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aux lois existantes. Un autre arrêt porte également : Qne l'arrêt du parlement de Besançon, du 19 novembre 1764 (portant une amende de 3,000 liv. contre les cabaretiers qui permettent les jeux de hasard), rentre dans les objets de police qui sont confiés à la vigilance et à l'autorité des corps municipaux par l'art. 3, tit. II, de la loi du 16-24 août 1790, puisqu'il tend au maintien du bon ordre dans les lieux publics; qu'en rappelant ses administrés à son observation, le maire de Besançon, qui aurait pu porter personnellement la même défense, n'a fait qu'exercer le droit qu'il tient à cet égard de l'art. 46 de la du 19-22 juillet 1791; qu'on ne saurait donc enfreindre la disposition de cet arrêt sans encourir l'application de l'art. 471, no 15, C. p., qui en est aujourd'hui la seule sanction légale ".

III. L'application des réglements spéciaux donne lieu à des difficultés plus graves.

Ce n'est plus dans les lois du 16-24 août 1790 et du 19-22 juillet 1791 qu'il faut chercher le titre de leur vie actuelle; c'est dans l'art. 484 du C. pén. qui porte : « Dans toutes les matières qui n'ont pas été réglées par des lois et réglements particuliers, les cours et les tribunaux continueront de les observer. On lit dans l'exposé des motifs du Code:

« Cette disposition était d'absolue nécessité. Elle maintient les dispositions pénales sans lesquelles quelques lois, des codes entiers, des réglements généraux d'une utilité reconnue, resteraient sans exécution. Ainsi elle maintient les lois et réglements actuellement en vigueur, relatifs aux dispositions du Code rural qui ne sont point retracées dans le code; aux taxes, contributions directes ou indirectes, droits réunis, de douanes et d'octrois; aux tarifs pour le prix de certaines denrées ou de certains salaires; aux calamités publiques, comme épidémies, contagions, disettes, inondations; aux entreprises de services publics, comme coches,. mes

'Cass. 7 oct. 1826, rapp. M. Cardonnel. J. P., t. XX, p. 879, et 12 nov. 1830, rapp. M. de Crouseilhes, t. XXIII, p. 830.

* Cass. 19 janv. 1837, rapp. M. Rives. Bull. n. 22, et dans le même sens, 11 oct. 1851, rapp. M. Nouguier, n. 453; 13 janv. 1853, rapp. M. Rives. Bull, m. 11.

sageries, voitures publiques de terre et d'eau, voitures de place, numéros ou indication de noms sur voitures, postes aux lettres et postes aux chevaux ; à la formation, entretien et conservation des rues, chemins, voies publiques, ponts et canaux ; à la mer, à ses rades, rivages et ports, et aux pêcheries maritimes; à la navigation intérieure, à la police des eaux et aux pêcheries; à la chasse, aux bois, aux forêts; aux matières générales de commerce; affaires et expéditions maritimes; bourses ou rassemblements commerciaux, police des foires et marchés; aux commerces particuliers d'orfévrerie, bijouterie, joaillerie, de serrurerie et des gens de marteau, de pharmacie et apothicairerie, de poudres et salpêtres, des arquebusiers et artificiers, des cafetiers, restaurateurs, marchands et débitants de boissons, de cabaretiers et aubergistes; à la garantie des métières d'or et d'argent; à la police des maisons de débauches et de jeu; à la police des fêtes, cérémonies et spectacles; à la construction, entretien, solidité, alignement des édifices et aux matières de voirie; aux lieux d'inhumation et de sépulture; à l'administration de police et de discipline des hospices, maisons sanitaires et lazarets; aux écoles, aux maisons de dépôt, d'arrêt et de justice et des peines de détention correctionnelle et de police; aux maisons ou lieux de fabrique, manufactures ou ateliers; à l'exploitation des mines et des usines; au port d'armes, au service des gardes nationales, à l'état civil, etc. »

Cette nomenclature, purement démonstrative d'ailleurs, qui a pour objet de fournir des exemples des nombreuses matières sur lesquelles les anciens réglements sont maintenus, a un double défaut : elle est incompléte, d'abord, et elle mêle ensuite à des matières de police générale quelques objets de police locale et d'autres objets étrangers même à la police. D'un autre côté elle mentionne plusieurs matières qui ont été ultérieurement réglées par la loi ou par des réglements. Il faut donc se reporter à la règle posée par l'art. 484, qui maintient tous les réglements dans les matières que la loi n'a pas réglées. Mais quelles sont les matières qui doivent être considérées comme réglées? Un avis du conseil d'État, approuvé le 8 février 1812, décide : « que l'art. 484, en ne chargeant les Cours et tribunaux d'observer les lois et réglements particuliers non renouvelés par le Code, que dans les matières qui n'ont pas été réglées par ce Code même, fait clairement entendre que l'on doit tenir pour abrogées toutes les anciennes

lois, tous les anciens réglements qui portent sur des matières que le Code a réglées, quand même ces lois ou réglements prévoiraient des cas qui se rattachent à ces matières, mais sur lesquelles le Code est resté muet; qu'à la vérité, on ne peut pas regarder comme réglées par le Code pénal, dans le sens attaché à ce mot réglées par l'art. 484, les matières relativement auxquelles ce Code ne renferme que quelques dispositions éparses, détachées, et ne formant pas un système complet de législation; et que c'est par cette raison que subsistent encore, quoique non renouvelées par le Code pénal, toutes celles des dispositions des lois et réglements antérieurs à ce Code, qui sont relatives à la police rurale et forestière, à l'état civil, aux maisons de jeu, aux loteries non autorisées par la loi, et autres objets semblables. que ce Code ne traite que dans quelques-unes de leurs branches. >>

