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jugement de la récusation formée contre un membre d'un tribunal ou d'une cour en matière correctionnelle, il doit être statué sur ces sortes de récusations d'après les règles établies en matière civile par le tit. XXIV de l'ord. de 1667 et les art. 378 et suiv. du C. pr. civ. ';»-« qu'à défaut d'un texte spécial qui, en matière correctionnelle, en ait limité les conditions et déterminé les lormes, il y a lieu de recourir au titre XX du C. de proc civ.". »

Quelques arrêts cependant énoncent une réserve importante et qu'il ne faut pas perdre de vue; ils ajoutent : « en tant que ces dispositions se concilient avec la nature des actions portées devant les tribunaux de répression et avec les règles qui leur sont propres 3. »>

C'est donc en s'appuyant sur les art. 378 et suiv. du C. de pr. civ., ainsi circonscrits dans leur application, qu'il faut examiner, 1° les causes de récusation; 2° quelle est la juridiction compétente pour y statuer; 3° les formes qui doivent être suivies. Nous avons déjà traité de ces trois points au sujet du juge d'instruction 4; nous seront donc très brefs.

Les causes de récusation sont les mêmes en matière civile et criminelle. Dans l'ancien droit, la cause de récusation puisée dans la parenté avait plus d'étendue en matière criminelle: l'art. 2, tit. XXIV de l'ord. de 1667 portait : « le juge pourra être récusé en matière criminelle, s'il est parent ou allié de l'accusateur ou de l'accusé jusqu'au cinquième degré inclusivement; » tandis qu'en matière civile la récusation n'avait lieu que lorsque le juge était parent ou alié des parties au quatrième degré. Dans notre droit actuel, la récusation s'arrête dans tous les cas au quatrième degré. L'art. 178 du C. de pr. civ. détermine les causes de récusation à l'égard de toutes les juridictions; il n'est pas permis de sortir de ses ter

Cass. 3 oct. 1835, rapp. M. Meyronnet de St-Marc. Bull. n. 382.

2 Cass. 13 fév. 1846, rapp. M. Rocher. Bull. n. 48.

• Même arrêt et cass. 3 août 1838, rapp. M. Isambert. Bull. n. 259. Voy. t. V, p. 100.

mes': l'art. 12 de l'ord. de 1667, qui admettait tous autres moyens de fait et de droit, par lesquels un juge pourrait être récusé, n'a point été admis dans notre législation.

Les récusations sont jugées en matière criminelle comme en matière civile par la juridiction dont le juge récusé fait partie'. Ainsi, la récusation portée contre un juge en matière correctionnelle est portée devant la chambre correctionnelle qui est saisie de la cause à l'occasion de laquelle la récusation est portée. Le juge récusé ne peut concourir à juger la récusation sur laquelle il doit être prononcé hors de sa présence, car il est en quelque sorte sur cet incident la partie adverse de celui qui exerce la récusation et ne peut par conséquent être juge dans sa propre cause. Il ne peut même participer à la décision qui déclarerait le prévenu déchu du droit de récusation ou non recevable à l'exercer 5, ou qui désignerait le juge qui doit faire le rapport 6.

Mais si les causes de récusation et la juridiction qui les apprécie sont l'objet des mèmes règles en matière civile et correctionnelle, il n'en est pas tout à fait ainsi des formes de la procédure, et la règle est qu'il ne faut suivre les dispositions du C. de pr. civ. qu'autant qu'elles sont compatibles avec la célérité qu'exige le jugement des affaires correctionnelles 7.

Ainsi, l'art. 382 du C. de pr. civ. porte que a celui qui voudra récuser devra le faire avant le commencement de la plaidoirie, et si l'affaire est en rapport, avant que l'instruction soit achevée. » Cette disposition, plus favorable à la récusation que la loi romaine qui prescrivait qu'elle fût proposée

'Merlin, Rép. v° Récusation, § 1er, n. 6; Carré, quest. 1363 et 1364; Thomine, n. 485; Favard de Langlade, vo Récusation, p. 762.

'C. de pr. civ., art. 385.

* Cass. 24 oct. 1847, rapp. M. Ollivier. J. P., t. XIV, p. 488; 3 oct. 1835; rapp. M. Meyronnet St-Marc. Bull. n. 382.

Cass. 3 oct. 1835, cité dans la préc. note.

5 Cass. 22 déc. 1840, Ch. civ., rapp. M. Bérenger. Dev. 41, 4, 60. Dall. 41, 1, 50.

Cass. 3 oct. 1835, cité suprà.

7 Cass. 3 août 1838, rapp. M. Isambert. Bull. n. 259.

VII.

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antequam lis inchoetur, ne pouvait être acceptée par la procédure correctionnelle, et il a été décidé « que cette règle n'est applicable en cette matière qu'à la condition de se conformer aux principes généraux de cette procédure ; que, d'autre part, il est de droit commun en matière pénale et qu'il ressort notamment de l'art. 543 du C. d'inst. cr. que la partie intéressée à refuser pour juges ceux des membres d'une cour ou d'un tribunal qu'elle tient pour récusables, n'est plus recevable à user de cette faculté si elle a volontairement procédé devant eux ; qu'ainsi la déchéance n'est encourue, par le prévenu de délit qui veut se prévaloir du bénéfice de l'art. 382, qu'après que ce prévenu a accepté le débat oral, à dater duquel s'ouvre pour lui le droit de défense' »

Mais il a été reconnu, au contraire, 1° que l'art. 384, qui veut que la récusation soit déposée au greffe et non articulée en présence du magistrat récusé à l'audience, n'est point inconciliable avec la procédure correctionnelle, « puisqu'elle a pour but de ménager la dignité de la justice sans nuire au droit de la partie ; » 2° qu'il en est de même de l'art. 390, qui punit d'une amende celui qui, sans motifs suffisants, s'est attaqué à la personne du magistrat ; 3° et des art. 389 et 394, qui obligent le demandeur à désigner les magistrats et à préciser les faits qui font l'objet de la récusation *.

