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rents au degré prohibé, est insuffisamment et illégalement composé, et que, par ce seul vice, quoiqu'il y ait eu dispense de parenté, et quelles que puissent avoir été les chances de la délibération, son jugement est essentiellement et radicalement nul'. »

Mais, si les juges ont siégé au nombre de plus de trois en première instance, de plus de cinq en appel, quel sera l'effet du concours de deux parents ou alliés? En supposant qu'on eut compté séparément les opinions conformes de ces deux magistrats, la juridiction n'en serait pas moins légalement composée, puisque, même en les confondant, on aurait encore trois ou cinq juges. Mais, cette composition légale suffira-t-elle à la légalité des jugements? N'est-il pas possible que les voix, comptées isolément, quand on aurait dû les confondre, aient dérangé la majorité et modifié le jugement? La même présomption, qui frappait tout à l'heure la composition du tribunal; ne doit-elle pas frapper la supputation des opinions? La question n'est pas tout à fait la même, car la confusion des opinions, dans la première hypothèse, avait pour conséquence nécessaire l'illégalité de la composition de la juridiction, tandis que la même confusion dans la seconde peut ne point altérer la majorité légale; il est possible, en effet, que, même en retranchant une voix, le jugement s'appuie encore sur la pluralité des suffrages. Il suit de là qu'il serait nécessaire d'établir, pour qu'il y eut nullité, non-seulement la présence des deux juges parents ou alliés, mais la supputation distincte de leurs deux opinions. Quelquefois les mentions du jugement permettent cette preuve '; mais, dans le plus grand nombre de cas, le secret des délibérations la rendent impossible, et la présomption de la régularité du compte des suffrages résultera du fait même de la prononciation du jugement ou de l'arrêt *.

'Cass. 11 oct. 1822, rapp. M. Louvot. J. P., t. XVII, p. 632; 34 oct. 1828, rapp. M. Ollivier, t. XXII, p. 316; 7 nov. 1840, rapp. M. Vincens StLaurent. Bull. n. 318.

2 Cass. 16 juin 1814, rapp. M. Schwendt. J. P., t. XII, p. 267.

* Cass. 26 déc. 1820, rapp. M. Voysin de Gartempte. J. P., t. XVI, p. 267.

Ces règles s'appliquent, non-seulement lorsque les juges qui ont siégé sont tous membres du tribunal comme titulaires ou suppléants, mais aussi lorsque parmi eux se trouve un avocat appelé, en vertu de l'art. 30 de la loi du 22 ventôse an XII, à compléter le tribunal; cet avocat, en effet, devient juge de l'affaire à la décision de laquelle il concourt et doit être soumis à toutes les règles établies pour la garantie des justiciables. Mais elles ne s'appliquent pas au cas où l'officier du ministère public, qui a pris les réquisitions, est parent ou allié au degré prohibé de l'un des juges; car il faut, pour l'application de l'avis du conseil d'État du 23 avril 1807, que deux magistrats, parents ou alliés au degré prohibé, aient délibéré et opéré dans la même affaire *.

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I. Du ministère public. II. Constatation de sa présence.

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I. Nous avons développé précédemment toute l'organisation du ministère public 3; nous avons examiné ensuite si les officiers du ministère public peuvent être récusés 4, s'ils peuvent être pris à partie 3, s'ils peuvent être condamnés aux dépens ❝. Nous ne pouvons que nous référer à ces précédentes obser

vations.

II. La seule règle que nous ayons à établir ici est la nécessité de la présence du ministère public à l'audience.

La juridiction correctionnelle n'est constituée que par la présence et le concours d'un magistrat du ministère public, en première instance, du procureur impérial ou de l'un de ses substituts, en appel, du procureur général, ou d'un avo

1 Cass. 7 nov. 1840, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 318. Cass. 21 juin 1838. rapp. M. Isambert. Bull. n. 173; 16 janv. 1851, rapp. M. Isambert, n. 23.

* Voy. t. II, p. 185, 247 et 430.

4 Voy. t. II, p. 430, et Conf. cass. 30 juill. 1847, rapp. M. Isambert. Bull. n. 166,

Voy. t. II, p. 437. — * T. II, p. 451.

cat général ou substitut du parquet. Elle ne peut agir, elle n'existe même qu'avec ce concours. Le ministère public est l'un de ses membres, l'un de ses éléments essentiels. La loi lors même qu'elle se trouve déjà saisie de l'action publique, lui interdit de statuer si l'intérêt général de la société, dont le ministère public est l'organe, n'est pas représenté devant elle : l'instruction n'est pas complète, elle est nulle s'il n'est pas entendu. Cette règle est commune à toutes les juridictions répressives.