Cette explication du Code est-elle suffisamment claire et précise? Assurément non; car comment distinguer les matières sur lesquelles le Code a voulu statuer d'une manière complète et celles sur lesquelles il n'a voulu statuer qu'en un seul point? N'est-il pas possible que ce point soit le seul que le législateur ait voulu maintenir au milieu d'une législation détruite? Mais il était peut-être difficile de poser une règle plus nette. Les matières qui ont été réglementées dans notre ancienne jurisprudence sont si nombreuses, et il y aurait eu de si graves inconvénients à frapper à la fois de stérilité tant d'anciens réglements, dont les dispositions dictées par l'expérience peuvent être utiles encore, qu'il était nécessaire de laisser une porte ouverte à leur application. Ce qu'on doit considérer surtout, pour apprécier leur validité actuelle, c'est le caractère de la matière qui en fait l'objet : s'il s'agit d'une matière commune, ils ont cessé d'être applicables, lors mème que leurs dispositions n'auraient pas été reproduites dans le Code. S'il s'agit, au contraire, d'une matière spéciale, ils doivent, en général, conserver leur autorité, à moins qu'ils n'aient été abrogés ou remplacés, ou que leurs dispositions

ne soient incompatibles avec les règles de la législation nouvelle.

Mais la question qui nous touche principalement ici est de savoir quelle doit être la pénalité applicable aux contraventions à cette classe de réglements; car ce n'est que lorsque cette pénalité sera fixée, que nous saurons s'ils appartiennent ou non à la matière de la police. Faut-il maintenir les peines qu'ils ont édictées, si d'ailleurs ces peines ne sont pas contraires à notre système pénal actuel? Faut-il, comme en ce qui concerne la première classe des anciens réglements, ne leur donner d'autre sanction pénale que l'art. 471, no 15, du C. pén.?

D'abord, il n'est pas douteux que si ces réglements, quoiqu'ils soient généraux et non locaux, se réfèrent à l'une des matières énumérées par l'art. 3, tit. II de la loi du 16-24 août 1790, les peines ne peuvent être que celles de police. Nous en avons donné tout à l'heure la raison : l'art. 5 de la même loi déclare formellement que les contraventions de police prévues par l'art. 3 ne peuvent être punies que des peines de police; c'est là une règle générale qui abroge nécessairement toutes les sanctions pénales attachées aux anciens réglements de police rendus sur les mêmes matières; car il serait inadmissible que la même contravention, commise avec les mêmes circonstances, fùt frappée là d'une peine de police, ici des peines édictées par un ancien réglement, par cela seut qu'elle serait prévue par une disposition ancienne ou nouvelle. La difficulté ne s'élève donc qu'en ce qui concerne les anciens réglements maintenus par l'art. 484 et qui portent sur d'autres matières que celles prévues par la loi du 16-24 août 1790. L'art. 5 de cette loi s'applique-t-il encore à leurs infractions?

La jurisprudence a hésité sur cette seconde question comme

1 Cass. 19 brumaire an 11, rapp. M. Barris. J. P., t. III, p. 38; 19 janv. 1818, rapp. M. Aumont; t. XIV, p. 566; 7 juin 1821, rapp. M. Chasle, t. XVI, p. 657; 3 oct. 1823, rapp. M. Aumont, t. XVIII, p. 164; 20 fév. 1829, rapp. M. Gary, t, XXII, p. 716; 5 fév, 1847, rapp. M. Rives. Bull. n. 25.

elle l'avait fait sur la première. Elle a longtemps décidé : « que l'art. 484, quand il prescrit aux cours et tribunaux de continuer d'observer les anciens réglements dans toutes les matières qu'il n'a point réglées, n'a pu et voulu parler que des défenses qui s'y trouvent contenues; que l'infractien de ces anciens réglements n'entraîne dès lors aujourd'hui que l'application des art. 471 n° 15 et 474 du C. pén. . » Mais pourquoi cette distinction entre les défenses et les pénatités? Est-ce que l'art. 484, quand il maintient les réglements spéciaux, ne les maintient pas tout entiers? Est-ce qu'il distingue entre leurs dispositions réglementaires et leurs dispositions pénales? L'article 5 de la loi du 16-24 août 1790 étend, à la vérité, l'application des peines de police à toutes les contraventions aux réglements de police; mais cet article doit-il s'appliquer à des réglements qui n'appartiennent plus à la police municipale et qui statuent sur des objets spéciaux tout à fait étrangers aux matières confiées à la surveillance de cette police? Il est juste et logique que les mêmes infractions soient punies d'une peine commune, que les mêmes intérêts soient couverts d'une égale protection; ainsi, toutes les règles de la police municipale ayant en général la même gravité et produisant le même préjudice, une pénalité uniforme doit être étendue à toutes leurs infractions. Mais en est-il ainsi quand les réglements ont pour objet des intérêts spéciaux, dont la gravité n'est plus la même que celle des intérêts de la police, quand leurs prescriptions ont une importance relative qui ne peut être ramenée aisément au niveau des prescriptions de police locale? N'est-ce pas changer la nature de ces réglements que de les assimiler aux arrêtés municipaux? N'est-ce pas, au lieu de les maintenir, comme le veut la loi, en méconnaitre la portée et en effacer indirectement les prohibitions?

Ces observations ont donné un nouveau cours à la jurisprudence. Nous citerons quelques arrèts: 1o Une poursuite pour contravention aux règles de la pêche du goëmon était

Cass. 17 déc. 1844, rapp. M. Rives, Bull, no 360.

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