juridiction correctionnelle, parfaitement constituée pour le jugement des délits, put suffire au jugement de faits plus graves. On peut être séduit par la rapidité de ses formes. Mais quoi qu'il faille attacher un grand prix à la prompte expédition des affaires, il ne faut pas que cette promptitude coute quelque chose à la maturité de l'instruction. La justice n'est pas bonne par cela seul qu'elle est rapide. La célérité est très désirable dans la poursuite des délits simples qui n'offrent aucune complication; elle serait déplorable dans la poursuite des faits graves qui ne peuvent être éclaircis que par un long examen. Quel-ques' esprits pensent que quelques-uns de ces faits au moins trouveraient devant cette juridiction une répression plus sûre. Il est possible, en effet, que la certitude de la répression y gagnât quelque chose. Les juges correctionnels n'ont peutêtre pas les mêmes hésitations que le jury. Ils sont, comme tous les juges permanents, entraînés par leur jurisprudence et par l'habitude à une appréciation plus rigoureuse des actes humains. Les acquittements prononcés par ces tribunaux ne sont actuellement que de 10 à 11 sur 100 prévenus poursuivis à la requête du ministère public, tandis que les acquittements prononcés par le jury sont de 24 sur 100. Mais il ne faut pas penser qu'en augmentant leurs attributions,

on n'augmenterait pas le chiffre des acquittements. D'une part, en effet, les acquittements viennent en grande partie des erreurs et des retards de l'instruction écrite, et il est évident que l'inexactitude des constatations et la prolongation des détentions préventives auront les mêmes effets devant toutes les juridictions. D'une autre part, est-il certain que la police correctionnelle, avec ses trois juges et son instruction sommaire, suffise au jugement des faits graves qui lui seraient délégués? Ne pourrait-il pas arriver qu'elle fléchit et qu'elle se trouvât impuissante et débile dans l'exercice d'attributions nouvelles et plus hautes? Ainsi, de 1822 à 1831, les prévenus de délits de presse et de délits politiques étaient traduits devant les tribunaux correctionnels, et la statistique constate « que ces tribunaux ne se montraient pas trop sévères envers les prévenus de ces sortes de délits, et qu'ils en acquittaient près de la moitié, 45 sur 100, tandis qu'en toute autre matière, ils n'acquittaient que 27 sur 100 des prévenus jugés à la requête du ministère public. » N'y aurait-il pas lieu de craindre qu'en matière de faits communs comme en matière de faits politiques, les tribunaux correctionnels, plus inquiets de leur responsabilité, à raison de ce que les faits acquerraient plus de gravité, moins fermes dans des fonctions qui dépasseraient leurs forces, n'y apportassent pas toutes les qualités qu'ils montrent au jugement des simples délits?

Ensuite, lors même que la répression serait plus certaine, est-ce donc là le seul but que la procédure pénale doive se proposer? Si elle doit chercher à atteindre le plus promptement possible toutes les infractions punissables, ne doit-elle pas en même temps entourer ses actes de toutes les formes et de toutes les garanties qui assurent leur infaillibilité? Çe qui fait la force de la justice, ce n'est pas le nombre des condamnations qu'elle prononce et la gravité des peines qu'elle inflige, c'est l'opinion que tous ses jugements sont fondés, que toutes ses mesures sont justes. C'est parce que la conscience

1 Rapport du compte de 1850.

publique y voit une sanction de ses propres appréciations qu'elle s'incline devant ses décrets. Or, cette opinion ne se fonde qu'à la vue de ces formes tutélaires qui enveloppent tous les actes de l'action judiciaire et semblent en écarter toutes les erreurs c'est dans ce sens que notre vieil Ayraut a pu dire « que justice n'est proprement autre chose que formalité; » car ce sont les formes qui assurent la liberté des citoyens, parce qu'elles garantissent leur défense, qui donnent aux jugements leur force, parce qu'elles garantissent leur impartialité, qui revêtent la justice même de sa majesté, parce qu'elles témoignent du calme et de la sagesse de ses actes. Ecartez ou diminuez les garanties qui entourent les jugements criminels et vous enlevez à la justice une partie de sa puissance. Peut-être on jugerait plus vite, peut-être on obtiendrait plus de condamnations; mais maintiendrait-on à la même hauteur, la confiance dans l'indépendance, et l'impartialité du juge, la foi dans la vérité de ses jugements? Les droits et les intérêts, que la procédure a pour objet de protéger, se trouveraient-ils aussi bien sauvegardés par les garanties de l'instruction correctionnelle que par les garanties des débats des assises, par le tribunal correctionnel que par le jury?

En définitive, si la juridiction correctionnelle est une institution excellente en soi et utile à l'expédition des affaires, c'est que ses attributions sont secondaires et limitées, c'est que sa constitution et ses formes sont appropriées à ses attributions. Étendre sa compétence serait altérer la nature de l'institution; car, ou les attributions plus hautes qui lui seraient déférées n'y trouveraient plus de garanties suffisantes, ou il serait nécessaire d'en modifier la procédure et les éléments constitutifs.

CHAPITRE II.

DE L'ORGANISATION DES TRIBUNAUX CORRECTIONNELS.

§ 528. I. Double degré de juridiction. II. Organisation de la juridic

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tion correctionnelle de première instance.

IV. Empêchements.

III. nombre des juges.

§ 529. I. Organisation de la juridiction correctionnelle d'appel. — II. Nombre de juges. - III. Empêchements.

II. Cas

§ 530. I. Organisation de la juridiction correctionnelle pour juger les membres de l'ordre judiciaire et certains fonctionnaires. d'application de cette juridiction privilégiée.

§ 531. I. Causes d'incompatibilité. — II. De récusation. III. D'abstention.

§ 532. I. Du partage d'opinions. de parenté entre les juges.

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11. Du calcul des opinions en cas

§ 533. I. Du ministère public. II. Constatation de sa présence.

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1. Double degré de juridiction. II. Organisation de la juridiction correctionnelle de première instance. - III. Nombre de juges. — IV. Empêchements.

I. La police correctionnelle a deux degrés de juridiction: nous allons successivement exposer l'organisation des tribunaux du premier degré et l'organisation des tribunaux d'appel.

II. Nous avons vu l'établissement des tribunaux de première instance : l'art. 6 de la loi du 27 ventôse an VIII dispose qu'il sera établi un tribunal de première instance dans chaque arrondissement, et l'art. 7, réalisant au premier degré le principe de la réunion de la justice civile et de la justice criminelle, que la loi du 20 avril 1810 devait plus tard appliquer au second degré, déclare que « les tribunaux de pre

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