L'art. 190 du C. d'instr. cr. la consacre formellement en exigeant que le procureur impérial expose l'affaire, la résume et donne ses conclusions; l'art. 210 reproduit cette disposition pour l'appliquer à la procédure d'appel; et l'art. 408, que l'art. 413 étend aux matières correctionnelles, prononce la nullité des jugements et arrêts qui ont omis ou refusé de statuer sur les réquisitions du ministère public.

La jurisprudence n'a fait que se conformer à ces textes lorsqu'elle a déclaré que ce qui est substantiel à l'instruction, c'est la présence et l'audition du ministère public', » et « que cette audition est une forme essentielle des jugements de la juridiction correctionnelle. Lors même que la juridiction d'appel n'est saisie que des intérêts civils, le ministère public ne cesse pas d'être partie nécessaire « puisque, dit un arrêt, pour fonder la compétence de cette juridiction, les faits doivent être qualifiés, d'après les dispositions des lois pénales, et que les réparations civiles ne sont que l'accessoire de l'existence de cette qualification 3. » Il eut été plus logique de motiver simplement la nécessité, même dans ce cas, de la présence du ministère public sur ce que la juridiction correctionnelle, quelle que soit la matière dont elle est saisie, ne peut fonctionner et n'existe qu'avec la présence de ce magistrat. Au surplus, cette présence est suffisamment constatée par la men

' Cass. 12 mai 1820, rapp. M. Aumont. J. P., t. XV, p. 984; 26 mai 1853, rapp. M. Rives. Bull. n. 183.

* Cass. 22 juill, 1853, à notre rapport. Bull. n. 365.

3 Cass. 22 mai 1841, rapp. M. Isambert. Bull. n. 150.

tion qu'il a été entendu ou même par la mention faite aux qualités du jugement ou de l'arrêt que la cause était engagée entre les parties y dénommées et le ministère public '.

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I. Du greffier. — II. Des huissiers.

I. Nous avons établi précédemment, relativement aux tribunaux de police, qu'à chaque juridiction est attaché un greffier pour constater les actes du juge el tenir le dépôt des minutes, et que l'assistance de cet officier ministériel à l'audience de ces tribunaux est une forme essentielle de leur constitution ..

La même règle s'applique aux tribunaux correctionnels. C'est ce qui résulte de l'art. 1040 du C. de pr. civ., de l'article 91 du décret du 30 mars 1808 et des art. 153, 155, 90 et 211 du C. d'instr. cr. La loi du 13 juin 1856 a en outre ajouté à l'art. 189 l'addition suivante : « le greffier tiendra note des déclarations des témoins et des réponses du prévenu. Les notes du greffier seront visées par le président dans les trois jours de la prononciation du jugement. » Il suit de ces textes que cet officier public étant institué pour recueillir les faits qui se passent à l'audience, les constater et en rendre témoignage, sa présence à tous les actes de la procédure qui concerne l'examen et le jugement est une condition substantielle de leur régularité'.

En général, tout jugement doit donc renfermer soit expressément, soit implicitement, la preuve de l'assistance du greffier ou du commis assermenté qui le représente 4. Cependant il n'est pas rigoureusement nécessaire que sa signature soit apposée sur la minute du jugement, car l'art. 196 ne l'exige

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Cass., 10 fév. 1831, rapp. M. de Crouseilhes. Dev. 31, 1, 311.

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Cass. 13 avril 1837, rapp. M. Bresson. Bull. n. 110.

* Cass. 14 août 1838, rapp. M. Rocher, Bull. n. 276.

pas formellement, il suffit que sa présence soit constatée. Et la preuve de cette assistance, si elle ne se trouvait pas, comme cela devrait toujours être, dans le jugement lui-même, peut résulter d'autres documents juridiques, par exemple d'une décision par laquelle le tribunal aurait ordonné à un commisgreffier de signer la minute d'un jugement ou mème d'un extrait du registre de pointe. Aussi, la Cour de cassation, lorsque le moyen pris du défaut d'assistance à l'audience du greffier, est dans l'usage d'ordonner, par un arrêt avant faire droit, l'apport de toutes pièces pouvant former la preuve légale et juridique de cette assistance, et ce n'est que dans le cas où la présence ne résulte ni des énonciations du jugement, ni des pièces produites, qu'elle prononce la nullité 4.

II. Les huissiers qui font le service des audiences sont soumis aux règles prescrites par les art. 94, 95 et 96 du décret du 30 mars 1808, les art. 65 et suiv. du décret du 18 juin 1811 et les art. 38 et suiv. du décret du 14 juin 1813.

'Cass. 8 fév. 1839, rapp. M. Vincens St-Laurent. Bull. n. 38. Même arrêt.

Cass. 20 déc. 1838 (aff. Delebecque), non imprimé.

* Cass. 26 mai 1842, rapp. M. Vipcens St-Laurent. Bull. n. 127.

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