B

Lorsque la récusation frappe tous les membres d'un tribunal, elle est assimilée à la demande en renvoi pour suspicion légitime prévue et réglée par l'art. 542 du C. d'inst. cr., et il est procédé en conséquence dans les formes indiquées par cet article 5.

III. Les juges, lors même qu'aucune récusation n'est dirigée contre eux, peuvent s'abstenir s'ils croient avoir des causes de récusation en leur personne. Nous avons rapporté

1 Cass. 23 fév. 1846, rapp. M. Rocher. Ball, n. 48.
*et Cass. 3 août 1838, rapp. M. Isambert. Bull, n. 259.

Cass. 24 avril 1846, rapp. M. Jacquinct. Bull. n. 102.

6 Cass. 26 sept. 1851, rapp. M. Nouguier. Bull. n. 408; et Conf. cass. 22 avril 1844, rapp. M. Mérilhow, n. 408; 14 et 18 juill. 1850, n. 214 et 225.

précédemment, en examinant l'organisation du juge d'instruction, les différents textes de notre ancienne législation et de notre législation nouvelle qui se rattachent à cette matière, ainsi que les règles diverses qu'elle subit 1. Nous nous bornerons à rappeler ici que les causes d'abstention qui doivent être, en général, les mêmes que les causes de récusation, sont soumises à la conscience et au pouvoir discrétionnaire des magistrats ; que c'est à la chambre à laquelle est attaché le juge qu'il appartient de les apprécier telle qu'elle se trouve comparée au moment où il fait sa déclaration', et qu'aucune forme particulière n'est relative à cet incident, qui se règle en chambre du conseil. L'art. 17, tit. XXIV, de l'ord. de 1667, qui voulait que la déclaration du juge fût communiquée aux parties, n'a point été maintenu par l'article 380 du C. de proc. civ. *.

IV. Enfin les juges peuvent être pris à partie. Nous avons déjà examiné les règles de cette procédure spéciale et les cas où elle peut être employée 5.

$ 532.

J. Du partage d'opinions. II. Mode de compter les opinions en cas de parenté entre les juges.

I. En règle générale, les juges prononcent à la majorité des voix. Cette règle s'applique à tous les jugements rendus en matière correctionnelle.

Elle ne reçoit que deux exceptions: 1o au cas de partage d'opinions; 2° au cas où deux parents ou alliés au degré prohibé siégent dans la même chambre.

Nous avons vu que, dans la Grèce et à Rome, l'égalité des suffrages entraînait l'absolution de l'accusé 7 : c'était ce

1 Voy. t. V, p. 107.

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Cass. 8 oct. 1819, rapp. M. Aumont. J. P., t. XV, p. 535.

* Cass. 15 oct. 1829, rapp. M, Meyronnet St-Marc, J. P., t. XXII, p. 1472.

* Même arrêt.

*Voy. t. II, p. 488 et suiv. ; et t. V, p. 114 et suiv.

C. d'inst. cr., art. 847, 582. T

Voy. t. I, p. 29 et 98,

que les anciens appelaient le calcul de Minerve. Quintilien donne à ce calcul une raison de miséricorde et d'humanité 1; Il était également de maxime dans notre ancienne jurisprudence qu'en matière criminelle il n'y a point de partage, sed æquis sententiis mitior vincit; et cette maxime, après avoir traversé les ord. de Louis XII, de 1499, et de François 1, d'août 1539, art. 125 et 126, avait été consacrée par l'article 12, tit. XXV, de l'ord. de 1670, portant les jugements définitifs ou d'instruction passeront à l'avis le plus doux, si le plus sévère ne prévaut d'une voix dans les procès qui se jugeront à la charge de l'appel, et de deux dans ceux qui se jugeront en dernier ressort. » Les anciennes ordonnances ajoutaient que, lorsque la délibération faisait nature trois ou plusieurs opinions différentes, les juges étaient tenus de revenir à deux : « que s'il advient que, en jugeant les procès, il y a trois opinions, la moindre se doit revenir à l'une des grandes '. »

Les lois de l'Assemblée constituante ne contiennent qu'une seule disposition sur cette matière. L'art. 10, tit. VIII, de la loi du 16-29 sept. 1791, porte: si les juges étaient partagés pour l'application de la loi, l'avis le plus doux passera. S'il y a plus de deux avis ouverts, et si deux juges sont réunis à l'avis le plus sévère, ils appelleront des juges du tribunal de district pour les départager. » Cette dernière restriction, faite pour une hypothèse qui se présente rarement, n'a point, nous le croyons du moins, été appliquée : toutes les opinions émises dans un délibéré se ramènent toujours facilement, comme l'avaient prévu les ordonnances, à deux principales : c'est entre celles-là que les opinions doivent définitivement opter; mais la première disposition n'a été abrogée par aucune loi postérieure.

Cependant des doutes ont été élevés sur l'application de cette règle aux matières correctionnelles. M. Merlin a dit : << la loi, en composant le jury de douze jurés, a prévu la pos

'Quintil. Décl. 254; Cic. pro Cluentio, 27, 1. 38. Dig. de re judicată. * Ord. de Louis XII, du 10 juin 1510, art. 32; ord. de François Ier d'oc tobre de 1535, ch. 1, art. 86; Ed. de fév. 1705, art. 17.

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